Apocryphes coptes

LES ÉVANGILES APOCRYPHES

ÉVANGILE DE NICODEME.

 

Traduction française : GUSTAVE BRUMET

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

ÉVANGILE DE NICODÈME.

PRÉFACE.

 

Les Actes de Pilate ont joui dans les premiers temps de l'Église d'une grande autorité ; St Justin, Tertullien, Eusèbe et bien d'autres écrivains ecclésiastiques s'appuient de leur témoignage. Ce que ces divers auteurs rapportent comme se trouvant dans ces Actes se rencontre aussi dans la composition connue sous le nom d’Evangile de Nicodème, et qui se compose de deux parties bien distinctes ; la première s'étend jusqu'au seizième chapitre ; elle donne le récit de la condamnation, de la passion, de la sépulture et de la résurrection de Jésus-Christ, récit compilé d'après les Évangélistes, d'après les Actes de Pilate et grossi de quelques fables ; la seconde partie, chapitre 17 à 27, renferme le récit si remarquable des fils de Siméon, Carinus et Leucius, rappelés à la vie et racontant la descente de Jésus-Christ aux enfers et ce qui se passa dors entre les puissances de l'abîme, les patriarches et le Sauveur.

Cette légende est sans nul doute l'œuvre d'un écrivain de race juive qui voulait opposer à l'incrédulité des sectateurs de Moïse, le témoignage des contemporains de Jésus-Christ ; il est probable qu'il vivait au cinquième siècle, mais à cet égard, comme à celui de la langue dont il fit usage, on en est réduit à des conjectures plus ou moins hasardées. A l'exception d'un compilateur obscur que cite Léon Allatius, (De libris eccles. Grœc. p. 235), les auteurs grecs ne font nulle part mention de l'Évangile de Nicodème ; par contre, nous le voyons de bonne heure goûté et répandu dans tout l'occident Grégoire de Tours est le premier qui en ait fait usage ; dans son Histoire des Francs, liv. 1, ch. 21 et 24, il l'analyse en détail ; Vincent de Beauvais, Jacques de Voragine et une foule d'autres écrivains du moyen-âge, ont maintes et maintes fois recouru à cet écrit dont l'autorité n'est jamais suspecte à leurs yeux.

Remarquons aussi que la légende telle que la donne la seconde partie de l'Évangile en question, a été connue d'un grand nombre de docteurs de l’une et de l'autre église. Un auteur grec, Eusèbe d'Alexandrie, dans un discours publié pour la première fois par Augusti, la paraphrase avec énergie ; elle ne renferme guère une seule phrase que l'on ne pût mettre en regard de citations multipliées prises chez maint écrivain des premiers siècles. Thilo a discuté tous ces rapprochements dans un commentaire étendu que nous avons dû laisser de côté, notre intention étant d'écarter de notre travail tout ce qui ressemblerait à une discussion théologique.

Nous mentionnerons comme offrant des recherches de philologie assez étendues les travaux de W. H. Brunn, Disquisitio hist. crit. de indole, aetate et usu libri apocr. vulgo inscrip. Evang. Nicod. (Berlin, 1784. 8°), et ceux de Staudlip, (Gotting. Dibl. der neuest. theol. liter. 1, 762, et Nürnberg litt. Zeit. 1794, n° 94, p. 745). Ces divers ouvrages se rencontrent assez difficilement en France, mais on peut y suppléer en recourant à celui que nous allons indiquer.

Un écrivain dont les travaux déjà assez nombreux (1) témoignent d'une érudition solide et d'un goût bien rare pour des recherches sérieuses, M. Alfred Maury, a récemment inséré dans la Revue de philologie, de littérature et d'histoire ancienne, tom. II, n° 5, p. 428 à 442, une dissertation sur la date de l'Évangile de Nicodème et sur les circonstances auxquelles on peut attribuer la rédaction de cet ouvrage. Indiquons succinctement à quelles conséquences l'examen des textes amène M. Maury.

Le nom d'Amanias ou plutôt d'Emmaïas que l'auteur se donne parait être le nom grécisé de Heneb. Cet auteur prétend avoir travaillé d'après un original hébreu, mais ce qui montre qu'il a suivi des écrits latins, c'est qu'il a intercalé, dans sa version grecque, des mots latins qu'il a seulement transcrits en caractères helléniques. Parmi les noms donnés aux prosélytes qui s'annoncent comme Juifs de nation, on trouve des noms latins que jamais n'ont portés des Israélites. En somme, la rédaction de la première partie de l'Évangile de Nicodème ne semble pas remonter bien au-delà du cinquième siècle. L'auteur se présente comme un Juif converti ; s'il dit vrai, il était peu instruit dans sa langue, et, loin d'avoir travaillé d'après un texte hébreu, il n'a fait qu'une compilation où des détails empruntés à un apocryphe latin ou du moins à des légendes latines plus anciennes sont mêlés à des faits racontés dans les Évangiles Canoniques.

La seconde partie ne paraît point, Comme l'ont pensé quelques critiques, une œuvre distincte de la première, avec laquelle une main plus moderne l'aurait raccordée. La ressemblance du style, la liaison des idées, indiqué un seul et même auteur.

« Quant au fond du récit de la descente de Jésus-Christ aux enfers, il est évidemment puisé chez les auteurs chrétiens des troisième et quatrième siècles. En parcourant les ouvrages des Pères de cette époque, on retrouve le même langage, les mêmes figures oratoires ; seulement dans le pseudo-évangile le tableau s'est agrandi ; il a pris des proportions plus fortes, et le côté allégorique a fait place à l'interprétation littérale. » À l'appui de cette assertion, M. Maury met à côté de divers passages de l’écrit qui nous occupe, de nombreuses Citations empruntées aux écrits de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Jean Chrysostôme, de Firmicus Maternus, d'Origène, de saint Hippolyte, etc. Il montre que l'idée de presque tous les faits présentés dans la relation des prétendus fils de Siméon sont puisés chez les auteurs ecclésiastiques des troisième, quatrième et cinquième siècles, circonstance qui montre que cette composition est l'œuvre d'un Juif converti, ou du moins d'un chrétien imbu de croyances judaïques qui vivait à peu près de l'an 405 à 410 et qui s'est proposé de combattre indirectement l'opinion d'Apollinaire ; cet évêque de Laodicée, a la fin du quatrième siècle, rejeta le dogme de la descente aux enfers, dogme qui contrariait la doctrine qu'Apollinaire exposait au sujet de l'incarnation, il fut le chef d'une secte qui ne tarda pas à s'éteindre.

M. Maury remarque que les monuments figurés montrent que l'art chrétien emprunta ses sujets à l’Evangile de Nicodème. Il cite des diptyques publiés par Gori, (Thesaurus veter. Diptych. tom. I, pl. 14, 30 et 51), qui représentent le Christ se penchant vers le fond de l'enfer représenté par un autre et en tirant par la main un des Saints qui s'élancent vers lui, ou bien foulant aux pieds le démon et allant délivrer les justes. Ailleurs, il marche sur les portes de l'enfer et délivre divers personnages dans lesquels on peut reconnaître Adam, Eve et le bon larron. Des sujets analogues se retrouvent dans l’Histoire de l’art par Seroux d'Agincourt, (peinture, pl. 52 et 69).

Ce serait une longue tâche que de vouloir entreprendre l'histoire littéraire d'une composition aussi célèbre durant des siècles, aussi répandue que l'Évangile de Nicodème. Bornons-nous à en offrir une esquisse.

Le texte grec se trouve, très défiguré par l'impéritie des copistes, dans quatre manuscrits conservés à la bibliothèque du Roi ; Thilo les a collationnés avec un soin scrupuleux et il s'est aidé des diverses leçons qu'ils présentent pour arriver à présenter le sens le plus naturel. Il s'est également servi de deux manuscrits grecs de la bibliothèque de Munich, l'un et l'autre incomplets, mais qui lui ont fourni de bonnes variantes d'un manuscrit du Vatican, déjà publié par Birch, (Auctuar. p. 109 et 151), et d'un manuscrit de Venise où nous apprenons qu'à des époques peu éloignées, l'Évangile de Nicodème se lisait dans les églises grecques, non comme faisant partie de l'Écriture-Sainte, mais comme légende édifiante et digne de foi, comme l'œuvre d'un auteur respectable.

Quant au texte latin, Thilo a donné celui d'un manuscrit fort ancien de la bibliothèque du couvent d'Einseidlin, manuscrit qui paraît antérieur au dixième siècle et dont il a confronté les leçons nouvelles avec un grand nombre de manuscrits dispersés à Halle, à Rome, à Copenhague, à Paris ; la bibliothèque royale en contient dix-huit (2) ; le savant allemand en a collationné six en entier ; aucun ne lui a fourni un texte préférable à celui que donne le Codex Einsidlensis. Une multitude d'autres copies sont éparses dans toutes les grandes bibliothèques ; l'ancien catalogue de la Bodléienne à Oxford en indique treize, mais aucun d'eux n'offre rien de nouveau.

C'est à l'Évangile de Nicodème qu'est due l'introduction dans les traditions armoricaines et dans les romans de la Table-Ronde du mythe célèbre du St-Graal, de ce vase sacré dans lequel Joseph d'Arimathie avait recueilli le sang précieux de son maître.

Le roman de l'enchanteur Merlin semble de son côté s'annoncer comme une suite de la seconde portion de l'Évangile dont nous parlons. Voici le début en prose de cette composition si populaire au moyen-âge.

« Molt fu iriés li anemis quant nostres sires ot estet en infer, et il en ot gité Eve et Adam et des autres tant com lui plot, et quant li deables virent ce, si en orent malt grant paour, et mult lor vint à grant mervelle, si s'assamblèrent luit et disent : Qui est cil bons qui ci nous a esforchiés, etc. »

Dès son début l'imprimerie se hâta de répandre une légende qui avait donné tant d'ouvrage aux copistes. Les bibliographes en ont enregistré trois éditions latines, exécutées en Allemagne avant 1500 ; il en existe d'autres de Leipzig, 1516 ; Venise, 1522 ; Anvers, 1528 ; Paris, 1545. Le texte de ces diverses éditions présente des différences qu'il serait fort inutile de discuter ; nous dirons seulement que le plus mauvais de tous les textes est celui de l'édition de Fabricius ; il n'a été revu sur aucun manuscrit ; il paraît avoir été formé un peu à la hâte, d'après la confrontation de deux ou trois des anciennes éditions, sans que rien indique celles que l'éditeur a eues sous les yeux. Birch et Schmid ont donné, sans rien y changer, le texte de Fabricius, Jones a fait usage de celui que présente le recueil de Grynœus (Monumenta S. S. Patrum, 1569), en y introduisant quelques corrections. Il n'est plus permis dorénavant de citer un autre texte que celui de l'édition de Thilo.

Les diverses nations de l'Europe s'empressèrent de s'approprier un ouvrage qui répondait si bien aux croyances de l'époque. Les versions de l'Évangile de Nicodème se multiplièrent rapidement et c'est un fait qu'il ne sera pas permis de négliger lorsque l'on voudra écrire l'histoire de la traduction au moyen-âge, travail curieux et bien propre à faire connaître le mouvement intellectuel dit monde civilité pendant quatre siècles.

Cette légende paraît surtout avoir joui d'une grande faveur en Angleterre ; de nombreuses traductions restées manuscrites, sont répandues dans les bibliothèques des Trois-Royaumes ; l'hérésiarque Wiclef fut du nombre de ces translateurs. De 1507 à 1532, l’on en connaît sept éditions imprimées à Londres chez Julien Notary, chez Winkin de Worde, chez J. Scott, et il existe aussi deux éditions sans date, dont l’une fut exécutée à Rouen, chez J. Gousturier ; ce n'est pas le seul ouvrage publié alors en Normandie pour l'usage des lecteurs britanniques (3).

En 1767, une ancienne traduction anglaise parut à Londres, chez Joseph Wilsond qui rajeunit l'orthographe, mais qui ne s'expliqua point sur l'origine de la légende qu'il publiait. Elle offre un récit qui s'écarte en maint endroit du texte latin tel que le donne Thilo ; elle renferme des traits fabuleux et des détails singuliers qui paraissent avoir été ajoutés après coup. Nous en rapporterons le prologue :

« Il arriva dans la dix-neuvième année du règne de Tibère César, empereur de Rome, et sous le règne d'Hérode qui était roi de Galilée, la quatrième année du fils de Velom qui était conseiller de Rome comme Olympias l'avait été deux cent deux ans auparavant, Alors Joseph et Anne étaient élevés eu seigneurie au-dessus des juges, des magistrats, des mages et de tous les Juifs. Nicodème, qui était un digne prince » écrivit cette histoire en hébreu, et Théodose, l'empereur, la fit traduire de l'hébreu en latin, et l'évêque Turpin la traduisit du latin eu français, et s'ensuit cette bienheureuse histoire, appelée l'Évangile de Nicodème. »

Dans aucun des manuscrits latins «il n'est à ce que nous voyons fait mention de Turpin, devenu si fameux au moyen-âge, comme le fidèle compagnon de Charlemagne et comme son historiographe.

Dans un recueil d'ouvrages anglo-saxons que Ed. Thwaites mit au jour à Oxford en 1698, l'on trouve une version de l'Évangile de Nicodème, faite sur un texte latin tel que le présentent, avec peu de différences, tant de manuscrits.

Une traduction française d'une portion de cette légende, se rencontre dans un roman de chevalerie, où l'on n'irait pas la chercher, dans l’Histoire du roi Perceforest, publiée à Paris, en 1528, en 3 volumes in-folio, réimprimée dans la même ville en 1531-1532. C'est au 66e chapitre du 6e livre (feuillet 121 du 6e volume de la 1ère édition ; feuillet 107 du tome 3 de la 2e), que se trouve l'extrait eu question. Ce chapitre est intitulé : Comment le roy Arfaran sen alla en lysle de vie, publier la foy catholicque et racompter au long la passion et résurrection de Jésus-Christ au roy Gadiffer Descosse et au roy Perceforest Dangleterre, à la sage royne et aux autres, et du contenu des lettres que Pylate escrypuit à Claudius empereur de Romme. Le prêtre Nataël qui a eu pour maître Joseph d’Alarimathie et qui accompagne le roi Arfaran, lit devant une réunion choisie où se distinguent plusieurs têtes couronnées, la benoyste passion tout ainsi que Nicomedus la fist escrypre mot à mot, laquelle passion « ajouta-t-il : » jay sur moy escrypte de ma propre main, mal volontiers yrois sans lavoir.

Il sortit en 1497, des presses de J. Trepperel, un écrit intitulé : Passion de N.-S.-Jésus-Christ, faicte et traitée par le bon maistre Gamaliel et Nicodemus son neveu, et le bon chevalier Joseph Dabrimatie translatée du latin en françois. Ce volume est orné de figurés en bois, assez jolies.

C'est un in-4° de 58 feuillets non chiffrés et dont le dernier, signé L iii, est suivi de trois feuillets non signés. Le titre du livre est ainsi conçu : « A loneur de Nostre-Seigneur-Ihesucrist a este translatée de latin en françoys la benoiste passion et résurrection par le bon maistre Gamaliel et Nichodemus son nepueu et le bon cheualier Ioseph Dabarimathie disciples de Ihesucrist laquelle sensuyt.

On lit au verso du premier feuillet :

« Cy commence la mort et passion de Ihesucrist laquelle fuct faicte et traitée par le bon maistre Gamaliel et Nicodemus son nepueu et le bon cheualier Ioseph Dabrimathie, disciples secrets de Notre-Seigneur.

» En celluy temps que Ihesucrist prit mort et passion en la cite de Hierusalem soubz la main de Ponce-Pylate qui estoit senechal de Hierusalem pour Iulius César, empereur de Romme, et auoit son lieu en Hierusalem et en Cesarie partout icelluy regne, et auoit Pylate auec soy ung gentilhomme cheualier (2e feuillet recto) qui auoit nom Nicodemus, lequel auoit cent cheualiers soubz soy qui estoient aux gages de l'empereur pour garder la cité d'Ihlz, pour conseiller et ayder à Pylate ; aussi estoit ung maistre à Hierusalem qui lisoit les loys de Moyse qui auoit nom Gamaliel, qui estoit moult sage et Pylate et les outres Iuifs croioient fort son conseil et estoit oncle de Nicodemus et aussi auoit là ung prudhomme qui auoit nom Ioseph Dabarimatie qui estoit né naturellement à Barimathie, et estoit Iuif et disciple de Ihesucrist secretement, car il ne osoit faire semblant pour doubte des Iuifz. Mais segretement il escoutoit les paroles de Ihesucrist et estoit à ses sermons, uoulentiers aloit là où il sçauoit les amys de Ihesucrist et quant Pilate auoit riens afaires, il mandoit Gamaliel, Nichodemus et Ioseph et tout ce qu'ilz lui conseilloit, il faisoit. »

Rapportons une circonstance relatée au feuillet E ii :

« Comme après que Ihesucrist fut trespasse Annas et Cayphas allèrent autour de la croix veoir si estoit mort. Et tantost Annas et Cayphas et plusieurs aultres des Iuifz allèrent enuiron la croix pour veoir si Ihesucrist estoit mort et les aultres non, et Cayphas dist à Centurion quil lui faillit percer le costé dune lance et Centurion dist que riens nen feroit pour tout le monde, car il auoit veu les plus grands merueilles que onques ne vit ne ouyt dire pour mort de nul homme, et tantost ung Iuif qui auoit nom Longis et estoit aueugle et si estoit un gentilhomme de Romme qui le prit par la main et lu y dist : Veulx-tu recouruer la veue ; oui, dist-il, sil se peult faire, et le Iuifz print une longue lance et fist toucher le fer de la lance au coste de Ihesucrist et lui dist quil boutast fort, et tantost en yssit sang et eaue meslee et descendit du long de la lance iusques aux mains de ce Longis et il en toucha ses yeulx, or tantost après quil eut touché à ses yeulx, il vit clerement et tous ceulx qui uirent le miracle cheurent par terre et disoient que mal leur estoit pris, car ils auoient liure à mort Ihesucrist, et Ioseph Dabrimathie prist ung vaisseau là où il retint le sang de Ihesucrist et retint la lance et la mist en la cite de Hierusalem. »

L'extrême rareté de ce livre nous fera pardonner les détails dans lesquels nous sommes entrés à son égard.

N'oublions pas un autre ouvrage du même genre :

La vie de Jesu-Crists — La mort et passion de Iesucrist, laquelle fut composée par les bons et expers-maîtres, Nicodemus et Joseph d'Arimathie. — La destruction de Hierusalem et vengeance de nostre Saulveur et Rédempteur Jésus-Christ, faicte par Vespasien et Titus son fils. Lyon. J. de Chandeney, 1510. 4°. La première des trois parties dont ce compose ce volume, est mêlée de vers et de prose ; elle se compose de 37 feuillets ; la seconde partie a 32 feuillets et la troisième 16.

En Italien, indépendamment de l'extrait qu'en donna d'après le français et de seconde main la dilettevole hxstoria del valorossissimo Parsafaresto Re della gran Bretagna (Venise, 1558, 6 vol. 8°), l'Évangile de Nicodème trouva divers traducteurs dont les travaux sont demeurés inédits. Lami indique comme se trouvant à la bibliothèque Riccardiana un Evangelio di Nicodemo Cotai. 1156, (p. 181) et Nicodeme Narrazione della reswrezione di Christo. D'après Lami qui en parle dans son savant ouvrage de cruditione Apostolorum (Florent. 1738, p. 181), le premier de ces manuscrits est une paraphrase plutôt qu'une traduction fidèle. Un manuscrit du Vatican (5420), contient une histoire de la passion de Jésus-Christ écrite en Italien par un Juif converti, du nom d'Isaac, et des emprunts considérables faits à la légende de Nicodème s'y font remarquer.

Nous ne connaissons pas de version espagnole, mais en allemand il en existe de nombreuses, restées inédites et toutes plus ou moins chargées d'Interpolations, L'on connaît six éditions imprimées séparément ; deux sont sans date, elles appartiennent au quinzième siècle ; les autres virent le jour en 1555, 1616, 1676 et 1684, Aucune n'offre de particularités dignes de remarque. Un livret en langue hollandaise sorti en 1671 des presses de Rotterdam» est intitulé : T’Wonderlyck Evangelium van Nicodemus,

On n'a trouvé encore aucune traduction complète de l'Évangile de Nicodème dans quelques-unes des langues de l'Orient, mais la trace des récits qu'il renferme se rencontre dans divers auteurs syriens ou coptes ; Assemani dans sa Bibliotheca Orientalis, (Rome, 1719-28, 4 vol. fº) et Zoëga dans un ouvrage que nous allons avoir occasion de citer, en ont fait mention ; des légendes puisées à la même source se montrent aussi dans divers manuscrits arméniens et arabes de la bibliothèque du Roi et de celle du Vatican. Nous donnerons ici la traduction du début d'une de ces relations arabes telle que l'illustre Silvestre de Sacy la fait passer en latin ; c'est celle du manuscrit n° 160 de la Bibliothèque du Roi.

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu ; le martyre de Pilate ; sermon qu'a composé notre Père saint, digne de toute vénération, l'abbé Hériaque, évêque de Balmessa, sur la résurrection de Notre-Seigneur-Jésus-Christ d'entre les morts et sur les tourments qu'il a soufferts dans la ville de Jérusalem, lorsqu'il fut crucifié, sous Ponce-Pilate. Lorsque Notre-Seigneur, Dieu et Sauveur, eut été crucifié, les vénérables princes Joseph et Nicodème, le descendirent de la croix et le placèrent dans un sépulcre neuf. La vierge Marie pleurait et désirait aller au sépulcre de son fils ; mais elle ne pouvait le faire à cause de la peur qu'inspiraient les Juifs, c'était le jour du Sabbat qui vient après la sixième fête et, ce jour-là, personne ne pouvait sortir ni se livrera quelque occupation que ce fût. Le matin de la première fête, la vierge Marie prit avec elle d'autres femmes et elle emporta des parfums pour oindre le sépulcre. Marie devança les autres femmes et elle vint au sépulcre avant que les ténèbres de la nuit fussent dissipées, et elle vit que la pierre qui fermait la porte du tombeau avait été ôtée. Et lorsqu'elle était frappée d'étonnement, elle vit deux Anges vêtus de blanc, assis l'un à la tête, l'autre aux pieds de l'endroit où avait été posé le corps de Jésus, et ils lui dirent : «Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle répondit : « Parce qu'ils ont enlevé le corps de mon Seigneur et je ne sais où ils l'ont mis. » Et se retournant, elle vit Jésus qui lui dit : « Femme, quel est le motif qui te fait verser des larmes et pourquoi pleures-tu ? etc. »

Dans la suite de son discours, l'écrivain oriental dit que tout ce qu'il raconte a été écrit par Gamaliel et Anne (Ananie), hommes pieux et doctes qui étaient avec Joseph et Nicodème et qui furent témoins de la passion ; il ajoute que Pilate obtint la palme du martyre, car il embrassa la foi de celui qu'il avait condamné, et Hérode, l'ayant envoyé à Rome, il y eut la tête tranchée.

M. Dulaurier, dans un écrit que nous avons déjà cité, a traduit un fragment des Actes de saint André et de saint Paul, inséré par Zoëga dans son Catalogus codicum copticorum qui in museo Borgiano adservantur (Romae, 1810, folio).

Saint Paul raconte qu'ayant pénétré dans le sein de l'abîme, il a vu le lieu où résident les âmes.

« Le Sauveur est descendu dans l'Amentès ; il en a retiré toutes les âmes qui s'y trouvaient, il l'a rendu désert ; les gardiens de l'Amentès pleurèrent sur le Diable en ces termes : Tu te glorifiais d'être Roi ; tu disais : c'est moi seul qui le suis. Nous voyons bien maintenant que c'est faux, car celui qui est ton Roi est venu ici et en a ramené toutes les âmes qui étaient soumises à ton pouvoir. — Alors le Diable s'adressant aux légions infernales : O vous puissances de mon empire, leur dit-il, qui pensez qu'un autre l'emporte sur nous, parce qu'il est descendu en ces lieux, ne nous reste-t-il pas une âme qu'il n'a pu délivrer ?…. Écoute-moi (ô mon frère André), je te dirai que j'ai vu les rues de l'Amentès désertes, personne ne les habitait et les portes que le Seigneur avait brisées étaient en morceaux. Tu vois ce fragment de bois qui est dans mes mains et que j'ai rapporté avec moi ; il fermait le seuil des portes que le Seigneur à détruites.

Moi, Émée Hébreu, qui étais docteur de la Loi chez les Hébreux, étudiant les Divines Écritures ; m'appliquant dans la Foi, aux grandeurs des Écritures de Notre-Seigneur Jésus-Christ, revêtu de la dignité du saint Baptême, et recherchant les choses qui se sont passées et qu'ont faites les Juifs sons le gouvernement de Ponce-Pilate ; trouvant le récit de ces faits écrits en lettres hébraïques par Nicodème, je l'ai interprété en lettres grecques, pour le porter à la connaissance de tous ceux qui adorent le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et je l'ai fait sous l'empire de Flavius Théodose, la dix-huitième année et sous Valentinien Auguste, Vous tous, qui lisez ces choses dans les livres grecs ou latins, je vous prie de daigner intercéder pour moi, pauvre pécheur, afin que Dieu me soit propice et qu'il me remette tous les péchés que j'ai commis. Que la paix soit aux lecteurs, le salut à ceux qui entendront. C'est la fin de la préface.

 

 


 

Ceci arriva dans la dix-huitième année de l'empire de Tibère, César, empereur des Romains, et d'Hérode, fils d'Hérode, empereur de Galilée, l'an dix-huitième de sa domination, le huit des calendes d'avril, qui est le vingt-cinquième jour du mois de mars sous le consulat de Rufin et de Rubelius ; la quatrième année de la deux-cent deuxième olympiade lorsque Joseph et Caïphe étaient grands-prêtres des Juifs ; et Nicodème écrivit alors en lettres hébraïques, le récit de tout ce qui s'était passé lors du Crucifiement du Seigneur et après sa Passion (4),

chapitRe Ier.

Anne, Caïphe, Summus, Dathan et Gamaliel, Judas, Lévi, Nephtali, Alexandre, Syrus et les autres princes des Juifs, vinrent à Pilate contre Jésus, l'accusant de beaucoup d'actions mauvaises et disant : Nous le connaissons pour le fils de Joseph le charpentier, et pour être né de Marie, et il dit qu'il est Roi et Fils de Dieu ; non seulement cela, mais il viole le Sabbat, il veut détruire la loi de nos pères. Pilate dit : Quelles sont les mauvaises actions qu'il commet ? Les Juifs répondirent : « Nous avons pour loi de ne guérir personne le jour du Sabbat ; celui-ci a malicieusement guéri le jour du Sabbat, des boiteux et des sourds, des impotents et des paralytiques, des aveugles, des lépreux et des démoniaques. » Pilate leur dit : « Comment t'a-t-il fait malicieusement ? » Et les Juifs lui répondirent : « C'est un magicien (5) ; et c'est au nom de Bélzébub prince des démons, qu'il chasse les démons et que toutes choses lui sont soumises. » Pilate dit : « Ce n'est pas l'effet d'un esprit immonde, mais celui de la puissance de Dieu, de chasser les démons. » Les Juifs dirent à Pilate : « Nous prions ta Grandeur d'ordonner qu'il comparaisse devant un tribunal, afin que tu l'entendes. » Pilate, appelant un messager, lui dit : « Que Jésus soit amené ici et traité avec douceur. » Le messager s'en alla, et trouvant Jésus, il l'adora, et étendit par terre le manteau qu'il portait, disant : « Seigneur, entre en marchant là-dessus, car le gouverneur t'appelle ! » Les Juifs, voyant ce qu'avait fait le messager, dirent à Pilate avec de grandes clameurs : « Pourquoi ne lui as-tu pas fait donner, par la voix d'un héraut, l'ordre d'entrer au lieu délai envoyer un messager. Car le messager le voyant l'a adoré et il a étendu par terre devant lui le manteau qu'il portait à la main (6) et il lui a dit : « Seigneur le gouverneur te mande. » Pilate, appelant à lui le messager, lui dit : « Pourquoi as-tu agi ainsi ? » Le messager dit : « Lorsque tu m'as envoyé de Jérusalem auprès d'Alexandre, j'ai vu Jésus assis sur un âne et les enfants des Hébreux, tenant des rameaux dans leurs mains, criaient : « Salut, fils de David ; «d'autres étendaient leurs vêtements sur son chemin, en disant. « Salut à celui qui est dans les Cieux ; béni celui qui vient au nom du Seigneur ! » Les Juifs répondirent au messager en criant : « Ces enfants des Hébreux s'exprimaient en hébreu ; comment, toi qui es grec, as-tu compris des paroles dites en hébreu ? » Le messager répondit : J'ai interrogé un des Juifs et lui ai dit : Qu'est-ce qu'ils crient en hébreu ? Et il me l'a expliqué, ». Pilate dit alors : Quelle est l'exclamation qu'ils prononcent en hébreu ? Et les Juifs répondirent : Hosanna. » Et Pilate dit : « Quelle en est la signification ? » Et les Juifs répondirent : elle signifie : « Seigneur, salut ! » Et Pilate dit : « Vous-mêmes, vous confirmez que les enfants s'exprimaient ainsi ; en quoi le messager est-il donc coupable ? » Et les Juifs se turent. Le gouverneur dit au messager : « Sors, et introduis-le. » Et le messager alla vers Jésus et lui dit : « Seigneur, entre, car le gouverneur t'appelle. » Jésus étant entré, les images que les porte-drapeaux portaient au-dessus de leurs enseignes, s'inclinèrent d'elles-mêmes et elles adorèrent Jésus (7). Les Juifs, voyant que les images s'étaient inclinées d'elles-mêmes pour adorer Jésus, crièrent fortement contre les porte-drapeaux. Alors Pilate dit aux Juifs : « Vous ne rendez pas hommage à Jésus, devant lequel les images se sont inclinées pour le saluer, mais vous criez contre les porte-enseignes, comme s'ils avaient eux-mêmes incliné leurs drapeaux et adoré Jésus. » Et les Juifs dirent : « Nous les avons vus agir de la sorte. » Le gouverneur, appelant à lui les porte-drapeaux, leur demanda : « Pourquoi avez-vous fait cela ? « Ils répondirent à Pilate : « Nous sommes des Païens et les esclaves des Temples ; comment aurions-nous voulu l'adorer ? Les enseignes que nous tenions se sont courbées d'elles-mêmes pour l'adorer. » Pilate dit aux chefs de la Synagogue et aux anciens du peuple : « Choisissez vous-mêmes des hommes forts et robustes et ils tiendront les enseignes, et nous verrons si elles se courberont d'elles-mêmes. » Les anciens des Juifs prirent douze hommes très robustes et leur mirent les enseignes dans les mains, et les rangèrent en présence du gouverneur. Pilate dit au messager : « Conduis Jésus hors du Prétoire et introduis-le ensuite. » Et Jésus sortit du Prétoire avec le messager. Et Pilate, s'adressant à ceux qui tenaient les enseignes, leur dit en faisant serment par le salut de César : « Si les enseignes s'inclinent quand il entrera, je vous ferai couper la tête ! » Et le gouverneur ordonna de faire entrer Jésus une seconde fois. Et le messager pria derechef Jésus d'entrer, en passant sur le manteau qu'il avait étendu par terre. Jésus le fit, et lorsqu'il entra, les enseignes s'inclinèrent et l'adorèrent.

chapitre II.

Pilate, voyant cela, la frayeur s'empara de lui et il commença à se lever de dessus son siège. Et comme il songeait à se lever de dessus son siège, la femme de Pilate, nommée Procule (8), envoya vers lui pour lui dire : « Ne fais rien contre ce juste, car j'ai beaucoup souffert cette nuit à cause de lui. » Pilate, entendant cela, dit à tous les Juifs : Vous savez que mon épouse est païenne et qu'elle a construit pour vous de nombreuses Synagogues ; elle m'a fait dire que Jésus était un homme juste, et qu'elle avait beaucoup souffert cette nuit à cause de lui. » Les Juifs répondirent à Pilate : « Est-ce que nous ne t'avions pas dit que c'était un enchanteur ? Voici qu'il a envoyé un songe à ton épouse (9). » Pilate, appelant Jésus, lui dit : « N'entends-tu pas ce qu'ils disent contre toit et tu ne réponds rien. » Jésus répondit : « S'ils n'avaient point le pouvoir de parler, ils ne parleraient point ; mais ils verront que chacun a la disposition de sa bouche, la faculté de dire des choses bonnes ou mauvaises. » Les anciens des Juifs dirent à Jésus : « Que voyons-nous ? d'abord que tu es né de la fornication ; secondement, que Bethléem a été le lieu de ta naissance, et qu'à cause de toi les enfants ont été massacrés ; troisièmement, que ton père et ta mère Marie se sont enfuis en Egypte, parce qu'ils n'avaient pas confiance dans le peuple. » Quelques-uns des Juifs qui se trouvaient là, et qui étaient moins méchants que les autres, disaient : « Nous ne disons pas qu'il est issu de la fornication, car nous savons que Marie a été fiancée à Joseph, et il n'est pas né de la fornication. » Pilate dit aux Juifs qui disaient que Jésus était issu de la fornication : « Ce discours est mensonger, car il y a eu fiançailles ainsi que l'attestent des personnes d'entre vous. » Anne et Caïphe dirent à Pilate : « Toute la multitude crie qu'il est né de la fornication, et qu'il est un enchanteur, Ceux-ci sont ses prosélytes et ses disciples. » Pilate appelant Anne et Caïphe leur dit : « Qu'est-ce que des prosélytes ? » Ils répondirent : « Ce sont des fils de Païens, et maintenant ils sont devenus Juifs. » Lazare et Astere, et Antoine et Jacques, Zarus et Sarouel, Isaac et Phinée, Crispus et Agrippa, Amenius et Judas dirent alors : « Nous ne sommes point des prosélytes, mais nous sommes enfants de Juifs et nous disons la vérité ; nous avons assisté aux fiançailles de Marie, » Pilate, s'adressant aux douze hommes qui avaient ainsi parlé, leur dit : « Je vous adjure, par le salut de César, de déclarer si vous dites la vérité, et s'il n'est pas né de la fornication, ils dirent à Pilate : « Nous avons pour loi de ne point jurer, car c'est un péché ; ordonne à ceux-ci de jurer pour le salut de César que ce que nous disons est faux, et nous serons passibles de mort. « Anne et Caïphe dirent à Pilate ; « Croirait-on à ces douze hommes qui disent qu'il n'est pas né de la fornication, tandis que l'on ne nous croirait pas à nous tous qui disons qu'il est un enchanteur, et qu'il se dit Roi et Fils de Dieu ? » Pilate ordonna à tout le peuple de sortir et de s'éloigner des douze hommes qui avaient dit que Jésus n'était pas né de la fornication, et il fit mettre Jésus à part et il leur dit : « Pour quel motif les Juifs veulent-ils faire périr Jésus ? » Et ils lui répondirent : « Ils sont irrités parce qu'il opère des guérisons le jour du Sabbat. » Pilate dit : « Ils veulent donc le faire périr pour une lionne œuvre. » et ils répondirent : « Oui, Seigneur. »

chapitre III.

Pilate, rempli de colère, sortit du Prétoire et dit aux Juifs : « Je prends le soleil à témoin que je n'ai trouvé aucune faute à reprendre à cet homme. » Les Juifs répondirent au gouverneur : « Si ce n'était pas un enchanteur, nous ne te l'aurions pas livré. » Pilate leur dit : « Prenez-le et jugez-le suivant votre loi. » Les Juifs dirent à Pilate : « Il ne nous est pas permis de faire périr qui que ce soit. » Pilate dit aux Juifs : « C'est à vous et non à moi que Dieu a dit : « Tu ne tueras point. » Rentré au Prétoire, Pilate appela Jésus seul et lui dit : « Es-tu le Roi des Juifs ! » Et Jésus répondant à Pilate, dit : « Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ? » Pilate répondit à Jésus : « Est-ce que je suis Juif ? Ta nation et les princes des prêtres t'ont livré à moi, qu'as-tu fait ? » Jésus répondit : « Mon royaume n'est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient résisté, et je n'aurais pas été livré aux Juifs ; mais mon royaume n'est pas ici. » Pilate dit : « Tu es donc Roi ? » Jésus répondit : « Tu le dis, car je suis Roi. Je suis né et je suis venu pour rendre témoignage à la vérité, et tous ceux qui prendront part à la vérité entendront ma voix. » Pilate dit : « Qu'est-ce que la vérité ? » Et Jésus répondit : « La vérité vient du Ciel. » Pilate dit : « Il n'y a donc pas de vérité sur la terre ? » Et Jésus dit à Pilate : « Vois comme ceux qui disent la vérité sur la terre sont jugés par ceux qui ont le pouvoir sur la terre. »

chapitre IV.

Pilate, laissant Jésus dans l'intérieur du Prétoire, sortit et alla aux Juifs et leur dit : « Je ne trouve en lui aucune faute. » Les Juifs répondirent : « Il a dit : Je puis détruire le Temple et le relever en trois jours. » Pilate leur dit : « Quel temple ? » Les Juifs répondirent : « Celui que Salomon a mis quarante-six ans à bâtir ; et il a dit qu'il pourrait le renverser et le relever en trois jours. » Et Pilate leur dit derechef : « Je suis innocent du sang de cet homme, voyez pour vous. » Les Juifs dirent : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. » Pilate, appelant alors les anciens et les prêtres et les lévites, leur dit en secret : « N'agissez pas ainsi ; malgré vos accusations, je n'ai rien trouvé en lui digne de mort, dans ce que vous lui reprochez d'avoir violé le Sabbat. » Les prêtres, et les lévites et les anciens dirent à Pilate : « Celui qui a blasphémé contre César est digne de mort. Lui, il a blasphémé contre Dieu. » Le gouverneur ordonna alors aux Juifs de sortir du Prétoire, et, appelant Jésus, il lui dit : « Qu'est-ce que je ferai à ton égard ? » Jésus dit à Pilate : « Agis comme il t’a été donné. » Pilate dit aux Juifs : « Comment m'a-t-il été donné ? » Jésus répondit : « Moïse et les prophètes ont prédit cette Passion et ma Résurrection. » Les Juifs l'entendant dirent à Pilate : « Veux-tu écouter plus longtemps ses blasphèmes ? Notre loi porte que si un homme pèche contre son prochain, il recevra quarante coups moins un (10), et que le blasphémateur sera puni de mort. » Pilate leur dit : « Si son discours est blasphématoire, prenez-le et conduisez-le dans votre Synagogue, et jugez-le suivant votre loi. » Les Juifs dirent à Pilate : « Nous voulons qu'il soit crucifié. » Pilate leur dit : « Ce n'est pas juste. » Et, regardant l'assemblée, il vit des Juifs qui pleuraient et il dit : « La foule ne veut pas toute entière qu'il meure. » Les anciens dirent à Pilate : « Nous sommes venus avec toute la foule pour qu'il meure. » Et Pilate dit aux Juifs : « Qu'a-t-il fait pour encourir la mort ? » Et ils répondirent : « Il a dit qu'il était Roi et le Fils de Dieu. »

chapitre V.

Alors un Juif, du nom de Nicodème, se tint devant le gouverneur et dit : « Je te prie de me permettre, dans ta miséricorde, de dire quelques paroles. » Et Pilate lui dit : « Parle. » Et Nicodème dit : « J'ai dit aux anciens des Juifs, et aux Scribes, et aux prêtres, et aux lévites, et à toute la multitude des Juifs dans la Synagogue : Quelle plainte portez-vous contre cet homme ? Il faisait de nombreux et d'éclatants miracles, tels que personne n'en fait ni n'en a fait. Renvoyez-le et ne lui faites aucun mal ; si ces miracles viennent de Dieu ils seront stables, s'ils viennent des hommes, ils se détruiront. Moïse, que Dieu avait envoyé en Egypte, fit les miracles que Dieu lui avait ordonné d'opérer en présence de Pharaon, le roi d'Égypte. Et il y avait là des magiciens Jamnès et Hambrée, et ils voulurent faire les mêmes miracles que Moïse, mais ils ne purent les accomplir tous, et les Égyptiens les regardèrent comme des Dieu. Mais, comme les miracles qu'ils avaient opérés ne provenaient pas de Dieu, ils périrent eux et ceux qui avaient cru en eux, et maintenant, renvoyez cet homme, car il ne mérite point la mort. » Les Juifs dirent à Nicodème : « Tu es devenu son disciple, et tu élèves la voix pour lui. » Nicodème leur dit : « Est-ce que le gouverneur qui parle aussi en sa faveur est son disciple ? Est-ce que César ne l’a pas élevé en dignité pour rendre justice. » Les Juifs frémissaient de colère et ils grinçaient des dents contre Nicodème et ils lui dirent : « Accueille sa vérité et que ta part soit avec lui. » Et Nicodème dit : « Amen ; que j'aie part avec lui, ainsi que vous le dites. (11) »

CHAPITRE VI.

Un autre des Juifs s’avança et demanda au gouverneur la permission de parler, et Pilate dit : « Ce que tu veux dire, dis-le. » Et ce Juif parla ainsi : « Depuis trente-huit ans, je gisais dans mon lit et j'étais constamment en proie à de grandes souffrances et en danger de perdre la vie. Jésus étant venu, beaucoup de démoniaques et de gens affligés de diverses infirmités furent guéris par lui. Et quelques jeunes gens m'apportèrent dans mon lit et me menèrent à lui. Et Jésus me voyant fut touché de compassion, et il me dit : Lève-toi, prends ton lit et marche. Et aussitôt je fus complètement guéri ; je pris mon lit et je marchai. » Les Juifs dirent à Pilate : « Demande-lui quel jour il fut guéri : » Et il répondit : « Le jour du Sabbat » Et les Juifs dirait : « Ne disions-nous pas qu'il guérissait les malades et qu'il chassait les démons le jour du Sabbat ? » Et un autre Juif s'avança et dit : « J'étais aveugle de naissance ; j'entendais parler et je ne voyais personne. Et Jésus ayant passé, je m'adressai à lui en criant à haute voix : Fils de David, prends pitié de moi ! Et il eut pitié de moi, et il posa sa main sur mes yeux, et aussitôt je recouvrai la vue. » Et un autre s'avança et dit : « J'étais courbé et il m'a redressé d'un mot. » Et un autre s'avança aussi et dit : « J'étais lépreux et il m'a guéri d'un mot. »

CHAPITRE VII.

Et une femme nommée Véronique dit : « Depuis douze ans j'étais affligée d'un flux de sang, et je touchai le bord de son vêtement (12) et aussitôt mon flux de sang s'arrêta. » Les Juifs dirent : « D'après notre loi, une femme ne peut venir déposer en témoignage » (13).

CHAPITRE VIII.

Et quelques autres de la foule des Juifs, hommes et femmes, se mirent à crier : « Cet homme est un prophète, les démons lui sont assujettis ! » Pilate leur dit : « Pourquoi les démons ne sont-ils pas assujettis à vos docteurs ? » Et ils répondirent : « Nous ne savons. »

D'autres dirent à Pilate : « Il a ressuscité Lazare, qui était mort depuis quatre jours, et il l’a fait sortir du sépulcre. » Le gouverneur, entendant cela, fut effrayé et il dit aux Juifs : « Que nous servira-t-il de répandre le sang innocent ? »

CHAPITRE IX.

Et Pilate, appelant Nicodème à lui et les douze hommes qui disaient que Jésus n'était point né de la fornication, leur parla ainsi : « Que ferai-je, car une sédition éclate parmi le peuple ? » Et ils répondirent : « Nous ne savons ; qu'ils voient eux-mêmes. » Et Pilate, convoquant derechef la multitude, dit aux Juifs : « Vous savez que, suivant la coutume, le jour des azymes, je vous remets un prisonnier (14). J'ai en prison un fameux meurtrier, qui s'appelle Barrabas ; je ne trouve en Jésus rien qui mérite la mort. Lequel voulez-vous que je vous remette ? » Tous répondirent en criant : « Remets-nous Barrabas ! » Pilate dit : « Que ferai-je donc de Jésus, qui est surnommé le Christ ? » Ils dirent tous : « Qu'il soit crucifié ! » Et les Juifs dirent aussi : « Tu n'es pas l'ami de César si tu remets en liberté celui qui se dit Roi et Fils de Dieu ; et tu veux peut-être que ce soit lui qui soit Roi au lieu de César. » Alors Pilate, ému de fureur, leur dit : « Vous avez toujours été une race séditieuse, et vous vous êtes opposés à ceux qui étaient pour vous. » Et les Juifs dirent : « Quels sont ceux qui étaient pour nous ? » Et Pilate répondit : « Votre Dieu, qui vous a délivrés de la dure servitude des Égyptiens, et qui vous a conduits à travers la mer comme à pied sec, et qui vous a donné dans le désert la manne et la chair des cailles pour votre nourriture, et qui a fait sortir de l'eau d'un rocher pour vous désaltérer, et, malgré tant de faveurs, vous n'avez cessé de vous révolter contre votre Dieu, et il a voulu vous faire périr. Et Moïse a prié pour vous, afin que vous ne périssiez pas. Et vous dites maintenant que je hais le Roi. » Et se levant de son tribunal, il voulut sortir. Mais tous les Juifs crièrent : « Nous savons que c'est César qui est Roi et non Jésus. Car les mages lui ont offert des présents comme à un Roi. Et Hérode, apprenant des mages qu'un Roi était né, voulut le faire périr. Son père, Joseph, l'ayant su, l'amena, ainsi que sa mère, et ils s'enfuirent en Egypte. Et Hérode fit mourir les enfants des Juifs qui étaient nés à Bethléem. » Pilate, entendant ces paroles, fut effrayé ; et lorsque le calme fut rétabli parmi le peuple qui criait, il dit : « C'est donc lui qui est ici présent que cherchait Hérode ? » Ils répondirent : « C'est lui. » Et Pilate, prenant de l'eau, lava ses mains devant le peuple en disant : « Je suis innocent du sang de cet homme juste ; songez à ce que vous faites. » Et les Juifs répondirent : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » Alors Pilate ordonna d'amener Jésus devant le tribunal sur lequel il siégeait, et il poursuivit en ces termes, en rendant sentence contre Jésus : « Ta race t'a renié pour Roi. J'ordonne donc que tu sois d'abord flagellé, suivant les statuts des anciens princes. » Il ordonna ensuite qu'il fût crucifié dans le lieu où il avait été arrêté, avec deux malfaiteurs, dont les noms sont Dismas et Gestas.

CHAPITRE X.

Et Jésus sortit du Prétoire et les deux larrons avec lui. Et lorsqu'il fut arrivé à l'endroit qui s'appelle Golgotha, les soldats le dépouillèrent de ses vêtements et le ceignirent d'un linge et ils mirent sur sa tête une couronne d'épines, et ils placèrent un roseau dans ses mains. Et ils crucifièrent également les deux larrons à ses côtés, Dismas à sa droite et Gestas à sa gauche. Et Jésus dit : « Mon père, pardonnez-leur et épargnez-les, car ils ne savent ce qu'ils font. » Et ils partagèrent entre eux ses vêtements. Et le peuple était présent et les princes, les anciens et les juges tournaient Jésus en dérision, en disant : « Il a sauvé les autres, qu'il se sauve lui-même ; s'il est le fils de Dieu, qu'il descende de la croix. » Les soldats se moquaient de lui et il lui offraient pour boisson du vinaigre avec du fiel, en disant : « Si tu es le Roi des Juifs, délivre-toi toi-même. » Un soldat nommé Longin, prenant une lance, lui perça le côté et il en sortit du sang et de l'eau. (15) Le gouverneur ordonna que l'on inscrivît sur un écriteau, suivant l'accusation des Juifs, en lettres hébraïques grecques et latines : « Celui-ci est le Roi des Juifs. » Un des larrons qui étaient crucifiés, nommé Gestas, lui dit : « si tu es le Christ, délivre-toi ainsi que nous. » Dismas lui répondant, le réprimanda, disant : « N'as-tu point crainte de Dieu, toi qui es de ceux contre lesquels condamnation a été rendue ? nous recevons le juste châtiment de ce que nous avons commis, mais lui, il n'a rien fait de mal. » Et lorsqu'il eut repris son compagnon, il dit à Jésus : « Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume. » Et Jésus lui répondit : « En vérité, je te le dis, tu seras aujourd'hui avec moi en Paradis. (16) »

CHAPITRE XI.

C'était vers la sixième heure du jour, et des ténèbres se répandirent sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure. Le soleil s'obscurcissant, voici que le voile du Temple se fendit du haut en bas en deux parties. Et vers la neuvième heure, Jésus s'écria à haute voix : « Hely, Hely, lama zabathani. » ce qui signifie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Et ensuite Jésus dit : « Mon père, je remets mon esprit entre tes mains. » Et disant cela, il rendit l'esprit. Le centurion voyant ce qui s'était passé, glorifia Dieu, disant : « Cet homme était juste. » Et tous les assistants, troublés de ce qu'ils avaient vu, s'en retournèrent en frappant leurs poitrines. Et le centurion rapporta au gouverneur ce qui s'était passé ; le gouverneur l'entendant fut saisi d'une extrême affliction, et ils ne mangèrent ni ne burent ce jour-là. Et Pilate convoquant les Juifs, leur dit : « Avez-vous vu ce qui s'est passé ? » Et ils répondirent au gouverneur : « Le soleil s'est éclipsé de la manière habituelle. » Et tous ceux qui étaient attachés à Jésus se tenaient au loin, ainsi que les femmes qui l'avaient suivi de Galilée. Et voici qu'un homme nommé Joseph, homme juste et bon, et qui n'avait point eu part aux accusations et aux méchancetés des Juifs, et qui était d'Arimathie, ville de Judée, et qui attendait le royaume de Dieu, demanda à Pilate le corps de Jésus. Et l’ôtant de la croix, il le plia dans un linceul bien net, et il le déposa dans un tombeau tout neuf qu'il avait fait construire pour lui-même, et où nul n'avait été enseveli.

CHAPITRE XII.

Les Juifs, apprenant que Joseph avait demandé le corps de Jésus, le cherchaient ainsi que les douze hommes qui avaient déclaré que Jésus n'était pas né de la fornication, et Nicodème et les autres qui avaient paru devant Pilate, et qui avaient rendu témoignage des bonnes œuvres de Jésus. Tous se cachant, Nicodème seul se montra à eux, car il était prince des Juifs, et il leur dit : « Comment êtes-vous entrés dans la Synagogue ? » Et ils lui répondirent : « Et toi, comment es-tu entré dans la Synagogue lorsque tu étais attaché au Christ ? Puisses-tu avoir part avec lui dans les siècles à venir. » Et Nicodème répondit : « Amen, amen, amen. » Joseph se montra également, et leur dit : « Pourquoi êtes-vous irrités contre moi de ce que j'ai demandé à Pilate le corps de Jésus ? Voici que je l'ai déposé dans mon propre tombeau, et je l'ai enveloppé d'un linceul bien net, et j'ai placé une grande pierre à l'entrée de la grotte. Vous avez mal agi contre le juste que vous avez crucifié, et percé à coups de lance. » Les Juifs, entendant cela, se saisirent de Joseph et ils ordonnèrent qu'il fût retenu jusqu'à ce que la fête du Sabbat fût passée. Et ils lui dirent : « En ce moment, nous ne pouvons rien faire contre toi, car le jour du Sabbat a lui. Nous savons que tu n'es pas digne de sépulture, mais nous abandonnerons ta chair aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre. » Joseph répondit : « Ces paroles sont semblables à celles de Goliath le Superbe, qui s'éleva contre le Dieu vivant et que frappa David. Dieu a dit par la voix du prophète : « Je me réserverai la vengeance. » Et Pilate, endurci de cœur, a lavé ses mains en plein soleil, en criant : « Je suis pur du sang de ce juste. » Et vous avez répondu : Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. Et je crains maintenant que la colère de Dieu ne s'appesantisse sur vous et sur vos enfants, comme vous l'avez dit. » Les Juifs, entendant Joseph parler ainsi, furent outrés de rage, et se saisissant de lui, ils l'enfermèrent dans un cachot où il n'y avait pas de fenêtre. Anne et Caïphe placèrent des gardes à la porte et posèrent leur sceau sur la clé. Et ils tinrent conseil avec les prêtres et les lévites pour qu'ils se rassemblassent tous après le jour du Sabbat, et ils songèrent quel genre de mort ils infligeraient à Joseph. Et quand ils se furent réunis, Anne et Caïphe ordonnèrent que l'on amenât Joseph, et ôtant le sceau, ils ouvrirent la porte et ils ne trouvèrent pas Joseph dans le cachot où ils l’avaient enfermé. Et toute l'assemblée fut frappée de stupeur, car l'on avait trouvé la porte scellée. Et Anne et Caïphe se retirèrent (17).

CHAPITRE XIII.

Tous étant remplis de surprise un des soldats qui avait été mis pour garder le sépulcre entra dans la Synagogue, et dit : « Tandis que nous veillions sur le tombeau de Jésus, la terre a tremblé et nous avons vu l'Ange de Dieu qui a ôté la pierre du sépulcre et qui s'est assis sur elle. Et son visage brillait comme la fondre, ses vêtements étaient blancs comme la neige. Et nous sommes restés comme morts de frayeur. Et nous avons entendu l'Ange qui disait aux femmes venues au sépulcre de Jésus : Ne craignez point, je sais que vous cherchez Jésus le crucifié ; il est ressuscité, ainsi qu'il l'avait prédit. Venez, et voyez l'endroit où il avait été placé, et empressez-vous d'aller dire à ses disciples qu'il est ressuscité d'entre les morts, et qu'il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez. » Et les Juifs convoquant tous les soldats qui avaient été préposés à la garde du tombeau de Jésus, leur dirent : « Quelles sont ces femmes auxquelles l'Ange a parlé ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas saisis d'elles ? » Les soldats répondirent : « Nous ne savons quelles étaient ces femmes, et nous sommes restés comme morts tant l'Ange nous inspirait de crainte ; comment aurions-nous pu nous saisir de ces femmes ? » Les Juifs dirent : « Vive le Seigneur ! nous ne vous croyons point. » Les soldats répondirent aux Juifs : « Vous avez vu Jésus qui faisait tant de miracles et vous n'y avez pas cru, comment croiriez-vous à nous ? Vous avez eu raison de dire : Vive le Seigneur ! car il vit le Seigneur que vous avez enfermé. Nous avons appris que vous avez emprisonné en un cachot, dont vous avec scellé la porte, ce Joseph qui a enseveli le corps de Jésus, et lorsque vous êtes venus pour le chercher, vous ne l'avez plus trouvé. Remettez-nous Joseph que vous avez enfermé, et nous vous remettrons Jésus que nous gardions dans le sépulcre. » Les Juifs répondirent : « Nous vous remettons Joseph, remettez-nous Jésus ; car Joseph est dans la ville d'Arimathie. » Les soldats répondirent : « Comme Joseph est à Arimathie, Jésus est en Galilée, ainsi que nous avons entendu l'Ange l'annoncer aux femmes. » Les Juifs entendant cela, craignirent, et ils se disaient entre eux : « Lorsque le peuple entendra ces discours, tous croiront en Jésus. » Et réunissant une grosse somme d'argent, ils la donnèrent aux soldats, en disant : « Dites que tandis que vous dormiez, les disciples de Jésus sont venus pendant la nuit, et qu'ils ont dérobé son corps. Et si le gouverneur Pilate apprend cela, nous l'apaiserons à votre égard, et vous ne serez point inquiétés. » Les soldats prenant l'argent, dirent ce que les Juifs leur avaient recommandé.

chapitre XIV.

Un prêtre nommé Phinée, et Addas qui était maître d'école, et un lévite nommé Aggée, vinrent tous trois de la Galilée à Jérusalem, et ils dirent aux princes des prêtres et à tous ceux qui étaient dans la Synagogue : » Jésus que vous avez crucifié, nous l’avons vu qui parlait avec onze de ses disciples, assis au milieu d'eux sur le mont des Olives (18), et leur disant : « Allez dans le monde entier, prêchez à toutes les nations, baptisez les Gentils au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Et celui qui croira et qui sera baptisé, sera sauvé. Et quand il eut dit ces choses à ses disciples, nous l'avons vu monter au Ciel. » En entendant cela, les princes des prêtres, et les anciens, et les lévites dirent à ces trois hommes : « Rendez gloire au Dieu d'Israël et prenez-le à témoin que ce que vous avez vu et entendu est véritable. » Et ils répondirent : « Vive le Seigneur de nos pères, le Dieu d'Abraham, et le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob, nous avons entendu Jésus parler avec ses disciples, et nous l'avons vu monter au Ciel ; nous disons la vérité. Si nous taisons que nous avons entendu Jésus tenir ces discours à ses disciples, et que nous l'avons vu monter au ciel, nous commettrons un péché. » Les princes des prêtres se levant aussitôt, leur dirent : « Ne répétez à personne ce que vous nous avez dit au sujet de Jésus. » Et ils leur donnèrent une grosse somme d'argent. Et ils renvoyèrent trois hommes avec eux pour qu'ils fussent ramenés dans leur pays et qu'ils ne fissent aucun séjour à Jérusalem. Et tous les Juifs s'étant réunis se livrèrent entre eux à de grandes méditations, disant : « Quelle est cette merveille qui est survenue en Israël ? » Anne et Caïphe les consolant leur dirent : « Devons-nous croire aux soldats qui gardaient le monument de Jésus, et qui nous dirent qu'un Ange a ôté la pierre de la porte du monument ? Peut-être ses disciples le leur ont dit et leur ont donné beaucoup d'argent pour les amener à s'exprimer ainsi et à laisser enlever le corps de Jésus. Sachez qu'il ne faut ajouter nulle foi aux paroles de ces étrangers, car ils ont reçu de nous une forte somme, et ils ont dit partout ce que nous leur avions recommandé de dire. Et ils peuvent bien être infidèles aux disciples de Jésus tout comme à nous. »

CHAPITRE XV.

Nicodème se levant, dit : « Vous parlez dans la droiture, enfants d'Israël. Vous avez entendu tout ce qu'ont dit ces trois hommes qui juraient sur la loi du Seigneur. Ils ont dit : « Nous avons vu Jésus qui parlait avec ses disciples sur le mont des Olives, et nous l'avons vu monter au Ciel. Et l'Écriture nous enseigne que le bienheureux Élie a été enlevé au Ciel, et Elisée, interrogé par les fils des prophètes qui lui demandaient : « Où est notre frère Élie ? » leur dit qu'il avait été enlevé. Et les fils des prophètes lui dirent : « Peut-être l'esprit l'a enlevé et l'a déposé sur les montagnes d'Israël. Mais choisissons des hommes qui iront avec nous et parcourons les montagnes d'Israël, nous le trouverons peut-être. Et ils prirent Elisée, et il marcha avec eux trois jours, et ils ne trouvèrent point Élie (19). Et maintenant, écoutez-moi, enfants d'Israël, et envoyons des hommes dans les montagnes d'Israël, car peut-être l'Esprit a enlevé Jésus, et peut-être le trouverons-nous, et nous ferons pénitence. » Et l'avis de Nicodème fut du goût de tout le peuple, et ils envoyèrent des hommes, et ceux-ci chercherait Jésus sans le trouver, et, étant de retour, ils dirent : « Nous n'avons point rencontré Jésus dans les lieux que nous avons parcourus, mais nous avons trouvé Joseph dans la ville d'Arimathie. » Les princes et tout le peuple entendant cela, se réjouirent et ils glorifièrent le Dieu d'Israël de ce qu'on avait trouvé Joseph qu'ils avaient enfermé dans un cachot, et qu'ils n'avaient pas retrouvé. Et réunissant une grande assemblée, les princes des prêtres dirent : « Comment pouvons-nous amener Joseph à nous et lui parler ? » Et prenant du papier, ils écrivirent à Joseph, disant : « La paix soit avec toi et avec tous ceux qui sont avec toi. Nous savons que nous avons péché contre Dieu et contre toi. Daigne donc venir vers tes pères et tes fils, car ton enlèvement nous a remplis de surprise. Nous savons que nous avons entretenu contre toi un mauvais dessein, et le Seigneur t'a protégé, et il t'a délivré de nos mauvaises intentions. Que la paix soit avec toi, Seigneur Joseph, homme honorable parmi tout le peuple. » Et ils choisirent sept hommes amis de Joseph, et ils leur dirent : « Lorsque vous serez arrivés auprès de Joseph, donnez-lui le salut de paix, et remettez-lui la lettre. » Et les hommes arrivant auprès de Joseph, le saluèrent, et lui remirent la lettre. Et après que Joseph en eut fait lecture, il dit : « Béni soit le Seigneur Dieu qui a préservé Israël de l'effusion de mon sang. Sois béni, mon Dieu, qui m'as protégé de tes ailes. » Et Joseph embrassa les messagers et les reçut dans sa maison. Le lendemain, Joseph, montant sur son âne, se mit en route avec eux, et ils arrivèrent à Jérusalem. Et quand les Juifs apprirent sa venue, ils accoururent tous au-devant de lui, criant et disant : « La paix soit à ton arrivée, père Joseph ! » Et il leur répondit : « Que la paix du Seigneur soit avec tout le peuple. » Et tous l'embrassèrent Et Nicodème les reçut dans sa maison, les accueillant avec grand honneur et empressement Le lendemain qui était le jour de la préparation, Anne et Caïphe et Nicodème dirent à Joseph : « Rends hommage au Dieu d'Israël, et réponds à tout ce que nous te demanderons. Nous étions irrités contre toi, parce que tu avais enseveli le corps du Seigneur-Jésus, et nous t'avons enfermé dans un cachot où nous ne t'avons pas retrouvé, ce qui nous a remplis de surprise et nous a pénétrés de frayeur jusqu'à ce que nous t'ayons revu. Raconte-nous donc, en présence de Dieu, ce qui s'est passé. » Joseph répondit : « Lorsque vous m'avez enfermé le jour de Pâques au soir, tandis que j'étais en oraison au milieu de la nuit, la maison fut comme enlevée dans les airs. Et j'ai vu Jésus resplendissant comme un éclair, et, saisi de crainte, je suis tombé par terre. Et, Jésus, me prenant par la main, m'a élevé au-dessus de terre et la rosée me couvrait. Et essuyant mon visage, il m'a embrassé et il m'a dit : « Ne crains rien, Joseph ; regarde-moi, et vois, car c'est moi. » Et je regardai et je m'écriai : « O maître Élie ! » Et il me dit : « Je ne suis point Élie, mais je suis Jésus de Nazareth dont tu as enseveli le corps. » Je lui ai répondu : « Montre-moi le monument où je t'ai déposé. » Et Jésus, me tenant par la main, m'a conduit à l'endroit où je l'avais enseveli. Et il m'a montré le linceul et le drap dans lequel j'avais enveloppé sa tête. Alors j'ai reconnu que c'était Jésus (20) et je l'ai adoré, et j'ai dit : « Béni celui qui vient au nom du Seigneur. » Jésus, me tenant par la main, m'a conduit à Arimathie dans ma maison, et m'a dit : « La paix soit avec toi, et de quarante jours, ne sors pas de ta maison, et je vais retourner vers mes disciples. »

CHAPITRE XVI.

Lorsque les princes des prêtres et les autres prêtres et les lévites eurent entendu ces choses, ils furent frappés de stupeur, et ils tombèrent par terre sur leurs visages comme morts, et revenus à eux, ils s'écriaient : « Quelle est cette merveille qui s'est manifestée à Jérusalem ? car nous connaissons le père et la mère de Jésus. » Un certain lévite dit : « Je sais que son père et sa mère étaient des personnes craignant Dieu et qu'ils étaient toujours en prières dans le Temple offrant des hosties et des holocaustes au Dieu d'Israël. » Et lorsque le grand-prêtre Siméon le reçut, il dit, le tenant dans ses mains : « Maintenant, Seigneur, renvoie ton serviteur en paix suivant ta parole, car mes yeux ont vu le Sauveur que tu as préparé en présence de tous les peuples, la lumière qui doit servir à la révélation faite aux nations et à la gloire de ta race d'Israël. » Et ce même Siméon bénit aussi Marie, la mère de Jésus, et il lui dit : « Je t'annonce au sujet de cet enfant qu'il est né pour la ruine et la résurrection de beaucoup et en signe de contradiction. Et le glaive traversera ton âme jusqu'à ce que les pensées des cœurs de beaucoup soient connues. » Alors les Juifs dirent : « Envoyons vers ces trois hommes qui disent qu'ils l'ont vu avec ses disciples sur le mont des Olives. » Quand ce fut fait et que ces trois hommes furent venus et qu'ils furent interrogés, ils répondirent d'une voix unanime : « Vive le Seigneur, Dieu d'Israël, car nous avons manifestement vu Jésus avec ses disciples sur le mont des Olives et lorsqu'il montait au ciel. » Alors Anne et Caïphe les prirent chacun à part et les questionnèrent séparément. Et confessant unanimement la vérité, ils dirent qu'ils avaient vu Jésus. Alors Anne et Caïphe dirent : « Notre loi porte : Dans la bouche de deux ou trois témoins, toute parole est valide. Mais ne savons-nous pas que le bienheureux Enoch plut à Dieu et qu'il fut transporté par la parole de Dieu, et la tombe du bienheureux Moïse ne se trouve pas et la mort du prophète Élie n'est pas connue. Jésus au contraire a été livré à Pilate, flagellé, couvert de crachats, couronné d'épines, frappé d'une lance et crucifié ; il est mort sur la croix et il a été enseveli et l'honorable père Joseph a enseveli son corps dans un sépulcre neuf, et il attesta l'avoir vu vivant Et ces trois hommes certifient qu'ils l’ont vu avec ses disciples sur le mont des Olives et monter au ciel.

chapitre XVII.

Et Joseph se levant dit à Anne et Caïphe : « Vous êtes justement dans l'admiration, parce que vous apprenez que Jésus a été vu ressuscité et montant au ciel. Il faut encore plus s'étonner de ce que non seulement il est ressuscité, mais qu'il a rappelé du sépulcre beaucoup d'autres morts, et qu'un grand nombre de personnes les ont vus à Jérusalem. Et écoutez-moi maintenant, car nous savons tous que le bienheureux grand-prêtre Siméon a reçu, de ses mains, Jésus enfant dans le Temple. Et ce Siméon eut deux fils, frères de père et de mère, et nous avons tous été présents lorsqu'ils se sont endormis (21), et nous avons assisté à leur ensevelissement. Allez donc et voyez leurs tombeaux, car ils se sont ouverts, et les fils de Siméon sont dans la ville d’Arimathie, vivant dans l'oraison. Quelquefois on entend leurs cris, mais ils ne parlent à personne et ils sont silencieux comme des morts. Venez, allons vers eux et emmenons-les devant nous avec les plus grands égards. Et si nous leur demandons avec instance, ils nous parleront peut-être du mystère de leur résurrection. » Tous entendant cela se réjouirent, et Anne et Caïphe, Nicodème et Joseph et Gamaliel allant aux sépulcres, n'y trouvèrent point les morts, mais se rendant dans la ville d'Arimathie, ils les y trouvèrent agenouillés. Et les embrassant avec le plus grand respect et dans la crainte de Dieu, ils les conduisirent à Jérusalem dans la Synagogue. Et après que les portes furent fermées, prenant le livre de la loi, ils le posèrent dans leurs mains, les conjurant par le Dieu Adonaï et le Dieu d’Israël (22) qui a parlé par la loi et par les prophètes, disant : « Si vous savez que c'est lui qui vous a ressuscités d'entre les morts, dites-nous comment vous êtes ressuscités. » Carinus et Leucius entendant cette adjuration, tremblèrent de tous leurs corps, et, tout émus, ils gémirent du fond de leur cœur. Et, regardant au ciel, ils firent avec leur doigt le signe de la croix sur leur langue. Et aussitôt ils parlèrent, disant : « Donnez-nous des tomes de papier afin que nous écrivions ce que nous avons vu et entendu. Et ou les leur donna. Et, s'asseyant, chacun d'eux écrivit, disant :

CHAPITRE XVIII,

Jésus-Christ, Seigneur Dieu, résurrection des morts et vie, permets-nous d'énoncer les mystères par la mort de ta croix, parce que nous avons été conjurés par toi. Tu as ordonné de ne rapporter à personne les secrets de ta majesté divine tels que tu les a manifestés dans les enfers. Lorsque nous étions avec tous nos pères, placés au fond des ténèbres, nous avons soudain été enveloppés d'une splendeur dorée comme celle du soleil et une lueur royale nous a illuminés. Et, aussitôt, Adam, le père de tout le genre humain, a tressailli de joie ainsi que tous les patriarches et les prophètes, et ils ont dit : « Cette lumière, c'est l’auteur de la lumière éternelle qui nous a promis de nous transmettre une lumière qui n'aura pas de terme. »

chapitre XIX.

Et le prophète Isaïe s'est écrié, et a dit : « C'est la lumière du Père, le Fils de Dieu, comme j'ai prédit, lorsque j'étais sur les terres des vivants : la terre de Zabulon et la terre de Nephtalim. Au-delà du Jourdain, le peuple qui est assis dans les ténèbres verra une grande lumière ; et ceux qui sont dans la région de la mort, la lumière brillera sur eux. Et maintenant, elle est arrivée, et a brillé pour nous qui étions assis dans la mort. » Et comme nous tressaillions tous de joie dans la lumière qui a brillé sur nous, il survint à nous Siméon, notre père, et, en tressaillant de joie, il a dit à tous : « Glorifiez le Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, car je l'ai reçu nouveau-né dans mes mains dans le Temple, et, inspiré par l'Esprit saint, je l'ai glorifié et j'ai dit : « Mes yeux ont vu maintenant le salut que tu as préparé en présence de tous les peuples ; la lumière pour la révélation des nations et la gloire de ton peuple d'Israël. » Toute la multitude des Saints, entendant ces choses, se réjouit davantage. Et, ensuite, il survint un homme qui semblait ermite, et, tous l'interrogeant : « Qui es-tu ? » Il leur répondit, et il dit : « Je suis Jean (23), la voix et le prophète du Très-Haut, celui qui précède la face de son avènement afin de préparer ses voies, afin de donner la science du salut à son peuple pour la rémission des péchés. Et le voyant venir à moi, j'ai été poussé par l'Esprit saint, et j'ai dit : Voilà l'Agneau de Dieu ; voilà celui qui ôte les péchés du monde. Et je l'ai baptisé dans le fleuve du Jourdain, et j'ai vu l'Esprit-saint descendre sur lui sous la forme d'une colombe. Et j'ai entendu une voix des Cieux qui disait : Celui-ci est mon fils bien-aimé, dans lequel j'ai mis toute ma complaisance, écoutez-le. Et maintenant, j'ai précédé sa face, je suis descendu vous annoncer que dans peu de temps le Fils de Dieu lui-même se levant d'en haut nous visitera en venant à nous qui sommes assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort (24).

chapitre XX.

Et lorsque le père Adam, premier formé, entendit ces choses, que Jésus a été baptisé dans le Jourdain, il s'écria, parlant à son fils Seth : (25) « Raconte à tes fils, les patriarches et les prophètes, toutes les choses que tu as entendues de Michel l'Archange, quand je t'ai envoyé aux portes du Paradis, afin de supplier le Seigneur de te transmettre son Ange pour qu'il te donnât de l'huile de l'arbre de miséricorde (26), et que tu oignis mon corps lorsque j'étais malade. » Alors Seth s'approchant des saints patriarches et des prophètes dit : « Moi, Seth, comme j'étais en oraison devant le Seigneur aux portes du Paradis, voilà que l'Ange du Seigneur, Michel (27), m'apparut, disant : J'ai été envoyé vers toi par le Seigneur, je suis établi sur le corps humain. Je te le dis, Seth, ne prie point dans les larmes, et ne demande pas l'huile de l'arbre de miséricorde, afin d'oindre ton père Adam à cause des souffrances de son corps, car d'aucune manière, tu ne pourras en recevoir si ce n'est dans les derniers jours et si ce n'est lorsque cinq mille et cinq cents uns auront été accomplis ; alors le Fils de Dieu, rempli d'amour, viendra sur la terre, et il ressuscitera le corps d'Adam, et ressuscitera en même temps les corps des morts. Et, à sa venue, il sera baptisé dans le Jourdain. Lorsqu'il sera sorti de l’eau du Jourdain, alors il oindra de l'huile de sa miséricorde tous ceux qui croient en lui et l'huile de sa miséricorde sera pour la génération de ceux qui doivent naître de l'eau et de l'Esprit saint pour la vie éternelle (28). Alors Jésus-Christ, le Fils de Dieu, plein d'amour, descendant sur la terre, introduira notre père Adam dans le Paradis auprès de l'arbre de miséricorde. » Tous les patriarches et les prophètes entendant ces choses que disait Seth, tressaillirent de grande joie.

chapitre XXI.

Et lorsque tous les Saints tressaillaient d'allégresse, voilà que Satan, le prince et le chef de la mort, dit au prince des enfers (29) : « Apprête-toi toi-même à prendre Jésus qui se glorifie d'être le Christ, Fils de Dieu, et qui est un homme craignant la mort, et disant : Mon âme est triste jusqu'à la mort. Car il s'est opposé à moi en maintes choses, et beaucoup d'hommes que j'avais rendus aveugles, boiteux, sourds, lépreux, et que j'avais tourmentés par différents démons, il les a guéris d'une parole. Et ceux que je t'avais amenés morts, il te les a enlevés. » Et le prince du Tartare (30) répondant à Satan, dit : « Quel est ce prince si puissant, puisqu'il est un homme craignant la mort ? Car tous les puissants de la terre sont tenus assujettis par ma puissance lorsque tu les a amenés soumis par ton pouvoir. Si donc tu es puissant, quel est ce Jésus qui, craignant la mort, s'oppose à toi ! S'il est tellement puissant dans son humanité, je te le dis en vérité, il est tout-puissant dans sa divinité, et personne ne peut résister à son pouvoir. Et lorsqu'il dit qu'a craint la mort, y veut te tromper, et malheur sera pour toi dans les siècles éternels. » Satan, le prince de la mort, répondit et dit : « Pourquoi as-tu hérité et redouté de prendre ce Jésus ton adversaire et le mien ? Car je l'ai tenté et j'ai excité contre lui mon ancien peuple juif, ranimant de haine et de colère ; j'ai aiguisé la lance de persécution, j'ai mêlé du fiel et du vinaigre, et je lui ai bit donner à boire, et j'ai fait préparer le bois pour le crucifier et des clous pour percer ses mains et ses pieds, et sa mort est proche, et je te l'amènerai assujetti à toi et à moi. » Et le prince de l'enfer répondit et dit : « Tu m'as dit que c'est lui qui m'a arraché les morts. Beaucoup sont ici que je retiens, et pendant qu'ils vivaient sur la terre, ils m'ont enlevé des morts, non par leur propre pouvoir, mais par les prières divines, et leur Dieu tout-puissant me les a arrachés. Qui est donc ce Jésus qui, par sa parole, m'a arraché des morts ? c'est peut-être lui qui a rendu à la vie par la parole de son commandement, Lazare, qui était mort depuis quatre jours, plein de puanteur et en dissolution, et que je détenais mort. » Satan, le prince de la mort répondit et dit : « C'est ce même Jésus. » Le prince des enfers, entendant cela, lui dit : « Je te conjure par ta puissance et la mienne, ne l'amène pas vers moi. Car lorsque j'ai entendu la force de sa parole, j'ai tremblé, saisi de crainte, et en même temps tous mes ministres impies ont été troublés avec moi. Nous n'avons pu retenir ce Lazare (31) ; mais, nous échappant avec toute l'agilité et la vitesse de l'aigle, il est sorti d'entre nous, et cette même terre qui tenait le corps privé de vie de Lazare l'a aussitôt rendu vivant. Je sais ainsi maintenant que cet homme qui a pu accomplir ces choses, est le Dieu fort dans son empire, et puissant dans l'humanité, et il est le sauveur du genre humain, et si tu l'amènes vers moi, tous ceux que je retiens ici renfermés dans la rigueur de la prison, et enchaînés par les liens non rompus de leurs péchés, il les dégagera et il les conduira par sa divinité à la vie qui doit durer autant que l'éternité. »

chapitre XXII.

Et comme ils parlaient ainsi alternativement, Satan et le prince de l'enfer, il se fit une voix comme celle des tonnerres et le bruit de l'ouragan : « Princes, enlevez vos portes, et élevez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera. » Le prince de l'enfer entendant cela, il dit à Satan : « Eloigne-toi de moi et sors de mes demeures ; si tu es un puissant combattant, combats contre le Roi de gloire. Mais qu'y a-t-il de toi à lui ? « Et le prince de l'enfer jeta Satan hors de ses demeures. Et le prince de l'enfer dit à ses ministres impies : « Fermez les cruelles portes d'airain et poussez les verrous de fer, et résistez vaillamment de peur que nous ne soyons réduits en captivité, nous qui gardons les captifs. » Mais en entendant cela, toute la multitude des Saints dit au prince de l'enfer d'une voix de reproche : « Ouvre tes portes, afin que le Roi de gloire entre. » Et David, ce divin prophète, s'écria en disant : « Est-ce que, lorsque j'étais sur les terres des vivants, je ne vous ai pas prédit que les miséricordes du Seigneur lui rendront témoignage, et que ses merveilles l'annonceront aux fils des hommes, parce qu'il a brisé les portes d'airain et rompu les verrous de fer ? Il les a retirés de la voie de leur iniquité. » Et ensuite, un autre prophète, Isaïe, dit pareillement à tous les Saints : « Est-ce que, lorsque j'étais sur les terres des vivants, je ne vous ai pas prédit : Les morts s'éveilleront et ceux qui sont dans le tombeau se relèveront, et ceux qui sont dans la terre tressailliront de joie, parce que la rosée qui vient du Seigneur est leur guérison ? Et j'ai dit encore : « Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? » Tous les Saints entendant ces paroles d'Isaïe, dirent au prince des enfers : « Ouvre, tes portes, maintenant, vaincu et terrassé, tu es sans puissance. » Et il se fit une voix comme celle des tonnerres, disant : « Princes, enlevez vos portes, et élevez-vous, portes infernales, et le Roi de gloire entrera. » Le prince de l'enfer voyant que deux fois ce cri s'était fait entendre, dit comme s'il était dans l'ignorance : « Quel est ce Roi de gloire ? » David, répondant au prince de l’enfer, dit : « Je connais les paroles de cette clameur, car ce sont les mêmes que j'ai prophétisées par l'inspiration de son esprit. Et maintenant ce que j'ai déjà dit, je te le répète : « Le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans le combat, c'est lui qui est le Roi de gloire, et le Seigneur à regardé du ciel sur les terres, afin d'entendre le gémissement de ceux qui sont dans les fers, et afin de délivrer les fils de ceux qui ont été mis à mort. Et maintenant, immonde et horrible prince de l'enfer, ouvre tes portes, afin que le Roi de gloire entre. » David, disant ces paroles au prince de l'enfer, le Seigneur de majesté survint sous la forme d'un homme, et il éclaira les ténèbres éternelles, et il rompit les liens qui n’étaient point brisés, et le secours d'une vertu invincible nous visita, nous qui étions assis dans les profondeurs des ténèbres des fautes, et dans l'ombre de la mort des péchés.

CHAPITRE XXIII.

Le prince de l'enfer et la mort et leurs officiers impies voyant cela, furent saisis d'épouvante avec leurs cruels ministres, dans leurs propres royaumes, lorsqu'ils virent l'éblouissante clarté d'une si vive lumière, et le Christ établi tout d'un coup dans leurs demeures, et ils s'écrièrent en disant : « Tu nous a vaincus. Qui es-tu, toi que le Seigneur envoie pour notre confusion ? Qui es-tu, toi, qui sans atteinte de corruption, par l'effet irrésistible de ta majesté as pu renverser notre puissance ? Qui es-tu, toi, si grand et si petit, si humble et si élevé, soldat et général, combattant admirable sous la forme d'un esclave ? Roi de gloire mort et vivant que la croix a porté mis à mort. Toi qui es demeuré mort étendu dans le sépulcre et qui es descendu vivant vers nous ? Et toute créature a tremblé en ta mort, et tous les astres ont été ébranlés, et maintenant tu es devenu libre entre les morts, et tu troubles nos légions. Qui es-tu, toi qui délies les captifs et qui inondes d'une lumière éclatante ceux qui sont aveuglés par les ténèbres des péchés ? » Pareillement toutes les légions des démons frappées d'une semblable frayeur, crièrent avec une soumission craintive et d'une voix unanime disant : « D'où es-tu, Jésus, homme si puissant et splendide en majesté, si éclatant, sans tache et pur de crime ? Car ce monde terrestre qui nous a toujours été assujetti jusqu'à présent, qui nous payait des tributs pour nos sombres usages, ne nous a jamais envoyé un mort tel que celui-ci, et n’a jamais destiné de pareils présents aux enfers ? Qui es-tu donc, toi qui a ainsi franchi sans crainte les frontières de nos domaines, et non seulement tu ne redoutes point nos supplices, mais de plus tu tentes de délivrer tous ceux que nous tenons dans nos fers ? Peut-être es-tu ce Jésus duquel Satan, notre prince, disait que par ta mort sur la croix, tu recevrais une puissance sans bornes sur le monde entier. « Alors le Roi de gloire, écrasant dans sa majesté la mort sous ses pieds et saisissant Satan, priva l'enfer de toute sa puissance et amena Adam à la clarté de sa lumière.

chapitre XXIV.

Alors le prince de l'enfer gourmandant Satan avec de violents reproches, lui dit (32) : « O Beelzébuth (33) prince de perdition et chef de destruction, dérision des Anges de Dieu, ordure des justes, qu'as-tu voulu faire ? Tu as voulu crucifier le Roi de gloire, dans la ruine et la mort duquel tu nous avais promis de si grandes dépouilles ? Ignores-tu comment tu as agi dans ta folie ? Car voici que ce Jésus dissipe par l'éclat de sa divinité toutes les ténèbres de la mort ; il a brisé les profondeurs des plus solides prisons, et il délivre les captifs et il relâche ceux qui sont dans les fers ; voici que tous ceux qui gémissaient sous nos tourments, nous insultent et nous sommes accablés de leurs imprécations ? Nos empires et nos royaumes sont vaincus et la race humaine, nous ne lui inspirons plus d'effroi.

Au contraire, ils nous menacent et nous insultent, ceux qui, morts, n'avaient jamais pu montrer de superbe devant nous et qui n'avaient jamais pu éprouver un moment d'allégresse pendant leur captivité.

O Satan, prince de tous les maux, père des impies et des rebelles, qu'as-tu voulu faire ? Ceux qui depuis le commencement jusqu'à présent avaient désespéré du salut et de la vie : maintenant aucun de leurs gémissements ne se fait entendre, aucune de leurs plaintes ne résonne, et on ne trouve aucun vestige de larmes sur la face d'aucun d'eux. O prince Satan, possesseur des clés des enfers, tu as maintenant perdu par le bois de la croix ces richesses que tu avais acquises par le bois de la prévarication et la perte du Paradis, et toute ton allégresse a péri lorsque tu as attaché à la croix ce Christ, Jésus le Roi de gloire, tu as agi contre toi et contre moi. Sache désormais combien de tourments éternels et de supplices infinis tu dois souffrir sous ma garde qui ne connaît pas de terme. O Satan, prince de tous les méchants, auteur de la mort et source d'orgueil, tu aurais dû premièrement chercher un juste reproche à faire à ce Jésus, et comme tu n'as trouvé en lui aucune faute, pourquoi sans raison as-tu osé le crucifier injustement et amener dans notre région l'innocent et le juste ! Et tu as perdu les mauvais, les impies et les injustes du monde entier. » Et comme le prince de l'enfer parlait ainsi à Satan, alors le Roi de gloire dit au prince de l'enfer : « Le prince Satan sera sous votre puissance dans la perpétuité des siècles au lieu d'Adam et de ses fils qui sont mes justes » (34).

chapitre XXV.

Et le Seigneur, étendant sa main, dit : « Venez à moi, tous mes Saints, qui avez mon image et ma ressemblance. Vous qui avez été condamnés par le bois, le diable et la mort, vous verrez que le diable et la mort sont condamnés par le bois. » Et aussitôt tous les Saints furent réunis sous la main du Seigneur. Et le Seigneur, tenant la main droite d'Adam, lui dit : « Paix à toi avec tous tes fils, mes justes. » Adam, se prosternant aux genoux du Seigneur, le supplia en versant des larmes, disant d'une voix haute : « Seigneur, je te glorifierai, car tu m'as accueilli et tu n'as pas fait triompher mes ennemis au-dessus de moi. Seigneur, mon Dieu, j'ai crié vers toi, et tu m'as guéri, Seigneur. Tu as retiré mon fils des enfers, tu m'as sauvé en ne me laissant pas avec ceux qui descendant dans l'abîme. Chantez les louanges du Seigneur, vous tous qui êtes ses Saints, et confessez à la mémoire de sa sainteté. Car la colère et dans son indignation, et la vie dans sa volonté. » Et pareillement tous les Saints de Dieu se prosternant aux genoux du Seigneur, dirent d'une voix unanime : « Tu es arrivé, Rédempteur du monde et tu as accompli ce que tu avais prédit par la loi et par tes prophètes. Tu as racheté les vivants par ta croix, et, par la mort de la croix, tu es descendu vers nous pour nous arracher des enfers et de la mort, par ta majesté. Seigneur, ainsi que tu as placé le titre de ta gloire dans le ciel, et que tu as élevé le titre de la rédemption, ta croix sur la terre de même, Seigneur, place dans l'enfer le signe de la victoire de ta croix, afin que la mort ne domine plus. » Et le Seigneur, détendant sa main, fit un signe de croix sur Adam et sur tous ses Saints, et, tenant la main droite d'Adam, il s'éleva des enfers. Et tous les Saints le suivirent. Alors le prophète David s'écria avec force : « chantez au Seigneur un cantique nouveau, car il a fait des choses admirables. Sa droite et son bras nous ont sauvés. Le Seigneur a fait connaître son salut ; il a révélé sa justice en présence des nations ! » Et toute la multitude des Saints répondit en disant : « Cette gloire est à tous les Saints. Ainsi soit-il. Louez Dieu. » Et alors le prophète Habaouc s'écria disant : « Tu es sorti pour le salut de ton peuple, pour la délivrance de tes élus. » Et tous les Saints répondirent, disant : « Béni qui vient au nom du Seigneur, le Seigneur Dieu, et qui nous éclaira. » Pareillement le prophète Michée s'écria, disant : « Quel Dieu y a-t-il comme toi, Seigneur, ôtant les iniquités et effaçant les péchés ? Et maintenant tu contiens le témoignage de ta colère, car tu inclines davantage à la miséricorde. Tu as eu pitié de nous et tu nous as absous de nos péchés, et tu as plongé toutes nos iniquités dans l'abîme de la mort, ainsi que tu l'avais juré à nos pères dans les jours anciens. » Et tous les Saints répondirent disant : « Il est notre Dieu à jamais et pour les siècles des siècles, il nous régira dans tous les siècles. Ainsi soit-il. Louez Dieu » Et de même tous les prophètes récitant des passages de leurs anciens chants consacrés à la louange du Seigneur et tous les Saints.

CHAPITRE XXVI.

Et le Seigneur, tenant Adam par la main, le remit à Michel Archange, et tous les Saints suivirent Michel. Il les introduisit tous dans la grâce glorieuse du Paradis (35), et deux hommes, anciens des jours, vinrent au-devant d'eux. Les Saints les interrogèrent, disant : « Qui êtes-vous, vous qui n'avez pas encore été avec nous dans les enfers et qui aves été placés corporellement dans le Paradis ? » Un d'eux répondit : « Je suis Enoch (36) qui ai été transporté ici par la parole du Seigneur. Et celui qui est avec moi est Élie le Thesbite, qui a été enlevé par un char de feu. Jusqu'à présent nous n'avons point goûté la mort, mais nous sommes réservés pour l'avènement de l'Antéchrist, armés de signes divins et de prodiges pour combattre avec lui, pour être mis à mort dans Jérusalem, et, après trois jours et demi, pour être derechef enlevés vivants dans les nuées.

CHAPITRE XXVII.

Et tandis qu'Enoch et Élie parlaient ainsi aux Saints, voici qu'il survint un autre homme très misérable portant sur ses épaules le signe de la croix. Et lorsque tous les Saints le virent, ils lui dirent : « Qui es-tu ? ton aspect est celui d'un larron, et d'où vient que tu portes le signe de la croix sur tes épaules ? » Et leur répondant, il dit : « Vous avez dit vrai, car j'ai été un larron commettant tous les crimes sur la terre. Et les Juifs me crucifièrent avec Jésus, et je vis les merveilles qui s'accomplirent par la croix de Jésus le crucifié, et je crus qu'il est le Créateur de toutes les créatures et le Roi tout-puissant, et je le priai, disant : Souviens-toi de moi, Seigneur, lorsque tu seras venu dans ton royaume. Aussitôt, exauçant ma prière, il me dit : « En vérité, je te le dis, tu seras aujourd'hui avec moi dans le Paradis. » Et il me donna ce signe de la croix, disant : « Entre dans le Paradis en portant cela, et si l'Ange gardien du Paradis ne veut pas te laisser entrer, montre-lui le signe de la croix et dis-lui : « C'est Jésus-Christ, le Fils de Dieu, qui est maintenant crucifié, qui m'a envoyé. » Lorsque j'eus fait cela, je dis toutes ces choses à l'Ange gardien du Paradis. Et lorsqu'il me les entendit dire, ouvrant aussitôt, il me fit entrer et me plaça à la droite du Paradis, disant : « Attends un peu de temps, et le père de tout le genre humain, Adam, entrera avec tous ses fils, les Saints et les justes du Christ, le Seigneur crucifié. » Lorsqu'ils eurent entendu toutes ces paroles du larron, tous les patriarches d'une voix unanime, dirent : « Béni le Seigneur tout-puissant, Père des biens éternels et père des miséricordes, toi qui as donné une telle grâce à des pécheurs et qui les as introduits dans la grâce du Paradis, dans tes gras pâturages où réside la véritable vie spirituelle. Ainsi soit-il. »

CHAPITRE XXVIII.

Ce sont là les mystères divins et sacrés que nous vîmes et entendîmes, moi Carinus et moi Leucius, il ne nous est pas permis de poursuivre et de raconter les autres mystères de Dieu, comme Michel l'Archange le déclarant hautement, nous dit : « Allez avec vos frères à Jérusalem ; vous serez en oraisons criant et glorifiant la résurrection du Seigneur Jésus-Christ, vous qu’il a ressuscités avec lui d'entre les morts. Et vous ne parlerez avec aucun des hommes, et vous resterez, assis comme des muets, jusqu'à ce que l'heure arrive que le Seigneur vous permette de rapporter les mystères de sa divinité. » Michel l’Archange nous ordonna d'aller au-delà du Jourdain, dans un lieu très fertile et abondant où sont plusieurs qui sont ressuscités avec nous, en témoignage de la résurrection du Christ, parce que c'est seulement pour trois jours qu'il nous est permis, à nous qui sommes ressuscités d'entre les morts, de célébrer à Jérusalem la Pâque du Seigneur avec nos parents, en témoignage de la résurrection du Seigneur Christ, et nous avons été baptisés dans le saint fleuve du Jourdain, recevant tous des robes blanches. Et, après les trois jours de là célébration de la Pâque, tous ceux qui étaient ressuscités avec nous ont été enlevés par des nuées ; ils ont été conduits au-delà du Jourdain, et ils n'ont été vus de personne. Ce sont les choses que le Seigneur nous a ordonné de vous rapporter, et donnez-lui louange et confession, et faites pénitence, afin qu'il ait pitié de vous. Paix à vous dans le Seigneur Dieu Jésus-Christ et Sauveur de tous les hommes. Ainsi soit-il ! Ainsi soit-il ! Ainsi soit-il ! » Et après qu'ils eurent achevé d'écrire toutes ces choses sur des tomes séparés de papier, ils se levèrent. Et Carinus remit ce qu'il avait écrit dans les mains d'Anne et de Caïphe et de Gamaliel. Et pareillement Leucius ce qu'il avait écrit sur le tome de papier, il le donna dans les mains de Nicodème et de Joseph, Et tout d'un coup ils furent transfigurés et ils parurent couverts de vêtements d'une blancheur éblouissante, et on ne les vit plus. Et leurs écrits se trouvèrent égaux, n'étant ni plus ni moins grands et sans qu'il y eût même une lettre de différence. Toute la Synagogue des Juifs, entendant ces discours admirables de Carinus et de Leucius, fut dans la surprise, et les Juifs se disaient l'un à l'autre : « Véritablement C'est Dieu qui a fait toutes ces choses et béni soit le Seigneur Jésus dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il » Et ils sortirent tous avec une grande inquiétude, avec crainte et tremblement, et ils frappèrent leur poitrine, et chacun se retira chez soi. Toutes ces choses que les Juifs dirent dans leur Synagogue, Joseph et Nicodème les annoncèrent aussitôt au gouverneur, et Pilate écrivit tout ce que les Juifs avaient dit touchant Jésus, et mit toutes ces paroles dans les registres publics de son prétoire.

CHAPITRE XXIX. (37)

Après cela Pilate, étant entré dans le Temple des Juifs, assembla tous les princes des prêtres et les scribes et les docteurs de la loi, et il entra avec eux dans le sanctuaire du Temple, et ordonna que toutes les portes fussent fermées, et il leur dit : « Nous avons appris que vous possédez dans ce Temple une grande collection de livres ; je vous demande de me les montrer. » Et lorsque quatre des ministres du Temple eurent apporté ces livres, ornés d'or et de pierres précieuses, Pilate dit à tous : « Je vous conjure par le Dieu votre Père, qui a fait et ordonné que ce Temple fût bâti, de ne point taire la vérité. Vous savez tout ce qui est écrit dans ces livres ; mais dites-moi maintenant si vous trouvez dans les Écritures que ce Jésus que vous avez crucifié est le Fils de Dieu qui doit venir pour le salut du genre humain, et expliquez-moi combien d'années devaient s'écouler avant sa venue. » Étant ainsi pressés, Anne et Caïphe firent sortir du sanctuaire tous les autres qui étaient avec eux, et ils fermèrent eux-mêmes toutes les portes du Temple et du sanctuaire, et ils dirent à Pilate : « Tu nous demandes, par l'édification de ce Temple, de te manifester la vérité et de te rendre raison des mystères. Après que nous eûmes crucifié Jésus, ignorant qu'il était le Fils de Dieu, et pensant qu'il accomplissait ses miracles par quelque enchantement, nous tînmes une grande assemblée dans ce Temple. Et, conférant entre nous sur les merveilles qu'avait accomplies Jésus, nous avons trouvé beaucoup de témoins de notre race qui ont dit qu'ils l'avaient vu vivant après la passion de sa mort, et nous avons vu deux témoins dont Jésus a ressuscité les corps d'entre les morts. Ils nous ont annoncé de grandes merveilles que Jésus a accomplies parmi les morts, et nous avons entre nos mains leur récit par écrit. Et c’est notre coutume que chaque année, ouvrant ces livres sacrés devant notre Synagogue, nous cherchons le témoignage de Dieu. Et nous trouvons dans le premier livre des Septante (38) où Michel Archange parle au troisième fils d'Adam le premier homme, mention des cinq mille cinq cents ans après lesquels doit descendre du ciel le Christ, le Fils bien-aimé de Dieu, et nous avons considéré que le Dieu d'Israël a dit à Moïse : « Faites-vous une arche d'Alliance de la longueur de deux coudées et demie, de la hauteur d'une coudée et demie, de la largeur d'une coudée et demie. Dans ces cinq coudées et demie, nous avons compris et nous avons connu dans la fabrique de l'arche du vieux Testament que dans cinq milliers et demi d'années Jésus-Christ devait venir dans l'arche de son corps, et, ainsi que nos Écritures l'attestent, qu'il est le Fils de Dieu, et le Seigneur Roi d'Israël. Car, après sa passion, nous, princes des prêtres, saisis d'étonnement à l'aspect des miracles qui s'opéraient à cause de lui, nous avons ouvert ces livres, examinant toutes les générations jusqu'à la génération de Joseph et de Marie, mère de Jésus, pensant qu'il était de la race de David, nous avons trouvé ce qu'a accompli le Seigneur ; et quand il eut fait le ciel et la terre et Adam le premier homme jusqu'au déluge, il s'écoula deux mille deux cent douze ans. Et depuis le déluge jusqu'à Abraham neuf cent douze ans. Et depuis Abraham jusqu'à Moïse quatre cent trente ans. Et depuis Moïse jusqu'au roi David cinq cent dix ans. Et depuis David jusqu'à la transmigration de Babylone cinq cents ans. Et depuis la transmigration de Babylone jusqu'à l'incarnation de Jésus-Christ quatre cents ans. Et ils font ensemble cinq milliers et demi d'années (39), et ainsi il apparaît que Jésus que nous avons crucifié, est Jésus-Christ, Fils de Dieu, vrai Dieu et tout-puissant. Ainsi soit-il. »


 

NOTES.

(1) Indépendamment des savants et nombreux articles que M. Maury a donnés à la Revue Archéologique, à l’Encyclopédie Nouvelle, publiée par MM. Didot, nous possédons de lui deux ouvrages qui attestent des recherches laborieuses et d'érudition solide ; Essai sur les légendes pieuses du moyen âge, 1843, in 8 ; les Fées du moyen âge, 1843, in 12.

(2) Les manuscrits grecs de la bibliothèque du Roi qui renferment le texte de l'Évangile de Nicodème portent les numéros 770, 929, 1021 et 808. Thilo les décrit en détail, p. cxx-cxxvii de son Introduction, et il s'étend amplement sur quatre autres manuscrits auxquels il a eu recours, (deux de Munich, un de Venise, un du Vatican), ainsi que sur divers manuscrits latins,

(3) Les anciennes éditions de la traduction anglaise de l’Évangile de Nicodème, sont des livres excessivement rares, et que les bibliophiles britanniques couvrent de guinées ; à la vente de lord Blandford, en 1811, un exemplaire de l'édition de 1511 s'éleva à 22 livres sterling 11 shillings (570 fr.).

(4) Dans plusieurs manuscrits, ce préambule présente diverses variantes que Thilo a eu soin de relever (p. 500) ; il se trouve aussi quelques différences dans certains de ces noms propres ; ainsi au lieu de Summas que donnent les manuscrits latins, des codices grecs portent Siméon, et d'autres Noïmes (abréviation sans doute de Noïménios, nom qui se retrouve au 1er livre des Macchabées, chap. xii, v. 16).

(5) L'accusation de magie devait avoir de la gravité aux yeux de Pilate, chargé des pouvoirs de l'empereur. Tibère sévissait contre les enchanteurs, ainsi que l'attestent Suétone (Vie de Tibère, ch. 86), Tacite (Annales, l. II, ch. 82) et Dion Cassius (l. LVII, ch. 15).

(6) L'usage d'étendre par terre des vêtements et des manteaux au-devant d’un personnage qu'on voulait honorer, se retrouve chez diverses nations. J. Nicolaï en a fait le sujet d'une dissertation spéciale : de substratione vestium, (Giessen, 1701) ; voir aussi M. de Boa, Singularia Scripturae, t. II, du 7, et les notes des commentateurs sur le verset 8 du ch. xii de saint Mathieu.

(7) Cet hommage rendu par les drapeaux rappelle la légende que nous avons déjà signalée et d'après laquelle des arbres, s’inclinant d'eux-mêmes, avalent salué l'enfant Jésus lors de la fuite en Egypte.

(8) Quelques anciens auteurs ont donné a l’épouse de Pilate le nom de Procla ou de Claudia Procula, ils ont pensé qu'elle avait eu foi en Jésus-Christ. Les Abyssiniens l'appellent Abrecla, ainsi que le remarque Ludoplhe (Lexic. Aethiop. p. 541). L'église grecque l'a mise au rang des saintes et célèbre au fête le 27 octobre. Voir à cet égard la longue note de Thilo, p. 522. Selon une traduction répandue parmi les Coptes, Pilate s'était converti et avait souffert le martyre. S'il faut s'en rapporter à d'autres légendes, dépossédé de son gouvernement et relégué dans la Gaule, il se serait tué de désespoir à Vienne, en Dauphiné. On trouve en plusieurs endroits de l'Europe des montagnes qui portent le nom de Pilate, et que les habitants du pays rattachent à son histoire, (voir Salverte, Essai sur les noms propres, t. II, p. 291). Nous pourrions citer de nombreux écrits relatifs à ces légendes ; nous nous en tiendrons à indiquer les poésies latines et allemandes, contenues dans l’Anzeiger de Mone, 1835, col. 421-426.

(9) Le songe de la femme de Pilate a été l’objet d’interprétations diverses de la part des Pères et des anciens écrivains ecclésiastiques. Thilo a rassemblé, à cet égard, nombre de passages d’Origène, de saint Ambroise, de saint Hilaire, etc.

(10) De ces trente-neuf coups, treize devaient être donnés sur l'épaule droite, treize sur l'épaule gauche, treize au-dessus des épaules. S. A. Othon a réuni dans son Lexicon Rabbinicum, p. 244, nombre de passages relatifs à cette flagellation. Elle fut conservée en vigueur jusqu'à des temps rapprochés de nous, car Uriel Acosta, penseur indépendant et hardi, la subit à Amsterdam vers le milieu du xviie siècle.

(11) Nicodème mourut peu de temps après la passion de Jésus-Christ. Gamaliel le fit inhumer à côté de saint Etienne. C'est peut-être ce qui a porté le patriarche de Constantinople Photius à croire que Nicodème avait été victime de la même persécution. L'église l’honore seulement comme confesseur, le 8 août

(12) St Mathieu (chap. ix. 20) n'a point fait connaître le nom de cette femme. Selon un sermon attribué à tort à saint Ambroise, (Serm. 47, in append. edit Benedict. olim libellus de Salom. c. 5) c'était Marthe, la sœur de Lazare. Eusèbe dit que c'était une femme idolâtre et qu'elle érigea en mémoire du miracle une statue qu'il a vue de ses yeux. Selon Philostorge et Sozomène, l'empereur Julien fit renverser cette statue. Nous renvoyons d'ailleurs à une assez longue note de Thilo, p. 561, à Dom Calmet, (Commentaire sur la Bible, 1726, tome VII, p. 83), et à Fabricius, t. II, p. 445-455 ; ce dernier rapporte, en grec et latin, une prétendue lettre de l’hémorroïsse au roi Hérode, d'après la Chronographie de Jean Malala (Oxford, 1691, p. 305.) M. Maury pense que c'est dans l'évangile de Nicodème que Malala a pris le nom de Βερονίαη, Veronica, qui depuis a généralement été donné par les légendaires à l’hémorroïsse.

(13) Chez les Juifs, avant qu'un accusé fût livré au supplice, un héraut demandait à haute voix s'il n'y avait pas de témoins qui vinssent déposer en faveur de son innocence. Voir le traité Sanhédrin, dans la Mischna, édition de Surenhusius, tom. iv, p. 233.

(14) Cette coutume de délivrer des prisonniers à l'occasion de quelques grandes fêtes, existait chez les Romains et chez les Athéniens. Elle fut en vigueur lors des solennités de Pâques, à la cour des premiers empereurs chrétiens. Remarquons en passant qu'il n'y a pas longtemps un jurisconsulte célèbre, M. Dupin aîné, a discuté la légalité et la régularité de la procédure instruite contre le Sauveur. (Jésus devant Caïphe et Pilate, Paris, 1828, in-18) ; il a combattu des assertions émises par M. Salvator, et que celui-ci a cherché à soutenir dans une seconde édit (1838) de son ouvrage (Jésus-Christ et sa doctrine, tom. II, p. 520). Indiquons aussi aux bibliophiles le Trésor admirable de la sentence de Pilate contre Jésus-Christ, trouvée miraculeusement, écrite sur parchemin, dans la ville d'Aquila, traduit de Vitalien, Paris, 1581, in-8º, opuscule de 24 feuillets, dont il y a une autre édition, Paris, 1621, (de 16 pages), et dont il a été fait, en 1839, à la librairie de Techener, une réimpression fac-similé. Selon l'inventeur de cette pièce, indigne que la critique s'en occupe un instant, on la découvrit dans un vase de marbre, enclos de deux autres vases, l'un de fer et l'autre de pierre.

(15) On trouve dans la Chronique de Martin le Polonais, (l. III, p. 118), divers récits fabuleux relatifs à ce Longin. On a prétendu qu'il avait été enseveli dans l’île Barbe, au confluent de la Saône et du Rhône. Des actes nullement authentiques ont été inscrits sous son nom dans le recueil des Bollandistes, au 15 mars. Voyez d'ailleurs Th. Bartholinus, de Latere Christi aperto, cap. vi, et Thilo, p, 586.

(16) Les Grecs célébraient la fête du bon larron, le 10 des calendes d'avril, les latins le 8. Consultez la collection des Bollandistes, au 25 mars. La croix sur laquelle il mourut fut longtemps conservée, dit-on, dans l’île de Chypre. César de Nostradamus, fils du célèbre prophète, a composé un petit poème, intitulé Dymas, ou le Bon Larron, Tholose, 1606.

(17) Ces récits, relatifs à Joseph d'Arimathie, ont passé dans les épopées chevaleresques ; c'est lui qui a été prêcher la foi dans la Grande-Bretagne. Les Grecs célèbrent sa fête le 31 juillet ; il figure au calendrier romain sous la date du 17 mars. Sa vie est tout au long dans le recueil des Bollandistes, t. II, de mars, p. 507 et suiv.

(18) Thilo donne, p. 618-622, une note fort étendue au sujet du mont des Olives ; nous croyons qu'il suffira de l'indiquer.

(19) Les écrivains rabbiniques abondent en récits d'apparitions fort apocryphes d'Élie. Voir l'ouvrage d'Eisenmenger, Judaïsmum detectum, t. I, p. II et suiv., t. II, p. 402-407, Francfort, 1700, 2 vol. in 4°.

(20) Dans Grégoire de Tours, où se retrouve la même histoire, ce n'est pas Jésus mais un Ange qui vient délivrer Joseph.

(21) Chez les Pères et chez les écrivains du moyen-âge, s'endormir se rencontre mainte et mainte fois comme synonyme de mourir,

(22) Gassendi rapporte une ancienne formule de serment selon laquelle les Juifs juraient par le Dieu père, Adonaï, par le Dieu qui apparut à Moïse dans le buisson ardent, et par toute la loi que Dieu a enseignée à Moïse, son serviteur. — Quant aux noms de Carinus, de Leucius, Beausobre et M. Maury les rapprochent de celui du faussaire Lencius ou Lucius qui vivait à la fin du premier siècle ou au commencement du second. Il est à croire que l'auteur de l'Évangile de Nicodème a pu prendre dans quelque œuvre apocryphe, à laquelle s’attachait le nom de ce faussaire, l’idée d'attribuer à deux personnages de ce nom, sa relation de la descente aux enfers.

(23) Origène est, je crois, le premier écrivain ecclésiastique qui ait fait mention de l’allocution que saint Jean-Baptiste adresse, en sa qualité de précurseur du Sauveur, aux âmes détenues dans les prisons de l'enfer. (Voir le t. II, p. 495 de l'édition des Bénédictins, Paris, 1738-59, 4 vols in-folio). Nous pourrions rapporter ici, ainsi que sur chacune des phrases de récrit que nous traduisons, une foule de passages extraits des pères de l'église et des écrivains ecclésiastiques, mais ces discussions théologiques ne seraient nullement à leur place. Nous renvoyons ceux qu'elles intéresseraient aux notes hérissées de grec de l'édition de Thilo et au livre de Dietelmayer : Historia dogmatica de descensu Christi ad inferos. Nous signalerons la dissertation de Semler : De vario et impari veterum studio in recolenda historia descensus ad inferos, ainsi qu'à celle d'Ittig : de evangelio mortuis annuntiato. M. Alfred Maury, dans la dissertation que nous avons déjà citée, a discuté plusieurs de ces passages des Pères. Nous mentionnerons seulement les circonstances de l'apparition de saint Jean-Baptiste sous les traits d'un ermite ; plus tard nous reverrons le bon larron porter les traces de son crucifiement, preuve de l'opinion généralement répandue dans l'antiquité que l'âme, affranchie du corps, en conservait toutefois la forme et les signes distinctifs. N'omettons pas de dire que parmi les manuscrits du musée Britannique, il s'en trouve un en langue copte écrit au septième ou huitième siècle ; il paraît avoir quelque analogie avec l'Évangile de Nicodème, et des érudits le regardent comme une traduction d'un écrit de Valentin, le chef d'une des plus illustres écoles gnostiques de l'Egypte. L'auteur de cet ouvrage dont la forme est dramatique, suppose que Jésus-Christ, après sa résurrection, passe douze années avec ses disciples, leur développant, dans une suite d'instructions, une révélation supérieure, et la science du monde des intelligences. — On sait que les Bibliothèques de l'Angleterre possèdent des manuscrits coptes d'une haute importance, intitulés : la Fidèle Sagesse, les Mystères du monde invisible, etc. La publication de ces écrits éclairerait la philosophie des premiers siècles du christianisme, et jetterait de la clarté sur les doctrines du gnosticisme, doctrines encore imparfaitement connues, malgré les travaux d'érudits tels que Neander et M. Matter. On trouvera, à l'égard de ces compositions en copte, quelques renseignements malheureusement trop courts, dans une brochure de M. Dulaurier que nous avons déjà citée à propos de l'histoire de Joseph : Fragment des révélations apocryphes de saint Barthélémy (Paris, impr. royale, 1885). Voir aussi la lettre de ce judicieux érudit an ministre de l'instruction publique, du 24 octobre 1833, (Moniteur de la même année, p. 2408).

(24) Parmi les diverses opinions relatives à la délivrance des patriarches, il faut citer, à cause de sa singularité, celle des Marcionites. Selon cette secte de gnostiques, Caïn et ceux qui lui ressemblaient, les habitants de Sodome, les Égyptiens et tous ceux enfin qui avaient marché dans les voies de l'iniquité, avaient seuls été sauvés par le Seigneur, lors de sa descente aux enfers, à l'exclusion d'Abel, d'Enoch, de Noé, des imitateurs d'Abraham et des prophètes.

(25) Il a circulé nombre de légendes fabuleuses au sujet de ce patriarche ; on lui a attribué divers écrits. Georges Syncelle raconte, d'après la Petite Genèse (livre attribué à Esdras), que Seth fut instruit par les Anges de la venue du Sauveur et de la marche des choses futures, et qu'il en fît part à ses enfants. Des rabbins prétendent qu'Adam envoya Seth aux portes du Paradis demander à l'Ange une branche de l'arbre de vie ; et, de cette branche, enfoncée en terre, il naquit un bel arbre qui fournit successivement la verge d'Aaron, celle de Moïse, le bois que Moïse jeta dans les eaux pour les rendre douces, le support qui soutint le serpent d'airain. Le moyen-âge forgea là-dessus un récit merveilleux, d'après lequel le tronc de cet arbre, après avoir été employé à la construction du Temple de Salomon, donna le bois de la vraie croix, récit qui se trouve entre autres ouvrages dans l’Histoire de la pénitence d'Adam, traduit du latin en français par Colard Mansion, typographe de Bruges, au sujet duquel M. Van Praët a publié des Recherches intéressantes. D'autres écrivains modifiant quelques circonstances de ce récit, racontèrent que l'arbre ne put s'adapter à aucune portion du Temple, et qu'on le plaça sur un fleuve où il servait de pont ; la reine de Saba ne voulut point mettre le pied dessus, parce qu'elle savait que le rédempteur du monde devait souffrir sur ce bois. Les Juifs le jetèrent dans un égout, lequel devint la piscine miraculeuse dont il est question dans l'Évangile (saint Jean, chap. 5). Voir un passage d'Adelphus, cité dans le Thesaurus hymnologicus de Daniel, t. II, p. 80, et dans les Poésies populaires latines du moyen-âge, de M. Edelestand du Méril, p. 320.

(26) Indiquons ici un passage des Récognitions de saint Clément (l. i. c. 45), ouvrage du premier siècle, où il est donné une explication mystique de cette onction de l'huile, provenant de l'arbre de vie. Dans la cérémonie du baptême, chez les Ophites, hérétiques antérieurs à Origène, le néophyte disait : « Oignez-moi du baume blanc de l'arbre de vie. » Selon les écrivains juifs, l'arbre de vie, ainsi que tout ce qui était dans le Paradis terrestre, a été transporté dans le ciel ; le livre d'Enoch (édit. d'Oxford, 1824) le dit formellement (chap. XXIV. i-ii; XXXI. i-v). On peut recourir aux passages qu'a réunis Schœttgenius dans ses Horae Heb. et Talm. p. 1095. Puisque nous avons parlé de l'arbre de vie, notons, qu'au dire de quelques rabbins, celui qui était au milieu des jardins de l'Éden était si gros qu'il aurait fallu cinq cents ans à un homme tel que nous, pour en faire le tour.

(27) Les écrits les plus anciens indiquent l'Archange Michel comme le protecteur des Israélites et des chrétiens. Hermas, dans le livre du Pasteur, l'appelle le défenseur et le chef des fidèles ; Sophorinus, archevêque de Jérusalem, dans son discours de l'excellence des Anges, (inséré dans la Bibliothèque des Pères, édit. de Lyon, t. XII, p. 210), le qualifie de prince établi sur tout le genre humain, de saint archi-satrape, de conservateur du corps, celui qui éclaire toute créature et qui introduit les âmes au ciel.

(28) Quelques sectes des premiers siècles, les Montanistes, entre autres, poussèrent ridée de la nécessité et de l'efficacité du baptême jusqu'à baptiser les cadavres d'individus morts avant d'avoir pu recevoir ce sacrement Voyez Vossius, Dissert de baptismo, Wall, History of pœdobatism, Monter, de antiquit. eccles. gnosticorum. Selon un théologien grec, Théodore Abucaras, tous les saints de l’Ancien Testament furent baptisés par le mélange de sang et d'eau qui s'écoula du côté de Jésus-Christ.

(29) Cette distinction entre Satan et le prince de l'enfer se retrouve dans quelques ouvrages des anciens auteurs ecclésiastiques et dans divers écrits apocryphes, notamment dans les actes de saint Thomas que Thilo a publiés en 1823, avec un commentaire, d'après un manuscrit, resté inédit, de la bibliothèque du roi.

(30) L'expression de Tartare se retrouve dans quelques poètes ecclésiastiques. Fulbert, de Chartres, disait, au dixième siècle, dans son hymne pour la fête de Pâques : « Quam devorarat improbus Prœdam refudit Tartarus ; » et nous trouvons dans une pièce de vers attribué à tort, sans doute, à Victorin, de Poitiers : « A sedibus imis Tartarus evomuit proceres. » Si quelque lecteur tenait à connaître tous les passages des Pères, où reparaissent ces description de l'enfer que le vulgaire interprétait à la lettre, renvoyons-le avec M. Maury, à deux ouvrages de Mamachi, de animabus justorum in sinu Abrahœ, ante Christi mortem, Romae, 1766, 2 vol. in-4°, et de T.-L. Kœnig, Die Lehre von Christi. Hœllenfahrt, Francfort, 1842.

(31) Il a existé des livres attribués à Lazare, mais ils sont perdus.

(32) Beausobre, dans son Histoire du Manichéisme (i, 374) s'exprime ainsi au sujet de ce discours : « C'est le plus bel endroit de la pièce. L'orateur y prête au prince du Tartare toute son éloquence. Il lui prête même des sentiments qui feraient croire qu'il y a encore quelques principes de justice aux enfers. »

(33) Après Belzebuth, quelques manuscrits portent l'épithète de tricapitinus ou tricapitus. Ce qui rappelle un passage du Kidduschin folio 29. — « Le rabbin Acha passa la nuit dans un cimetière, et bientôt le démon lui apparut, et il avait la forme d'un démon à sept têtes. » Le chien à trois têtes, le Cerbère des Grecs est chargé de la garde de l'enfer chrétien, dans un des hymnes grecs de Synésius, évêque de Ptolémaïs, mort vers 630 ; on le retrouve comme l'emblème du diable sur une des colonnes de l'église de Saint-Martin, à Tarascon.

(34) Nous pourrions rapporter ici nombre de passages d’écrivains ecclésiastiques et d'anciens prédicateurs qui s'accordent avec les récits de l'Évangile de Nicodème, non seulement pour le fend des choses, mais encore pour les mets ; il suffira d'en avoir prévenu une fois.

(35) La plupart des docteurs des 4e, 5e et 6e siècles, ont cru qu'il s'agissait ici du Paradis terrestre, ils le représentaient comme existant encore sur la terre. Quelques 'écrivains l'ont placé dans l'île de Taprobane ou de Ceylan. Albert le Grand rapporte qu'il est aux extrémités de l'Inde, sur une montagne tellement élevée, qu'elle atteint jusqu'à la lune. Il est digne de remarque que c'est en effet dans l'Inde que se trouvent les cimes de l'Himalaya, les pics les plus, altiers et les plus inaccessibles sur la surface de noire planète. D'autres, tels que Pierre Lombard, le Maître des sentences, se bornent à placer le jardin d’Eden sur une montagne que les eaux du déluge n'ont pu recouvrir. Il serait long et fastidieux de rechercher les diverses places que l'on a données au Paradis terrestre ; les Musulmans le mettent dans le septième ciel, Hardoin, aux environs de Damas, Heidegger, dans la vallée du Jourdain, Reland, dans l'Arménie, Fregge, sur les bords de la mer Caspienne, Marignola dans les Maldives, Hasse, sur les rives de la Baltique, Rudbeck en Suède, et Schulz, dans les régions polaires.

(36) Nous avons déjà parlé d’Énoch, et nous renvoyons à une longue note de Thilo, p. 756-791, ceux qui seraient curieux de rechercher les diverses opinions émises au sujet de ce patriarche. Nous ajouterons que, selon une tradition fort répandue parmi les Hébreux, Moïse aurait été enlevé vivant au ciel, ainsi qu'Enoch et ainsi qu'Élie, et qu'il a existé un livre apocryphe de l’Assomption de Moïse. On a prétendu également que Jérémie avait été exempt de la loi commune du trépas, et qu'il reviendrait sur la terre avec Elie. (Voir saint Hilaire, conc. 20 in Matthœum, et Bartolocci, Bibliotheca rabbinica, t. IV p. 513).

Quant à Enoch et aux écrits qui lui sont attribués, nous ajouterons les indications suivantes à celles qui sont contenues dans une de nos notes sur l’Histoire de Joseph : G. S. Sandmark, De libro Enochi prophetico, Lund, 1769, 4° ; J. Rezel et Denell, de prophetia Enochi, ibid. 1769, 4° ; Silvestre de Sacy, Notice du livre d’Enoch, traduit de l’Éthiopien en latin, dans le Magasin Encyclopédique, 1800, t. I, p. 869 ; The book of Enoch the prophet, an apocryphal, production discovered at the close of the last century in Abysinia now first translated from an Ethiopic mss. by R. Laurence, Oxford (1821), 1833, 8° ; R. Murray, Enoch restitutus, Londres, 1833, 8° ; A. C. Hoffmann, Das Buch Enoch, Jena 1838, 8°. Nous remarquerons aussi que les Arabes ont donné à Enoch le nom d'Edris : Enoch dictas Edris propter multiplex studium ; dimisit enim ei altissimus triginta volumina, (Hottinger, Hist. orient. l. I, c. 3), Abulpharage affirme que d'anciens auteurs grecs (grœci antiquiores) assuraient que ce patriarche était le même qu'Hermès, dit Trismégiste. Plusieurs écrits nous sont parvenus sous le nom de ce dernier personnage dont l'existence est entourée d'épaisses ténèbres. On peut consulter à cet égard J. G. Rœser, Dissert. de Hermete, (Viteberg. 1636, 4°), Baumgarten Crusius : de libror. hermetic. indole atque origine. (Jenae, 1827, 4°). Quant aux livres qui lui sont attribués, ils sont au nombre de deux, (Pimander, de sapientia et potestate Dei ; Asclepius, de voluntate divina) ; le premier fut traduit en latin par Marsile Ficin, et cette traduction, imprimée en 1471, fut souvent reproduite au seizième et au dix-septième siècle. Le texte grec fut publié pour la première fois à Paris, en 1554, chez Adrien Turnèbe. On en connaît deux traductions françaises par G. du Préau, Paris, 1549, et par F. de Foix de Candalle, Bordeaux, 1574, in-8°. Chacune d'elles ont eu les honneurs de la réimpression. (Au sujet de ces diverses éditions, consulter le Manuel du Libraire, 1843, t, III, p. 363). M. Ravaisson, dans son travail sur la métaphysique d'Aristote, t. II, p. 481, s'exprime ainsi à l’égard de ses écrits : « Ils sont apocryphes, mais ils ne sont pas toutefois aussi récents que quelques auteurs l'ont supposé. Le Pymandre est évidemment l'œuvre d'un chrétien, la doctrine de l’Asclepius, livre important et peu étudié, présente de singuliers rapports avec celle de Philon et des cabalistes. »

(37) Ce chapitre n'existe point en grec et dans une partie des manuscrits latins, il est l'œuvre d'une main plus récente ; l'ignorance de l'auteur se trahit lorsqu'il raconte que Pilate, un païen, put entrer, sans empêchement, dans le sanctuaire du Temple.

(38) Il y a lieu de croire que cette expression de Septante se rapporte aux 70 livres, que la tradition attribuait à Esdras ; le premier d'entre eux, connu sous le nom de la Petite-Genèse, renfermait les dialogues de l'Archange Michel avec Seth.

(39) Remarquons que si l’on additionne ces diverses périodes, l’on trouve 4964 et non 5500 ans. D'autres manuscrits portent des chiffres un peu différents, mais aucun n'a eu l'habileté de tomber juste.