Massoudi

MAÇOUDI.

 

LES PRAIRIES D'OR. (chapitre XVI)

(chapitres XI à XV)

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 


MAÇOUDI.

LES PRAIRIES D'OR.

TEXTE ET TRADUCTION

PAR

C. BARBIER DE MEYNARD ET PAVET DE COURTEILLE.

 

 

TOME PREMIER.

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CHAPITRE XVI.

RAPIDE EXPOSÉ DES MERS, LEURS PARTICULARITÉS ; LES PEUPLES ET LES DIFFÉRENTES PUISSANCES ; RENSEIGNEMENTS SUR L'ESPAGNE ; LES CONTRÉES D'OU PROVIENNENT LES PARFUMS, LEURS DIFFÉRENTES ESPÈCES, ET AUTRES SUJETS.

Nous avons déjà parlé plus haut, d'une manière générale, des mers qui communiquent entre elles et de celles qui sont isolées ; nous donnerons dans ce chapitre des notions sommaires sur les communications de la mer d'Abyssinie avec les autres mers, sur les royaumes, les rois, les différents rangs qu'ils occupent, et sur d'autres faits intéressants.

Les eaux des mers de la Chine, de l'Inde, de la Perse et du Yémen communiquent entre elles sans interruption, comme nous l'avons dit ; mais l'agitation et le calme y sont variables et dépendent de la diversité des vents qui y soufflent, des époques où elles sont soulevées par la tempête, et d’autres circonstances encore. Ainsi la mer de Perse est houleuse et d’une navigation difficile quand la mer de l’Inde est paisible, très peu agitée et très facile à traverser. La mer de Perse, à son tour, est calme, presque sans vagues et d’un parcours facile, lorsque la mer de l’inde est profondément troublée, et que le choc de ses vagues et ses brouillards opposent de grandes difficultés aux navigateurs. La mer de Perse commence à devenir orageuse lorsque le soleil entre dans le signe de l'Épi et à l'approche de l'équinoxe d'automne ; les vagues augmentent continuellement jusqu'à ce que le soleil se trouve dans le signe du Poisson ; elles sont surtout violentes vers la fin de l'automne, quand il est dans le Sagittaire, et elles se calment ensuite, pour reparaître de nouveau, quand il revient à la constellation de l'Épi ; les dernières vagues s'y montrent vers la fin de printemps, lorsque le soleil séjourne dans les Gémeaux. Quant à la mer de l'Inde, elle est très grosse jusqu'à ce que le soleil entre dans l'Épi, seule époque où elle devient navigable ; les plus grands calmes y règnent lorsque le soleil se trouve dans le Sagittaire. Sur la mer de Perse on navigue toute l’année d'Oman à Siraf pendant une traversée de cent soixante parasanges, et, de Siraf à Basrah, distante de cent quarante parasanges ; mais on ne dépasse pas ces deux localités ou leurs alentours. L'astronome Abou Mâchar, dans son ouvrage intitulé Grande introduction à l'astronomie, rapporte ce que nous venons de raconter sur l'agitation et le calme alternatifs de ces mers, selon la constellation dans laquelle séjourne le soleil. Aucun bâtiment d'Oman, sauf les bateaux qui se risquent avec une petite charge, ne traverse la mer de l'Inde pendant le tirmah (mois de juin) ; ces bateaux, qui ont osé se rendre à cette époque dans l'Inde, s'appellent à Oman tirmahyyeh. Or il faut savoir que pour les régions de l'Inde et la mer des Indes, le ieçareh, c'est-à-dire l'hiver, et les pluies continuelles qui, chez nous, tombent pendant les mois de décembre, janvier et février, correspondent à l’été, de même que chez nous la chaleur se fait sentir pendant les mois de juin, juillet, août, en sorte que l'été règne chez eux pendant noire hiver, et réciproquement. Il en est de même dans toutes les villes de l'Inde et du Sind et dans tous les pays limitrophes jusqu'aux extrémités de cette mer. On se sert du mot iaçara pour désigner le séjour d'hiver que quelqu'un fait dans l'Inde, tandis que l'été règne dans nos climats. Cette différence de saisons provient du plus ou moins de distance ou de proximité du soleil.

La pêche des perles, dans le golfe Persique, n'a lieu que depuis le commencement d'avril jusqu'à la un de septembre ; elle cesse pendant les autres mois. Dans nos ouvrages antérieurs nous avons nommé tous les endroits de cette mer où il existe des pêcheries ; car les perles se trouvent exclusivement dans la mer d'Abyssinie, au pays de Kharek, de Kotor, d'Oman, de Serendib, et sur d'autres points de ces parages. Nous y avons aussi parlé de la manière dont la perle se forme, et des différentes opinions émises à ce sujet ; les uns la faisant naître de la pluie, et les autres lui attribuant une origine toute différente. Nous avons dit qu'on distinguait dans les perles les anciennes et les nouvelles, appelées aussi el-mahar et connues sous le nom d'el-balbal. Quant à l'animal lui-même, il se compose d'une agglomération de chair et de graisse qui se trouve dans la coquille ; il redoute pour la perle l'approche des plongeurs, comme une mère craindrait pour son enfant. Nous avons expliqué aussi la manière dont on plonge. Les plongeurs, ainsi que nous l'avons dit, ne se nourrissent que de poissons et de dattes, et d'autres aliments du même genre ; on leur fend le bas de l'oreille pour laisser passage à la respiration, attendu qu'ils bouchent leurs narines avec un appareil taillé en fer de flèche, fait de zebel, qui est l'écaillé de la tortue marine dont on fabrique les peignes, ou bien encore en corne, mais jamais de bois ; ils portent dans leurs oreilles du coton imprégné d'huile dont ils expriment une faible partie lorsqu'ils sont au fond de la mer, ce qui les éclaire comme une lumière. Ils enduisent leurs pieds et leurs cuisses d'une matière noire qui fait fuir au loin les monstres marins par lesquels ils craindraient d'être engloutis. Quand ils sont au fond de la mer ils poussent des cris semblables aux aboiements des chiens, et dont le bruit perçant leur sert à communiquer les uns avec les autres. Enfin nous avons encore rapporté d'autres détails curieux concernant les plongeurs et leur art, l'huître à perle et son animal, les qualités, le caractère distinctif, le prix et le poids de la perle.

Cette mer commence du côté de Basrah, d'Obollah et du Bahreïn, à partir des estacades de Basrah ; puis vient la mer Larewi, qui baigne les territoires de Seïmour, Soubareh, Tabeh, Sindan, Kambaye et autres, faisant partie de l'Inde et du Sind ; puis la mer d'Herkend ; puis la mer de Killâh ou Kalah et l'archipel ; puis la mer de Kerdendj ; puis la mer de Sinf, dont les côtes produisent l'aloès appelé de son nom sinfi, et enfin la mer de Chine ou Sindji, qui est la dernière de toutes. La mer de Perse, ainsi que nous l'avons dit, commence aux estacades de Basrah, à l'endroit même connu sous le nom d'el-Kenkelâ ; ce sont des madriers enfoncés dans la mer et servant de signaux aux bâtiments. De là à Oman, en suivant la côte de Perse et du Bahreïn, il y a trois cents parasanges. De l'Oman, dont la capitale s'appelle Sobar, ou Mezoen, d'après les Persans, à Maskat, ville qui possède des puits où les marins viennent faire de l'eau douce, il y a une distance de cinquante parasanges. Il y en a autant de Maskat au cap el-Djomdjomah, limite extrême de la mer de Perse, dont la longueur est de quatre cents parasanges, ce qui est conforme, du reste, à l'évaluation des patrons qui fréquentent ces parages. Le cap el-Djomdjomah est formé par une montagne qui va rejoindre le Yémen par le pays d'ech-Chibr, d'el-Ahkaf et des sables, et qui se prolonge ensuite dans les profondeurs de la mer jusqu'à une limite inconnue. Toutes les fois qu'une montagne s'étend ainsi au loin sous les eaux, on lui donne dans la Méditerranée le nom de Sofalah ; tel est le Sofalah qui, de l'endroit connu sous le nom de côte de Séleucie, dans le pays de Roum, s'étend sous la mer dans la direction de l'île de Chypre, et sur lequel tant de vaisseaux grecs ont échoué et péri. Nous aurons toujours soin de rapporter les termes dont les navigateurs de chaque mer se servent entre eux et dont ils comprennent parfaitement le sens. — Du cap el-Djomdjomah les vaisseaux, quittant le golfe Persique, passent dans la seconde mer, ou mer Larewi. On n'en connaît pas la profondeur, et on n'en peut déterminer exactement les limites à cause de l'abondance de ses eaux et de son immensité ; bien des marins prétendent qu'il est difficile d'en donner une description géographique, tant est grande la multitude de ses ramifications. Toutefois les vaisseaux la traversent communément en deux ou trois mois, quelquefois même en un mois, lorsque le vont est favorable et l'équipage en bonne santé, bien que ce soit la plus considérable et la plus orageuse de toutes les mers réunies sous le nom collectif de mer d'Abyssinie. Elle comprend dans son immensité la mer de Zendj, et baigne les côtes de ce pays. L'ambre est rare dans la mer Larewi, mais il se trouve en grande quantité sur les côtes de Zendj et sur le littoral d'ech-Chihr en Arabie. Les habitants de ce dernier pays sont tous des descendants de Kodaâh, fils de Malik, fils de Himiar, mêlés à d'autres Arabes ; on les comprend tous sous le nom de Maharah. Ils ont une chevelure épaisse et tombant sur les épaules ; leur langage diffère de celui des Arabes. Ainsi ils mettent le chin à la place du kef et disent, par exemple, hel lech fima koulta li (as-tu le pouvoir de faire ce que tu m'as dit ?), pour lek ; ou bien, koultou lech en tedjâla ellezi mâi fillezi mâech (je t'ai dit de mettre ce qui est chez moi avec ce qui est chez toi), pour lek et mâk ; ils ont encore d'autres locutions étranges dans leur conversation. Ils sont pauvres et misérables, mais ils ont une race excellente de chameaux, connue sous le nom de mahariieh, qu'ils montent la nuit, et qui, pour la vitesse, égalent les chameaux du Bodja et les dépassent même, d'après l'avis de bien des personnes. Ils se rendent avec eux au rivage de la mer, et aussitôt que le chameau aperçoit l'ambre que les flots ont rejeté, il s'agenouille, ainsi qu'il y est dressé, et le cavalier ramasse cette substance. Le meilleur ambre est celui qui se trouve dans les lies et sur les côtes de la mer de Zendj ; il est rond, d’un bleu pâle, quelquefois de la grosseur d'un œuf d'autruche ou d'un volume un peu moindre. Il y a des morceaux qui sont avalés par le poisson appelé el-aoual, dont nous avons déjà parlé ; lorsque la mer est très agitée elle vomit de son sein des fragments d'ambre presque aussi gros que des quartiers de roche. Ce poisson les engloutit, en meurt étouffé, et surnage ensuite sur les flots. Aussitôt des hommes de Zendj ou d'autres pays, qui attendent sur des canots le moment favorable, attirent à eux l'animal avec des harpons et des câbles, lui fendent le ventre et en retirent l'ambre ; celui qui était dans les entrailles exhale une odeur nauséabonde, et les droguistes de l'Irak et de la Perse le surnomment nedd ; mais les fragments qui se trouvent près du dos sont d'autant plus purs qu'ils ont séjourné plus longtemps dans l'intérieur du corps.

Entre la troisième mer ou celle d'Herkend et la mer de Lar, il y a, comme il a été dit, un grand nombre d'îles qui en forment comme la séparation ; on en compte deux mille ou plus exactement dix-neuf cents. Elles sont toutes très bien peuplées et obéissent à une reine ; car, depuis les temps les plus reculés, les habitants ont pour coutume de ne pas se laisser gouverner par un homme. L'ambre qu'on trouve dans ces parages, et que la mer y rejette, atteint le volume des plus gros quartiers de roche. Plusieurs navigateurs et bien des négociants de Siraf et d'Oman, qui ont fait le voyage de ces îles, m'ont assuré que l'ambre croît au fond de la mer, et s'y forme comme les différentes espèces de bitume blanc et noir, comme les champignons et autres substances du même genre ; quand la mer est agitée, elle rejette de son sein des fragments de roche, des galets, et en même temps des morceaux d'ambre.

Les habitants de ces îles sont tous soumis à un même gouvernement ; ils sont très nombreux, et peuvent mettre sur pied une armée innombrable. Chaque île est séparée de sa voisine par une distance d'un mille, d'une, de deux ou trois parasanges ; les cocotiers y réussissent, mais on n'y trouve pas le dattier. Parmi les savants qui s'occupent de la reproduction des animaux et de la greffe des arbres à fruit il en est plusieurs qui prétendent que le cocotier n'est autre chose que l'espèce de palmier appelé el-mokl, lequel, sous l'influence de sol de l’Inde où il a été transporté, est devenu ce que nous le voyons aujourd'hui. Dans notre ouvrage qui a pour titre les Questions et les expériences, nous avons traité de l'influence qu'exercent sur les êtres doués ou privés de raison chaque région et son climat, et nous avons parlé des effets que produit le sol sur les organiques comme les végétaux et sur les inorganiques comme les minéraux. C'est ainsi qu'on doit attribuer au climat habité par les Turcs les traits caractéristiques de leur physionomie et la petitesse de leurs yeux, et cette influence s'exerce jusque sur leurs chameaux, qui ont les jambes courtes, le cou gros et les poils blancs. Il en est de même pour les peuples établis dans le pays de Yadjoudj et Madjoudj, et aucune de ces remarques n'a pu échapper à personne de ceux qui ont fait des observations sur les Orientaux et les Occidentaux. Pour en revenir à ces îles, il n'y en a pas d'autres dont les naturels soient plus habiles artisans, qu'il s'agisse de la fabrication des étoffes, des instruments ou d'autres objets. La reine n'a pas d'autres monnaies que les cauris, qui sont des espèces de mollusques. Lorsqu'elle voit son trésor diminuer, elle ordonne aux insulaires de couper des rameaux de cocotier avec leurs feuilles et de les jeter sur la surface de l'eau ; ces animaux y montent, on les ramasse et on les étend sur le sable du rivage où le soleil les consume et ne laisse que les coquilles vides que l'on porte au trésor. De ces îles, qui sont connues sous le nom de Dabihat, on exporte une grande quantité de zandj ou coco. La dernière de toutes est celle de Serendib. A une distance d'environ mille parasanges, se rencontrent encore d'autres îles, nommées er-Ramin, bien peuplées et gouvernées par des rois. Elles sont abondantes en mines d'or et voisines du pays de Kansour, célèbre par son camphre, qui ne s'y trouve jamais en plus grande quantité que les années où il y a beaucoup d'orages, de secousses et de tremblements de terre.

Le coco sert de nourriture aux habitants dans la plupart des îles que nous venons de nommer ; on en exporte le bois de Bokkam (bois du Brésil), le bambou et l'or. Les éléphants y sont nombreux, et quelques-unes sont habitées par des anthropophages. Près de ces îles sont celles d'Elendjmalous, où vivent des peuples d'une figure bizarre qui marchent entièrement nus. Ils vont sur leurs canots au-devant des vaisseaux qui passent, portant avec eux de l'ambre, des noix de coco et autres objets qu'ils échangent contre du fer et des étoffes, car ils ne connaissent pas les monnaies d'or ou d'argent. Près de là se trouvent les îles Andaman. Elles sont peuplées par des noirs d'un aspect étrange ; ils ont des cheveux crépus et le pied plus grand qu'une coudée. Ils ne possèdent pas de barques ; ils dévorent les cadavres que la mer jette sur leurs côtes, et traitent de même les équipages que le hasard fait tomber entre leurs mains. Plusieurs navigateurs m'ont raconté qu'ils ont vu souvent dans la mer de Herkend se former de petits nuages clairs dont se détachait une sorte de langue blanche et allongée qui allait se joindre à l’eau de la mer ; aussitôt celle-ci commençait à bouillonner, et d'énormes trombes s'élevaient, engloutissant tout sur leur passage, et retombant en pluie d'une odeur désagréable et mêlée d'immondices arrachées à la mer.

La quatrième mer est, comme nous l'avons dit, celle de Kalâh-bar, c'est-à-dire mer de Kalah. Comme toutes les mers qui ont peu d'eau, elle est dangereuse et d'une navigation difficile. On y rencontre beaucoup d'îles et de ce que les marins appellent soarr et au pluriel saraïr, qui est le point de jonction de deux détroits ou canaux. Elle renferme encore des îles et des montagnes très curieuses dont nous ne parlerons pas, parce que notre but est de donner des notions sommaires, mais nullement d'entrer dans les détails.

La cinquième mer, nommée mer de Kerdendj, renferme aussi beaucoup de montagnes et d'îles, où se trouvent le camphre et l'eau de camphre. Elle n'est pas riche en eaux, bien que la pluie n'y cesse presque jamais. Parmi les insulaires, qui sont divisés en plusieurs peuplades, il y en a qui sont appelés el-Fendjab ; ils ont des cheveux crépus et des figures étranges. Montés sur leurs barques, ils vont attendre les vaisseaux qui passent dans leurs parages, et lancent sur eux des flèches empoisonnées d'une espèce particulière. Entre le pays qu'ils habitent et le territoire de Kalah il y a des mines de plomb blanc ; et des montagnes qui renferment de l'argent. Cette contrée possède aussi des mines d'or et de plomb, mais dont l'exploitation offre de grandes difficultés,

La mer de Sanf est contiguë à celle de Kerdendj, en suivant l'ordre que nous avons donné au commencement. On y trouve l'empire du Maharadja, roi des îles, qui commande à un empire sans limites et à des troupes innombrables. Le bâtiment le plus rapide ne pourrait faire-en deux ans le tour des îles qui sont sous sa domination. Les terres de ce prince produisent toutes sortes d'épices et d'aromates, et aucun souverain du monde ne tire autant de richesses de son pays. On en exporte le camphre, l'aloès, le girofle, le bois de sandal, l'arec, la noix de muscade, la cardamome, le cubèbe, ainsi que d'autres produits que nous ne mentionnerons pas. Ces îles, dans la direction de la mer de Chine, touchent à une mer dont on ne connaît ni les limites ni l'étendue. Dans leurs parties les plus reculées se trouvent des montagnes habitées par de nombreuses tribus, au visage blanc, aux oreilles échancrées comme les boucliers doublés de cuir, aux cheveux taillés en gradins comme les poils d'une outre. De ces montagnes sort un feu continuel dont les flammes, rouges te jour et noirâtres la nuit, s'élèvent si haut qu'elles atteignent les nuages. Ces éruptions sont accompagnées des éclats de tonnerre les plus terribles ; souvent aussi il en sort une voix étrange et enrayante annonçant la mort du roi ou simplement d'un chef, suivant qu'elle est plus ou moins retentissante ; c'est ce qu'ils savent parfaitement discerner, instruits qu'ils sont par une expérience de longue date et qui ne s'égare jamais. Ces montagnes font partie des grands volcans de la terre. Non loin se trouve une île dans laquelle on entend continuellement résonner le bruit des tambours, des flûtes, des luths et de toute espèce d'instruments aux sons doux et agréables, ainsi que les pas cadencés et les battements de mains ; en prêtant une oreille attentive on distingue parfaitement tous les sons sans les confondre. Les marins qui ont traversé ces parages prétendent que c'est là que Dedjdjal (l'Antéchrist) a établi son séjour. Dans l’empire du Maharadja est l'île de Serireh, qui est située à environ quatre cents parasanges du continent et entièrement cultivée. Ce prince possède aussi les îles de Zandj et de Ramni, et bien d'autres encore que nous ne mentionnerons pas ; au surplus, sa domination s'étend sur toute la sixième mer ou mer de Sanf.

La septième mer, ainsi que nous l'avons déjà dit, est la mer de Chine, nommée aussi mer Sandji. Les lames y sont très grosses, et il y règne une agitation extrême, que nous appellerons Khibb, pour faire connaître les termes dont les marins se servent entre eux. On y trouve beaucoup de rochers entre lesquels les vaisseaux ne peuvent éviter de passer. Toutes les fois que la mer est grosse « et que les lames s'y multiplient, on en voit sortir des êtres noirs d'une taille de quatre ou cinq empans, semblables à de petits Abyssiniens, tous de la même forme et de la même stature ; ils montent sur les vaisseaux et, quel que soit leur nombre, restent complètement inoffensifs ; mais les équipages, sachant que cette apparition présage une tourmente où ils vont être en perdition, manœuvrent de leur mieux pour échapper à la mort qui les menace. Ceux qui en sont sortis sains et saufs ont souvent vu paraître sur le haut du mât, que les patrons appellent ed-douli dans la mer de Chine et dans d'autres parages de la mer d'Abyssinie, et es-sari dans la Méditerranée, un objet qui a la forme d'un oiseau lumineux, et qui jette une clarté si vive, que l'œil ne peut ni le regarder ni en distinguer la forme. Ce phénomène ne s'est pas plutôt fait voir que la mer se calme, les vagues diminuent et la tourmente s'apaise ; l'objet lumineux disparaît alors, sans qu'il soit possible de savoir comment il est venu, ni comment il s'est évanoui ; mais c'est un signe certain que le péril a complètement cessé. Ce fait n'a jamais été contesté par aucun des marins et des négociants de Basrah, Oman, Siraf et autres villes, qui ont navigué dans ces eaux ; au surplus, il n'est pas impossible, sans être absolument nécessaire, puisqu'il est tout naturel que le Dieu tout-puissant retire ses serviteurs du péril qui menace leur existence. Il y a aussi dans ces parages une espèce d'écrevisses longues, ou à peu près, d'une coudée ou d'un empan ; elles sortent de l'eau et se meuvent rapidement ; mais elles n'ont pas plutôt touché la terre que, toute fonction animale cessant, elles se changent en pierres que l'on emploie dans la composition des collyres et des remèdes qui s'appliquent sur les yeux ; ce fait est d'une notoriété incontestable. Cette septième mer, connue sous le nom de mer de Chine ou Sandji, offre bien d'autres particularités remarquables, dont nous avons parlé en général, quand nous Pavons décrite ; ainsi que les mers adjacentes, dans ceux de nos ouvrages précédents que nous avons cités plus haut. Nous donnerons dans la suite de ce traité des notions sommaires sur les rois de ces contrées.

Au-delà de la Chine il n'y a plus, du côté de la mer, ni royaume connu, ni contrée qui ait été décrite, excepté le territoire d'es-Sila et les îles qui en dépendent. Il est rare qu'un étranger qui s'y est rendu de l'Irak ou d'un autre pays, l’ait quitté ensuite, tant l'air y est sain, l'eau limpide, le sol fertile, et tous les biens abondants. Les habitants vivent en bons rapports avec les populations de la Chine et leurs rois auxquels ils envoient continuellement des présents. Ils font partie, dit-on, de la grande famille des descendants d'Amour, et se sont établis dans ce pays de la même manière que les Chinois ont occupé le leur.

La Chine est arrosée par des fleuves aussi considérables que le Tigre et l'Euphrate, et qui prennent leur source dans le pays des Turcs, dans le Thibet et dans les terres des Sogds, peuple établi entre Boukhara et Samarkand, là où se trouvent les montagnes qui produisent le sel ammoniac. Durant l’été, j'ai vu, à une distance d'environ cent parasanges, des feux qui brillaient la nuit au-dessus de ces montagnes ; pendant le jour, grâce aux rayons éclatants du soleil, on ne distingue que de la fumée ; c'est dans ces montagnes qu'on recueille le sel ammoniac. Lorsque vient la belle saison, quiconque veut aller du Khoraçan en Chine doit se rendre à cet endroit où se trouve une vallée qui se prolonge, entre les montagnes, pendant quarante ou cinquante milles. A l'entrée de cette vallée il fait marché avec des porteurs qui, pour un prix élevé, chargent ses bagages sur leurs épaules. Ils tiennent à la main un bâton, avec lequel ils stimulent des deux côtés te voyageur marchant devant eux, de crainte que, vaincu par la fatigue, il ne s'arrête et ne périsse dans ce passage dangereux. Arrivés au bout de la vallée, ils rencontrent des terrains marécageux et des eaux stagnantes dans lesquelles tous se précipitent pour se rafraîchir et se reposer de leurs fatigues. Les bêles de somme ne suivent point cette route, parce que l'ammoniaque s'enflamme pendant l'été et la rend, pour ainsi dire, impraticable. Mais l'hiver, la grande quantité de neige qui tombe dans ces lieux et l'humidité éteignent cet embrasement, de sorte que les hommes peuvent les traverser ; mais les bêtes ne peuvent endurer cette insupportable chaleur. On exerce la même violence avec le bâton sur les voyageurs qui viennent de la Chine. La distance du Khoraçan à la Chine, en suivant cette route, est d'environ quarante journées de marche, en passant alternativement par des pays cultivés et des déserts, des terres fertiles et des sables. Il y a une autre route, accessible aux bêtes de somme, qui est d'environ quatre mois ; les voyageurs y sont sous la protection de plusieurs tribus turques. J'ai rencontré à Balkh un beau vieillard, aussi distingué par son discernement que par son esprit, qui avait fait plusieurs fois le voyage de la Chine, sans jamais prendre la voie de mer ; j'ai connu également, dans le Khoraçan, plusieurs personnes qui s'étaient rendues du pays de Sogd au Thibet et en Chine, en passant par les mines d'ammoniaque.

L'Inde se relie au Khoraçan et au Sind du côté de Mansourah et de Moultan, et les caravanes vont du Sind dans le Khoraçan et de même dans l'Inde. Ces pays sont contigus à l'Aboulistan ou plutôt Zaboulistan, vaste contrée connue sous le nom de royaume de Firouz, fils de Kebk ; on y trouve des châteaux d'une force merveilleuse, et elle est habitée par de nombreuses tribus parlant différents dialectes et dont la généalogie n'est pas connue d'une manière certaine, les uns la rattachant aux enfants de Japhet, fils de Noé, les autres la faisant remonter jusqu'aux anciens Perses par une longue série de générations.

Le Thibet est un royaume distinct de la Chine ; la population se compose, en grande partie, de Himiarites mêlés à quelques descendants des Tobba, comme nous le dirons plus bas dans cet ouvrage, en traitant des rois du Yémen, et comme on le lit dans l'Histoire des Tobba. Parmi les Thibétains, les uns sont sédentaires et habitent dans les villes, les autres vivent sous la tente. Ces derniers, Turcs d'origine, sont les plus nombreux, les plus puissants et les plus illustres de toutes les tribus nomades de la même race, parce que le sceptre leur appartenait autrefois, et que les autres peuplades turques croient qu'il leur reviendra un jour. Le Thibet est un pays privilégié pour son climat, ses eaux, son sol, ses plaines et ses montagnes. Les habitants y sont toujours souriants, gais et contents, et on ne les voit jamais tristes, chagrins ou soucieux. On ne saurait énumérer la variété merveilleuse des fruits et des fleurs de ce royaume, non plus que toutes les richesses de ses pâturages et de ses fleuves. Le climat donne un tempérament sanguin à tout ce qui a vie, soit parmi les hommes, soit parmi les animaux ; aussi n'y rencontre-t-on presque pas de vieillard morose de l'un ou de l'autre sexe ; la bonne humeur y règne généralement dans la vieillesse et dans l'âge mûr, tout comme dans la jeunesse et dans l'adolescence. La douceur du naturel, la gaieté, la vivacité qui sont l'apanage de tous les Thibétains les portent à cultiver la musique avec passion, et à s'adonner à toute espèce de danses. La mort elle-même n'inspire pas aux membres de la famille cette profonde tristesse que les autres hommes ressentent lorsqu'un être chéri leur est enlevé, et qu'ils regrettent un objet aimé. Ils n'en ont pas moins une grande tendresse les uns pour les autres, et l'adoption des orphelins est un usage général parmi eux. Les animaux sont également doués d'un bon naturel. Ce pays a été nommé Thibet à cause de l'installation des Himiarites qui s'y sont établis, la racine tabat signifiant se fixer, s'établir. Cette étymologie est encore la plus probable de toutes celles qui ont été proposées. C'est ainsi que Dîbal, fils d'Ali el-Khozaî, se vante de ce fait dans une Kacideh où, disputant contre el-Komaït, il exalte les descendants de Kahtan au-dessus de ceux de Nizar :

Ce sont eux qui se sont signalés par leurs compositions à la porte de Merw, et qui étaient des écrivains à la porte de la Chine.

Ils ont donné à Samarkand le nom de Chemr, et ils y ont transplanté les Thibétains.

Dans le chapitre des rois du Yémen, nous donnerons ci-dessous quelques détails historiques sur les princes qui ont régné au Thibet, et sur ceux d'entre eux qui ont fait de longs voyages. Le Thibet touche à la Chine d'un côté, et des autres côtés à l'Inde, au Khoraçan, et aux déserts des Turcs. On y trouve beaucoup de villes populeuses, florissantes et bien fortifiées. Dans les temps anciens les rois portaient le titre de tobba du nom de Tobba, roi du Yémen. Puis, les vicissitudes du temps ayant fait disparaître le langage des Himiarites, pour y substituer la langue des peuples voisins, les rois ont reçu le titre de khakan.

Le canton où vit la chèvre à musc du Thibet et celui où vit la chèvre à musc de la Chine sont contigus l'un à l’autre et ne forment qu'une seule et même contrée ; toutefois la supériorité du musc du Thibet est incontestable et tient à deux causes. Premièrement, la chèvre du Thibet se nourrit de lavande et d'autres plantes aromatiques, tandis que la chèvre de Chine broute des herbes d'une tout autre espèce ; en second lieu, les Thibétains ne retirent pas le musc de sa vessie et le laissent dans son état naturel, tandis que les Chinois le retirent et en altèrent la pureté par un mélange de sang, ou de toute autre matière. Ajoutez à cela qu'on lui fait traverser les mers que nous avons décrites, et qu'il est exposé à l'humidité et à tous les changements de température. On peut donc croire que, si les Chinois n'altéraient pas la pureté de leur musc, s'ils le déposaient dans des vases de verre hermétiquement bouchés, et qu'on le transportât ainsi dans les pays musulmans, tels que l'Oman, la Perse, l'Irak et d'autres provinces, il serait égal par sa qualité à celui du Thibet. Le musc le plus parfumé et le meilleur est celui qui sort de la chèvre au moment où il est arrivé à sa plus complète maturité. Nos gazelles ne se distinguent des chèvres à musc, ni par la forme, ni par la taille, ni par les cornes ; toute la différence consiste dans les dents, que ces dernières ont semblables à celles de l'éléphant. Chaque individu en porte deux blanches et toutes droites, longues d'un empan environ, qui sortent des deux mandibules. Au Thibet on tend des lacs, des pièges ou des filets pour prendre les chèvres, ou bien on les abat à coups de flèches ; on coupe la vessie, et le sang qui est dans le nombril, n'étant pas encore arrivé à maturité, est trop frais et nullement propre à être recueilli. Il s'en exhale une odeur désagréable et nauséabonde, qui ne disparaît entièrement qu'après que la matière s'est transformée sous l'influence de l'air, et s'est changée en musc. Il en est de ce musc comme des fruits qu'on a cueillis et détachés des arbres avant qu'ils aient atteint sur la branche un degré complet de maturité, et qu'ils soient arrivés à point. Le musc de qualité supérieure est celui qui a mûri dans sa poche, qui a séjourné assez de temps dans le nombril, et qui a acquis toute sa perfection pendant la vie de la chèvre ; car la nature porte des matières sanguines vers le nombril de cet animal, et lorsqu'elles y ont séjourné longtemps et qu'elles sont arrivées à leur maturité, elles lui causent une douleur et une démangeaison dont il cherche à se soulager en se frottant contre les rochers échauffés par les rayons du soleil ; il se débarrasse ainsi de cette sérosité, qui coule sur les pierres, comme se vident une tumeur ou un clou, lorsque l'accumulation continuelle des matières purulentes les ont fait mûrir et crever, et il en éprouve du soulagement. Lorsque tout le suc contenu dans le nombril, appelé par les Persans nafidjeh, s'est écoulé, la plaie se cicatrise ; puis les matières sanguines s'y portent comme la première fois. Les Thibétains se mettent à la recherche des endroits où paissent les chèvres, au milieu des rochers et des montagnes, et ils trouvent sur les pierres le sang qui s'y est desséché. Cette substance est alors solidifiée, car la nature l’a nourrie de la vie de l’animal, le soleil l’a séchée et l'atmosphère lui a fait subir son influence. Ils recueillent ce musc, qui est le meilleur de tous, et le déposent dans des vessies préparées à l'avance et enlevées à des chèvres prises à la chasse. Leurs rois s'en servent pour leur usage personnel, et se l'envoient mutuellement en cadeau ; mais les commerçants l'exportent rarement à l'étranger. D'ailleurs le Thibet compte beaucoup de villes dont chacune donne son nom à une espèce de musc.

Les rois de la Chine, des Turcs, de l'Inde, de Zandj et des autres parties du monde, reconnaissent tous la suprématie du roi de Babel ; ils avouent qu'il est le premier souverain de l'univers, et qu'il occupe parmi eux le rang de la lune parmi les étoiles, parce que le pays qu'il gouverne est le plus excellent de tous, que lui-même est le prince le plus opulent, le plus riche en bonnes qualités, celui enfin dont le gouvernement est le plus ferme et le plus vigilant. Du moins en était-il ainsi autrefois ; mais de nos jours, en l’an 332, on n'en peut plus dire autant. On lui décernait par excellence le titre de chahan chah, c'est-à-dire roi des rois, et on comparait sa place dans le monde à celle du cœur dans le corps, ou au rang que la perle principale occupe au milieu du collier. Après lui vient le roi de l'Inde ou le roi de la sagesse et des éléphants ; car il était reconnu parmi les Khosroès de Perse que la sagesse sort originairement de l'Inde. Le troisième rang appartient au roi de la Chine. En effet, aucun prince ne s'applique avec plus de vigilance à bien gouverner ses sujets, soit militaires, soit civils ; brave lui-même et tout-puissant, il est à la tête de troupes bien équipées, parfaitement armées, et qui reçoivent une paye régulière comme celles du roi de Babel. Ensuite il faut compter celui des rois turcs qui possède la ville de Kouchan et qui commande aux Tagazgaz. On lui donne le titre de roi des bêtes féroces et de roi des chevaux, parce qu'aucun prince de la terre n'a sous ses ordres des guerriers plus valeureux et plus disposés à répandre le sang, et qu'aucun d'eux ne possède un plus grand nombre de chevaux. Son royaume est isolé entre la Chine et les déserts du Khoraçan ; quant à lui, il porte le titre de irkkan, et bien qu'il y ait chez les Turcs plusieurs princes et beaucoup de peuples qui ne sont pas soumis à un roi, aucun n'a la prétention de rivaliser avec lui. Ensuite vient le roi de Roum, qui est nommé le roi des hommes, parce qu'aucun prince ne commande à des hommes plus beaux. Les autres rois du monde se trouvent sur une même ligne et sont égaux entre eux par le rang. Un poète, qui s'est beaucoup occupé de l'histoire du monde et des princes qui l'ont gouverné, décrit sommairement les noms des rois et des royaumes, et le rang qu'ils occupent, dans les vers suivants :

Il y a deux palais : Eiwan et Gomdan ; deux royaumes : Sassan et Kahtan.

La terre, c'est la Perse ; le climat par excellence, c'est Babel ; l'islam, c'est la Mekke ; le monde, c'est le Khoraçan.

Ses deux côtés durs et rudes sont Boukhara et Balkh, la résidence des rois.

Beïlakan et le Tabaristan sont les frontières du monde ; Reï en est le Cherwan, puis viennent Djil et Djilan.

Tous les hommes sont divisés en plusieurs classes ; il y a des satrapes, des patrices, des tarkhan.

Les Perses ont leurs Khosroès ; le pays de Boum, ses Césars ; les Abyssiniens, leurs Nudjachis ; les Turcs, leurs Khaïans.

Le maître de la Sicile et de l'Ifriqiya, dans le Maghreb, avant l'islamisme, s'appelait Djerdjes ; celui de l'Espagne, Loderik, qui était un nom commun à tous les rois de cette contrée. Certains auteurs prétendent que ces derniers tiraient leur origine des Echban, peuple descendant de Japhet, fils de Noé, dont il ne reste plus aucun vestige ; mais l'opinion la plus répandue parmi les musulmans qui habitent l'Espagne est que Loderik appartenait par sa naissance aux Galiciens, l’une des nations franques. Le dernier Loderik fut tué par Tarik, affranchi de Mouça, fils de Nossaïr, lorsqu'il fit la conquête de l'Espagne (méridionale), et s'empara de Tolède, la capitale. Cette ville est traversée par un grand fleuve, nommé Tage, qui vient de la Galice et du pays des Basques, peuple puissant, dont le roi était en guerre avec les habitants de l'Espagne, comme les Galiciens et les Francs. Le Tage, qui se jette dans la Méditerranée, est un des fleuves les plus célèbres du monde ; il passe devant la ville de Talavera, à une certaine distance de Tolède, et dans cette ville même les anciens rois ont construit sur lui un grand pont, nommé Kantarat-es-Seif (le pont du sabre). C'est un édifice célèbre et dont les arches sont encore plus remarquables que celles du pont de Sendjeh, à la frontière du Diar-Modar du côté de Samosate et du pays de Serdjeh. La ville de Tolède est entourée de murailles très fortes. Après la conquête de l'Espagne et sa soumission aux Omeyades, les habitants de cette ville se révoltèrent contre eux, et parvinrent, pendant plusieurs années, à se soustraire à leur autorité. Ce ne fut qu'en l'an 315 que cette place fut reprise par Abd-er-Rahman, fils de Mohammed, fils d'Abd-Allah, fils de Mohammed, fils d'Abd-er-Rahman, fils d'el-Halem, fils de Hicham, fils d'Abd-er-Rahman, fils de Moawiah, fils de Hicham, fils d'Abd-el-Melik, fils de Merwan, fils d'el-Hakem, l’Omeyade, lequel Abd-er-Rahman est aujourd'hui, en 332, maître de l'Espagne. Comme Tolède eut beaucoup à souffrir de ce siège, Cordoue est restée depuis cette époque la capitale du royaume. Cette ville est éloignée de Tolède d'environ sept journées de marche, et de trois journées seulement de la Méditerranée. On doit encore citer Séville, qui est située à une journée de la côte. Il faut près de deux mois pour parcourir ce royaume florissant, qui ne compte pas moins de quarante villes remarquables. Les princes Omeyades, qui y règnent, y sont traités de fils des khalifes, mais non pas de khalifes, parce que ce titre n'appartient qu'aux souverains des deux villes saintes. Toutefois on leur accorde le titre d'émir-el-moumenin (émir des croyants).

Abd-er-Rahman, fils de Moawiah, fils de Hicham, fils d'Abd-el-Melik, fils de Merwan, était parti pour l'Espagne en 139. Il y régna trente-trois ans et quatre mois ; puis il mourut et laissa le trône à son fils Hicham, fils d'Abd-er-Rahman, qui l'occupa pendant sept ans. Son fils el-Hakem, fils de Hicham, lui succéda et tint les rênes du gouvernement pendant environ vingt ans. L'un de ses descendants, Abd-er-Rahman, fils de Mohammed, règne aujourd'hui, ainsi que nous l'avons dit plus haut. L'héritier présomptif de la couronne est son fils el-Hakem, le plus sage et le plus équitable de tous les hommes. Ce même Abd-er-Rahman, qui règne en Espagne, fit de nos jours, en 327, une expédition contre les infidèles. A la tête d'une armée de plus de cent mille soldats, il alla mettre le siège devant Zamora, capitale de la Galice. Cette place est entourée de sept murailles d'une construction remarquable, et que les anciens rois ont cherché à rendre inaccessibles, en établissant entre chacune d'elles des talus et de vastes fossés remplis d'eau. Abd-er-Rahman se rendit d'abord maître des deux premières enceintes ; mais les habitants firent ensuite une sortie contre les musulmans, et leur firent subir une perte que les états officiels portent à quarante mille, et suivant d'autres, à cinquante mille hommes. Les Galiciens et les Basques prirent alors l'offensive et arrachèrent aux musulmans les villes situées sur la frontière de l'Espagne du côté des Francs, telles qu'Arbouna (Narbonne), qu'ils perdirent en 33o avec d'autres places et châteaux qu'ils avaient eus en leur possession. De nos jours, en 332, la frontière des musulmans, à l’est de l'Espagne, passe à Tortosa, sur la côte de la Méditerranée, puis dans la même direction, en tirant vers te nord, à Afragah (Fraga), bâtie sur une grande rivière, et enfin à Lérida. C'est à partir de ce point, où l'Espagne est le plus resserrée, que commencent, ainsi que je l'ai appris, les terres appartenant aux Francs.

Antérieurement à l’an 300, des vaisseaux portant des milliers d'hommes ayant abordé en Espagne, où ils commirent beaucoup de ravages sur les côtes, les habitants prétendirent que ces ennemis étaient des Mages qui venaient les attaquer tous les deux cents ans et pénétraient dans la Méditerranée par un autre canal que celui sur lequel sont bâtis les phares d'airain. Quant à moi, je pense (Dieu seul sait la vérité) qu'ils arrivaient par un canal communiquant avec les mers Mayotis et Nitas, et que c'étaient des Russes dont nous avons parlé dans cet ouvrage ; car ces peuples étaient les seuls qui naviguassent sur ces mers que certains détroits relient à l'Océan. On a déjà trouvé dans la Méditerranée, du côté de l'île de Crète, des planches de bois de tek, percées de trous et reliées ensemble par des attaches faites de filaments de cocotier ; elles provenaient de vaisseaux naufragés qui avaient été le jouet des vagues-Or ce genre de structure n'est en usage que sur les côtes de la mer d'Abyssinie. Les vaisseaux qui naviguent dans la Méditerranée et ceux des Arabes sont tous pourvus de clous ; tandis que dans la mer d'Abyssinie les clous de fer n'offrent aucune solidité, parce que l'eau les ronge, les fait fendre et les rend cassants, ce qui force les constructeurs à les remplacer, pour joindre les planches, par des filaments enduits de graisse et de goudron. Il faut donc conclure de tout cela que les mers communiquent entre elles, et que, du côté de la Chine et du pays de Sila, les eaux, tournant autour des régions occupées par les Turcs, coulent vers le Maghreb par l'un des canaux qui viennent de l'Océan. On a trouvé aussi sur les côtes de Syrie de l'ambre rejeté par la mer, et cependant la présence de cette substance dans la Méditerranée est inexplicable, puisqu'on ne l'y a jamais rencontrée depuis les temps les plus reculés ; elle n'a donc pu y arriver que par la même voie qu'ont suivie les planches des vaisseaux dont nous parlions tout à l'heure. Au surplus, Dieu seul sait comment tout cela s'est passé. Du reste, l'ambre est abondant sur la côte (occidentale) de l'Espagne, et on l'expédie en Egypte et dans d'autres pays ; on l'apporte à Cordoue des deux ports de Santarem et de Sidonia ; il est d'une qualité inférieure. L'ocque de Bagdad se vend en Espagne trois mitkals d'or, et en Egypte dix dinars. Il est possible que l'ambre qu'on a trouvé dans la Méditerranée y ait été porté de la mer d'Espagne par la communication qui existe entre elles.

L'Espagne possède des mines considérables d'argent et de vif-argent ; les produits, qui sont de qualité inférieure, sont expédiés dans tous les-pays musulmans et infidèles. On en exporte aussi le safran et la racine de gingembre. Les cinq parfums principaux, le musc, le camphre, l'aloès, l'ambre et le safran, viennent de l'Inde et des contrées limitrophes, sauf le safran et l'ambre qui se trouvent aussi dans le pays de Zendj, dans fech-Chihr et l'Espagne. Quant aux aromates, on en compte vingt-cinq espèces principales : la jacinthe, le girofle, le bois de sandal, la muscade, la rosé, la casse, le salix aegyptiaca, la cannelle, le karnoua, le cardamome, le cubèbe, le cardamome vulgaire, la graine de menchem, la racine du nymphœa, le mehleb, le wars (safran du Yémen), le costus, l’azfar, le bernedj (drogue médicinale), la gomme de lentisque, le ladanum ou ciste, le styrax, la graine du satonicum, le jonc odorant et la civette. Nous avons déjà donné une description des mines d'argent, d'or et de vif-argent, ainsi que de toutes les espèces de parfums, dans nos Annales historiques, ce qui nous dispense de nous étendre sur le même sujet dans cet ouvrage.

La mer du Maghreb, dans le voisinage des côtes du Soudan et de l'extrême Occident, offre beaucoup de particularités remarquables. Un savant qui s'est adonné à l'étude de la géographie prétend qu'il ne faut pas moins de sept ans de marche pour parcourir l'Abyssinie et tout le Soudan ; que l'Egypte n'est que la soixantième partie du Soudan, qui n'est lui-même que la soixantième partie de la terre ; enfin qu'on ne peut mettre moins de cinq cents ans pour parcourir la terre, dont un tiers est cultivé, un tiers désert et sans habitations, et un tiers couvert par les eaux. Les confins du pays des nègres qui vont nus touchent au royaume d'Idris, fils d'Abd-Allah, fils de Haçan, fils de Hoçein, fils d'Ali, fils d'Abou Taïeb, dans le Maghreb, savoir : les territoires de Tlemsan, de Tahart et d'el-Fas. Ensuite vient le pays de Sous-el-Adna, qui est distant de Kaïrowan d'environ deux mille trois cents milles, et d'environ vingt journées de marche de Sous-el-Ahsa, sur un parcours constamment fertile et cultivé ; mais au-delà de ce dernier point on arrive au Wadi-er-Remel, puis au château Noir et aux déserts de sable dans lesquels se trouve la ville connue sous le nom de Medinet-en-Nouhas (la ville de cuivre) et les coupoles de plomb. C'est à cet endroit que se rendit Mouça, fils de Nossaïr, du temps d'Abd-el-Melik, fils de Merwan, et qu'il y vit toutes les merveilles dont il a donné la description dans un livre que tout le monde connaît. D'autres disent que cette ville se trouvait dans les déserts qui avoisinent l'Espagne et que l'on appelle la grande terre. Meimoun, fils d'Abd-el-Wahhab, fils d'Abd er-Rahman, fils de Rustem le Persan, qui était Ibadite et avait propagé dans ce pays la secte des Kharedjites, qu'on dit être des restes des Echban, avait le premier rendu ce pays florissant, bien qu'il eût eu plusieurs guerres à soutenir contre les Talébites. Nous parlerons plus bas, dans cet ouvrage, des opinions différentes qui règnent sur les Echban, que quelques personnes soutiennent être des Persans venus d'Ispahan. Dans cette partie du Maghreb vivent beaucoup de Sofarides hérétiques, qui y possèdent des villes très populeuses, comme celle de Torguiah, où il y a une riche mine d'argent. Cette ville est située vers le midi, sur les confins de l'Abyssinie, avec laquelle elle est continuellement en guerre. Nous avons déjà donné des renseignements, dans nos Annales historiques, sur tout ce qui concerne le Maghreb, ses villes, ses habitants hérétiques, tels que les Ibadites et les Sofarides, ainsi que les Motazales, avec lesquels ils vivent en rapports d'hostilité. Nous y avons parlé aussi d’Ibn el-Aglab-et-Temimi, qui, placé par el-Mansour comme gouverneur du Maghreb, se fixa dans l'Ifriqiya ; nous avons dit comment, à la suite des événements qui eurent lieu du temps d'er-Rechid, ses descendants se sont transmis la possession de l’Ifriqiya et d'autres parties du Maghreb, jusqu'au moment où Abou-Nasr-Ziadet-Allah, fils d'Abd-Allah, fils d'Ibrahim, fils d'Ahmed, fils d'el-Aglab, fils d'Ibrahim, fils de Mohammed, fils d'el-Aglab, fils d'Ibrahim, fils de Salim, fils de Sowadeh et-Temimi, chef des missionnaires des Abbassides, prit les rênes du gouvernement. Il fut dépossédé en 297, du temps d'el-Moktadir-Billah, lorsqu'il se rendait à er-Bafikah, par l'inspecteur des poids et mesures, Abd-Allah es-Soufi, missionnaire du chef des Mehdites, qui commença ses prédications à Ketameh et parmi les autres tribus berbères. Ce dernier était originaire de Ram-Hormuz, ville du district d'el-Ahwaz.

Revenons aux différents rois de la terre et à l'énumération des royaumes qui nous restent à décrire sur le littoral de la mer d'Abyssinie. Le roi de Zendj s'appelle Flimi ; celui des Alains, Kerkendadj ; celui de Hirah, de la famille des Beni-Nasr, Noman et Mondir ; celui des montagnes du Tabaristan, Karen ; une de ces montagnes est nommée encore Karen ou Ben-Karen. Celui de l'Inde s'appelle Balhara ; celui de Kanoudj, dans le Sind, Baourah, et c'est là le nom que portent tous les princes de ce pays ; on y trouve aussi la ville de Baoura qui, aujourd'hui, est dans le giron de l'islamisme et est dans les dépendances du Moultan. C'est d'elle que sort un des fleuves dont la réunion forme le Mehran du Sind, dérivé du Nil, suivant el-Djahiz, et du Djeïhoun du Khoraçan, suivant d'autres écrivains. Le roi de Kanoudj Baourah est l'adversaire du Balhara, roi de l'Inde. Le roi de Kandahar, l'un des rois du Sind et de ses montagnes, porte toujours et généralement le nom de Hahadj ; c'est de son territoire que coule le Raid, l'un des cinq fleuves dont la réunion forme le Mehran. Kandahar est connu sous le nom de pays des Rahpout. Un troisième fleuve sur les cinq sort de la montagne appelée Behatil, dans le Sind, et traverse le territoire des Rahpout ou le Kandahar. Le quatrième fleuve prend son origine dans les montagnes de Kaboul, sur la frontière du Sind, dans la direction de Bost et de Gaznin, de Deroua, de Rokhedj et du pays de Dawer, du côté du Sedjestan. Le cinquième prend naissance dans le Kachmir, dont le roi porte généralement le nom de Raï. Kachmir fait aussi partie du Sind ; c'est un pays montagneux, formant un grand royaume, qui ne renferme pas moins de soixante ou soixante et dix mille villes ou villages. Il est inaccessible, excepté d'un côté, et l’on n'y peut pénétrer que par une seule porte. En effet, il est renfermé entre des montagnes escarpées et inabordables, que personne ne saurait gravir, puisque les bêtes fauves même n'en atteignent point le sommet, et que les oiseaux seuls peuvent y parvenir. Là où les montagnes cessent, il y a des vallées impraticables, d'épaisses forêts, des jungles et des fleuves dont le cours impétueux est infranchissable. Ce que nous disons ici de l'impossibilité de gravir ces remparts naturels du Kachmir est connu de tout le monde dans le Khoraçan et ailleurs, ce qui fait de ce royaume une des merveilles de la terre.

Le royaume du Baourah, roi de Kanoudj, a une étendue de près de cent vingt parasanges carrées, en parasanges du Sind mesurant chacune huit milles de ce pays. Ce roi, dont nous avons déjà parlé, a quatre armées, selon les quatre directions des vents ; chacune d'elles compte sept cent mille ou même neuf cent mille hommes. L'armée du nord est destinée à faire la guerre au prince du Moultan et aux musulmans, ses sujets, qui sont établis sur cette frontière ; l'année du sud opère contre le Balhara, roi de Mankir ; quant aux deux autres armées, elles se portent partout où un ennemi vient à se présenter. On dit que son royaume, dans l'étendue que nous avons indiquée plus haut, comprend un chiffre officiel de dix-huit cent mille villes, villages ou bourgs, situés au milieu d'un pays boisé, bien arrosé, montagneux et riche en prairies. Ce prince ne possède que peu d'éléphants en comparaison des autres rois ; il en a deux mille dressés pour le combat. Un éléphant agile, attentif, courageux, monté par on bon cavalier, la trompe armée d'une espèce de sabre appelé kartal, et recouverte d'une cotte de mailles, le corps garni d'une armure de corne et de fer, flanqué de cinq cents hommes qui le défendent et le protègent par derrière, peut lutter contre six mille cavaliers ; il n'en est point qui, avec une semblable escorte, ne puisse en attaquer au moins cinq mille, pénétrer dans leurs rangs, en ressortir et les harceler de toutes paris, exactement comme pourrait le faire un homme maniant un cheval ; c'est ainsi que ces peuples font manœuvrer les éléphants dans toutes leurs guerres.

Quant à la royauté du Moultan, nous avons déjà dit qu'elle appartenait aux descendants de Oçama, fils de Lowaï, fils de Galeb, qui commandent à une puissante armée. Moultan est, pour les musulmans, une place frontière, autour de laquelle on compte officiellement cent vingt mille bourgs et villages. Nous avons aussi parlé de l'idole qu'elle renferme dans ses murs et qui est connue sous le nom de Moultan. On y vient des parties les plus reculées du Sind et de l'Inde, pour déposer à ses pieds de riches ex-voto, en argent, en pierres précieuses, en bois d'aloès et en toute espèce de parfums ; des milliers de personnes font ce pèlerinage. Le roi du Moultan tire la plus grande partie de son revenu de l'aloès par de Komar, le premier de tous en qualité, qu'on apporte à cette idole, dont un man vaut deux cents dinars, et qui reçoit l'empreinte du cachet, comme la cire, sans compter les autres merveilles dont on lui fait présent. Toutes les fois que les rois infidèles marchent contre Moultan, et que les musulmans se voient hors d'état de leur résister, ils les menacent de briser l'idole ou de la mutiler, ce qui suffit pour décider les ennemis à la retraite. Lors de mon arrivée dans cette ville après l'an 300, le prince régnant s'appelait Aboul-Lehab el-Munebbih, fils d'Açad le Koraïchite, descendant de Oçama.

C'était à la même époque que je visitai le territoire de Mansourah. Aboul-Moundir-Omar, fils d'Abd-Allah, y régnait alors ; j'y vis son vizir Bilah ainsi que ses deux fils Mohammed et Ali. J'y connus encore un seid arabe, d'un très haut rang, appelé Hamzah. Un grand nombre des descendants d'Ali, fils d'Abou-Taleb, par Omar et Mohammed, y avaient fixé leur résidence. Entre les rois de Mansourah et la famille du kadi Abou-ech-Chewarib il y a une parenté étroite et une origine commune ; en effet, les princes qui occupent aujourd'hui le trône de ce pays descendent de Habbar, fils d'el-Aswad, et ils sont connus sous le nom de fils d'Omar, fils d'Abdou'l-Aziz, le Koraïchite, qu'il ne faut pas confondre avec Omar, fils d'Abdou'l-Aziz, fils de Merwan, l'Omeyade.

Lorsque les cinq fleuves que nous avons nommés ont dépassé la porte de la maison d'Or, ou Moultan, ils se réunissent à trois journées de cette ville, entre elle et Mansourah, dans on endroit appelé Douchab. Arrivé ensuite à l'ouest de la ville de Rour, qui est une dépendance de Mansourah, le fleuve prend le nom de Mehran. Pins tard il se divise en deux branches, et les deux branches du grand fleuve, appelé Mehran du Sind, se jettent dans la mer de l’Inde à la ville de Chakirah, dépendance de Mansourah, à deux journées de distance de la ville de Deïboul. De Moultan à Mansourah il y a soixante et quinze parasanges indiennes, c’est-à-dire des parasanges de huit milles. Le territoire de Mansourah comprend trois cent mille fermes ou villages, situés dans un pays fertile, bien planté et bien cultivé. Ce royaume est en guerre continuelle avec un peuple appelé El-Meid, originaire du Sind, et avec d'autres races. Il est situé sur la frontière du Sind, comme Moultan et ses dépendances. Son nom de Mansourah lui vient de Mansour, fils de Djemhour, que les Omeyades y avaient placé comme gouverneur. Le roi possède quatre-vingts éléphants de guerre. Il est d'usage que chaque éléphant soit entouré de cinq cents fantassins, et qu'il combatte ainsi des milliers de cavaliers, comme nous l'avons déjà expliqué. J'ai vu chez ce prince deux éléphants d'une taille colossale, et qui étaient renommés chez tous les rois du Sind et de l'Inde pour leur force, leur courage et leur intrépidité dans le combat. L'un s'appelait Manfaraklas et l'autre Haïdarah. On raconte du premier des traits remarquables et dont tous les habitants de ces contrées et des pays environnants ont entendu parier. Une fois qu'il avait perdu un de ses cornacs, il resta plusieurs jours sans vouloir prendre aucune nourriture ; il s'abandonnait à sa douleur et poussait des gémissements comme un homme profondément affligé ; les larmes coulaient continuellement de ses yeux. Une autre fois, Manfaraklas, suivi de Haïdarah et du reste des quatre-vingts éléphants, sortit de la daïrah ou écurie. Arrivé à une rue étroite de Mansourah, il se trouva subitement face à face avec une femme, qui était loin de s'attendre à une pareille rencontre. Frappée de terreur à sa vue, cette malheureuse perdit ta tête, et tomba à la renverse au milieu de la rue, en découvrant les parties les plus secrètes de son corps. Aussitôt Manfaraklas s'arrêta, et, se posant en travers de la rue, il présenta son côté droit aux éléphants qui le suivaient, pour les empêcher d'avancer. Puis, agitant sa trompe comme pour faire signe à la femme de se relever, il ramena sur elle ses vêtements et l'en recouvrit. Ce ne fut qu'après qu'elle se fut soulevée pour lui faire place, et qu'elle eut repris ses sens, qu'il poursuivit son chemin avec tous ses compagnons. Il y aurait encore bien d'autres choses extraordinaires à raconter, non seulement sur les éléphants de guerre, mais encore sur les éléphants employés aux travaux, tels que tirer les voitures, porter des fardeaux, battre le riz et d'autres grains encore, comme font les bœufs qui travaillent dans l’aire. Plus bas dans ce livre, lorsqu'il sera question du pays de Zendj, nous parlerons de l'éléphant et de sa manière de vivre dans cette contrée, où il est plus multiplié qu'en tout autre endroit, et où il vit à l'état sauvage. Pour le moment, nous nous bornons à des notions sommaires sur les rois du Sind et de l'Inde.

La langue du Sind est différente de celle de l'Inde. Le Sind est le pays qui avoisine les contrées musulmanes ; l'Inde est située plus à l'orient. Les habitants de Mankir, capitale du royaume du Balhara, parlent le kiriah, langue ainsi appelée du pays de Karah, où elle est en usage. Sur le littoral, comme à Saïmour, à Soubarah, à Tanah, etc. on parle le lari ; ces provinces empruntent leur nom à la mer Larewi, sur les côtes de laquelle elles sont situées, et dont nous avons parlé plus haut ; elles sont arrosées par de grands fleuves qui, par une anomalie remarquable, viennent du midi : il est à remarquer, en effet, que de tous les fleuves aucun ne coule du midi au nord, excepté le Nil de l'Egypte, le Mehran du Sind et quelques autres encore ; le reste se dirige du nord au midi. Dans nos Annales historiques nous avons expliqué les causes de ce phénomène, et nous avons rapporté les différents systèmes qu'ont imaginés les géographes pour en donner la raison ; nous y avons aussi parlé de la dépression ou de l'élévation des divers plateaux du globe. Parmi les rois du Sind et de l'Inde, aucun ne traite les musulmans avec plus de distinction que le Balhara. Dans son royaume l'islamisme est honoré et protégé ; de toutes parts s'élèvent des chapelles et des mosquées splendides où l’on peut faire les cinq prières du jour. Les souverains de ce pays règnent jusqu'à quarante, cinquante ans et plus ; leurs sujets attribuent cette longévité aux sentiments de justice qui les animent et aux honneurs qu'ils rendent aux musulmans. Le roi entretient les troupes à ses frais, comme le font les princes musulmans. Leur monnaie consiste en drachmes appelées tahiriyeh, pesant chacune une drachme et demie des nôtres ; elles portent la date de l'avènement du prince régnant. Le Balhara possède un nombre considérable d'éléphants de guerre. Son royaume porte aussi le nom de pays de Kemker ; une partie de ses frontières est exposée aux attaques du roi de Djozr (Guzerat). Ce dernier est riche en chevaux, en chameaux, et commande à une nombreuse armée ; on prétend qu'à part le roi de Babel, qui règne sur le quatrième climat, aucun roi de la terre ne lui est comparable en puissance. Il se montre plein d'orgueil et de violence dans ses rapports avec les autres princes, et nourrit contre les musulmans une haine implacable. Il a beaucoup d'éléphants. Son royaume, situé sur une langue de terre, renferme des mines d'or et d'argent, dont le produit sert dans les transactions commerciales.

Ensuite vient le roi de Tafen, qui vit en paix avec tous ses voisins, honore les musulmans et n'entretient pas d'armée comme celles des autres princes. Les femmes de ce pays sont les plus gracieuses, les plus belles et les plus blanches de l'Inde ; elles sont recherchées dans les harems, et ii en est question dans tous les livres érotiques ; aussi les marins, qui savent tout ce que valent ces femmes qu'on nomme Tafiniyat, tiennent-ils beaucoup à s'en procurer à quelque prix que ce soit.

Près de ce royaume est celui du Rahma, titre qui est généralement donné aux princes de ce pays. Ceux-ci sont en guerre avec le Guzerat, dont le territoire les touche, et avec le Balhara, qui est leur voisin d'un côté. Le Rahma possède plus d'hommes, d'éléphants et de chevaux que le Balhara, le prince de Guzerat et celui de Tafen. Lorsqu'il part pour une expédition, il est entouré de cinquante mille éléphants ; au surplus il n'entreprend jamais rien que pendant la saison d'hiver, parce que ces animaux ne supportent pas la soif et ne peuvent endurer de longues haltes. On n'a pas craint d'exagérer le nombre de ses troupes, au point de prétendre que dans son armée il n'y avait pas moins de dix à quinze mille foulons et blanchisseurs. Les rois que nous venons de nommer disposent leurs troupes en carrés de vingt mille hommes, chaque côté présentant, de front, cinq mille combattants. Les transactions commerciales se font avec des cauris, qui sont la monnaie du pays. On y trouve l'aloès, l'or et l'argent ; on y fabrique des étoffes d'une finesse et d'une délicatesse supérieures. On en exporte le crin nommé ed-Domar, dont on fait des émouchoirs à manches d'ivoire et d'argent, que les domestiques tiennent sur la tête des rois pendant leurs audiences. C'est dans ces contrées que se rencontre l'animal appelé en-nichan (marqué), nommé vulgairement el-kerkeden (rhinocéros) ; il porte une corne sur le front. Plus petit de taille que l'éléphant, il est plus grand que le buffle ; sa couleur tire sur le noir, et il rumine comme les bœufs et les autres ruminants. L'éléphant fuit devant lui, à ce qu'il parait, comme devant le plus fort de tous les animaux. La plupart de ses os sont comme soudés ensemble, sans articulation dans les jambes, de sorte qu'il ne peut ni s'accroupir ni se livrer au sommeil à moins de s'appuyer contre les arbres au milieu des jungles. Les Indiens et les musulmans qui habitent ces pays mangent sa chair, parce que c'est une espèce de buffle de l'Inde et du Sind. Cet animal se trouve dans la plupart des lieux boisés de l'Inde, mais nulle part en aussi grande quantité que dans l'étendue du royaume du Rahma, où sa corne est d'une beauté et d'un poli remarquables. La corne du rhinocéros est blanche, avec une figure noire au milieu, qui représente l'image d'un homme, ou d'un paon avec les lignes et la forme de sa queue, ou d'un poisson, on du rhinocéros lui-même, ou enfin celle d'un autre animal de ces régions. On achète ces cornes et, à l'aide de courroies, on en fait des ceintures sur le modèle des ornements d'or et d'argent ; les rois et les grands de la Chine estiment cette parure par-dessus tout, au point qu'ils la payent quelquefois jusqu'à deux et même quatre mille dinars. Les agrafes sont d'or, et le tout est d'une beauté et d'une solidité extraordinaires ; souvent on y enfonce différentes sortes de pierres précieuses avec de longs clous d'or. Les images dont nous avons parlé sont ordinairement tracées en noir sur la partie blanche de la corne ; quelquefois elles se détachent en blanc sur un fond noir ; du reste, la corne du rhinocéros ne présente pas ces signes dans tous les pays. El-Djahiz prétend que la femelle porte pendant sept ans, durant lesquels le petit sort la tête du ventre de sa mère pour paître, et l'y rentre ensuite ; il a consigné ce fait, comme une particularité remarquable, dans son Traité des animaux. Désirant m'éclairer à cet égard, j'ai interrogé les habitants de Siraf et d'Oman qui fréquentaient ces contrées, ainsi que les négociants que j'ai connus dans l'Inde : tous se sont montrés également surpris de la question que je leur faisais. Ils m'ont affirmé que le rhinocéros porte et met bas exactement comme la vache et le buffle ; et j'ignore d'où el-Djahiz a puisé ce conte, et s'il est le résultat de ses lectures ou de ses informations.

Le royaume du Rahma s'étend à la fois sur le continent et sur la mer. Il est limitrophe d'un autre État situé dans les terres, et qui s'appelle royaume de Kamen. Les habitants sont blancs et ont les oreilles fendues ; ils possèdent des éléphants, des chameaux et des chevaux. Les individus des deux sexes y sont généralement beaux.

Vient ensuite le royaume de Firendj, dont la puissance est à la fois continentale et maritime. Il est situé sur une langue de terre qui s'avance dans la mer d'où il sort une grande quantité d'ambre. Le pays produit du poivre en petite quantité ; mais on y trouve beaucoup d'éléphants. Le roi est brave, superbe et orgueilleux ; mais, à dire vrai, il a plus de fierté que de force, et plus d'orgueil encore que de bravoure.

Ensuite vient le royaume de Moudjah, dont les habitants sont blancs, généralement beaux, et n'ont pas les oreilles fendues. Ils possèdent beaucoup de chevaux et une armée considérable. Le pays est très riche en musc, que fournissent les gazelles et les chèvres dont nous avons parié plus haut dans cet ouvrage. Le costume de ce peuple ressemble à celui des Chinois. Le royaume est défendu par des montagnes escarpées et couvertes de neige, dont la chaîne est plus longue et plus inaccessible que toutes celles du Sind et de l'Inde. Le musc est estimé et porte le nom du pays ; les marins, qui font métier de l'exporter, le connaissent bien et l'appellent musc de Moudjah.

Le royaume limitrophe est celui de Mand, qui renferme des villes nombreuses, de vastes plaines bien cultivées, et qui possède une nombreuse armée. Les rois confient volontiers à des eunuques l'exploitation des mines, la perception des impôts et en général le soin de l'administration, comme le font les rois de la Chine dont nous avons déjà parlé. Le pays de Mand est voisin de cet empire, dont il est séparé par une haute chaîne de montagnes d'un accès difficile ; les deux souverains s'envoient réciproquement des ambassadeurs avec des présents. Les habitants de Mand joignent une grande force à beaucoup de courage et d'audace ; aussi, lorsque leurs envoyés viennent en Chine, on leur donne un surveillant, et on ne leur permet pas de se promener librement dans le pays, de peur qu'ils ne fassent des observations sur les routes et les parties faibles du royaume ; tant est grande l’idée que les Chinois se font de la puissance de leurs voisins. Tous ces peuples nommés plus haut, soit de l'Inde, soit de la Chine, soit d'autres pays, ont des usages et des coutumes à eux concernant les repas, les mariages, les vêtements, le traitement des maladies et l'emploi des remèdes, tels que la cautérisation, etc. Plusieurs de leurs rois, dit-on, ne pensent pas qu'on doive garder les vents dans le corps, parce qu'ils regardent cette contrainte comme pouvant occasionner une maladie dangereuse ; aussi ne s'imposent-ils aucune gène à cet égard, dans quelque circonstance que ce soit. Tel est aussi l'avis de leurs médecins, qui soutiennent que cette violence faite à la nature est nuisible à la santé, que rien n'est plus salutaire que de se soulager en pareil cas, et que ceux qui souffrent de coliques dans la constipation, ou sont affligés de maladies de la rate, en éprouvent du bien-être. C'est pour cela qu'il n'est point incivil, chez eux, de lâcher un vent quand on est en compagnie. Il est du reste à remarquer que les Indiens se sont appliqués de bonne heure à la médecine, et qu'ils l'ont cultivée avec beaucoup d'art et d'intelligence. Le même auteur qui nous a donné ces renseignements sur l’Inde ajoute : Chez ces peuples il est plus incivil de tousser que de lâcher un vent ; l'éructation peut s'assimiler à l'émission de ces vents qui s'échappent sans bruit ; le son qui accompagne un vent bruyant n'est autre chose que le retentissement de l'air chassé au dehors par un travail intérieur. L'auteur prouve la vérité de ce qu'il rapporte sur les Indiens, par des témoignages aussi nombreux que répandus, et qui se retrouvent dans les récits, les contes, les anecdotes et les poésies. C'est ainsi qu'Aban, fils d'Abdoul-Hamid, dans une Kacideh connue sous le nom de Choses licites, a dit :

Un Indien, instruit et sage, a dit une parole que j'approuve complètement :

N'emprisonne pas un vent lorsqu'il se présente ; laisse-le libre et ouvre-lui l'issue qu'il recherche.

Le retenir est le plus grand des maux ; le chasser, c'est se donner repos et tranquillité,

Il est incivil de tousser et de se moucher ; éternuer est de mauvais augure, mais non pas lâcher un vent.

L'éructation n'est qu'une émission de l'air vers le haut du corps ; mais l'odeur en est plus fétide que celle du vent qui s'échappe sans bruit par le bas.

Les vents qui sont dans le corps n'ont qu'une seule et même nature, mais leurs noms diffèrent suivant les issues par lesquelles ils s'échappent ; ceux qui sont chassés par en haut sont nommés djechâ, ceux qui s'échappent par en bas sont appelés feçâ. Il en est de même pour les coups ; on se sert du mot latmah pour ceux qui sont portés sur la figure, et du mot safâh pour ceux qui sont appliqués sur la nuque ; l'espèce est la même, mais le nom varie suivant les parties du corps qui sont lésées. De tous les animaux l'homme est le plus exposé à de nombreuses maladies et à des affections qui se suivent et s'enchaînent, pour ainsi dire, sans interruption, telles que les coliques, les douleurs d'estomac et autres incommodités accidentelles ; cela vient de ce qu'il emprisonne, en quelque sorte, le mal dans son corps, et qu'il néglige de l'expulser au moment où il se présente, et où la nature lutte vigoureusement pour le rejeter au dehors. Les autres animaux, privés de raison, ne sont pas exposés à toutes ces incommodités, parce que, bien loin de retenir dans leur corps les maladies qui y ont fait irruption, ils les laissent sortir promptement.

Les anciens philosophes et les sages de la Grèce, comme Démocrite, Pythagore, Socrate, Diogène, ainsi que les sages des autres nations, n'étaient pas d'avis qu'il fallût retenir aucun gaz dans le corps, parce qu'ils savaient combien de souffrances et d'accidents pouvaient résulter de cette contrainte ; ils pensaient que tout être doué de sensations était à même de vérifier sur sa personne ce fait, dont la nature autant que le raisonnement démontrent la réalité. Les hommes qui ont des lois et des livres révélés ont seuls regardé ces choses comme indécentes, parce que les lois les ont interdites, que la coutume les a prohibées et qu'elles n'ont pas passé dans les mœurs.

Nous avons déjà parié des peuples de l'Inde et donné des renseignements sur leur caractère, leurs usages singuliers et leurs coutumes, dans nos Annales historiques et notre Histoire moyenne. Nous y avons aussi parié du Maharadja, roi des îles, ainsi que des parfums et des plantes aromatiques, et des autres princes de l'Inde, tels que le roi de Kandjab et plusieurs d'entre les rois des montagnes de la Chine qui font face aux îles de Zabedj et autres ; enfin nous y avons exposé l'histoire des rois de Chine et de ceux de Serendib, et de leurs relations avec le roi de Mandourafin. Ce pays est situé vis-à-vis de Serendib, comme le pays de Komar l'est des îles du Maharadja, telles que Zabedj et les autres. Les rois de Mandourafin s'appellent tous el-Kaïda.

Plus bas, dans cet ouvrage, nous donnons encore un résumé de l'histoire des rois de l’est, de l'ouest, du midi et du nord, tels que les rois du Yémen, de la Perse, de Roum, des Grecs, du Maghreb, des races abyssiniennes, du Soudan, des descendants de Japhet, ainsi que d'autres notions sur le monde et ses merveilles.


 

TABLE DES PRINCIPALES MATIÈRES

CONTENUES DANS LE TOME PREMIER.

Avant-propos des éditeurs

Préface de Maçoudi

Coup d'œil sur ses autres écrits. — Énumération et examen des sources auxquelles il a puisé pour les Prairies d'or.

Chapitre II. Table des chapitres que renferme cet ouvrage.

Chapitre III. Du commencement des choses ; de la création et de la génération des êtres

Création du monde, d'après le Koran. — Les génies et Iblis. — Adam. — Mohammed. — Abel et Caïn. — Seth. — Énos. — Enoch ou Édris. — Noé. — Dispersion des races. — Kahtan. — Yaktan.

Chapitre IV. Histoire d'Abraham, l'ami de Dieu ; des prophètes et des rois d'Israël qui ont vécu après lui.

Abraham. — Ismaïl. — Isaac. — Esaü et Jacob. —Job. — Moïse. — Le Jourdain et la mer Morte. — Balam. — Différents chefs des Israélites. — David. — Lokman. — Salomon.

Chapitre V. Règne d'Arfehoboam, fils de Salomon, fils de David ; rois d'Israël ses successeurs ; aperçu de l'histoire des prophètes

Abya, Ailan, Amadia, etc. — Schisme des Samaritains. — Hiekiel (Ezéchias). — Micba (Manassé). —Invasion de Nabuchodonosor. — Opinion des Samaritains. — Les prophètes, Jérémie, Daniel, etc. — Jean. — Marie et Jésus.

Chapitre VI. Des hommes qui ont vécu dans l'intervalle, c'est-à-dire entre le Messie et Mohammed Hanzalah.

Dou'l-Karnetn. — Les apôtres Pierre et Paul. — Les hommes de la fosse. —Khaled. —Koss. —Zeid et Omayah. —Warakah. — Odaçah, Abou-Kais Sonnât. —Abou Amir el-Awsi. — Bohaira le Moine.

Chapitre VII. Généralités sur l'histoire de l'Inde, ses doctrines et l'origine de ses royaumes — Brahman le Grand.

Hezarwan ou période de sept mille ans. — Bahbond, fils de Brahman. — Le jeu du nerd. — Zaman (Rama ?).—Dabchelim. — Le jeu des échecs. — Korech. —Sindbad. — Races nègres. — Mœurs des habitants de l'Inde. — Anecdote sur un roi de Komar. — Étang des Barres d'or. — Le Balhara.

Chapitre VIII. Description du continent et des mers ; sources des fleuves ; les montagnes ; les sept climats ; astres qui exercent sur eux leur influence ; ordre des sphères, etc.

Notions générales sur le globe terrestre. — Les sept climats. — Théorie de Ptolémée. — Nombre des sphères. — Circonférence et diamètre de la terre. — Révolutions de la sphère. — Configuration des mers. — Dimensions du globe. —Distance des astres à la terre. — Hiérarchie des Sabéens.

Chapitre IX. Renseignements généraux sur les migrations des mers et sur les principaux fleuves.

Opinion d'Aristote. —Origine des fleuves. — Le Nil. — L'Indus. — Encore le Nil. —L'Oxus. — Le Gange et l’Euphrate. — Le château blanc. — Bokaîlah. —Le Tigre. — Estacades d'Obollah.

Chapitre X. Renseignements généraux sur la mer d'Abyssinie ; opinions diverses sur son étendue, ses golfes et ses détroits

Kanbalou. — Mer de Zendj. — Pays de Sofalah. — El-Owal (le cachalot). — Le crocodile et la mangouste. — Mer Rouge. — Golfe persique. — Les moussons.

Chapitre XI. Opinions diverses sur le flux et le reflux ; résumé des systèmes proposés

Chapitre XII. La mer de Roum (Méditerranée) ; opinions diverses sur sa longueur, sa largeur, les lieux où elle commence et où elle finit

Colonnes d'Hercule. — Mer des Ténèbres.

Chapitre XIII. La mer Nytas (Pontus), la mer Mayotis et le détroit de Constantinople

Le Don. —Le canal de Constantinople.

Chapitre XIV. Mer de Bab-el-Abwab, des Khazars et de Djordjan (mer Caspienne) ; de la place que les mers occupent sur le globe

Le tennin. — Amran, fils de Djabir. — Communication entre la mer Mayotis et la mer des Khazars. — Formation des mers. — Indices de la présence des sources. — Extrait du Livre de l'agriculture (des Nabatéens).

Chapitre XV. Rois de la Chine et des Turcs ; dispersion des descendants d'Amour ; histoire résumée de là Chine, et autres détails relatifs à ce sujet.

Afrasiab. —Descendants d'Amour, Nostartas, Aoun. — Aïtdoun. — Aïtnan. — Haratan. — Toutal. — La ville de Med. — Culte des Chinois. — Yanchou. — La ville de Khan-fou. — Gouvernement des rois de la Chine et anecdote à ce sujet. — Autre anecdote concernant Ibn-Habbar. — La ville de Hamdan. — Habileté des Chinois dans les arts.

Chapitre XVI. Rapide exposé des mers ; leurs particularités ; les peuples et les différentes puissances ; renseignements sur l'Espagne ; les contrées d'où proviennent les parfums ; leurs différentes espèces, etc.

Pèche des perles. — Mer de Perse. — Sofalah. — Mer Larevi. —Arabes Maharah. — L'ambre. — Mer de Herkend. — Mer de Kalah. — Mer de Kerdendj. — Mer de Sauf. — Le Maharadjah. — Mer Sandji. — Phénomènes particuliers à cette mer. — Route du Khoraçan à la Chine. — Le Thibet. — La chèvre à musc. — Classification des rois du monde. — Bois indigènes d'Espagne. — Rois musulmans. — Productions de l'Espagne. — Mer du Maghreb. — Sous el-Aksa, Medinet en-Nouhas. — Des différents rois de l'Inde. — Kanoudj. — Moultan. —Mansourah. — Anecdote sur deux éléphants célèbres. — Le Sind. — Roi de Tafen. — Le Rahma. — Le rhinocéros. — Usages particuliers aux Indiens.

 

FIN DU TOME PREMIER.