Cicéron, Correspondance

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME CINQUIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX

LETTRES A ATTICUS

LIVRE I

livre II

 

 

 

LETTRES A ATTICUS

LIVRE I

 

 

Cicero Attico Sal.

[Rome, shortly before 17 July 65 B.C.]

Petitionis nostrae, quam tibi summae curae esse scio, huius modi ratio est, quod adhuc coniectura provideri possit. Prensat unus P. Galba. Sine fuco ac fallaciis more maiorum negatur. Ut opinio est hominum, non aliena rationi nostrae fuit illius haec praepropera prensatio. Nam illi ita negant vulgo, ut mihi se debere dicant. Ita quiddam spero nobis profici, cum hoc percrebrescit, plurimos nostros amicos inveniri. Nos autem initium prensandi facere cogitaramus eo ipso tempore, quo tuum puerum cum his litteris proficisci Cincius dicebat, in campo comitiis tribuniciis a. d. XVI Kalend. Sextiles. Competitores, qui certi esse videantur, Galba et Antonius et Q. Cornificius. Puto te in hoc aut risisse aut ingemuisse. Ut frontem ferias, sunt, qui etiam Caesonium putent. Aquilium non arbitrabamur, qui denegavit et iuravit morbum et illud suum regnum iudiciale opposuit. Catilina, si iudicatum erit meridie non lucere, certus erit competitor. De Aufidio et Palicano non puto te exspectare dum scribam. De iis, qui nunc petunt, Caesar certus putatur. Thermus cum Silano contendere existimatur; qui sic inopes et ab amicis et existimatione sunt, ut mihi videatur non esse adunaton Curium obducere. Sed hoc praeter me nemini videtur. Nostris rationibus maxime conducere videtur Thermum fieri cum Caesare. Nemo est enim ex iis, qui nunc petunt, qui, si in nostrum annum reciderit, firmior eandidatus fore videatur, propterea quod curator est viae Flaminiae, quae tum erit absoluta sane facile. Eum libenter nunc Caesari consuli aecuderim. Petitorum haec est adhuc informata cogitatio. Nos in omni munere candidatorio fungendo summam adhibebimus diligentiam, et fortasse, quoniam videtur in suffragiis multum posse Gallia, cum Romae a iudiciis forum refrixerit, excurremus mense Septembri legati ad Pisonem, ut Ianuario revertamur. Cum perspexero voluntates nobilium, scribam ad te. Cetera spero prolixa esse his dumtaxat urbanis competitoribus. Illam manum tu mihi cura ut praestes, quoniam propius abes, Pompei, nostri amici. Nega me ei iratum fore, si ad mea comitia non venerit. Atque haec huius modi sunt.

Sed est, quod abs te mihi ignosci pervelim. Caecilius, avunculus tuus, a P. Vario cum magna pecunia fraudaretur, agere coepit cum eius fratre A. Caninio Satyro de iis rebus, quas eum dolo malo mancipio accepisse de Vario diceret. Una agebant ceteri creditores, in quibus erat L. Lucullus et P. Scipio et, is quem putabant magistrum fore, si bona venirent, L. Pontius. Verum hoc ridiculum est de magistro. Nunc cognosce rem. Rogavit me Caecilius, ut adessem contra Satyrum. Dies fere nullus est, quin hic Satt-rus domum meam ventitet; observat L. Domitium maxime, me habet proximum; fuit et mihi et Quinto fratri magno usui in nostri petitionibus. Sane sum perturbatus cum ipsius Satyri familiaritate tum Domiti, in quo uno maxime ambitio nostra nititur. Demonstravi haec Caecilio simul et illud ostendi, si ipse unus cum illo uno contenderet, me ei satis facturum fuisse; nunc in causa universorum creditorum, hominum praesertim amplissimorum, qui sine eo, quem Caecilius suo nomine perhiberet, facile causam communem sustinerent, aequum esse eum et officio meo consulere et tempori. Durius accipere hoc mihi visus est, quam vellem, et quam homines belli solent, et postea prorsus ab instituta nostra paucorum dierum consuetudine longe refugit. Abs te peto, ut mihi hoc ignoscas et me existimes humanitate esse prohibitum, ne contra amici summam existimationem miserrimo eius tempore venirem, cum is omnia sua studia et officia in me contulisset. Quodsi voles in me esse durior, ambitionem putabis mihi obstitisse. Ego autem arbitror, etiamsi id sit, mihi ignoscendum esse, ἐπεὶ οὐχ ἱερήιον, οὐδὲ βοείη. Vides enim, in quo cursu simus et quam omnes gratias non modo retinendas, verum etiam acquirendas putemus. Spero tibi me causam probasse, cupio quidem certe.

Hermathena tua valde me delectat et posita ita belle est, ut totum gymnasium ἡλίου ἀνάθημα esse videatur. Multum te amamus.

 

 AN DE R. 689 — AV. J. C. 65. - AGE DE C. 43.

L. Aurélius Cotta. L. Lucius Manlius Torquatus, consuls.

10. - A ATTICUS. Rome, Juin.

A. I, 1. Vous vous intéressez vivement à ma candidature, je le sais : voici jusqu'à ce moment l'état des choses. Je n'ai qu'un concurrent, Galba, et on lui dit non tout net, et sans cérémonie, comme au temps de nos pères. On pense même qu'il ne m'aura pas nui, en se pressant si fort; car presque tous lui refusent leur voix, par la raison, disent-ils, qu'elle m'est due. Aussi, et c'est là le meilleur, répète-t-on partout, que mes partisans augmentent à vue d'oeil. Je compte commencer mes démarches au Champ de Mars le jour où, à ce que m'a dit Cincius, votre esclave doit partir avec ma lettre, c'est-à-dire, le 16 des calendes de juillet, jour des comices pour l'élection des tribuns. Les concurrents, sur lesquels il n'y a pas d'incertitude, ne sont encore que Galba, Antoine et Q. Cornificius. Cornificius! vous allez rire, ou plutôt vous gémirez. Mais, ce qui vous fera tomber des nues, on parle aussi de Césonius. Quant à Aquillius, c'est à tort qu'il a été question de lui; il est le premier à s'en défendre, en alléguant sa mauvaise santé et ses nombreux travaux judiciaires. Enfin, je ne considérerai Catilina comme un compétiteur sérieux que quand on m'aura prouvé qu'il ne fait pas jour en plein midi. Vous n'attendez pas, je pense, que je vous parle d'Aufidius et de Palicanus. - Parmi les candidats actuels, César est le seul qui soit sûr de son élection. Thermus luttera contre Silanus; mais ils ont tous deux si peu d'amis et si peu de considération, qu'il ne me parait pas impossible de faire passer Curius entre les deux. Je suis seul, au surplus, de cet avis. Mon intérêt est que Thermus soit élu avec César; car s'il est renvoyé à mon année, il n'y aurait pas pour moi de concurrent plus redoutable, d'autant qu'il est chargé de la voie Flaminienne, et que, lorsqu'elle sera terminée, il aura bien des chances. Je le donnerais donc aujourd'hui très volontiers pour collègue à un autre consul. - Voilà, quant à présent, mes conjectures sur les divers prétendants. Je ne négligerai rien en ma qualité de candidat. Comme la Gaule a un grand poids dans la balance, je profiterai peut-être de la stagnation des affaires au forum pour me faire donner une mission auprès de Pison ; j'irais au mois de septembre pour revenir en janvier. Je ne sais pas encore le parti que prendront les nobles; je vous en écrirai plus tard. Du reste, j'augure bien de tout, pourvu qu'il ne survienne pas d'autres concurrents que ceux de Rome. Assurez-moi, je vous prie, le vote de ceux qui marchent avec notre ami Pompée; vous êtes plus en position. Dites-lui que je ne lui en voudrai aucunement s'il ne vient pas à l'assemblée des comices. J'ai fini sur ce point.

 - Mais en voici un autre où j'aurai besoin de votre indulgence. Votre oncle Cécilius, qui perd beaucoup d'argent avec P. Varius, attaque comme frauduleuse la vente que ce dernier a faite de ses biens à son frère Caninius Satrius. On poursuit l'affaire au nom de tous les créanciers, parmi lesquels se trouvent Lucullus, P. Scipion et Pontius, qui probablement eût été syndic si on eût vendu la propriété par décret. Mais il s'agit bien de cela à présent! Cécilius est venu me prier de me charger de son affaire contre Satrius. Or, vous saurez qu'il ne se passe guère un jour sans que Satrius ne vienne me voir. Il est avant tout pour L. Domitius ; mais après Domitius, pour moi. Il nous a servis puissamment, mon frère et moi, dans nos candidatures. Mon embarras est grand, lié comme je le suis avec Satrius lui-même et avec Domitius, que je regarde comme le pivot de mon élection! J'ai cherché à faire comprendre cette position à Cécilius. Je lui ai dit que s'il était seul à plaider contre Satrius, je répondrais à son appel; mais que la position n'était pas telle; que l'affaire se poursuivait au nom de tous les créanciers; que parmi eux se trouvaient des hommes dont le crédit est immense; que ces hommes sauraient bien défendre des intérêts communs, sans aucune intervention particulière en son nom; que dès lors il fallait faire la part des ménagements auxquels j'étais obligé et des circonstances où je me trouvais. Il a reçu ces observations avec plus de roideur que je ne m'y attendais, et que ne comporte la politesse. Il a même rompu avec moi les relations qui s'étaient depuis peu établies entre nous. Je compte sur plus d'indulgence de votre part. Vous comprendrez que mes sentiments ne me permettent pas de rien faire contre un ami, dans la conjoncture de sa vie la plus délicate, et quand il y va de sa réputation, après en avoir reçu tous les témoignages d'attachement. Libre à vous de me juger avec sévérité, et de voir de l'ambition dans mon refus. Mais, cela fût-il, vous devriez me pardonner encore car «il ne s'agit pas ici de disputer la chair d'une victime ou la dépouille d'un taureau. » Vous savez dans quelle carrière je suis lancé; ce n'est même plus assez pour moi de conserver mes anciens amis ; j'ai besoin de m'en faire de nouveaux. J'espère que vous approuverez mes raisons; je le désire vivement.

 - Votre Hermathène me charme. Cette statue fait si bien en place, que c'est comme un soleil dont l'éclat illumine tout mon gymnase. Je vous aime plus que jamais.

Cicero Attico Sal.

[Rome, shortly after I.I]

L. Iulio Caesare, C. Marcio Figulo consulibus filiolo me auctum scito salva Terentia. Abs te tam diu nihil litterarum! Ego de meis ad te rationibus scripsi antea diligenter. hoc tempore Catilinam, competitorem nostrum, defendere cogitamus. Iudices habemus, quos volumus, summa accusatoris voluntate. Spero, si absolutus erit, coniunctiorem illum nobis fore in ratione petitionis; sin aliter acciderit, humaniter feremus.

Tuo adventu nobis opus est maturo; nam prorsus summa hominum est opinio tuos familiares nobiles homines adversarios honori nostro fore. Ad eorum voluntatem mihi conciliandam maximo te mihi usui fore video. Quare Ianuario mense, ut constituisti, cura ut Romae sis.

11. — A ATTICUS. Rome.

A I, 2. Je vous annonce que L. Julius César et C. Marcius Figulus étant consuls, ma famille s'est augmentée d'un fils dont Térentia est accouchée fort heureusement. Qu'il y a longtemps que je n'ai vu de vos lettres ! Je vous ai précédemment rendu compte en détail de ma situation. Je me prépare en ce moment à défendre Catilina, mon compétiteur. Nous avons obtenu tous les juges que nous désirions, et cela du consentement formel de l'accusateur. J'espère, si j'obtiens son acquittement, le trouver disposé à s'entendre avec moi sur nos démarches; s'il en est autrement, je prendrai mon parti.

J'ai bien besoin de vous voir arriver, car on est partout convaincu que les nobles, vos amis, s'opposeront à mon élévation. Vous pourriez agir utilement sur eux, et me les ramener. Soyez donc à Rome pour janvier, comme vous en aviez l'intention. N'y manquez pas.

III (8)

Cicero Attico Sal.

[Rome, end of 67]

Aviam tuam scito desiderio tui mortuam esse, et simul quod verita sit, ne Latinae in officio non manerent et in montem Albanum hostias non adducerent. Eius rei consolationem ad te L. Saufeium missurum esse arbitror. Nos hic te ad mensem Ianuarium exspectamus ex quodam rumore an ex litteris tuis ad alios missis; nam ad me de eo nihil scripsisti. Signa quae nobis curasti, ea sunt ad Caietam exposita. Nos ea non vidimus; neque enim exeundi Roma potestas nobis fuit. Misimus, qui pro vectura solveret. Te multum amamus, quod ea abs te diligenter parvoque curata sunt.

Quod ad me saepe scripsisti de nostro amico placando, feci et expertus sum omnia, sed mirandum in modum est animo abalienato. Quibus de suspicionibus etsi audisse te arbitror, tamen ex me, cum veneris, cognosces. Sallustium praesentem restituere in eius veterem gratiam non potui. Hoc ad te scripsi, quod is me accusare de te solebat. In se expertus est illum esse minus exorabilem, meum studium nec sibi nec tibi defuisse. Tulliolam C. Pisoni L. f. Frugi despondimus.

8. — A. ATTICUS. Rome.

A. I, 3. Savez-vous bien que votre aïeule est morte du chagrin de votre absence et aussi de la crainte de voir les femmes du Latium manquer à leurs obligations cette année, et ne pas amener les victimes sur le mont Albain? L. Sauféius vous écrira, je le suppose, une lettre de condoléance. On vous attend ici pour le mois de janvier. N'est-ce qu'une supposition ? ou bien l'avez-vous mandé à quelqu'un? vous ne m'en avez rien dit. Le convoi de statues a débarqué à Caïète : je ne les ai pas encore vues. Il m'est impossible de quitter Rome en ce moment. J'ai fait payer le transport. Je vous sais un gré infini de me les avoir fait parvenir aussi vite et à si bon marché. - J'ai suivi vos recommandations réitérées, et j'ai tout mis en oeuvre pour apaiser notre ami : mais il est monté d'une manière incroyable. Il a des griefs dont vous devez savoir quelque chose, et que je vous dirai à votre retour. Je n'ai pas mieux réussi pour son ancien ami Salluste, qui était là avec moi. Je vous fais connaître cette circonstance, parce que Salluste me cherchait toujours querelle à votre sujet. Il sait aujourd'hui, par expérience, que l'homme est inexorable, et que mon zèle pour vous n'a point failli. J'ai promis ma Tullie à C. Pison Frugi, fils de Lucius.

IV (9)

Cicero Attico Sal.

[Rome, beginning of 66]

Crebras exspectationes nobis tui commoves. Nuper quidem, cum iam te adventare arbitraremur, repente abs te in mensem Quintilem reiecti sumus. Nunc vero sentio, quod commodo tuo facere poteris, venias ad id tempus, quod scribis; obieris Quinti fratris comitia, nos longo intervallo viseris, Acutilianam controversiam transegeris. Hoc me etiam Peducaeus ut ad te scriberem admonuit. Putamus enim utile esse te aliquando eam rem transigere. Mea intercessio parata et est et fuit. Nos hic incredibili ac singulari populi voluntate de C. Macro transegimus. Cui cum aequi fuissemus, tamen multo maiorem fructum ex populi existimatione illo damnato cepimus quam ex ipsius, si absolutus esset, gratia cepissemus.

Quod ad me de Hermathena scribis, per mihi gratum est. Est ornamentum Academiae proprium meae, quod et Ἑρμής commune omnium et Minerva singulare est insigne eius gymnasii. Quare velim, ut scribis, ceteris quoque rebus quam plurimis eum locum ornes. Quae mihi antea signa misisti, ea non dum vidi; in Formiano sunt, quo ego nunc proficisci cogitabam. Illa omnia in Tusculanum deportabo. Caietam, si quando abundare coepero, ornabo. Libros tuos conserva et noli desperare eos me meos facere posse. Quod si adsequor, supero Crassum divitiis atque omnium vicos et prata contemno.

AN DE R. 698 — AV. J. C. 66. - AGE DE C. 42.

M. Aemilius Lépidus,. VoIcatiusTuiius, consuls.

9. A ATTICUS. Rome.

A. I, 4. Que de fausses joies vous nous donnez de votre retour! On vous croit arrivé; et voilà que vous nous renvoyez au mois de juin. Je compte au moins qu'à cette époque vous tiendrez parole. Vous le pouvez sans peine. Vous assisterez ainsi aux comices de mon frère Quintus; vous nous reverrez après une longue absence, et vous terminerez votre différend avec Acutilius. Péducéus se joint à moi pour vous y inviter. Tous deux nous pensons qu'il faut en finir. Ma médiation est à votre service, comme toujours. - J'ai prononcé contre C. Macer, et vous ne sauriez imaginer quelle éclatante confirmation mon jugement a reçue de l'opinion publique. S'il eût été absous, jamais sa reconnaissance n'eût valu pour moi l'honneur que me fait sa condamnation, dans l'esprit du peuple. -

Je suis ravi de ce que vous me dites de ma statue de Mercure-Minerve. Il n'y a rien de plus convenable pour mon académie car Mercure est l'ornement obligé de tous les gymnases, et Minerve doit distinguer particulièrement le mien. Continuez à m'envoyer tout ce que vous trouverez d'objets d'art pour la même destination. Je n'ai pas encore vu les statues de votre dernier envoi. Elles sont à Formies, où je compte aller sous peu. Je les ferai toutes transporter à Tusculum. Quant à embellir ma maison de Caïète, quand j'aurai de l'argent de trop j'y songerai. Gardez toujours vos livres, et ne désespérez pas de moi, je vous prie. Ils seront miens, je vous le jure. Que si ce beau jour arrive, je me croirai plus riche que Crassus, et je me moquerai de toutes les campagnes et de toutes les terres du monde.

I.V (1)

Cicero Attico Sal.

[Rome, shortly before November 27, 68]

Quantum dolorem acceperim et quanto fructu sim privatus et forensi et domestico Luci fratris nostri morte, in primis pro nostra consuetudine tu existimare potes. Nam mihi omnia, quae iucunda ex humanitate alterius et moribus homini accidere possunt, ex illo accidebant. Quare non dubito, quin tibi quoque id molestum sit, cum et meo dolore moveare et ipse omni virtute officioque ornatissimum tuique et sua sponte et meo sermone amantem adfinem amicumque amiseris. Quod ad me scribis de sorore tua, testis erit tibi ipsa, quantae mihi curae fuerit, ut Quinti fratris animus in eam esset is, qui esse deberet. Quem cum esse offensiorem arbitrarer, eas litteras ad eum misi quibus et placarem ut fratrem et monerem ut minorem et obiurgarem ut errantem. Itaque ex iis, quae postea saepe ab eo ad me scripta sunt, confido ita esse omnia, ut et oporteat et velimus. De litterarum missione sine causa abs te accusor. Numquam enim a Pomponia nostra certior sum factus esse, cui dare litteras possem, porro autem neque mihi accidit, ut haberem, qui in Epirum proficisceretur, nequedum te Athenis esse audiebamus. De Acutiliano autem negotio quod mihi mandaras, ut primum a tuo digressu Romam veni, confeceram; sed accidit, ut et contentione nihil opus esset, et ut ego, qui in te satis consilii statuerim esse, mallem Peducaeum tibi consilium per litteras quam me dare. Etenim, cum multos dies aures meas Acutilio dedissem, cuius sermonis genus tibi notum esse arbitror, non mihi grave duxi scribere ad te de illius querimoniis, cum eas audire, quod erat subodiosum, leve putassem. Sed abs te ipso, qui me accusas, unas mihi scito litteras redditas esse, cum et otii ad scribendum plus et facultatem dandi maiorem habueris. Quod scribis, etiamsi cuius animus in te esset offensior, a me recolligi oportere, teneo, quid dicas, neque id neglexi, sed est miro quodam modo adfectus. Ego autem, quae dicenda fuerunt de te, non praeterii; quid autem contendendum esset, ex tua putabam voluntate me statuere oportere. Quam si ad me perscripseris, intelleges me neque diligentiorem esse voluisse, quam tu esses, neque neglegentiorem fore, quam tu velis. De Tadiana re mecum Tadius locutus est te ita scripsisse, nihil esse iam, quod laboraretur, quoniam hereditas usu capta esset. Id mirabamur te ignorare, de tutela legitima, in qua dicitur esse puella, nihil usu capi posse. Epiroticam emptionem gaudeo tibi placere. Quae tibi mandavi, et quae tu intelleges convenire nostro Tusculano, velim, ut scribis, cures, quod sine molestia tua facere poteris. Nam nos ex omnibus molestiis et laboribus uno illo in loco conquiescimus. Quintum fratrem cotidie exspectamus. Terentia magnos articulorum dolores habet. Et te et sororem tuam et matrem maxime diligit salutemque tibi plurimam ascribit et Tulliola, deliciae nostrae. Cura, ut valeas et nos ames et tibi persuadeas te a me fraterne amari.

A. DE R. 686. — AV. J. C. 68. — DE C. 39.

L. Cécilius Métellus, Q- Marcius Rex, consuls.

1. — A ATTICUS. Rome.

A. I, 5. Dans l'intimité où nous vivons, vous devez comprendre mieux que personne quelle douleur me cause la mort de mon frère Lucius, et quelle est la portée de ce coup pour moi, comme homme public et comme ami. Tout ce que la honte du cœur et l'aménité du caractère peuvent prêter de charme à une liaison, je le trouvais dans Lucius. Je ne doute pas que vous ne soyez chagrin de cette triste nouvelle. Mon affliction vous touchera : vous perdez vous-même un homme distingué, un parent fidèle, un ami qui vous aimait pour vous et pour me plaire. — Vous me parlez de votre soeur; elle vous dira mes efforts auprès de Quintus pour le ramener., envers sa femme, à de meilleurs sentiments. Il était très monté. J'ai tour à tour fait parler, dans mes lettres, la tendresse d'un frère, l'autorité d'un aîné, la sévérité d'un censeur. Ses réponses me donnent lieu de penser qu'ils sont ensemble aujourd'hui comme ils le doivent et comme nous le désirons. Vous vous plaignez à tort de mon silence. La chère Pomponia ne m'a pas une seule fois procuré le moyen de vous écrire., et, de mon côté, je n'ai eu d'occasion ,ni pour l'Épire , ni pour Athènes, où j'ai su que vous aviez etc. — A mon retour à Rome, après votre départ, je me suis occupé d'Acutilius, selon vos ordres. Mais il y avait si peu à faire, et vous êtes si bien en état de prendre conseil de vous-même, qu'au lieu de vous envoyer mon avis, je laisse Péducéus vous donner le sien. Ce n'est pas assurément qu'après avoir durant plusieurs jours prêté l'oreille à Acutilius (et vous savez comme il procède) je regarde comme une peine de vous mander ses griefs, moi qui ai subi, sans sourciller, l'ennui de les entendre. Mais vous qui m'accusez, savez-vous bien que vous nec m'avez écrit qu'une. lettre, quoique, vous ayez comparativement plus de loisirs et d'occasions que moi? .le dois, dites-vous, m'employer à calmer l'irritation de quelqu'un contre vous. Je retiens cette parole, et déjà, certes, j'avais agi ; mais on est tout à fait fâché. J'ai dit devons tout ce qu'on peut dire, et j'en suis demeuré là. Il faut que je sache vos intentions ; faites-les-moi connaître, et vous verrez que, si je n'ai pas voulu d'abord aller plus vite que vous, j'irai ensuite du pas que vous voudrez — Tadius m'a parlé de son affaire. Vous lui aviez écrit, dit-il, d'être sans inquiétude sur l'héritage, parce qu'il a l'usucapion. Comment pouvez-vous ignorer qu'on ne se prévaut jamais de l'usucapion envers un mineur en état de tutelle légale ; ce qui est, dit-on, le cas de cette jeune fille? — Je vois que vous êtes content de vos acquisitions d'Épire, et j'en suis charmé. Oui, soyez assez bon pour vous occuper, sans vous gêner pourtant, de ce que je vous ai demandé pour Tusculum, et de tout ce que vous trouveriez en outre à ma convenance. C'est là seulement que j'oublie, dans un doux repos, mes peines et mes ennuis. J'attends mon frère de jour en jour. Térentia est prise de fortes douleurs dans les articulations. Elle vous aime beaucoup, vous, votre sœur et votre mère, et vous fait mille compliments, aussi bien que ma petite Tullie, mes amours. Portez-vous bien, aimez-moi, et croyez bien que je vous aime en frère.

I.VI (2)

Cicero Attico Sal.

[Rome, shortly after November 27, 68]

Non committam posthac, ut me accusare de epistularum neglegentia possis; tu modo videto, in tanto otio ut par in hoc mihi sis. Domum Fabirianam nam Neapoli, quam tu iam dimensam et exaedificatam animo habebas, M. Fontius emit HS [130,000]. Id te scire volui, si quid forte ea res ad cogitationes tuas pertineret. Quintus frater, ut mihi videtur, quo volumus animo, est in Pomponiam, et cum ea nunc in Arpinatibus praediis erat, et secum habebat hominem χρηστομαθῆ, D. Turranium. Pater nobis decessit a. d. IV Kal. Dec. Haec habebam fere, quae te scire vellem. Tu velim, si qua ornamenta γυμνασιώδη reperire poteris, quae loci sint eius, quem tu non ignoras, ne praetermittas. Nos Tusculano ita delectamur, ut nobismet ipsis tum denique, cum illo venimus, placeamus. Quid agas omnibus de rebus, et quid acturus sis, fac nos quam diligentissime certiores.

2 A ATTICUS. Rome.

A. I, 6. Non, vous n'aurez plus à me reprocher de négligence : mais vous qui avez si peu à faire, tâchez d'être aussi exact que moi. M. Fontéius vient d'acheter la maison de Rabirius à Naples ; il l'a payée cent trente mille sesterces ; c'est cette maison que vous aviez déjà mesurée et rebâtie en projets. Il est bon que vous sachiez ce qui en est, si vous y pensez encore. Mon frère me paraît aussi bien que nous pouvons le désirer avec Pomponia. Ils sont ensemble dans leurs proprietés d'Arpinum. Il a avec lui un homme d'une instruction solide et applicable, D. Turranius. C'est le 4 des calendes de décembre que notre père est mort. Voilà tout ce que j'ai à vous dire. Si vous trouvez quelque chose de bien pour le gymnase, pour le lieu de prédilection que vous savez , ne laissez pas échapper l'occasion. Tusculum a pour moi un charme qui fait que je ne me sens vraiment bien que là. Tenez-moi exactement au courant de tout ce que vous faites et de tout ce que vous projetez.

I. VII (3)

Cicero Attico Sal.

[Rome, before February 13, 67]

Apud matrem recte est, eaque nobis curae est. L. Cincio HS [20,400] constitui me curaturum Idibus Febr. Tu velim ea, quae nobis emisse et parasse scribis, des operam ut quam primum habeamus, et velim cogites, id quod mihi pollicitus es, quem ad modum bibliothecam nobis conficere possis. Omnem spem delectationis nostrae, quam, cum in otium venerimus, habere volumus, in tua humanitate positam habemus.

3. — A ATTICUS. Rome, décembre.

A. I, 7. Votre mère se porte bien, et nous en avons grand soin. Je viens de garantir à L. Cincius le payement de vingt mille quatre cents sesterces pour le jour des ides de février. Envoyez-moi, je vous prie, le plus tôt possible ce que vous avez acheté ou retenu pour moi. Occupez-vous également d'une bibliothèque ; j'ai votre parole, et je place dans votre bonté l'espoir de toutes mes jouissances pour le moment du repos.

I.VIII (4)

Cicero Attico Sal.

[Rome, after February 13, 67]

Apud te est, ut volumus. Mater tua et soror a me Quintoque fratre diligitur. Cum Acutilio sum locutus. Is sibi negat a suo procuratore quicquam scriptum esse et miratur istam controversiam fuisse, quod ille recusarit satis dare amplius abs te non peti. Quod te de Tadiano negotio decidisse scribis, id ego Tadio et gratum esse intellexi et magno opere iucundum. Ille noster amicus, vir mehercule optimus et mihi amicissimus, sane tibi iratus est. Hoc si quanti tu aestimes sciam, tum, quid mihi elaborandum sit, scire possim. L. Cincio HS CCIƆƆ CCIƆƆ CCCC pro signis Megaricis, ut tu ad me scripseras, curavi. Hermae tui Pentelici cum capitibus aeneis, de quibus ad me scripsisti, iam nunc me admodum delectant. Quare velim et eos et signa et cetera, quae tibi eius loci et nostri studii et tuae elegantiae esse videbuntur, quam plurima quam primumque mittas, et maxime quae tibi gymnasii xystique videbuntur esse. Nam in eo genere sic studio efferimur, ut abs te adiuvandi, ab aLus prope reprehendendi simus. Si Lentuli navis non erit, quo tibi placebit, imponito. Tulliola deliciolae nostrae, tuum munusculum flagitat et me ut sponsorem appellat; mi autem abiurare certius est quam dependere.

4.— A ATTICUS. Rome.

A. I, 9. Tout va chez vous à souhait. Mon frère et moi nous chérissons votre mère et votre sœur. J'ai parlé a Acutilius. Il dit que son agent ne lui a rien écrit ; il ne comprend pas la difficulté que cet homme a faite d'accepter une caution, quand il n'en a jamais demandé davantage. Tadius m'a paru reconnaissant et enchanté de la matière dont vous avez terminé son affaire. L'ami que vous savez, excellent homme, sur ma parole, et tout dévoué pour moi, vous en veut toujours beaucoup. Cela vous importe-t-il? et à quel point? Voilà ce qu'il faut que je sache avant de m'avancer.—J'ai eu soin, conformément à vos ordres, de faire payer vingt mille quatre cents sesterces à T.. Cincius pour les statues de Mégare. Je jouis d'avance des Hermès de marbre pentélique, à têtes de bronze, que vous m'annoncez. Ne perdez pas un moment Je vous prie, pour les envoyer, ainsi que les statues et tous les autres objets d'art que vous jugeriez convenir au lieu en question, entrer dans mes goûts ou faire honneur à votre choix ; le plus possible, le plus promptement possible; mais surtout de ces choses qui fout bien dans un gymnase ou une galerie. C'est une passion chez moi : que les autres la blâment; vous devez, vous, la satisfaire. Si le vaisseau de Lentulus vous manque, prenez-en un autre. Ma chère petite Tullie, mes délices, me tourmente pour le présent que vous lui avez promis, et prétend qu'elle m'attaquera comme caution. Mais je me parjurerai très certainement plutôt que de payer pour vous.

I.IX (5)

Cicero Attico Sal.

[Rome, March or April 67]

Nimium raro nobis abs te litterae adferuntur, cum et multo tu facilius reperias, qui Romam proficiscantur, quam ego, qui Athenas, et certius tibi sit me esse Romae quam mihi te Athenis. Itaque propter hanc dubitationem meam brevior haec ipsa epistula est, quod, cum incertus essem, ubi esses, nolebam illum nostrum familiarem sermonem in alienas manus devenire. Signa Megarica et Hermas, de quibus ad me scripsisti, vehementer exspecto. Quicquid eiusdem generis habebis, dignum Academia tibi quod videbitur, ne dubitaris mittere et arcae nostrae confidito. Genus hoc est voluptatis meae; quae γυμναστώδη maxime sunt, ea quaero. Lentulus naves suas pollicetur. Peto abs te, ut haec diligenter cures. Thyillus te rogat et ego eius rogatu Εὐμολπιδῶν πάτρια.

AN DE R. 697 — AV. J. C. 67. - AGE DE C. 40.

5. — A ATTICUS. Rome.

A. I, 9. Vos lettres sont beaucoup trop rares ; pourtant, vous avez plus d'occasions pour Rome que mot pour Athènes ; en outre, je ne suis pas sûr que vous soyez à Athènes, et vous êtes sûr que je suis à Rome. Aussi, je ne vous écrirai que peu de mots, parce que ne sachant où ces causeries familières peuvent vous trouver, je ne veux pas les exposer à tomber en de mains indiscrètes. J'attends avec impatience les statues de Mégare et les Hermès dont vous m'avez parlé. Tout ce que vous trouverez dans ce genre, tout ce qui vous paraîtra digne de mon académie, envoyez-le-moi, et ne craignez pas de mettre mon coffre à sec. Voilà désormais ma passion. C'est surtout mon gymnase que je veux décorer. Lentulus m'offre ses vaisseaux. Je me recommande à votre diligence. Chilius désire avoir les cérémonies des Eumolpides ; je me joins à lui pour vous les demander.

M I.X (6)

Cicero Attico Sal.

[Rome, before July 67]

Cum essem in Tusculano (erit hoc tibi pro illo tuo: "Cum essem in Ceramico ") verum tamen cum ibi essem, Roma puer a sorore tua missus epistulam mihi abs te adlatam dedit nuntiavitque eo ipso die post meridiem iturum eum, qui ad te proficisceretur. Eo factum est, ut epistulae tuae rescriberem aliquid, brevitate temporis tam pauca cogerer scribere. Primum tibi de nostro amico placando aut etiam plane restituendo polliceor. Quod ego etsi mea sponte ante faciebam, eo nunc tamen et agam studiosius et contendam ab illo vehementius, quod tantum ex epistula voluntatem eius rei tuam perspicere videor. Hoc te intellegere volo, pergraviter illum esse oftensum; sed, quia nullam video gravem subesse causam, magno opere confido illum fore in officio et in nostra potestate. Signa nostra et Hermeraclas, ut scribis, cum commodissime poteris, velim imponas, et si quod aliud οἰκεῖον eius loci, quem non ignoras, reperies, et maxime quae tibi palaestrae gymnasiique videbuntur esse. Etenim ibi sedens haec ad te scribebam, ut me locus ipse admoneret. Praeterea t tibi mando, quos in tectorio atrioli possim includere, et putealia sigillata duo. Bibliothecam tuam cave cuiquam des pondeas, quamvis acrem amatorem inveneris; nam ego omnes meas vindemiolas eo reservo, ut illud subsidium senectuti parem. De fratre confido ita esse, ut semper volui et elaboravi. Multa signa sunt eius rei, non minimum, quod soror praegnans est. De comitiis meis et tibi me permisisse memini, et ego iam pridem hoc communibus amicis, qui te exspectant, praedico, te non modo non arcessi a me, sed prohiberi, quod intellegam multo magis interesse tua te agere, quod agendum est hoc tempore, quam mea te adesse comitiis. Proinde eo animo te velim esse, quasi mei negotii causa in ista loca missus esses; me autem eum et offendes erga te et audies, quasi mihi, si quae parta erunt, non modo te praesente, sed per te parta sint. Tulliola tibi diem dat, sponsorem me appellat.

6. — A ATTICUS. Tusculum.

A. I, 10. Comme j'étais à Tusculum (voilà pour votre, Comme j'étais au Céramique), comme j'étais à Tusculum , un esclave m'apporte, de la part de votre sœur, une lettre de vous, et m'annonce qu'un exprès qu'elle vous dépêche doit partir aujourd'hui même après-midi. J'en profiterai pour vous répondre quelques mots, pas davantage , parce qu'on ne m'en laisse pas le temps. — Je vous promets d'abord du calmer notre ami, peut-être même de vous le ramener tout à fait. J'y travaillais déjà de moi-même ; je redoublerai de zèle et d'efforts, maintenant que je vois combien vous le désirez. Seulement je vous avertis qu'il est blessé. Mais comme je ne vois pas de motifs sérieux, j'espère lui faire entendre raison et le réduire, a mon gré. — Ne manquez, pas, je vous prie, la première occasion commode d'embarquer mes statues, mes Hermès-Hercules, et tout ce que vous trouverez de bien pour le séjour que vous connaissez,, surtout pour ma palestre et mon gymnase. C'est là que je vous écris, et le lieu m'en ferait souvenir. Je vous demande aussi des moulures pour le plafond de l'Atrium, et deux couvercles de puits sculptées. Ne traitez avec personne de votre bibliothèque, quelque ardent amateur que vous trouviez. Je réserve la totalité de mes petites épargnes pour cette acquisition, qui sera la ressource de ma vieillesse. J'ai lieu de croire que mon frère est aujourd'hui dans les dispositions que je désire , et que j'ai tâché de lui inspirer. J'en ai plus d'une marque; et la grossesse de votre sœur n'est pas la moins significative. — Quant à la prochaine assemblée des comices, je n'oublie pas que je vous ai dispensé d'y venir appuyer ma candidature; et depuis longtemps je ne cesse de le répéter à ceux de nos amis communs qui s'attendent à vous y rencontrer. Loin de vous appeler, je vous défends d'y venir. Il y a en ce moment bien plus d'intérêt pour vous à rester là-bas , que pour moi à vous avoir ici. Figurez-vous que vous êtes en mission pour mon compte, et tenez, votre esprit en repos. Si je triomphe, je serai pour vous, de cœur et de langage, le même que si vous aviez pris part à la lutte, le même que si je ne devais le succès qu'à vous. Ma petite Tullie vous assigne aujourd'hui comme caution et débiteur principal.

I.XI (7)

Cicero Attico Sal.

[Rome, July or August 67]

Et mea sponte faciebam antea et post duabus epistulis tuis perdiligenter in eandem rationem scriptis magno opere sum commotus. Eo accedebat hortator adsiduus Sallustius, ut agerem quam diligentissime cum Lucceio de vestra vetere gratia reconcilianda. Sed cum omnia fecissem, non modo eam voluntatem eius quae fuerat erga te, recuperare non potui, verum ne causam quidem elicere immutatae voluntatis. Tametsi iactat ille quidem illud suum arbitrium, et ea. quae iam tum, cum aderas, offendere eius animum intellegebam, tamen habet quiddam profecto, quod magis in animo eius insederit, quod neque epistulae tuae neque nostra adlegatio tam potest facile delere, quam tu praesens non modo oratione, sed tuo vultu illo familiari tolles, si modo tanti putaris, id quod, si me audies et si humanitati tuae constare voles, certe putabis. Ac, ne illud mirere, cur, cum ego antea significarim tibi per litteras me sperare illum in nostra potestate fore, nunc idem videar diffidere, incredibile est, quanto mihi videatur illius voluntas obstinatior et in hac iracundia offirmatior. Sed haec aut sanabuntur, cum veneris, aut ei molesta erunt, in utro culpa erit. Quod in epistula tua scriptum erat me iam arbitrari designatum esse, scito nihil tam exercitum esse nunc Romae quam candidatos omnibus iniquitatibus, nec, quando futura sint comitia, sciri. Verum haec audies de Philadelpho. Tu velim, quae Academiae nostrae parasti, quam primum mittas. Mire quam illius loci non modo usus, sed etiam cogitatio delectat. Libros vero tuos cave cuiquam tradas; nobis eos, quem ad modum scribis, conserva. Summum me eorum studium tenet sicut odium iam ceterarum rerum; quas tu incredibile est quam brevi tempore quanto deteriores offensurus sis, quam reliquisti.

7. — A ATTICUS. Rome.

A. I, 11. J'avais pris les devants sur vos deux lettres si bien raisonnées et si touchantes. De plus, Salluste était là qui me pressait aussi d'opérer à toute force votre réconciliation avec Lucéius. Malheureusement j'ai tout tenté, et je n'ai réussi ni à nous le ni mener, ni même à lui arracher le secret de son obstination. Il revient toujours sur l'arbitrage et sur les autres griefs que je connaissais avant votre départ; mais j'imagine qu'il y a quelque autre chose qui lui tient au cœur. Ce que vous écririez, et tout ce que je pourrai dire, feront bien moins que votre présence. Une parole de vous, un regard, et tout est effacé; vous n'avez qu'à m'en croire , c'est-à-dire, qu'à le vouloir : et il le faut ainsi, ne fut-ce que pour ne point démentir voire caractère de bienveillance. Ne soyez pas surpris de me voir désespérer de mes efforts après vous avoir affirmé si positivement le contraire. Il est difficile d'imaginer à quel point sa tête est montée, et son ressentiment, profond. Mais voire arrivée arrangera tout; sinon, de quelque côte que soient les torts, il se préparerait bien des regrets. — A l'heure qu'il est, dites-vous dans votre dernière lettre, je suis désigné : apprenez qu'à Rome aujourd'hui il n'y a pas de gens plus ballottés que les candidats, et qu'on ne sait pas même quand auront lieu les comices. Au surplus, Philadelphe vous tiendra au courant. — Envoyez-moi , je vous prie, sans plus attendre, tout ce que vous avez acheté pour mon académie. C'est merveille que le charme de cette retraite pour moi, rien seulement que d'y penser. Ayez soin aussi de ne pas vous défaire de votre bibliothèque. Conservez-la-moi , vous me l'avez promis. Mon goût pour les livres est égal à mon dégoût pour le reste; car vous ne sauriez croire à quel point vous trouverez tout empiré, après une si courte absence.

I.XII (12)

Cicero Attico Sal.

[Rome, January 1, 61]

Τεῦκρις illa lentum sane negotium, neque Cornelius ad Terentiam postea rediit. Opinor, ad Considium, Axium, Selicium confugiendum est; nam a Caecilio propinqui minore centesimis nummum movere non possunt. Sed ut ad prima illa redeam, nihil ego illa impudentius, astutius, lentius vidi. " Libertum mitto, Titomandavi."σκήψεις atque ἀναβολαί sed nescio an ταυτόματον ἡμῶν. Nam mihi Pompeiani πρόδομοι nuntiant aperte Pompeium acturum Antonio succedi oportere, eodemque tempore aget praetor ad populum. Res eius modi est, ut ego nec per bonorum nec per popularem existimationem honeste possim hominem defendere, nec mihi libeat, quod vel maximum est. Etenim accidit hoc, quod totum cuius modi sit, mando tibi, ut perspicias. Libertum ego habeo sane nequam hominem, Hilarum dico, ratiocinatorem et clientem tuum. De eo mihi Valerius interpres nuntiat, Thyillusque se audisse scribit haec, esse hominem cum Antonio; Antonium porro in cogendis pecuniis dictitare partem mihi quaeri et a me custodem communis quaestus libertum esse missum. Non sum mediocriter commotus neque tamen credidi, sed certe aliquid sermonis fuit. Totum investiga, cognosce, perspice et nebulonem illum, si quo pacto potes, ex istis locis amove. Huius sermonis Valerius auctorem Cn. Plancium nominabat. Mando tibi plane totum, ut videas cuius modi sit. Pompeium nobis amicissimum constat esse. Divortium Muciae vehementer probatur. P. Clodium, Appi f., credo te audisse cum veste muliebri deprehensum domi C. Caesaris, cum pro populo fieret, eumque per manus servulae servatum et eductum; rem esse insigni infamia. Quod te moleste ferre certo scio. Quod praeterea ad te scribam, non habeo, et me hercule eram in scribendo conturbatior. Nam puer festivus anagnostes noster Sositheus decesserat, meque plus quam servi mors debere videbatur, commoverat. Tu velim saepe ad nos scribas. Si rem nullam habebis, quod in buccam venerit, scribito. Kal. Ianuariis M. Messalla, M. Pisone coss.

AN DE R. 693 — AV. J. C. 61. - AGE DE C. 47.

M. Pupius Pison. M. Valérius Messala, consuls.

16. - A ATTICUS. 1er Janvier.

A. I, 12. Rien ne finit avec votre Troyenne, et Cornélius n'a pas reparu chez Térentia. Il nous faudra donc, je pense, recourir à Considius, Axus ou Sélicius. Je ne parle pas de Cécilius; ses plus proches n'en tireraient pas un sou, à moins d'un pour cent par mois. J'en reviens à ce que j'ai dit : il n'y a rien de plus imprudent, de plus fourbe, de plus impatientant que votre Troyenne : «j'envoie un affranchi, dit-elle; j'ai donné les ordres à Titus.» Bagatelles et vaines paroles! Mais peut-être sera-ce pour moi un coup de fortune : les coureurs de Pompée m'annoncent que son intention est de demander le remplacement d'Antoine, et que concurremment le préteur en fera la proposition au peuple. Dans cette occurrence, je ne saurais honorablement, aux yeux des gens de bien ni aux yeux du peuple, me faire le défenseur de l'homme. Puis, je ne m'en soucie pas; cela tranche tout, car il faut que je vous parle d'un incident que vous aurez à tirer au clair, je vous en prie. J'ai un mauvais sujet d'affranchi, nommé Hilarus, qui a tenu vos livres, et dont vous êtes le patron. Or voici ce que Valérius, l'interprète, me rapporte comme fait, et Chilius, comme ouï-dire. Ce misérable serait près d'Antoine, et Antoine insinuerait qu'il est là, parce que nous partageons ensemble l'argent qu'il lève, et que je suis bien aise d'avoir près de lui un homme de confiance pour surveiller mes intérêts. Je n'ai pas été maître de moi, en apprenant cette infamie. Je lie veux pas y croire; mais il est certain qu'il en a couru quelque chose. Remontez à la source, je vous prie; informez-vous, approfondissez; et surtout que ce drôle ne reste pas là-bas, si vous pouvez le faire revenir. Valérius nomme Cn. Plancius comme son auteur. Je vous dis tout, afin de vous mettre en état de bien éclaircir cette intrigue. - Pompée est de mes amis, cela est constant. On l'approuve de s'être séparé de Mucia. Vous savez sans doute l'histoire de P. Clodius, fils d'Appius : on l'a surpris déguisé en femme dans la maison de César, pendant qu'on célébrait un sacrifice pour le peuple; il n'a dû la vie qu'à une petite esclave qui l'a fait évader. C'est une abomination; je ne doute pas que vous n'en soyez profondément affligé. Rien autre chose à vous dire. Je suis moi-même tout triste : je viens de perdre un enfant charmant, Sosithée, mon lecteur; et j'en ai plus de chagrin peut-être qu'on n'en devrait avoir pour la mort d'un esclave. Écrivez-moi souvent, je vous prie; si vous n'avez rien d'important à me mander, écrivez-moi ce qui vous passera par la tête.

I.XIII (13)

Cicero Attico Sal.

[Rome, January 25, 61]

Accepi tuas tres iam epistulas, unam a M. Cornelio, quam Tribus Tabernis, ut opinor, ei dedisti, alteram, quam mihi Canusinus tuus hospes reddidit, tertiam, quam, ut scribis, ancora soluta de phaselo dedisti; quae fuerunt omnes, ut rhetorum pueri loquuntur, cum humanitatis sparsae sale tum insignes amoris notis. Quibus epistulis sum equidem abs te lacessitus ad rescribendum; sed idcirco sum tardior, quod non invenio fidelem tabellarium. Quotus enim quisque est, qui epistulam paulo graviorem ferre possit, nisi eam pellectione relevarit ? Accedit eo, quod mihi non est notum ut quisque in Epirum proficiscitur. Ego enim te arbitror caesis apud Amaltheam tuam victimis, statim esse ad Sicyonem oppugnandum profectum, neque tamen id ipsum certum habeo, quando ad Antonium proficiscare, aut quid in Epiro temporis ponas. Ita neque Achaicis hominibus neque Epiroticis paulo liberiores litteras committere audeo. Sunt autem post discessum a me tuum res dignae litteris nostris, sed non committendae eius modi periculo, ut aut interire aut aperiri aut intercipi possint. Primum igitur scito primum me non esse rogatum sententiam praepositumque esse nobis pacificatorem Allobrogum, idque admurmurante senatu neque me invito esse factum. Sum enim et ab observando homine perverso liber et ad dignitatem in re publica retinendam contra illius voluntatem solutus, et ille secundus in dicendo locus habet auctoritatem paene principis et voluntatem non nimis devinctam beneficio consulis. Tertius est Catulus, quartus, si etiam hoc quaeris, Hortensius. Consul autem ipse parvo animo et pravo tamen cavillator genere illo moroso, quod etiam sine dicacitate ridetur, facie magis quam facetiis ridiculus, nihil agens cum re publica, seiunctus ab optimatibus, a quo nihil speres boni rei publicae, quia non vult, nihil speres mali, quia non audet. Eius autem collega et in me perhonorificus et partium studiosus ac defensor bonarum. Qui nunc leviter inter se dissident. Sed vereor, ne hoc, quod infectum est, serpat longius. Credo enim te audisse, cum apud Caesarem pro populo fieret, venisse eo muliebri vestitu virum, idque sacrificium cum virgines instaurrassent, mentionem a Q. Cornificio in senatu tactam (is fuit princeps, ne tu forte aliquem nostrum putes); postea rem ex senatus consulto ad virgines atque ad pontifices relatam idque ab iis nefas esse decretum; diende ex senatus consulto consules rogationem promulgasse; uxori Caesarem nuntium re misisse. In hac causa Piso amicitia P. Clodi ductus operam dat, ut ea rogatio, quam ipse fert et fert ex senatus consulto et de religione, antiquetur. Messalla vehementer adhuc agit severe. Boni viri precibus Clodi removentur a causa, operae comparantur, nosmet ipsi, qui Lycurgei a principio fuissemus, cotidie demitigamur, instat et urget Cato. Quid multa ? Vereor, ne haec neglecta a bonis, defensa ab improbis magnorum rei publicae malorum causa sit. Tuus autem ille amicus (scin, quem dicam?), de quo tu ad me scripsisti, posteaquam non auderet reprehendere, laudare coepisse, nos, ut ostendit, admodum diligit, amplectitur, amat, aperte laudat, occulte, sed ita, ut perspicuum sit, invidet. Nihil come, nihil simplex, nihil ἐν τοῖς πολιτικοῖς illustre, nihil honestum, nihil forte, nihil liberum. Sed haec ad te scribam alias subtilius; nam neque adhuc mihi satis nota sunt, et huic terrae filio nescio cui committere epistulam tantis de rebus non audeo. Provincias praetores nondum sortiti sunt. Res eodem est loci, quo reliquisti. Τοποθεσία, quam postulas, Miseni et Puteolorum, includam orationi meae. "A. d. III Non. Decembr." mendose fuisse animadverteram. Quae laudas ex orationibus, mihi crede, valde mihi placebant, sed non audebam antea dicere; nunc vero, quod a te probata sunt, multo mi ἀττικώτερα videntur. In illam orationem Metellinam addidi quaedam. Liber tibi mittetur, quoniam te amor nostri φιλορήτορα reddidit. Novi tibi quidnam scribam? quid? etiam. Messalla consul Autronianam domum emit HS CXXXIV. " Quid id ad me ?" inquies. Tantum, quod ea emptione et nos bene emisse iudicati sumus, et homines intellegere coeperunt licere amicorum facultatibus in emendo ad dignitatem aliquam pervenire. Τεῦκρις illa lentum negotium est, sed tamen est in spe. Tu ista confice. A nobis liberiorem epistulam exspecta. VI Kal. Febr. M. Messalla, M. Pisone coss.

18. - A ATTICUS. Rome, 25 janvier.

A. I, 13. J'ai déjà reçu de vous trois lettres, l'une par M. Cornelius, à qui vous l'avez remise, si je ne me trompe, aux Trois Tavernes; la seconde par votre hôte de Canusium ; et je vois que la dernière est datée de votre vaisseau, l'ancre déjà levée. Elles sont toutes trois de main de maître, d'un tour élégant, d'une grâce piquante, et pleines surtout des sentiments les plus affectueux. La provocation est irrésistible, et si je tarde à y répondre, ce n'est que par l'embarras de trouver un messager fidèle. Car qui se fait scrupule, si vous le chargez d'une lettre de quelque poids, de s'alléger en en lisant le contenu? D'ailleurs, je ne sais où m'enquérir des gens qui vont en Épire. Je m'imagine de plus qu'après avoir sacrifié dans votre Amalthée, vous êtes parti pour votre expédition contre Sicyone. Enfin j'ignore quand vous comptez aller trouver Antoine, et combien de temps vous resterez en Epire. J'hésite donc à écrire avec quelque liberté, quand il faut remettre mes lettres à des Achéens ou à des Épirotes. - Il s'est passé, depuis votre départ, des événements qui méritent de vous être rapportés. Mais je ne veux pas exposer ma correspondance au triple péril d'être perdue, indiscrètement ouverte ou interceptée. Sachez d'abord qu'on ne m'a pas fait opiner le premier, et que le pacificateur des Allobroges (C. Pison) a eu le pas sur moi, ce qui a fait murmurer le sénat, mais ne m'a pas trop déplu. Me voilà dispensé d'égards envers un méchant homme, et libre de tenir mon rang dans l'État, en dépit de sa malveillance. D'ailleurs, en fait d'autorité, le second votant égale presque le premier, et il est bien moins engagé envers le consul. Catulus a 14 voté le troisième, et, si vous êtes curieux de le savoir, Hortensius après lui. Le consul est un esprit étroit et envieux; de ces plaisants moroses, sans trait, sans gaieté, et dont la face fait rire plus que les facéties; sans consistance dans le peuple, sans contact avec les grands; dont il n'y a rien de bon à attendre pour la république, parce qu'il n'a pas la volonté du bien ; dont il n'y a rien de mauvais à craindre, parce qu'il n'a pas le courage du mal. Son collègue, au contraire, me distingue on ne peut davantage; il aime et soutient le bon parti. Aussi commencent-ils déjà à n'être pas trop bien ensemble. - Il y a ici une vilaine affaire, et je crains bien que le mal n'aille plus loin. Vous savez, je le suppose, qu'un homme déguisé en femme s'est introduit dans la maison de César, pendant le sacrifice qu'on offrait pour le peuple; que les vestales ont dû recommencer le sacrifice, et que Cornificius a déféré ce scandale au sénat; Cornificius, entendez-vous, pour que vous n'alliez pas croire qu'aucun des nôtres ait pris l'initiative. Renvoi du sénat aux pontifes. Les pontifes déclarent qu'il y a sacrilège; là-dessus, et en vertu d'un sénatus-consulte, les consuls publient leur réquisitoire pour informer; et César répudie sa femme. Or voilà que Pison, qui ne voit que son amitié pour Clodius, manoeuvre pour faire rejeter par le peuple le réquisitoire qu'il a présenté lui-même, et par ordre du sénat, dans un intérêt sacré. Messalla, au contraire, jusqu'ici se prononce fortement pour la sévérité. Mais à force de supplications, Clodius éloigne les gens de bien du tribunal. Il s'assure en même temps main-forte. Moi-même, vrai Lycurgue d'abord, je sens que je mollis de jour en jour. Caton reste ferme, et crie justice. Enfin que vous dirai-je? Je tremble que, grâce à l'indifférence des bons et à l'activité des méchants, cette affaire ne devienne la source de bien des maux pour la république. - Votre ami, savez-vous qui je veux dire? (Pompée) cet ami dont vous m'écriviez qu'il me louait n'osant me blâmer, cet ami-là, à voir ses démonstrations, est plein d'attachement, de déférence et de tendresse pour moi. En public, il m'exalte; mais sous main il me dessert, de façon toutefois que ce n'est un secret pour personne. Jamais de droiture ni de candeur. Pas un mobile honorable dans sa politique. Rien d'élevé, de fort, de généreux. Je vous écrirai plus à fond sur tout cela un autre jour. Il y a des choses que je ne sais pas bien encore. Puis, je n'ose confier de telles réflexions à un je ne sais qui. - Les préteurs n'ont pas encore tiré leurs provinces au sort. Les choses en sont toujours au point où vous les avez laissées. Selon votre désir, je ferai entrer la description de Misène et de Pouzzol dans mon discours. Oui, je me suis trompé de date en mettant le 3 des nones de décembre; je m'en étais aperçu. Ce que vous louez dans mes harangues, je le trouvais très bien aussi, je vous le jure; mais je n'osais le dire. Votre approbation me les rendra plus attiques encore. J'ai fait quelques additions au discours contre Metellus. Vous en aurez une copie, puisque pour l'amour de moi vous êtes devenu si amateur d'éloquence. - Que vous dirai-je encore? quoi? Messalla vient d'acheter la maison d'Autronius quatre cent trente-sept mille sesterces. Que vous importe? me direz-vous. Cet achat prouve que j'ai fait une bonne affaire, et finira peut-être par faire comprendre aux gens qu'il est bien permis de recourir à la bourse de ses amis pour une acquisition qui peut faire honneur dans le monde. La Troyenne ne termine rien. Je ne désespère pas cependant. Finissez-en de tous ces ennuis. Comptez sur une prochaine lettre tout à fait à coeur ouvert. Le 6 des kal. de février, M. Messalla et M. Pison, consuls.

I.XIV (14)

Cicero Attico Sal.

[Rome, February 13, 61]

Vereor, ne putidum sit scribere ad te, quam sim occupatus, sed tamen ita distinebar, ut huic vix tantulae epistulae tempus habuerim atque id ereptum e summis occupationibus. Prima contio Pompei qualis fuisset, scripsi ad te antea, non iucunda miseris, inanis improbis, beatis non grata, bonis non gravis; itaque frigebat. Tum Pisonis consulis impulsu levissimus tribunus pl. Fufius in contionem producit Pompeium. Res agebatur in circo Flaminio, et erat in eo ipso loco illo die nundinarum πανήγυρις. Quaesivit ex eo, placeretne ei iudices a praetore legi, quo consilio idem praetor uteretur. Id autem erat de Clodiana religione ab senatu constitutum. Tum Pompeius μαλ' ἀριστοκρατικῶς locutus est senatusque auctoritatem sibi omnibus in rebus maximam videri semperque visam esse respondit et id multis verbis. Postea Messalla consul in senatu de Pompeio quaesivit, quid de religione et de promulgata rogatione sentiret. Locutus ita est in senatu, ut omnia illius ordinis consulta γενικῶς laudaret, mihique, ut adsedit, dixit se putare satis ab se etiam "de istis rebus" esse responsum. Crassus posteaquam vidit illum excepisse laudem ex eo, quod suspicarentur homines ei consulatum meum placere, surrexit ornatissimeque de meo consulatu locutus est, cum ita diceret, "se, quod esset senator, quod civis, quod liber, quod viveret, mihi acceptum referre; quotiens coniugem, quotiens domum, quotiens patriam videret, totiens se beneficium meum videre." Quid multa? totum hunc locum, quem ego varie meis orationibus, quarum tu Aristarchus es, soleo pingere, de flamma, de ferro (nosti illas ληκύθους) valde graviter pertexuit. Proximus Pompeio sedebam. Intellexi hominem moveri, utrum Crassum inire eam gratiam, quam ipse praetermisisset, an esse tantas res nostras, quae tam libenti senatu laudarentur, ab eo praesertim, qui mihi laudem illam eo minus deberet, quod meis omnibus litteris in Pompeiana laude perstrictus esset. Hic dies me valde Crasso adiunxit, et tamen ab illo aperte tecte quicquid est datum, libenter accepi. Ego autem ipse, di boni! quo modo ἐνεπεπρερευσάμην novo auditori Pompeio! Si umquam mihi περίοδοι, si καμπαὶ, si ἐνθυμήματα, si κατασκευαι suppeditaverunt, illo tempore. Quid multa? clamores. Etenim haec erat ὑπόθεσις, de gravitate ordinis, de equestri concordia, de consensione Italiae, de intermortuis reliquiis coniurationis, de vilitate, de otio. Nosti iam in hac materia sonitus nostros. Tanti fuerunt, ut ego eo brevior sim, quod eos usque istinc exauditos putem. Romanae autem se res sic habent. Senatus ἄρειος πάγος, nihil constantius, nihil severius, nihil fortius. Nam, cum dies venisset rogationi ex senatus consulto ferendae, concursabant barbatuli iuvenes, totus ille grex Catilinae, duce filiola Curionis et populum, ut antiquaret, rogabant. Piso autem consul lator rogationis idem erat dissuasor. Operae Clodianae pontes occuparant, tabellae ministrabantur ita, ut nulla daretur "VTI ROGAS." Hic tibi in rostra Cato advolat, commulcium Pisoni consuli mirificum facit, si id est commulcium, vox plena gravitatis, plena auctoritatis, plena denique salutis. Accedit eodem etiam noster Hortensius, multi praeterea boni; insignis vero opera Favoni fuit. Hoc concursu optimatium comitia dimittuntur, senatus vocatur. Cum decerneretur frequenti senatu contra pugnante Pisone, ad pedes omnium singillatim accidente Clodio, ut consules populum cohortarentur ad rogationem accipiendam, homines ad quindecim Curioni nullum senatus consultum facienti adsenserunt, ex altera parte facile CCCC fuerunt. Acta res est. Fufius tribunus tum concessit. Clodius contiones miseras habebat, in quibus Lucullum, Hortensium, C. Pisonem, Messallam consulem contumeliose laedebat; me tantum "comperisse" omnia criminabatur. Senatus et de provinciis praetorum et de legationibus et de ceteris rebus decernebat, ut, antequam rogatio lata esset, ne quid ageretur. Habes res Romanas. Sed tamen etiam illud, quod non speraram, audi. Messalla consul est egregius, fortis, constans, diligens, nostri laudator, amator, imitator. Ille alter uno vitio minus vitiosus, quod iners, quod somni plenus, quod imperitus, quod ἀπρακτότατος sed voluntate ita καχέκτης, ut Pompeium post illam contionem, in qua ab eo senatus laudatus est, odisse coeperit. Itaque mirum in modum omnes a se bonos alienavit. Neque id magis amicitia Clodi adductus fecit quam studio perditarum rerum atque partium. Sed habet sui similem in magistratibus praeter Fufium neminem. Bonis utimur tribunis pl., Cornuto vero Pseudocatone. Quid quaeris? Nunc ut ad privata redeam, Τεῦκρις promissa patravit. Tu mandata effice, quae rccepisti. Quintus frater, qui Argiletani aedificii reliquum dodrantem emit HS [725,000], Tusculanum venditat, ut, si possit, emat Pacilianam domum. Cum Lucceio in gratiam redii. Video hominem valde petiturire. Navabo operam. Tu quid agas, ubi sis, cuius modi istae res sint, fac me quam diligentissime certiorem. Idibus Febr.

19. - A ATTICUS. Rome 14 février.

A. I, 14. Je crains qu'il n'y ait de la fatuité à le dire; mais, en vérité, je suis si occupé, que ce peu de mots j'ai à peine le temps de vous l'écrire; et encore est-ce un temps dérobé aux plus importantes affaires. Je vous ai déjà dit ce qu'était le premier discours de Pompée : peu touchant pour les malheureux, vide contre les méchants, sans grâce pour les riches, et au fond sans portée pour les bons. Aussi est-on resté froid. Mais ne voilà-t-il pas qu'à l'instigation du consul Pison, un étourdi de tribun, nommé Fufius, s'est avisé d'appeler Pompée à la tribune! On était dans le cirque de Flaminius; c'était jour de marché; la foule était grande. Il l'a interpellé en lui demandant s'il était d'avis que le préteur formât le tribunal, et quelle était dans ce cas, suivant lui, la marche à suivre. Notez que tout cela a été réglé par le sénat lors du sacrilège de Clodius. Pompée a très aristocratiquement répondu qu'en toute chose l'autorité du sénat lui paraissait souveraine; qu'il l'avait toujours considérée comme telle; et il s'est longuement étendu sur ce texte. Depuis, le consul Messalla lui a demandé dans le sénat ce qu'il pensait du sacrilège et du réquisitoire des consuls. Il a répondu encore par des généralités et des éloges donnés, sans restriction, à tous les actes de l'auguste assemblée. En s'asseyant, il me dit qu'il pensait avoir été suffisamment explicite sur toutes ces vilaines affaires. - Un peu après, Crassus voyant qu'on avait applaudi Pompée, parce qu'on appliquait ses paroles aux actes de mon consulat, se leva, et ne tarit pas d'éloges sur mon compte. Il alla jusqu'à dire que s'il était sénateur, citoyen, homme libre; que s'il vivait encore, c'était à moi qu'il en était redevable; qu'il voyait dans sa femme, dans ses enfants, dans sa patrie, autant de témoignages de mes bienfaits. Que vous dirai-je? Ces peintures que j'ai tant de fois et sous tant de formes reproduites dans ces discours dont vous êtes l'aristarque, le fer, la flamme (lieux communs bien rebattus pour vous), il les a mêlées d'une manière solennelle à sa harangue. J'étais tout près de Pompée. Je vis son trouble : il se demandait sans doute si Crassus avait voulu se faire bien venir de moi, en saisissant un à-propos que lui-même venait de laisser échapper; ou si les actions que j'ai faites sont en effet assez grandes pour mériter tant de faveur de la part du sénat et tant d'éloges, surtout de la part d'un homme qui peut dire que j'ai toujours loué Pompée à ses dépens. Quoi qu'il en soit, cette séance m'a tout à fait conquis à Crassus. Je n'ai pas laissé que de prendre pour moi, de très bonne grâce, ce que Pompée prétend avoir dit implicitement à ma louange. Quand vint mon tour, bons dieux! combien je me glorifiai devant Pompée, alors présent pour la première fois ! Si jamais périodes et figures, arguments et preuves me vinrent à propos, ce fut certes ce jour-là. Aussi quelles acclamations! Au fait, je parlais de la sagesse de l'ordre, de l'union des chevaliers, des 16 restes de la conjuration éteinte, de l'abondance et du calme rétablis dans Rome. Vous savez comme, en pareil cas, mes paroles résonnent; et si je ne vous en dis pas plus long, c'est que les échos de ce grand bruit sont infailliblement parvenus à vos oreilles. - Voici la situation : le sénat est un aréopage : impossible d'avoir plus de tenue, de vigueur, de fermeté. Le jour choisi pour le réquisitoire prescrit par le sénatus-consulte, on vit se répandre dans la ville des bandes de jeunes barbes, tout le train de Catilina, et à la tête Curion, véritable poupée. Ils suppliaient chacun de mettre "A{ntiquo}". Le consul Pison lui-même, l'auteur du réquisitoire, était le premier à travailler le peuple. Les gens de main de Clodius s'étaient emparés de tous les ponts, et ils distribuaient si bien leurs bulletins, qu'il n'y aurait peut-être pas eu un seul "U{t} R{ogas}". Caton voit ces manœuvres, court aux rostres, interpelle Pison, et éclate contre lui en invectives, si l'on peut appeler toutefois invectives le langage qui porte toujours avec lui la sagesse, l'autorité, le salut. Après Caton, vint Hortensius, puis une foule de gens de bien ; Favonius surtout fut remarquable. Devant ce concours imposant, on rompt les comices; le sénat s'assemble; il y avait foule, et, en dépit de Pison, en dépit de Clodius tombant lâchement tour à tour aux pieds de chaque sénateur, on signifie aux consuls qu'ils aient à s'employer pour faire passer le réquisitoire. Quinze voix demandèrent, avec Curion, qu'on ne fit pas de décret. Il y en eut, haut la main, quatre cents pour. Le décret passa. Le tribun Fufius prit le parti de se retirer. Clodius se lamentait devant le peuple, et chargeait d'injures Hortensius, Lucullus , C. Pison et le consul Messalla. Quant à moi, ce sont toujours mes découvertes qu'il me jette à la tête. La décision du sénat est qu'on ne s'occupe ni du partage des provinces, ni des légations, ni d'aucune affaire enfin, avant celle-là. - Voilà ce que j'avais à vous dire de Rome. Écoutez cependant encore, et c'est une chose sur laquelle je ne comptais point. Messalla est un admirable consul. Il a de la décision, de la suite, une activité qui pourvoit à tout. Il me loue, m'aime, et suit mes traces. Quant à l'autre, il serait pire avec un vice de moins, c'est-à-dire, s'il n'était pas aussi paresseux, aussi dormeur, aussi sot, aussi engourdi : mais en fait d'intentions, les siennes sont si mauvaises qu'il a pris Pompée en haine depuis le jour où il l'a entendu louer le sénat. Aussi c'est merveille de voir comme les honnêtes gens le fuient. Encore agit-il bien moins par amitié pour Clodius que par mauvais instinct politique ou autre. A l'exception de Fufius, il n'y a heureusement parmi les magistrats personne qui lui ressemble. Nous avons de bons tribuns du peuple; Cornélius surtout est un autre Caton. Que me demanderez-vous encore? - Pour vous dire un mot de mes affaires, la Troyenne s'est enfin exécutée. N'oubliez pas ce que vous m'avez promis. Mon frère, qui a acheté les trois autres quarts des bâtiments d'Argilète pour sept cent vingt-cinq mille sesterces, veut vendre Tusculum, et acheter, s'il se peut, la maison de Pacilius. Réconciliez-vous avec Luccéius; il en meurt d'envie, je le vois. Je serai votre médiateur. Soyez exact, je vous prie, à me donner de vos nouvelles, à me dire où vous êtes et où en sont vos affaires. Aux ides de février.

.XV (15)

Cicero Attico Sal.

[Rome, March 15, 61]

Asiam Quinto, suavissimo fratri, obtigisse audisti. Non enim dubito, quin celerius tibi hoc rumor quam ullius nostrum litterae nuntiarint. Nunc, quoniam et laudis avidissimi semper fuimus et praeter ceteros philellenes et sumus et habemur et multorum odia atque inimicitias rei publicae causa suscepimus, παντοίης ἀρετῆς μιμνήσκεο curaque, effice, ut ab omnibus et laudemur et amemur. His de rebus plura ad te in ea epistula scribam, quam ipsi Quinto dabo. Tu me velim certiorem facias, quid de meis mandatis egeris atque etiam quid de tuo negotio; nam, ut Brundisio profectus es, nullae mihi abs te sunt redditae litterae. Valde aveo scire, quid agas. Idibus Martiis.

20. A ATTICUS.

A. I. 15. Déjà vous devez avoir appris que le sort a donné l'Asie à Quintus, mon bien-aimé frère : car sans doute la renommée à devancé toutes nos lettres. Eh bien, puisque nous aimons la gloire avec passion, puisque nous sommes plus que personne amis des Grecs, et connus pour tels; enfin, puisque nous avons gagné au service de la république une foule d'inimitiés et de haines : c'est maintenant qu'il faut montrer votre savoir-faire, et vous évertuer à nous créer partout des partisans et des amis. Je développerai ce thème plus au long dans la lettre dont je chargerai pour vous Quintus lui-même. Mandez-moi, je vous prie, où vous en êtes de mes diverses recommandations et de vos propres affaires. Je n'ai pas reçu un mot de vous depuis votre départ de Brindes. Je suis impatient de savoir de vos nouvelles. Aux ides de mars.

I.XVI (16)

Cicero Attico Sal.

[Rome, June/July, 61]

Quaeris ex me, quid acciderit de iudicio, quod tam praeter opinionem omnium factum sit, et simul vis scire, quo modo ego minus, quam soleam, proeliatus sim. Respondebo tibi ὕστερον προτερον, Ὁμηρικῶς. Ego enim, quam diu senatus auctoritas mihi defendenda fuit, sic acriter et vehementer proeliatus sum, ut clamor concursusque maxima cum mea laude fierent. Quodsi tibi umquam sum visus in re publica fortis, certe me in illa causa admiratus esses. Cum enim ille ad contiones confugisset in iisque meo nomine ad invidiam uteretur, di immortales! quas ego pugnas et quantas strages edidi! quos impetus in Pisonem, in Curionem, in totam illam manum feci! quo modo sum insectatus levitatem senum, libidinem iuventutis! Saepe, ita me di iuvent! te non solum auctorem consiliorum meorum, verum etiam spectatorem pugnarum mirificarum desideravi. Postea vero quam Hortensius excogitavit, ut legem de religione Fufius tribunus pl. ferret, in qua nihil aliud a consulari rogatione differebat nisi iudicum genus (in eo autem erant omnia), pugnavitque, ut ita fieret, quod et sibi et aliis persuaserat nullis illum iudicibus effugere posse, contraxi vela perspiciens inopiam iudicum, neque dixi quicquam pro testimonio, nisi quod erat ita notum atque testatum, ut non possem praeterire. Itaque, si causam quaeris absolutionis, ut iam πρὸς τὸ πρότερον revertar, egestas iudicum fuit et turpitudo. Id autem ut accideret, commissum est Hortensi consilio, qui dum veritus est, ne Fufius ei legi intercederet, quae ex senatus consulto ferebatur, non vidit illud, satius esse illum in infamia relinqui ac sordibus quam infirmo iudicio committi, sed ductus odio properavit rem deducere in iudicium, cum illum plumbeo gladio iugulatum iri tamen diceret. Sed iudicium si quaeris quale fuerit, incredibili exitu, sic uti nunc ex eventu ab aliis, a me tamen ex ipso initio consilium Hortensi reprehendatur. Nam, ut reiectio facta est clamoribus maximis, cum accusator tamquam censor bonus homines nequissimos reiceret, reus tamquam clemens lanista frugalissimum quemque secerneret, ut primum iudices consederunt, valde diffidere boni coeperunt. Non enim umquam turpior in ludo talario consessus fuit, maculosi senatores, nudi equites, tribuni non tam aerati quam, ut appellantur, aerarii. Pauci tamen boni inerant, quos reiectione fugare ille non potuerat, qui maesti inter sui dissimiles et maerentes sedebant et contagione turpitudinis vellementer permovebantur. Hic, ut quaeque res ad consilium primis postulationibus re ferebatur, incredibilis erat severitas nulla varietate sententiarum. Nihil impetrabnt reus, plus accusatori debatur, quam postulabat; triumphabat (quid quaeris?) Hortensius se vidisse tantum; nemo erat, qui illum reum ac non miliens condemnatum arbitraretur. Me vero teste producto credo te ex acclamatione Clodi advocatorum audisse quae consurrectio iudicum facta sit, ut me circumsteterint, ut aperte iugula sua pro meo capite P. Clodio ostentarint. Quae mihi res multo honorificentior visa est quam aut illa, cum iurare tui cives Xenocratem testimonium dicentem prohibuerunt, aut cum tabulas Metelli Numidici, cum eae, ut mos est, circumferrentur, nostri iudices aspicere noluerunt. Multo haec, inquam, nostra res maior. Itaque iudicum vocibus, cum ego sic ab iis ut salus patriae defenderer, fractus reus et una patroni omnes conciderunt; ad me autem eadem frequentia postridie convenit, quacum abiens consulatu sum domum reductus. Clamare praeclari Areopagitae se non esse venturos nisi praesidio constituto. Refertur ad consilium. Una sola sententia praesidium non desideravit. Defertur res ad senatum. Gravissime ornatissimeque decernitur; laudantur iudices; datur negotium magistratibus. Responsurum hominem nemo arbitrabatur. Ἕσπετε νῦν μοι, Μοῦσαι ὅππως δὴ πρῶτον πῦρ ἔμπεσε. Nosti Calvum ex Nanncianis illum, illum laudato rem meum, de cuius oratione erga me honorifica ad te scripseram. Biduo per unum servum et eum ex ludo gladiatorio confecit totum negotium; arcessivit ad se, promisit, intercessit, dedit. Iam vero (o di boni, rem perditam!) etiam noctes certarum mulierum atque adulescentulorum nobilium introductiones non nullis iudicibus pro mercedis cumulo fuerunt. Ita summo discessu bonorum, pleno foro servorum XXV iudices ita fortes tamen fuerunt, ut summo proposito periculo vel perire maluerint quam perdere omnia. XXXI fuerunt, quos fames magis quam fama commoverit. Quorum Catulus cum vidisset quendam, "Quid vos," inquit, " praesidium a nobis postulabatis ? an, ne nummi vobis eriperentur, timebatis?" Habes, ut brevissime potui, genus iudicii et causam absolutionis. Quaeris deinceps, qui nunc sit status rerum et qui meus. Rei publicae statum illum, quem tu meo consilio, ego divino confirmatum putabam, qui bonorum omnium coniunctione et auctoritate consulatus mei fixus et fundatus videbatur, nisi quis nos deus respexerit, elapsum scito esse de manibus uno hoc iudicio, si iudicium est triginta homines populi Romani levissimos ac nequissimos nummulis acceptis ius ac fas omne delere et, quod omnes non modo homines, verum etiam pecudes factum esse sciant, id Talnam et Plautum et Spongiam et ceteras huius modi quisquilias statuere numquam esse factum. Sed tamen, ut te de re publica consoler, non ita, ut sperarunt mali, tanto imposito rei publicae vulnere, alacris exsultat improbitas in victoria. Nam plane ita putaverunt, cum religio, cum pudicitia, cum iudiciorum fides, cum senatus auctoritas concidisset, fore ut aperte victrix nequitia ac libido poenas ab optimo quoque peteret sui doloris, quem improbissimo cuique inusserat severitas consulatus mei. Idem ego ille (non enim mihi videor insolenter gloriari, cum de me apud te loquor, in ea praesertim epistula, quam nolo aliis legi) idem, inquam, ego recreavi adflictos animos bonorum unum quemque confirmans, excitans; insectandis vero exagitandisque nummariis iudicibus omnem omnibus studiosis ac fautoribus illius victoriaε παρρησίαν eripui, Pisonem consulem nulla in re consistere umquam sum passus, desponsam homini iam Syriam ademi, senatum ad pristinam suam severitatem revocavi atque abiectum excitavi, Clodium praesentem fregi in senatu cum oratione perpetua plenissima gravitatis tum altercatione huius modi; ex qua licet pauca degustes; nam cetera non possunt habere eandem neque vim neque venustatem remoto illo studio contentionis, quem ἀγῶνα vos appellatis. Nam, ut Idibus Maiis in senatum convenimus, rogatus ego sententiam multa dixi de summa re publica, atque ille locus inductus a me est divinitus, ne una plaga accepta patres conscripti conciderent, ne deficerent; vulnus esse eius modi, quod mihi nec dissimulandum nec pertimescendum videretur, ne aut ignorando stultissimi aut metuendo ignavissimi iudicaremur: bis absolutum esse Lentulum, bis Catilinam, hunc tertium iam esse a iudicibus in rem publicam immissum. "Erras, Clodi; non te iudices urbi, sed carceri reservarunt, neque te retinere in civitate, sed exsilio privare voluerunt. Quam ob rem, patres conscripti, erigite animos, retinete vestram dignitatem. Manet illa in re publica bonorum consensio; dolor accessit bonis viris, virtus non est imminuta; nihil est damni factum novi, sed, quod erat, inventum est. In unius hominis perditi iudicio plures similes reperti sunt." Sed quid ago ? paene orationem in epistulam inclusi. Redeo ad altercationem. Surgit pulchellus puer, obicit mihi me ad Baias fuisse. Falsum, sed tamen quid hoc? "Simile est," inquam, "quasi in operto dicas fuisse." "Quid," inquit, "homini Arpinati cum aquis calidis?" "Narra," inquam, "patrono tuo, qui Arpinatis aquas concupivit"; nosti enim Marinas." Quousque," inquit, "hunc regem feremus ?" "Regem appellas," inquam, "cum Rex tui mentionem nullam fecerit?"; ille autem Regis hereditatem spe devorarat. "Domum," inquit, "emisti." "Putes," inquam, "dicere: Iudices emisti." "Iuranti," inquit, "tibi non crediderunt." "Mihi vero," in quam, "XXV iudices crediderunt, XXXI, quoniam nummos ante acceperunt, tibi nihil crediderunt." Magnis clamoribus adflictus conticuit et concidit. Noster autem status est hic. Apud bonos iidem sumus, quos reliquisti, apud sordem urbis et faecem multo melius nunc, quam reliquisti. Nam et illud nobis non obest, videri nostrum testimonium non valuisse; missus est sanguis invidiae sine dolore atque etiam hoc magis, quod omnes illi fautores illius flagitii rem manifestam illam redemptam esse a iudicibus confitentur. Accedit illud, quod illa contionalis hirudo aerarii, misera ac ieiuna plebecula, me ab hoc Magno unice diligi putat, et hercule multa et iucunda consuetudine coniuncti inter nos sumus usque eo, ut nostri isti comissatores coniurationis barbatuli iuvenes illum in sermonibus "Cn. Ciceronem" appellent. Itaque et ludis et gladiatoribus mirandas ἐπισημασίας sine ulla pastoricia fistula auferebamus. Nunc est exspectatio comitiorum; in quae omnibus invitis trudit noster Magnus Auli filium atque in eo neque auctoritate neque gratia pugnat, sed quibus Philippus omnia castella expugnari posse dicebat, in quae modo asellus onustus auro posset ascendere. Consul autem ille deterioris histrionii similis suscepisse negotium dicitur et domi divisores habere; quod ego non credo. Sed senatus consulta duo iam facta sunt odiosa, quod in consulem facta putantur, Catone et Domitio postulante, unum, ut apud magistratus inquiri liceret, alterum, cuius domi divisores habitarent, adversus rem publicam. Lurco autem tribunus pl., qui magistratum insimul cum lege alia iniit, solutus est et Aelia et Fufia, ut legem de ambitu ferret, quam ille bono auspicio claudus homo promulgavit. Ita comitia in a. d. VI Kal. Sext. dilata sunt. Novi est in lege hoc, ut, qui nummos in tribu pronuntiarit, si non dederit, impune sit, sin dederit, ut, quoad vivat, singulis tribubus HS CIƆ CIƆ  CIƆ  debeat. Dixi hanc legem P. Clodium iam ante servasse; pro nuntiare enim solitum esse et non dare. Sed heus tu! videsne consulatum illum nostrum, quem Curio antea apotheosin vocabat, si hic factus erit, fabam mimum futurum? Quare, ut opinor, φιλοσορητέον, id quod tu facis, et istos consulatus non flocci ἐατέον. Quod ad me scribis te in Asiam statuissc non ire, equidem mallem, ut ires, ac vereor, ne quid in ista re minus commode fiat; sed tamen non possum reprehendere consilium tuum, praesertim cum egomet in provinciam non sim profectus. Epigrammatis tuis, quae in Amaltheo posuisti, contenti erimus, praesertim cum et Thyillus nos reliquerit, et Archias nihil de me scripserit. Ac vereor, ne, Lucullis quoniam Graecum poema condidit, nunc ad Caecilianam fabulam spectet. Antonio tuo nomine gratias egi eamque epistulam Mallio dedi. Ad te ideo antea rarius scripsi, quod non habebam idoneum, cui darem, nec satis sciebam, quo darem. Valde te venditavi. Cincius si quid ad me tui negotii detulerit, suscipiam; sed nunc magis in suo est occupatus; in quo ego ei non desum. Tu, si uno in loco es futurus, crebras a nobis litteras exspecta; ast plures etiam ipse mittito. Velim ad me scribas, cuius modi sit Ἀμαλθεῖον tuum, quo ornatu, qua τοποθεσία, et, quae poemata quasque historias de Ἀμαλθείᾳ habes, ad me mittas. Lubet mihi facere in Arpinati. Ego tibi aliquid de meis scriptis mittam. Nihil erat absoluti.

21. A ATTICUS. Rome, juillet.

A. I. 16. Vous me demandez l'histoire de ce jugement qui a si étrangement trompé l'attente générale, et vous voulez savoir pourquoi je n'ai pas pris au combat autant de part qu'à mon ordinaire. Je répondrai à vos questions, en commençant par la fin, à la façon d'Homère. Tant qu'il s'est agi de défendre l'autorité du sénat, j'ai combattu avec une ardeur et une énergie telles qu'on criait, qu'on accourait, qu'on applaudissait de toutes parts. Certes, si vous avez été frappé quelquefois de ma vigueur à soutenir les intérêts publics, vous n'auriez pu, dans cette circonstance, me refuser votre admiration. Clodius en était réduit à recourir au peuple, et ne s'épargnait pas à lui rendre mon nom odieux. oh ! alors, dieux immortels! quels combats! quel carnage! comme je me suis rué sur Pison, sur Curion, sur toute la clique! Quels traits j'ai lancés sur ces vieillards imbéciles et sur cette jeunesse effrénée! Que j'aurais été heureux, les dieux m'en soient témoins! que j'aurais été heureux de vous avoir près de moi, de profiter de vos bons conseils, et de vous voir spectateur de cette mémorable lutte. Mais quand Hortensius se fut avisé de faire proposer par Fufius, tribun du peuple, une loi sur le sacrilège , loi qui ne différait en rien de la proposition des consuls, si ce n'est pour le choix des juges, et tout était là; quand je vis Hortensius s'entêter dans son opinion, et finir par amener à lui toutes les autres, croyant de bonne foi, et ayant fait croire à chacun que le coupable n'échapperait pas, quels que fussent les juges, alors je crus à propos de caler mes voiles, moi qui sais combien les véritables juges sont rares, et je me bornai à déposer des faits connus, des faits avérés, et sur lesquels je ne pouvais absolument me taire. - Pour en revenir à la première de vos questions, voulez-vous savoir ce qui a fait l'acquittement? La pauvreté, l'infamie des juges. Voilà la faute d'Hortensius : dans sa crainte d'une opposition de Fufius pour la loi à intervenir sur le sénatus-consulte, il n'a pas vu qu'il valait mille fois mieux laisser Clodius à son infamie et à sa turpitude que de le livrer à des juges, sans obtenir de résultat. La haine conseille mal; et il s'est bâté de saisir la justice, persuadé, disait-il, qu'il suffirait d'un glaive de plomb pour percer le coupable. Peut-être voulez-vous des détails sur le jugement : personne n'en prévoyait l'issue. L'é- 18 vénement seul a fait ouvrir les yeux, non pas à moi qui dès l'abord ai vu la faute d'Hortensius. Les récusations furent faites au milieu du tumulte. En censeur intègre, l'accusateur rejeta les plus mauvais juges. De son côté, l'accusé, comme un maître de gladiateurs qui veut ménager ses meilleurs esclaves, donna congé aux bons. Les gens de bien alors commencèrent à trembler. Jamais tripot ne réunit pareil monde : des sénateurs flétris, des chevaliers en guenilles, des tribuns, gardiens du trésor, aussi cousus de dettes que décousus d'argent, et, au milieu de tout cela, quelques hommes honnêtes que la récusation n'avait pu atteindre, siégeant, le deuil dans l'âme, 1'œil morne et la rougeur au front. Aux premiers interrogatoires, ce fut pourtant une sévérité sans pareille. Rien pour l'accusé; tout pour l'accusateur, plus même qu'il ne demandait. Hortensius triomphait de son excellente idée. Personne qui ne crût l'accusé condamné cent fois. Au moment où je parus pour déposer, la renommée vous aura dit et les vociférations des gens de Clodius et le mouvement spontané des juges se levant comme un seul homme, me couvrant de leur corps et montrant leur gorge, pour marquer à Clodius qu'ils me défendraient tous au péril de leur vie. Je crois cette démonstration plus glorieuse que ce qui arriva, chez vos concitoyens, à Xénocrate, lorsqu'ils le dispensèrent de confirmer sa déposition par un serment; ou, chez nos pères, à Métellus Numidicus, lorsque les juges refusèrent d'examiner ses comptes qu'il leur apportait, selon l'usage. Oui, je trouve qu'il y a là pour moi quelque chose de plus grand. Ce fut, au surplus, un coup de foudre pour l'accusé que ce mouvement qui s'adressait à moi comme au symbole de la patrie ainsi que le chef, les suppôts furent consternés. Le lendemain, il y eut foule chez moi comme le jour où l'on me reconduisit à ma demeure, à ma sortie du consulat. Cependant l'illustre aréopage déclarait qu'il ne reviendrait pas sans une garde de sûreté. On délibère: une seule voix s'oppose. On en réfère au sénat. Le sénat répond par la décision la plus sage et la plus honorable: il loue la conduite des juges, et charge les magistrats de pourvoir à tout. Nul ne pouvait croire que ce misérable eût assez de front pour reparaître. - Dites maintenant, ô Muses, comment éclata ce terrible incendie! Vous connaissez ce chauve (Crassus), héritier des Nannéius, mon panégyriste, qui fit en mon honneur un discours dont je vous dis un mot. Eh bien ! voilà l'homme qui, a tout conduit en deux jours, à l'aide d'un seul esclave, d'un vil esclave sorti d'une troupe de gladiateurs. Il a promis, cautionné, donné; bien plus, quelle infamie, bons dieux ! les faveurs de quelques belles dames et de quelques nobles mignons sont entrées dans certains traités par forme d'appoint. Les gens de bien firent retraite en masse. On ne vit plus que des bandes d'esclaves inondant le forum. Cependant vingt-cinq juges tinrent bon, et, la mort sous les yeux, ils aimèrent mieux en affronter le péril que de tout perdre. Mais il y en eut trente et un qui eurent plus peur de la faim que de l'infamie. Voici un mot de Catulus à l'un d'eux : - «A quel propos, lui dit-il, nous avez-vous demandé des gardes ? Craigniez-vous donc pour l'argent que vous avez reçu? » Voilà, aussi abrégée que possible, l'histoire fidèle et de ce tribunal et de cet acquittement. - Vous 19 voulez savoir où en est maintenant la république, et où j'en suis moi-même. La situation dont, grâce à moi, selon vous, et grâce aux dieux, selon moi, Rome était en possession; cette situation, résultat de l'union intime des gens de bien et du mouvement imprimé par mon consulat; cette situation, qui nous paraissait irrévocablement acquise, il a suffi pour nous la faire perdre, d'un jugement, si toutefois l'on peut donner ce nom a l'oeuvre de trente des plus impudents et des plus grands coquins de Rome, à la violation à prix fait de toute justice et de tout droit, au démenti effronté donné par un Thalna, un Plaute, un Spongia, et autres gredins de cette espèce, à un fait patent, vu et su du ciel et de la terre. Sachez cependant, car il faut vous consoler un peu, que, malgré cette grave atteinte à la chose publique, les méchants sont beaucoup moins triomphants qu'ils ne s'en étaient flattés dans leur première ivresse. En voyant la religion et la pudeur, l'honneur de la magistrature et l'autorité du sénat foulés aux pieds, ils ne mettaient pas en doute que le crime victorieux et toutes les passions déchaînées ne dussent à leur tour faire subir aux gens de bien les effets de cette rancune profonde que la sévérité de mon consulat a laissée à tous les méchants. Eh bien! c'est encore moi (il n'y a pas, je crois, de jactance à le dire dans une lettre où je cause avec vous, et qui n'aura pas d'autres lecteurs), oui, c'est moi, vous dis-je, qui ai réussi à ranimer la confiance, parlant aux uns, aux autres, et rendant le cœur à tous. A force de stigmatiser, de flétrir ces juges vendus, j'ai réduit au silence tout ce qui a participé ou applaudi à cet odieux triomphe. Je n'ai fait grâceau consul Pison sur quoi que ce fût: il avait déjà donné la Syrie ; je la lui ai enlevée. A ma voix, le sénat a repris son attitude sévère. Je lui ai rendu le courage. J'ai confondu Clodius en face, d'abord par un discours en forme du ton le plus soutenu, puis dans un colloque très vif, dont je veux vous faire goûter seulement quelques traits. Le reste vous paraîtrait froid et gauche pris en dehors de l'action, et des ce que vous autres Grecs appelez le combat corps à corps. - Le sénat était réuni le jour des ides de mai : quand vint mon tour de parler, je débutai par des généralités politiques; puis, par une image que je plaçai avec un véritable bonheur, je m'écriai que pour une blessure, les pères conscrits ne devaient ni lâcher pied ni abandonner la place; qu'il ne fallait ni nier les coups, ni s'en exagérer la portée; qu'il y aurait stupidité à s'endormir, et par trop de lâcheté à s'effrayer; que déjà on avait vu acquitter Catulus deux fois, Catilina, deux fois; que ce n'était qu'un de plus de lâché par les juges sur la république. Tu te trompes, Clodius: les juges ne t'ont pas renvoyé libre, ils t'ont donné Rome pour prison. Ils ont voulu, non pas te conserver comme un citoyen, mais t'ôter la liberté de l'exil. Courage, pères conscrits; soutenez votre dignité! les gens de bien sont toujours unis dans l'amour de la république. On les a blessés au coeur, mais ils sont restés fermes. Le mal n'est point un mal nouveau. Il existait; il se manifeste; et l'acquittement d'un misérable nous prouve seulement qu'il y a dans Rome d'autres misérables que lui. Mais que fais-je? Je vous transcris presque tout mon discours. Venons au colloque. Le beau mignon se lève, et me reproche d'avoir été à Baies. - « C'est faux, lui dis-je; et quand ce serait, Baies n'est pas un lieu interdit aux hommes. - Qu'ont de commun, reprend-il, des eaux 20 thermales et un homme d'Arpinum? - Demande à ta grande protectrice, s'il ne lui aurait pas bien convenu de tâter des eaux d'Arpinum ; et les eaux de la mer, qu'en dis-tu? Souffrirons-nous que cet homme tranche ici du roi?- Roi! m'écriai je? ah ! tu lui en veux (à Rex) de t'avoir oublié dans son testament (il avait déjà dévoré sa succession en espérance). - Mais tu as acheté une maison. - Acheté? Est-ce que tu parles de juges?- Les juges, du moins, n'ont pas voulu croire à ton serment. - Au contraire, il y en a vingt-cinq qui ont cru à ma parole, et trente et un qui n'ont pas cru à la tienne; car ils se sont fait payer d'avance.» Accablé de huées à ce mot, il se tut et se rassit. - Voici maintenant ma position personnelle. Je n'ai rien perdu auprès des honnêtes gens, et j'ai beaucoup gagné auprès de la canaille. Ce n'est rien pour elle que l'affront fait à mon témoignage. L'envie y a mordu sans me blesser, et j'en souffre d'autant moins que les misérables disent partout eux-mêmes, ce qui est clair comme le jour, qu'ils ont acheté les juges. Ajoutez que la tourbe du forum, cette sangsue du trésor, toujours demandant et toujours affamée, que la populace enfin me regarde comme l'ami le plus chéri du grand Pompée. Il est certain qu'il y a entre lui et moi des rapports assez intimes et un échange de bons procédés. L'opinion là-dessus est telle, que parmi ces jeunes et beaux mignons, conspirateurs d'orgie , on n'appelle plus Pompée que Cnéius Cicéron. Aussi dans les jeux publics et dans les combats du cirque, ma présence est-elle toujours accueillie par les manifestations les plus favorables, sans aucun accompagnement de l'instrument du berger (le sifflet). - On va voir ce que feront les comices. Notre Grand Pompée porte le fils d'Aulus, malgré tout le monde; et ce n'est ni son crédit qu'il met en jeu, ni son influence personnelle, mais seulement le moyen de Philippe, qui se vantait de prendre toute forteresse où un âne chargé d'or pouvait trouver accès. On dit que cet histrion de consul dirige lui-même son monde, et que les distributeurs d'argent sont installés dans sa maison. Je ne le pense pas. Quoi qu'il en soit, on vient de rendre, sur la proposition de Caton et de Domitius, deux sénatus-consultes, qui sont fort mal vus, parce qu'on les croit dirigés contre le consul. Le premier autorise les visites même chez les magistrats. Le second déclare ennemis publics ceux chez qui les distributeurs seraient pris sur le fait. D'un autre côté, Lurcon, tribun du peuple, qui n'est pourtant parvenu que sous l'empire de la loi Élia, a été dispensé de toutes les formalités et de la loi Élia, et de la loi Fufia, afin de porter une loi contre les brigues, et le boiteux de si bon augure l'a promulgée. C'est ainsi que les comices ont été prorogées jusqu'à la veille du sixième jour des calendes d'août. Ce qu'il y a d'étrange dans la loi nouvelle, c'est que si on n'a fait que promettre aux tribus de l'argent sans en donner, il n'y a pas de peine ; mais si on en donne, le coupable est condamné à payer annuellement à chaque tribu jusqu'à sa mort une amende de trois mille sesterces. Là-dessus, j'ai dit qu'il y avait longtemps que Clodius observait vait cette loi; car il promet de l'argent et n'en donne jamais. Dites-moi, je vous prie, ne pensez-vous point qu'avec un pareil consul, le consulat, que Curion regardait comme une divinisation de 21 l'homme, ne sera plus qu'une royauté de la fève? philosophons donc, ainsi que vous faites déjà, et ne voyons désormais qu'un chiffon dans la pourpre consulaire. - Vous êtes décidé, dites-vous, à ne point aller en Asie. Si vous y alliez, je l'aimerais bien mieux ; et je crains que les choses ne souffrent de votre absence. Cependant je ne saurais vous blâmer, moi qui n'ai pas voulu partir. Je me contente des inscriptions dont vous m'avez fait la flatterie d'orner votre Amalthée, et il faut bien que je m'en contente, puisque Chilius m'abandonne et qu'Archias n'a encore rien fait pour moi. Il vient de, finir son poème pour les Lucullus, et j'appréhende qu'il ne donne maintenant dans le roman Cécilius. - J'ai adressé en votre nom des remerciements à Antoine; Manlius s'est chargé de la lettre. Si je vous ai si peu écrit dans ces derniers temps, c'est que je n'ai pas eu d'occasion convenable, et que je ne savais où vous prendre. J'ai du moins beaucoup parlé de vous. Je ferai tout ce dont Cincius me chargera en votre nom; mais je le crois en ce moment plus occupé de lui que de tout autre, et je le seconde de mon mieux. Si vous prenez pied quelque part, mes lettres ne vous manqueront pas, mais de votre côté ne me laissez pas languir après les vôtres. Faites-moi, je vous prie, une description de votre Amalthée, de ses ornements, de son plan et de sa forme. Envoyez-moi de plus tout ce que vous avez écrit à cette occasion en vers ou en prose. Il me prend fantaisie de faire une Amalthée à Arpinum. Je vous enverrai quelque chose de moi, mais je n'ai rien de fini.

I.XVII (17)

Cicero Attico Sal.

[Rome, December 5, 61]

Magna mihi varietas voluntatis et dissimilitudo opinionis ac iudicii Quinti fratis mei demonstrata est ex litteris tuis, in quibus ad me epistularum illius exempla misisti. Qua ex re et molestia sum tanta adfectus, quantam mihi meus amor summus erga utrumque vestrum adferre debuit, et admiratione, quidnam accidisset, quod adferret Quinto fratri meo aut offensionem tam gravem aut commutationem tantam voluntatis. Atque illud a me iam ante intellegebatur, quod te quoque ipsum discedentem a nobis suspicari videbam, subesse nescio quid opinionis incommodae sauciumque esse eius animum et insedisse quasdam odiosas suspiciones. Quibus ego mederi cum cuperem antea saepe et vehementius etiam post sortitionem provinciae, nec tantum intellegebam ei esse offensionis, quantum litterae tuae declararant, nec tantum proficiebam, quantum volebam. Sed tamen hoc me ipse consolabar, quod non dubitabam, quin te ille aut Dyrrachi aut in istis locis uspiam visurus esset; quod cum accidisset, confidebam ac mihi persuaseram fore ut omnia placarentur inter vos non modo sermone ac disputatione, sed conspectu ipso congressuque vestro. Nam quanta sit in Quinto fratre meo comitas, quanta iucunditas, quam mollis animus et ad accipiendam et ad deponendam offensionem, nihil attinet me ad te, qui ea nosti, scribere. Sed accidit perincommode, quod eum nusquam vidisti. Valuit enim plus, quod erat illi non nullorum artificiis inculcatum, quam aut officium aut necessitudo aut amor vester ille pristinus, qui plurimum valere debuit. Atque huius incommodi culpa ubi resideat, facilius possum existimare quam scribere; vereor enim, ne, dum defendam meos, non parcam tuis. Nam sic intellego, ut nihil a domesticis vulneris factum sit, illud quidem, quod erat, eos certe sanare potuisse. Sed huiusce rei totius vitium, quod aliquanto etiam latius patet, quam videtur, praesenti tibi commodius exponam. De iis litteris, quas ad te Thessalonica misit, et de sermonibus, quos ab illo et Romae apud amicos tuos et in itinere habitos putas, ecquid tantum causae sit, ignoro, sed omnis in tua posita est humanitate mihi spes huius levandae molestiae. Nam, si ita statueris, et irritabiles animos esse optimorum saepe hominum et eosdem placabiles et esse hanc agilitatem, ut ita dicam, mollitiamque naturae plerumque bonitatis et, id quod caput est, nobis inter nos nostra sive incommoda sive vitia sive iniurias esse tolerandas, facile haec, quem ad modum spero, mitigabulltur; quod ego ut facias te oro. Nam ad me, qui te unice diligo, maxime pertinet neminem esse meorum, qui aut te non amet aut abs te non ametur. Illa pars epistulae tuae minime fuit necessaria, in qua exponis, quas facultates aut provincialium aut urbanorum commodorum et aliis temporibus et me ipso consule praetermiseris. Mihi enim perspecta est et ingenuitas et magnitudo animi tui; neque ego inter me atque te quicquam interesse umquam duxi praeter voluntatem institutae vitae, quod me ambitio quaedam ad honorum studium, te autem alia minime reprehendenda ratio ad honestum otium duxit. Vera quidem laude probitatis, diligentiae, religionis neque me tibi neque quemquam antcpono, amoris vero erga me. cum a fraterno amore domesticoque discessi, tibi primas defero. Vidi enim, vidi penitusque perspexi in meis variis temporibus et sollicitudines et laetitias tuas. Fuit mihi saepe et laudis nostrae gratulatio tua iucunda et timoris consolatio grata. Quin mihi nunc te absente non solum consilium, quo tu excellis, sed etiam sermonis communicatio, quae mihi suavissima tecum solet esse, maxime deest--quid dicam? in publicana re, quo in genere mihi neglegenti esse non licet, an in forensi labore, quem antea propter ambitionem sustinebam, nunc, ut dignitatem tueri gratia possim, an in ipsis domesticis negotiis, in quibus ego cum antea tum vero post discessum fratris te sermonesque nostros desidero? Postremo non labor meus, non requies, non negotium, non otium, non forenses res, non domesticae, non publicae, non privatae carere diutius tuo suavissimo atque amantissimo consilio ac sermone possunt. Atque harum rerum commemorationem verecundia saepe impedivit utriusque nostrum; nunc autem ea fuit necessaria propter eam partem epistulae tuae, per quam te ac mores tuos mihi purgatos ac probatos esse voluisti. Atque in ista incommoditate alienati illius animi et offensi illud inest tamen commodi, quod et mihi et ceteris amicis tuis nota fuit et abs te aliquanto ante testificata tua voluntas omittendae provinciae, ut, quod una non estis, non dissensione ac discidio vestro, sed voluntate ac iudicio tuo factum esse videatur. Quare et illa, quae violata, expiabuntur, et haec nostra, quae sunt sanctissime conservata, suarm religionem obtinebunt. Nos hic in re publica infirma, misera commutabili que versamur. Credo enim te audisse nostros equites paene a senatu esse diiunctos; qui primum illud valde graviter tulerunt, promulgatum ex senatus consulto fuisse, ut de eis, qui ob iudicandum accepissent, quaereretur. Qua in re decernenda cum ego casu non adfuissem, sensissemque id equestrem ordinem ferre moleste neque aperte dicere, obiurgavi senatum, ut mihi visus sum, summa cum auctoritate, et in causa non verecunda admodum gravis et copiosus fui. Ecce aliae deliciae equitum vix ferendae! quas ego non solum tuli, sed etiam ornavi. Asiam qui de censoribus conduxerunt, questi sunt in senatu se cupiditate prolapsos nimium magno conduxisse, ut induceretur locatio, postulaverunt. Ego princeps in adiutoribus atque adeo secundus; nam, ut illi auderent hos postulare, Crassus eos impulit. Invidiosa res, turpis postulatio et confessio temeritatis. Summum erat periculum, ne, si nihil impetrassent, plane alienarentur a senatu. Huic quoque rei subventum est maxime a nobis perfectumque, ut frequentissimo senatu et libentissimo uterentur multaque a me de ordinum dignitate et concordia dicta sunt Kal. Decembr. et postridie. Neque adhuc res confecta est, sed voluntas senatus perspecta; unus enim contra dixerat Metellus consul designatus. Atqui erat dicturus, ad quem propter diei brevitatem perventum non est, heros ille noster Cato. Sic ego conservans rationem institutionemque nostram tueor, ut possum, illam a me conglutinatam concordiam. Sed tamen, quoniam ista sunt tam infirma, munitur quaedam nobis ad retinendas opes nostras tuta, ut spero, via; quam tibi litteris satis explicare non possum, significatione parva ostendam tamen. Utor Pompeio familiarissime. Video, quid dicas. Cavebo, quae sunt cavenda, ac scribam alias ad te de meis consiliis capessendae rei publicae plura. Lucceium scito consulatum habere in animo statim petere. Duo enim soli dicuntur petituri, Caesar (cum eo coire per Arrium cogitat) et Bibulus (cum hoc se putat per C. Pisonem posse coniungi). Rides? Non sunt haec ridicula, mihi crede. Quid aliud scribam ad te, quid? Multa sunt, sed in aliud tempus. + exspectare velis, cures ut sciam. Iam illud modeste rogo, quod maxime cupio, ut quam primum venias. Nonis Decembribus.

22. A ATTICUS. Rome, 5 décembre.

A. I, 17. Oui, un grand changement s'est opéré dans les sentiments de mon frère Quintus, dans ses dispositions et sa manière d'être. Je le vois clairement par votre lettre et par les copies des siennes que vous y avez jointes. Moi qui vous aime tendrement l'un et l'autre, j'en ressens une affliction profonde, et je n'y comprends rien. Qu'est-il donc arrivé qui ait pu aigrir à ce point mon frère, et opérer chez lui une telle révolution? Je m'étais aperçu depuis quelque temps, et vous avez paru remarquer aussi, au moment de notre séparation, qu'il avait, je ne sais pourquoi, l'esprit préoccupé, malade, en proie à de fâcheux soupçons. Quand je cherchais à le guérir (j'y ai travaillé en mainte occasion, et plus vivement encore à l'époque du tirage au sort de sa province), je ne croyais pas le mal si grand que vous me le montrez; seulement mes efforts avaient peu de succès. Je me consolais en pensant qu'il vous verrait, soit à Dyrrachium, soit ailleurs; et j'avais la confiance et la conviction qu'un simple entretien, quelques explications, que même un regard et le seul fait de votre rencontre, suffiraient pour tout effacer entre vous. Mon frère Quintus est d'un naturel si doux et d'un caractère si liant! son esprit, trop accessible aux impressions, est si prompt a s'effaroucher, mais si prompt aussi à revenir! Le malheur a voulu que vous ne vous soyez rencontrés nulle part ; et, dès lors, de malveillantes insinuations ont prévalu sur le devoir, sur les liens de famille et sur cette vieille amitié qui devait être la plus forte. - D'où vient le mal? Il m'est plus facile de le deviner que de l'écrire. Je craindrais, en défendant les miens, de ne pas assez ménager les vôtres; car je suis persuadé que si l'on n'a pas travaillé dans sa maison à l'aigrir, on n'a pas du moins fait ce qu'on 22 aurait dû pour le ramener. Je crois le mal plus profond qu'on ne paraît le penser. Je m'expliquerai mieux là-dessus de vive voix. - Quant aux lettres qu'il vous a écrites de Thessalonique, et aux propos qu'il aurait tenus, soit à Rome à ses amis, soit en route, je ne puis comprendre ce qui lui aurait ainsi monté la tête. Au surplus, j'espère en votre bonté, qui saura mettre fin à tous ces désagréments. Si vous considérez que les susceptibilités les plus vives se rencontrent souvent dans les naturels les meilleurs et les plus faciles à ramener; que cette promptitude ou plutôt cette mobilité d'impressions est presque toujours un indice de bonté, enfin (et c'est là le principal), si vous n'oubliez point que nous devons entre nous nous passer nos imperfections et nos défauts, et même nos torts, point de doute alors que bientôt toute cette irritation ne se calme, ainsi que je le désire. Je vous prie instamment de vous y employer; car moi qui vous chéris d'une amitié si vive, je suis essentiellement intéressé à ce qu'il n'y ait aucun des miens qui ne vous aime et qui ne soit aimé de vous. - Rien n'était moins nécessaire que l'endroit de votre lettre où vous énumérez les emplois qu'il n'aurait tenu qu'à vous d'obtenir, soit en province, soit à Rome, à diverses époques, et même pendant mon consulat. Je connais à fond la noblesse et l'élévation de votre âme, et je n'ai jamais compris qu'il y eût entre vous et moi d'autre différence que le genre de vie que nous avons l'un et l'autre adopté. J'ai recherché les honneurs, par je ne sais quels instincts ambitieux. Des motifs, qui sont certes loin de mériter le blâme, vous ont fait préférer d'honorables loisirs. Pour le véritable honneur, celui qui dérive de la droiture, de l'attachement au devoir, de la sainteté de la vie, je n'ai jamais placé au-dessus de vous ni moi ni personne. Après mon frère et ma propre famille, vous êtes au premier rang de ceux dont je me crois aimé. J'ai vu, j'ai reconnu, j'ai senti tour à tour vos sollicitudes et vos joies dans les différentes phases de ma vie. Que de fois j'ai goûté avec délices et votre bonheur dans mes triomphes, et vos consolations dans mes périls! Maintenant que vous êtes absent, vous que personne n'égale en lumières, vous dont la conversation a pour moi tant de charme, je sens un vide immense. S'agit-il des affaires publiques, qu'il ne m'est plus permis de négliger; du forum, dont j'ai d'abord soutenu les luttes pour m'ouvrir la voie, et où je dois me conserver en faveur pour assurer à ma gloire un appui; de mes affaires particulières, pour lesquelles j'aurais eu, surtout depuis le départ de mon frère, tant besoin de vous avoir et de causer avec vous : partout enfin vous me faites faute. Oui, au milieu de mes veilles ou de mon repos, pendant mes travaux ou pendant mes loisirs, au forum aussi bien qu'au foyer domestique, pour les soins de l'État comme pour mes propres intérêts, je ne puis plus longtemps me passer de vous, du secours divin de vos conseils et du charme de votre entretien. - Voilà des explications dont vous et moi nous nous serions toujours abstenus par un sentiment de délicatesse. Mais vous les avez rendues nécessaires, en me faisant l'apo- 23 logie de vos sentiments et de votre conduite. Dans cette malheureuse brouille, il y a du moins cela d'heureux que depuis longtemps vos amis et moi connaissions votre intention, formellement exprimée, de n'accepter aucun emploi dans les provinces, en sorte que si vous n'êtes pas avec mon frère, on ne dira point que c'est une brouille ou une rupture. On y verra simplement un acte de votre volonté et l'effet d'une détermination antérieure. Ainsi là où l'amitié a été violée, l'expiation se fera; et, là où elle est restée l'objet d'un religieux respect, elle se perpétuera intacte et pure. - Nous sommes ici dans une situation fausse, misérable, sans lendemain; vous avez su sans doute que les chevaliers se sont presque détachés du sénat. Leur mécontentement vient en premier lieu du décret d'information contre les juges qui ont reçu de l'argent. Je n'étais malheureusement pas au sénat lors de cette mesure. Je vis que l'ordre des chevaliers s'en offensait, bien qu'il n'en témoignât rien ouvertement. Je m'en plaignis au sénat de manière à produire, à ce qui me parut, une très grande sensation. La question était scabreuse; je la traitai d'une manière large et digne. Mais voici bien une autre fantaisie des membres de l'ordre, qui vraiment n'était pas soutenable, que j'ai soutenue cependant, et réussi à colorer. Les soumissionnaires des tributs de l'Asie sont venus faire des doléances au sénat. Ils prétendent s'être laissé entraîner à exagerer les offres, et demandent la résiliation du bail que leur ont passé les censeurs. Eh bien! je suis le premier à les appuyer, c'est-à-dire, le second, car ils n'osaient réclamer; et c'est Crassus qui les a poussés : affaire sale, démarche humiliante, plate résipiscence! Mais il y avait derrière un grand risque. C'est que le sénat, en ne leur accordant rien, ne se les mit tout à fait à dos. Aussi me suis-je empressé d'intervenir en première ligne. Je leur ai ménagé une réunion nombreuse et très bienveillante, le premier et le second jour des calendes de décembre; et là je me suis fort étendu sur la nécessité de conserver la dignité des ordres, et de maintenir l'union entre eux. Rien n'est fait encore. Mais le sénat se montre bien disposé. Il n'y a eu d'opposition que de la part de Métellus, consul désigné. C'est à notre héros Caton à parler; la brièveté des jours dans cette saison a obligé de s'arrêter à son tour. C'est ainsi que , fidèle à mon plan et à mon système politique, j'entretiens, autant que je le puis, cette concorde que j'avais si bien cimentée. Mais comme ces moyens sont faibles, j'ai trouvé, je m'en flatte du moins, pour maintenir mon oeuvre, des ressources plus sûres. Je ne puis m'en expliquer par écrit. Seulement, je vous mets sur la voie: Je suis en grande liaison avec Pompée. Je vous entends d'ici : rassurez-vous : je prends mes précautions, et je vous en dirai plus une autre fois sur mes vues pour la direction des affaires. - Sachez que Luccéius veut demander le consulat. Il n'y aura que deux compétiteurs ; César, qui espère s'entendre avec Luccéius par l'entremise d'Arrius; et Bibulus, qui s'imagine pouvoir se lier avec César par l'entremise de C. Pison. Vous riez? Il n'y a pas de quoi rire, je vous le jure. Que vous mander de plus? Quoi? Il y a beaucoup encore à vous dire, mais un autre jour. Si vous comptez revenir, faites que je le sache. Je n'ose trop insister sur ce que je désire le plus, vous voir ici.

I.XVIII (18)

Cicero Attico Sal.

[Rome, January 20, 60]

Nihil mihi nunc scito tam deesse uam hominem eum, quocum omnia, que me cura aliqua adficiunt, uno communicem, qui me amet, qui sapiat, quicum ego cum loquar, nihil fingam, nihil dissimulem, nihil obtegam. Abest enim frater ἀφελέστατος et amantissimus. Metellus non homo, sed

litus atque aer et solitudo mera.

Tu autem, qui saepissime curam et angorem animi mei sermone et consilio levasti tuo, qui mihi et in publica re socius et in privatis omnibus conscius et omnium meorum sermonum et consiliorum particeps esse soles, ubinam es? Ita sum ab omnibus destitutus. ut tantum requietis habeam, quantum cum uxore et filiola et mellito Cicerone consumitur. Nam illae ambitiosae nostrae fucosaeque amicitiae sunt in quodam splendore forensi, fructum domesticum non habent. Itaque, cum bene completa domus est tempore matutino, cum ad forum stipati gregibus amicorum descendimus, reperire ex magna turba neminem possumus, quocum aut iocari libere aut suspirare familiariter possimus. Quare te exspectamus, te desideramus, te iam etiam arcessimus. Multa sunt enim, quae me sollicitant anguntque; quae mihi videor aures nactus tuas unius ambulationis sermone exhaurire posse.

Ac domesticarum quidem sollicitudinum aculeos omnes et scrupulos occultabo, neque ego huic epistulae atque ignoto tabellario committam. Atque hi (nolo enim te permoveri) non sunt permolesti, sed tamen insident et urgent et nullius amantis consilio aut sermone requiescunt; in re publica vero, quam quam animus est praesens, tamen vulnus etiam atque etiam ipsa medicina efficit. Nam, ut ea breviter, quae post tuum discessum acta sunt, colligam, iam exclames necesse est res Romanas diutius stare non posse. Etenim post profectionem tuam primus, ut opinor, introitus fuit in causam fabulae Clodianae, in qua ego nactus, ut mihi videbar, locum resecandae libidinis et coercendae iuventutis; vehemens fui et omnes profudi vires animi atque ingenii mei non odio adductus alicuius, sed spe corrigendae et sanandae civitatis. Adflicta res publica est empto constupratoque iudicio. Vide, quae sint postea consecuta. Consul est impositus is nobis, quem nemo praeter nos philosophos aspicere sine suspiritu posset. Quantum hoc vulnus! facto senatus consulto de ambitu, de iudiciis nulla lex perlata, exagitatus senatus, alienati equites Romani. Sic ille annus duo firmamenta rei publicae per me unum constituta evertit; nam et senatus auctoritatem abiecit et ordinum concordiam diiunxit. Instat hic nunc ille annus egregius. Eius initium eius modi fuit, ut anniversaria sacra Iuventatis non committerentur; nam M. Luculli uxorem Memmius suis sacris initiavit; Menelaus aegre id passus divortium fecit. Quamquam ille pastor Idaeus Menelaum solum contempserat, hic noster Paris tam Menelaum quam Agamemnonem liberum non putavit. Est autem C. Herennius quidam tribunus pl., quem tu fortasse ne nosti quidem; tametsi potes nosse, tribulis enim tuus est, et Sextus, pater eius, nummos vobis dividere solebat. Is ad plebem P. Clodium traducit, idemque fert, ut universus populus in Campo Martio suffragium de re Clodi ferat. Hunc ego accepi in senatu, ut soleo, sed nihil est illo homine lentius. Metellus est consul egregius et nos amat, sed imminuit auctoritatem suam, quod habet dicis causa promulgatum illud idem de Clodio. Auli autem filius, o di immortales! quam ignavus ac sine animo miles! quam dignus, qui Palicano, sicut facit, os ad male audiendum cotidie praebeat! Agraria autem promulgata est a Flavio sane levis eadem fere, quae fuit Plotia. Sed interea πολιτικὸς ἀνὴρ οὐδ' ὄναρ quisquam inveniri potest; qui poterat, familiaris noster (sic est enim; volo te hoc scire) Pompeius togulam illam pictam silentio tuetur suam. Crassus verbum nullum contra gratiam. Ceteros iam nosti; qui ita sunt stulti, ut amissa re publica piscinas suas fore salvas sperare videantur. Unus est, qui curet constantia magis et integritate quam, ut mihi videtur, consilio aut ingenio, Cato; qui miseros publicanos, quos habuit amantissimos sui, tertium iam mensem vexat neque iis a senatu responsum dari patitur. Ita nos cogimur reliquis de rebus nihil decernere, ante quam publicanis responsum sit. Quare etiam legationes reiectum iri puto. Nunc vides quibus fluctibus iactemur, et, si ex iis, quae scripsimus tanta, etiam a me non scripta perspicis, revise nos aliquando et, quamquam sunt haec fugienda, quo te voco, tamen fac ut amorem nostrum tanti aestimes, ut eo vel cum his molestiis perfrui velis. Nam, ne absens censeare, curabo edicendum et proponendum locis omnibus; sub lustrum autem censeri germani negotiatoris est. Quare cura, ut te quam primum videamus. Vale. Kal. Febr. Q. Metello, L. Afranio coss.

AN DE R. 691 — AV. J. C. 60. - A DE C. 48.

Q. Cécilius Métellus Céler. L Afranius, consuls.

23. A ATTICUS. Rome, 1er février.

A. I. 18. Sachez que rien ne me fait plus faute aujourd'hui qu'un confident à qui je puisse dire tout ce qui me pèse, qui m'écoute dans son amitié, qui me conseille dans sa sagesse; avec qui enfin je n'aie, en causant, à feindre, à cacher, à dissimuler rien. Mon frère n'est plus là, mon frère dont le cœur est si droit et si chaud. Métellus n'est pas un homme ; c'est «un rivage désert ; c'est l'air des cieux ; c'est la solitude profonde.» Et vous, dont les sages réflexions ont si souvent adouci l'amertume et les soucis de mon âme, vous que j'ai toujours eu à mes côtés dans les affaires publiques, et qui êtes un second moi-même pour mes affaires privées; vous enfin l'âme de tous mes entretiens et de tous mes projets, où êtes-vous? Je me sens tellement abandonné, que les seuls moments qui me reposent sont ceux que je passe avec ma femme, avec ma fille chérie, avec mon charmant petit Cicéron. J'ai des amitiés politiques, tout extérieures, toutes fardées, bonnes seulement pour le relief de la vie publique, mais nulles au sein du foyer privé. Aussi lorsqu'à l'heure matinale, ma maison regorge de clients; lorsque je descends au forum, pressé par les nombreux amis qui m'escortent, je cherche en vain dans cette foule avec qui rire en liberté, ou gémir sans contrainte. Je vous attends, je vous désire, je vous appelle.
J'ai mille sujets qui m'inquiètent et me tourmentent, et qu'en une seule conversation, si une fois je vous tiens, nous aurons bientôt, j'en suis sûr, parcourus et épuisés. Je passerai ici sous silence mes chagrins et mes soucis domestiques. Ce n'est pas à une lettre ni à un messager inconnu que j'oserais les confier. N'allez pas pourtant vous monter la tête : mon mal n'est pas intolérable. Ce sont de ces ennuis qui restent, qui pèsent, et qui sont sans relâche, faute d'un ami qui vous console ou qui vous parle. Quant aux affaires publiques, le courage ne me manque pas. Seulement la volonté d'agir m'abandonne. Pour peu que je vous raconte ce qui s'est passé depuis votre départ, vous allez vous écrier que la république est perdue. - A peine étiez-vous en route, que la série de nos maux a commencé; c'est Clodius, si je ne me trompe, qui a ouvert la scène. Je crus l'occasion belle pour refréner la licence et arrêter la jeunesse, et, cédant à l'ardeur qui me dominait, je déployai tout ce que j'ai de puissance dans le cœur et la tête, sans animosité personnelle, et avec la seule espérance de remettre la république en bonne voie et de rendre à la constitution sa vigueur. La vénalité et la prostitution se sont réunies pour accabler l'État d'un jugement funeste. Voyez ce qui a suivi : un consul s'est rencontré que personne, s'il n'est philosophe comme nous, ne peut voir sans pousser un soupir. Quelle plaie qu'un pareil homme ! On rend un sénatus-consulte contre la brigue et la corruption : mais on ne peut obtenir une loi pour le sanctionner. On vilipende le sénat. L'ordre des chevaliers s'en sépare. Ainsi cette année aura vu renverser à la fois les deux bases solides sur lesquelles j'avais, à moi seul, assis la république: elle a jeté bas l'autorité du sénat, et, des deux ordres, fait deux camps.- La nouvelle année nous en promet aussi de belles. Les mystères sacrés de la Jeunesse n'ont pu s'accomplir, 25 Memmius ayant initié la femme de M. Lucullus à ses propres mystères. Ménélas se fâche et divorce. Mais le pasteur d'Ida n'avait outragé qu'un des deux frères. Le Pâris d'aujourd'hui s'en est pris à la fois à Ménélas et à Agamemnon. De plus, il y a un certain C. Hérennius, tribun du peuple, que peut-être vous ne connaissez pas, mais que vous pouvez connaître, car il est de votre tribu, et Sextus, son père, y était le distributeur d'argent; Hérennius donc veut faire agréger Clodius parmi les plébéiens, et il le propose aux suffrages de tout le peuple, en assemblée du Champ de Mars. Je l'ai traité au sénat comme je sais traiter les gens. Mais c'est une nature où rien ne fait. Métellus est un consul hors de ligne, et qui m'est dévoué de coeur. Mais il s'est fait tort en acceptant le mode proposé pour le jugement de Clodius, sans y attacher d'ailleurs aucune importance. Quant au fils d'Aulus, quel soldat lâche et sans coeur, dieux immortels! et qu'il mérite bien tout ce que Palicanus lui jette chaque jour d'injures à la face! Une loi agraire a été proposée par Flavius. Elle est bien pâle; c'est, à peu de chose prés, la loi Plotia. Mais où trouver dans tout cela même l'ombre d'un homme vraiment politique? Il y en a bien un, qui est de mes amis afin que vous le sachiez, c'est Pompée; mais il se contente de jouir en silence de sa belle robe peinte. Crassus ne dirait pas un mot contre un homme en crédit. Vous connaissez le reste. Pauvres niais qui croient qu'ils auront encore leurs viviers quand il n'y aura plus de chose publique Nous n'avous plus qu'un homme qui s'en inquiète encore, et, selon moi, avec plus d'énergie et de probité que de sagesse et d'esprit de conduite; c'est Caton, Caton qui depuis trois mois tourmente ces malheureux publicains qui lui étaient si dévoués, et empêche le sénat de statuer sur leur demande. D'un autre côté, toute autre affaire reste en suspens jusqu'à décision sur celle-là. Je crois même que cette circonstance fera ajourner indéfiniment les légations. - Vous voyez maintenant au milieu de quels flots agités nous vivons; et, par ce que je vous dis, pénétrant comme vous l'êtes, vous jugerez de ce que je ne vous dis pas. Songez donc à revenir enfin; et bien que l'attrait du retour ne soit pas grand, j'espère que vous m'aimez assez pour trouver dans mon amitié un dédommagement aux ennuis qui vous attendent ici. Je veillerai partout où besoin sera, à ce qu'on ne vous considère point comme absent. Mais n'arriver qu'au moment de la cérémonie expiatoire, ce serait là du traitant tout pur. Arrangez-vous donc pour ne nous plus faire languir.

I.XIX (19)

Cicero Attico Sal.

[Rome, March 15, 60]

Non modo si mihi tantum esset otii, quantum est tibi, verum etiam si tam breves epistulas vellem mittere, quam tu soles, facile te superarem et in scribendo multo essem crebrior quam tu. Sed ad summas atque incredibiles occupationes meas accedit, quod nullam a me volo epistulam ad te sine argumento ac sententia pervenire. Et primum tibi, ut aequum est civi amanti patriam, quae sint in re publica, exponam; deinde, quoniam tibi amore nos proximi sumus, scribemus etiam de nobis ea, quae scire te non nolle arbitramur. Atque in re publica nunc quidem maxime Gallici belli versatur metus. Nam Haedui fratres nostri pugnam nuper malam pugnarunt, et Helvetii sine dubio sunt in armis excursionesque in provinciam faciunt. Senatus decrevit, ut consules duas Gallias sortirentur, delectus haberetur, vacationes ne valerent, legati cum auctoritate mitterentur, qui adirent Galliae civitates darentque operam, ne eae se cum Helvetiis coniungerent. Legati sunt Q. Metellus Creticus et L. Faccus et, τὸ ἐπὶ τῇ φακῇ μύρον, Lentulus Clodiani filius. Atque hoc loco illud non queo praeterire, quod, cum de consularibus mea prima sors exisset, una voce senatus frequens retinendum me in urbe censuit. Hoc idem post me Pompeio accidit, ut nos duo quasi pignora rei publicae retineri videremur. Quid enim ego aliorum in me ἐπιφωνήματα exspectem, cum haec domi nascantur? Urbanae autem res sic se habent. Agraria lex a Flavio tribuno pl. vehementer agitabatur auctore Pompeio; quae nihil populare habebat praeter auctorem. Ex hac ego lege secunda contionis voluntate omnia illa tollebam, quae ad privatorum incommodum pertinebant, liberabam agrum eum, qui P. Mucio, L. Calpurnio consulibus publicus fuisset, Sullanorum hominum possessiones confirmabam, Volaterranos et Arretinos, quorum agrum Sulla publicarat neque diviserat, in sua possessione retinebam; unam rationem non reiciebam, ut ager hac adventicia pecunia emeretur, quae ex novis vectigalibus per quinquennium reciperetur. Huic toti rationi agrariae senatus adversabatur suspicans Pompeio novam quandam potentiam quaeri; Pompeius vero ad voluntatem perferendae legis incubuerat. Ego autem magna cum agrariorum gratia confirmabam omnium privatorum possessiones; is enim est noster exercitus, hominum, ut tute scis, locupletium; populo autem et Pompeio (nam id quoque volebam) satis faciebam emptione, qua constituta diligenter et sentinam urbis exhauriri et Italiae solitudinem frequentari posse arbitrabar. Sed haec tota res interpellata bello refrixerat. Metellus est consul sane bonus et nos admodum diligit; ille alter nihil ita est, ut plane, quid emerit, nesciat. Haec sunt in re publica, nisi etiam illud ad rem publicam putas pertinere, Herennium quendam, tribunum pl., tribulem tuum sane hominem nequam atque egentem, saepe iam de P. Clodio ad plebem traducendo agere coepisse. Huic frequenter interceditur. Haec sunt, ut opinor, in re publica. Ego autem, ut semel Nonarum illarum Decembrium iunctam invidia ac multorum inimicitiis eximiam quandam atque immortalem gloriam consecutus sum, non destiti eadem animi magnitudine in re publica versari et illam institutam ac susceptam dignitatem tueri, sed, posteaquam primum Clodi absolutione levitatem infirmitatemque iudiciorum perspexi, deinde vidi nostros publicanos facile a senatu diiungi, quam quam a me ipso non divellerentur, tum autem beatos homines, hos piscinarios dico amicos tuos, non obscure nobis invidere, putavi mihi maiores quasdam opes et firmiora praesidia esse quaerenda. Itaque primum, eum qui nimium diu de rebus nostris tacuerat, Pompeium adduxi in eam voluntatem, ut in senatu non semel, sed saepe multisque verbis huius mihi salutem imperii atque orbis terrarum adiudicarit; quod non tam interfuit mea (neque enim illae res aut ita sunt obscurae, ut testimonium, aut ita dubiae, ut laudationem desiderent) quam rei publicae, quod erant quidam improbi, qui contentionem fore aliquam mihi cum Pompeio ex rerum illarum dissensione arbitrarentur. Cum hoc ego me tanta familiaritate coniunxi, ut uterque nostrum in sua ratione munitior et in re publica firmior hac coniunctione esse possit Odia autem illa libidinosae et delicatae iuventutis, quae erant in me incitata, sic mitigata sunt comitate quadam mea, me unum ut omnes illi colant; nihil iam denique a me asperum in quemquam fit nec tamen quicquam populare ac dissolutum, sed ita temperata tota ratio est, ut rei publicae constantiam praestem, privatis meis rebus propter infirmitatem bonorum, iniquitatem malevolorum, odium in me improborum adhibeam quandam cautionem et diligentiam atque ita, tametsi his novis amicitiis implicati sumus, ut crebro mihi vafer ille Siculus insusurret Epicharmus cantilenam illam suam:

Νᾶφε καὶ μέμνασ' ἀπιστεῖν.  ἄρθρα ταῦτα τᾶν φρενῶν.

Ac nostrae quidem rationis ac vitae quasi quandam formam, ut opinor, vides. De tuo autem negotio saepe ad me scribis. Cui mederi nunc non possmus; est enim illud senatus consultum summa pedariorum voluntate nullius nostrum auctioritate factum. Nam, quod me esse ad scribendum vides, ex ipso senatus consulto intellegere potes aliam rem tum relatam, hoc autem de populis liberis sine causa additum. Et ita factum est a P. .Servilio filio, qui in postremis sententiam dixit, sed immutari hoc tempore non potest. Itaque conventus, qui initio celebrabantur, iam diu fieri desierunt. Tu si tuis blanditiis tamen a Sicyoniis nummulorum aliquid expresseris, velim me facias certiorem. Commentarium consulatus mei Graece compositum misi ad te. In quo si quid erit, quod homini Attico minus Graecum eruditumque videatur, non dicam, quod tibi, ut opinor, Panhormi Lucullus de suis historiis dixerat, se, quo facilius illas probaret Romani hominis esse, idcirco barbara quaedam et σόλοικα dispersisse; apud me si quid erit eius modi, me imprudente erit et invito. Latinum si perfecero, ad te mittam. Tertium poema exspectato, ne quod genus a me ipso laudis meae praetermittatur. Hic tu cave dicas: τίσ πατέρ' αἰνήσει; si est enim apud homines quicquam quod potius sit, laudetur, nos vituperemur, qui non potius alia laudemus; quamquam non ἐγκωμιαστικὰ sunt haec, sed ἱστορικά, quae scribimus. Quintus frater purgat se mihi per litteras et adfirmat nihil a se cuiquam de te secus esse dictum. Verum haec nobis coram summa cura et diligentia sunt agenda; tu modo nos revise aliquando. Cossinius hic, cui dedi litteras, valde mihi bonus homo et non levis et amans tui visus est et talis, qualem esse eum tuae mihi litterne nuntiarant. Idibus Martiis.

24. A ATTICUS. Rome, 15 mars.

A. I. 19 Si j'avais vos loisirs, ou si je pouvais seulement m'habituer à cette brièveté qui vous est ordinaire, je ne demeurerais point en reste, et vous auriez de moi plus de lettres que je n'en reçois de vous. Mais, outre la masse d'occupations vraiment incroyables dont je suis accablé, je ne vous écris pas une lettre où il n'y ait à exposer et à conclure. Et d'abord (comme il convient de le faire avec un citoyen qui aime sa patrie), je vais vous parler de la situation de la république. Puis, comme, après elle, vous n'avez rien de plus cher que moi, je vous dirai, sur ce qui me touche, des choses dont vous seriez fâché que je vous fisse mystère. Ce qu'il y a en ce 26 moment de plus grave en politique, c'est la crainte d'une guerre dans les Gaules. Elle est déjà chez nos frères, les Éduens; les Séquanais se sont mal battus. Enfin, il est certain que les Helvétiens sont en armes et font des courses dans la province. Le sénat a décidé que l'on tirerait au sort les deux Gaules entre les consuls, qu'on ferait une levée, qu'on n'admettrait point d'exemption, qu'on nommerait des plénipotentiaires, lesquels iraient dans les villes des Gaules pour agir sur elles et les empêcher de se joindre aux Helvétiens. Les plénipotentiaires sont Q. Métellus Créticus, L. Flaccus, et, pour parfumer les lentilles, Lentulus, fils de Clodianus. Ici, il faut que je vous fasse connaître une circonstance curieuse : mon nom était sorti le premier parmi les consulaires. Mais le sénat, qui était nombreux, déclara tout d'une voix que j'étais trop nécessaire à Rome. La même chose arriva, après moi, à Pompée. C'est dire que l'on nous garde l'un et l'autre comme des gages de salut; car pourquoi attendrais-je que d'autres tirassent cette conclusion, quand elle se présente si naturellement à moi-même? - Venons aux affaires de l'intérieur. Le tribun du peuple Flaccus poussait vivement sa loi agraire. Pompée le soutenait; et c'est tout ce qu'il y avait de populaire dans le projet. Voici quel fut mon avis, écouté avec grande faveur : je retranchais de la loi tout ce qui porte préjudice aux tiers ; j'exceptais du partage les terres vendues publiquement sous le consulat de P. Mucius et de L. Calpurnius; je maintenais les dotations de Sylla, et je laissais enfin aux habitants de Volaterre, ainsi qu'aux Arrétins, les terres qu'il a confisquées sur eux, mais qui ne sont point partagées. Je ne conservais qu'un seul article, celui qui prescrit d'employer, pendant cinq ans, à des acquisitions de terres, le produit des nouveaux impôts. Le sénat ne voulait rien de la loi, parce qu'il y entrevoyait un accroissement de pouvoir qu'on ménage à Pompée. Pompée, de son côté, s'employait de toutes ses forcés pour la faire passer. Quant à moi, c'est aux applaudissements des intéressés que je réservais les droits acquis (réserve, vous le savez de reste, qui s'applique exclusivement aux riches nos amis). En effet, au moyen des acquisitions à faire, je pourvoyais, d'un autre côté, à l'intérêt du peuple et à celui de Pompée, ce à quoi je tiens absolument. Enfin mon système, habilement appliqué, avait l'avantage de nettoyer la sentine de Rome, et de peupler les solitudes de l'Italie. Mais les menaces de guerre qui viennent à la traverse ont bien refroidi sur cette affaire. Métellus est un très bon consul; il m'aime beaucoup. L'autre est la nullité même. Jusque-là qu'il ne sait pas ce que vaut la place qu'il a achetée. Voilà tout ce qu'il y a sur les affaires publiques, à moins que vous n'y rattachiez encore ceci. Un certain Hérennius, tribun du peuple, membre de votre tribu, un méchant homme, un meurt de faim, a fait plusieurs tentatives pour l'agrégation de Clodius parmi les plébéiens. Mais les opposants ne lui manquent pas. Maintenant, si je ne me trompe, je n'ai plus rien à vous dire en fait de politique. - Je reviens à ce qui me concerne. Depuis les fameuses nones de décembre, où j'acquis, non sans beaucoup d'envie et de haine, une grande et immortelle gloire, je n'ai cessé de soutenir mon caractère et de conserver mon attitude. Mais l'acquittement de Clodius m'a fait ouvrir les yeux sur le peu de fond à faire en la justice et sur sa dégradation. J'ai vu en outre que nos pu- 27 blicains, sans se séparer de moi, n'avaient pas fait la moindre difficulté de se séparer du sénat; de plus, que nos heureux du jour, je parle de ces grands amateurs de viviers, vos chers amis, ne cachaient pas l'esprit d'envie qui les travaille à mon égard; alors j'ai songé à m'assurer d'autres ressources et de plus solides appuis. J'ai commencé d'abord par faire réfléchir Pompée sur son trop long silence en ce qui me touche, et je l'ai amené à me proclamer en plein sénat, je ne dis pas une fois, mais mille, et en termes pompeux, le sauveur de la république et de l'univers. Peu m'importe à moi. Ma gloire est assez éclatante pour se passer d'un témoignage, et assez bien jugée pour se passer d'éloges. Mais cela importe à la république, de méchants esprits s'étant flattés qu'il y avait là un sujet de division entre Pompée et moi. Mais me voilà lié avec lui de telle façon que tous deux, comme particuliers, nous y trouvons notre compte, et que, comme hommes politiques, nous pouvons l'un et l'autre agir avec plus de décision. On avait excité contre moi les haines parmi cette jeunesse qui est ardente et sans principes. J'ai si bien su la ramener par mes bonnes manières, qu'elle n'a plus de considération que pour moi. Enfin, je m'applique à n'être blessant pour qui que ce soit, et cela, sans bassesse et populacerie. L'ensemble de ma conduite est si bien calculé, que l'homme public ne cède sur rien, et que l'homme privé, qui connaît la faiblesse des honnêtes gens, l'injustice des envieux et la haine des méchants, prend ses précautions et se ménage. Cependant je ne me livre à mes nouvelles amitiés qu'en rappelant sans cesse à mon esprit la chanson du rusé Sicilien, Épicharme : Veiller toujours, et ne se fier jamais; c'est toute la sagesse. Vous pouvez maintenant, je pense, vous faire une idée exacte de mon plan et de la position que j'ai prise. - Vous m'avez déjà plusieurs fois parlé de votre affaire. Nous n'y pouvons rien quant à présent. Ce sénatus-consulte a été l'oeuvre des sénateurs pédaires. Nous n'y avons pris aucune part. Si mon nom s'y rencontre, il est facile de voir, par la contexture même de l'acte, qu'il comprend différents objets, et qu'on y a ajouté, on ne sait pourquoi, la disposition relative aux peuples libres. C'est P. Servilius le fils qui, en votant l'un des derniers, l'a proposée. Impossible en ce moment, je le répète, de revenir là-dessus. Les réunions qui, au commencement, étaient très nombreuses ont cessé d'avoir lieu. Si d'ailleurs vos belles paroles avaient su tirer quelque argent des Sycioniens, ne manquez pas de me le dire. - Je vous envoie l'Histoire grecque de mon consulat. Si vous y trouvez quelque chose qui ne soit pas assez bon ni assez grec pour un Attique comme vous, n'attendez pas de moi l'apologie que Lucullus, je crois, vous fit à Palerme, en parlant de son histoire. Il y avait, dit-il, semé quelques barbarismes et solécismes , afin qu'on vît bien que l'ouvrage était d'un Romain. Si vous faites chez moi de ces rencontres, soyez certain que c'est sans intention de ma part et à mon insu. Quand la version latine sera achevée, je vous l'enverrai. Comptez sur une troisième édition en vers ; car je veux chanter mes louanges sur tous les tons. N'allez pas me dire au moins : Qui est-ce qui loue son 28 père? S'il y a dans l'histoire du monde quelque chose qui vaille mieux, eh bien, qu'on le loue; et qu'on me blâme, moi, de n'avoir pas porté là mes éloges de préférence! D'ailleurs, ce n'est pas un panégyrique, c'est une histoire que j'écris. - Mon frère se défend beaucoup de tout reproche dans ses lettres : il affirme n'avoir mal parlé de vous à qui que ce soit. C'est entre nous et de vive voix qu'il faudra soigneusement et discrètement tirer cette affaire au clair. Revenez donc au plus vite. Cossinius, à qui je remets ma lettre, m'a paru un homme honnête, solide, dévoué à vos intérêts, tel enfin que vos lettres me l'avaient dépeint.

I.XX (20)

Cicero Attico Sal.

[Rome, May 60]

Cum e Pompeiano me Romam recepissem a. d. IV Idus Maias, Cincius noster eam mihi abs te epistulam reddidit, quam tu Idibus Febr. dederas. Ei nunc epistulae litteris his respondebo. Ac primum tibi perspectum esse iudicium de te meum laetor, deinde te in iis rebus, quae mihi asperius a nobis atque nostris et iniucundius actae videbantur, moderatissimum fuisse vehementissime gaudeo idque neque amoris mediocris et ingenii summi ac sapientiae iudico. Qua de re cum ad me ita suaviter, diligenter, officiose, humaniter scripseris, ut non modo te hortari amplius non debeam, sed ne exspectare quidem abs te aut ab ullo homine tantum facilitatis ac mansuetudinis potuerim, nihil duco esse commodius quam de his rebus nihil iam amplius scribere. Cum erimus congressi, tum, si quid res feret, coram inter nos conferemus. Quod ad me de re publica scribis, disputas tu quidem et amanter et prudenter, et a meis consiliis ratio tua non abhorret; nam neque de statu nobis nostrae dignitatis est recedendum neque sine nostris copiis intra alterius praesidia veniendum, et is, de quo scribis, nihil habet amplum, nihil excelsum, nihil non summissum atque populare. Verum tamen fuit ratio mihi fortasse ad tranquillitatem meorum temporum non inutilis, sed mehercule rei publicae multo etiam utilior quam mihi civium improborum impetus in me reprimi, cum hominis amplissima fortuna, auctoritate, gratia fluctuantem sententiam confirmassem et a spe malorum ad mearum rerum laudem convertissem. Quod si cum aliqua levitate mihi faciendum fuisset, nullam rem tanti aestimassem; sed tamen a me ita sunt acta omnia, non ut ego illi adsentiens levior, sed ut ille me probans gravior videretur. Reliqua sic a me aguntur et agentur, ut non committamus, ut ea, quae gessimus, fortuito gessisse videamur. Meos bonos viros, illos quos significas, et, eam quam mihi dicis obtigisse, Σπάρταν non modo numquam deseram, sed etiam, si ego ab illa deserar, tamen in mea pristina sententia permanebo. Illud tamen velim existimes, me hanc viam optimatem post Catuli mortem nec praesidio ullo nec comitatu tenere. Nam, ut ait Rhinton, ut opinor,

Οἱ μὲν παρ' οὐδέν εἰσι, τοῖς δ' οὐδὲν μέλει.

Mihi vero ut invideant piscinarii nostri, aut scribam ad te alias aut in congressum nostrum reservabo. A curia autem nulla me res divellet, vel quod ita rectum est, vel quod rebus meis maxime consentaneum, vel quod, a senatu quanti fiam, minime me paenitet. De Sicyoniis, ut ad te scripsi antea, non multum spei est in senatu; nemo est enim, idem qui queratur. Quare, si id exspectas, longum est; alia via, si qua potes, pugna. Cum est actum, neque animadversum est, ad quos pertineret, et raptim in eam sententiam pedarii cucurrerunt. Inducendi senatus consulti maturitas nondum est, quod neque sunt, qui querantur, et multi partim malevolentia, partim opinione aequitatis delectantur. Metellus tuus est egregius consul; unum reprehendo, quod otium nuntiari e Gallia non magno opere gaudet. Cupit, credo, triumphare. Hoc vellem mediocrius; cetera egregia. Auli filius vero ita se gerit, ut eius consulatus non consulatus sit, sed Magni nostri ὑπώπιον. De meis scriptis misi ad te Graece perfectum consulatum meum. Eum librum L. Cossinio dedi. Puto te Latinis meis delectari, huic autem Graeco Graecum invidere. Alii si scripserint, mittemus ad te; sed, mihi crede, simul atque hoc nostrum legerunt, nescio quo pacto retardantur. Nunc, ut ad rem meam redeam, L. Papirius Paetus, vir bonus amatorque noster, mihi libros eos, quos Ser. Claudius reliquit, donavit. Cum mihi per legem Cinciam licere capere Cincius, amicus tuus, diceret, libenter dixi me accepturum, si attulisset. Nunc, si me amas, si te a me amari scis, enitere per amicos, clientes, hospites, libertos denique ac servos tuos, ut scida ne qua depereat; nam et Graecis iis libris, quos suspicor, et Latinis, quos scio illum reliquisse, mihi vehementer opus est. Ego autem cotidie magis, quod mihi de forensi labore temporis datur, in iis studiis conquiesco. Per mihi, per, inquam, gratum feceris, si in hoc tam diligens fueris, quam soles in iis rebus, quas me valde velle arbitraris, ipsiusque Paeti tibi negotia commendo, de quibus tibi ille agit maximas gratias, et, ut iam invisas nos, non solum rogo, sed etiam suadeo.

25. A ATTICUS. Rome, mai.

A. I. 20. Je revenais de Pompéii à Rome le 4 des ides de mai, lorsque notre ami Cincius m'a remis une lettre de vous datée des ides de février. Je vais y répondre. Je me réjouis, avant tout, de ce qu'enfin vous connaissez à fond mes sentiments sur vous. Puis, je m'applaudis plus encore de la modération parfaite dont vous avez reçu certaines choses qui devaient vous paraître bien dures de notre part, et qui étaient en soi fort désobligeantes. J'ai pu juger par là que votre cœur n'aime pas à demi, et que vous avez autant d'élévation que de sagesse. Votre langage a une douceur, une mesure, une délicatesse, une bonté qui ne me laissent rien à dire, si ce n'est que je ne vous croyais vraiment, ni à vous, ni à personne autant d'aménité et de mansuétude. Le mieux à présent est de ne plus écrire un mot là-dessus. Quand nous nous reverrons, si nous avons quelque chose à en dire, nous le dirons. Je reconnais votre amitié et votre prudence dans toutes vos réflexions sur les affaires publiques; et je vois que votre manière de voir s'accorde assez avec la mienne. Oui, je dois, avant tout, conserver intacts mon caractère et ma position; je ne dois passer qu'avec toutes mes forces dans une alliance nouvelle; et celui dont vous me parlez (Pompée), n'a ni étendue d'esprit, ni noblesse de coeur : il ne sait que baisser la tête et flatter le peuple. Mais s'il n'a pas été inutile à mes intérêts, du moins a-t-il été utile à la république, et, certes, bien plus à elle qu'à moi, que je parasse les coups des mauvais citoyens, eu faisant cesser à mon égard la neutralité d'un homme si grand par sa fortune, par son crédit, par la faveur populaire, et en l'amenant à ne répondre que par des éloges publics de ma vie aux espérances des factieux. S'il en avait dû coûter quelque chose à mon caractère, il n'est rien que j'eusse payé à ce prix. Mais tout a été si bien combiné, que je ne me fais pas tort en m'attachant à lui, et qu'il se fait honneur en se déclarant pour moi. - En tout le reste, soyez-en sûr, ma conduite actuelle et à venir ne donnera jamais lieu de dire que j'aie rien fait à l'aventure. Jamais on ne me verra déserter ces gens de bien, mes alliés naturels, auxquels vous faites allusion, ni cette Sparte, qui est, dites-vous, mon lot et ma fortune. Et dût Sparte m'abandonner un jour, je ne changerais pas pour cela de conduite et de sentiments. Mais réfléchissez, je vous prie, que, depuis la mort de Catulus, je tenais seul la bonne route sans appui et sans suite; car je puis dire de nos gens, avec Rhinthon, si je ne me trompe, « que la mo- 29 itié n'est bonne à rien, et que l'autre moitié est indifférente à tout. » Vous saurez une autre fois jusqu'où va la malveillance parmi nos amateurs de viviers; ou je garderai cela pour votre retour. Cependant rien ne pourra me détacher du sénat ; c'est mon devoir; c'est ce qui s'accorde le plus avec mes intérêts; c'est ce que veut ma reconnaissance pour la haute estime où l'on m'y tient. - Ainsi que je vous l'ai déjà mandé, ne comptez pas beaucoup sur le sénat pour votre affaire des Sicyoniens: il n'y a plainte de la part de personne. Si vous attendez qu'il en vienne, vous attendrez longtemps. Tâchez de trouver quelque autre plan d'attaque. Quand l'article fut proposé , on ne réfléchit point à quelles personnes il pourrait nuire; et les sénateurs pédaires vinrent à l'envi voter pour. Les temps ne sont pas mûrs pour revenir sur ce sénatus-consulte, d'abord parce qu'il n'y a pas réclamation. puis parce qu'on le trouve excellent; les uns à cause du mal qu'ils en attendent, les autres à cause qu'ils le croient équitable. - Votre Métellus est un consul éminent; je ne trouve qu'une chose à redire en lui : c'est que la pacification des Gaules ne lui fait pas grand plaisir. Il voudrait, je crois, un triomphe. Il ferait mieux de le désirer un peu moins. Du reste, admirable. Quant au fils d'Aulus, on peut dire, à le voir faire, que son consulat n'est pas un consulat; c'est un soufflet que s'est donné Pompée. En fait d'écrits, je vous ai envoyé l'Histoire grecque de mon consulat. Je l'ai remise à L. Cossinius. Je crois que mes ouvrages latins vous plaisent assez; mais qu'en qualité de Grec, vous voyez de mauvais oeil ce que j'écris en grec. Je vous enverrai les ouvrages des autres, s'il en paraît. Mais je ne sais comment il arrive, qu'après m'avoir lu, on est découragé. C'est un fait, croyez m'en. - Pour parler un peu de mes affaires, L. Papirus Pétus, homme intègre, et mon partisan de coeur, m'a offert en don la bibliothèque que S. Claudius lui a laissée. Après m'être assuré près de votre ami Cincius que la loi Cincia n'interdit point ces sortes de dons, j'ai répondu que j'acceptais avec plaisir. Je vous prie donc, si vous m'aimez, et si vous voulez que je vous aime, de mettre sur pied amis, clients, hôtes, affranchis, esclaves, tout votre monde enfin, pour veiller à ce qu'il ne s'en perde pas un feuillet. J'ai grand besoin des ouvrages grecs que j'espère y trouver, et des ouvrages latins que je sais qui s'y trouvent. C'est chaque jour avec plus de plaisir que je consacre à ces paisibles travaux le temps que me laisse le forum. Je vous saurai, je vous le répète, un gré infini de mettre à cette petite affaire le soin que vous mettez aux choses que je souhaite fort. Je vous recommande en même temps les intérêts de Pétus, qui est déjà pénétré pour vous de reconnaissance. Enfin revenez! revenez, non seulement je vous en prie, mais il le faut.