Cicéron, Correspondance

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME CINQUIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX

LETTRES FAMILIERES

LIVRE XII - LIBER DVODECIMVS: AD C. CASSIVM ET CETEROS

livre 11  -  livre 13

 

 

LETTRES FAMILIERES

LIVRE XII

 

LIBER DVODECIMVS: AD C. CASSIVM ET CETEROS

 

 

Scr. In Pompeiano v Non. Mai. A. 710 (44).

CICERO CASSIO S. FINEM

Nullam facio, mihi crede, Cassi, de te et Bruto nostro, id est de tota re p. Cogitandi, cuius omnis spes in vobis est et in D. Bruto ; quam quidem iam habeo ipse meliorem re publica a Dolabella meo praeclarissime gesta. Manabat enim illud malum urbanum et ita corroborabatur cotidie ut ego quidem et urbi et otio diffiderem urbano, sed ita sedulo compressa est ut mihi videamur omne iam ad tempus ab illo dumtaxat sordidissimo periculo tuti futuri. Reliqua magna sunt ac multa sed posita omnia in vobis. Quamquam primum quidque explicemus. Nam ut adhuc quidem actum est, non regno sed rege liberati videmur ; interfecto enim rege regios omnis nutus tuemur, neque vero id solum sed etiam, quae ipse ille si viveret non faceret, ea nos quasi cogitata ab illo probamus. Nec eius quidem rei finem video. Tabulae figuntur, immunitates dantur, pecuniae maximae discribuntur, exsules reducuntur, senatus consulta falsa deferuntur, ut tantum modo odium illud hominis impuri et servitutis dolor depulsus esse videatur, res p. Iaceat in iis perturbationibus in quas eam ille coniecit. Haec omnia vobis sunt expedienda, nec hoc cogitandum, satis iam habere rem p. A vobis. Habet illa quidem tantum quantum numquam mihi in mentem venit optare, sed contenta non est et pro magnitudine et animi et benefici vestri a vobis magna desiderat. Adhuc ulta suas iniurias est per vos interitu tyranni ; nihil amplius ; ornamenta vero sua quae reciperavit? An quod ei mortuo paret quem vivum ferre non poterat? Cuius aera refigere debebamus, eius etiam chirographa defendimus? At enim ita decrevimus. Fecimus id quidem temporibus cedentes, quae valent in re p. Plurimum ; sed immoderate quidam et ingrate nostra facilitate abutuntur. Verum haec propediem et multa alia coram ; interim velim sic tibi persuadeas, mihi cum rei p. Quam semper habui carissimam, tum amoris nostri causa maximae curae esse tuam dignitatem. Da operam ut valeas. Vale.

722. — A CASSIUS. Rome, mai.

F. XII, 1. Pas un seul instant, mon cher Cassius, que je ne pense à vous, à Brutus, à la république tout entière, qui n'a d'espérance qu'en vous, en lui, en Décimus. J'augure mieux des affaires, depuis les admirables mesures prises par Dolabella. La fermentation de Rome gagnait de proche en proche, et bientôt il n'y aurait plus eu de sécurité ni de repos dans son enceinte. D'ignobles et dégoûtantes tentatives ont été comprimées vigoureusement, et nous voilà, selon toute apparence, pour jamais à l'abri de pareilles scènes. Sans doute il reste beaucoup à faire, et le plus difficile. Mais tout roule sur vous. Tachons de dénouer les difficultés successivement et vite. Nous sommes délivrés du tyran, nous ne le sommes pas de la tyrannie. On l'a tué, mais on maintient les actes de son bon plaisir. Il ya plus : une foule de choses qu'à coup sûr il n'eût jamais faites s'il eût vécu, on lui en prête la pensée, et cela suffit. Impossible de dire où l'on s'arrêtera dans cette voie. On suspend des tables d'airain ; on accorde des immunités; on lève d'énormes impôts; on rappelle des exilés ; on produit de faux décrets, si bien que la haine d'un pervers et la honte de l'esclavage s'effacent, et la république reste comme anéantie dans le bouleversement où César l'avait précipitée. La réparation de tant de maux sera votre ouvrage. Ne vous dites pas à vous-même que vous avez assez fait pour la république. Vous avez fait plus qu'on n'eût jamais osé espérer; mais la patrie n'est point satisfaite, et elle ne mesure qu'à la grandeur de votre courage et de vos bienfaits ce qu'elle attend encore de vous ! Vous avez lavé ses affronts dans un sang impur : rien de plus. A-t-elle retrouvé l'honneur? Le retrouvera-t-elle en obéissant au tyran mort, quand elle n'a pu le supporter virant? Le retrouvera-t-elle en respectant des chiffons de papier, quand il y a des tables d'airain qu'elle devrait mettre au néant? Nous l'avons, il est vrai, ainsi voulu et décrété. Oui, sous l'impérieuse contrainte de cette loi du moment, qui a tant de puissance dans le gouvernement des empires. Hélas! avec quelle impudeur, avec quelle ingratitude n'abuse-t-on pas de notre facilité? Mais nous traiterons bientôt ces questions et d'autres encore. En attendant, vous savez combien j'ai toujours chéri la république et combien je vous aime. Ne doutez pas de ma vive sollicitude pour tout ce qui vous touche. Adieu.

Scr. Romae inter xiii K. Et iii Non. Oct a. 710 (44).

CICERO CASSIO S.

Vehementer laetor tibi probari sententiam et orationem meam. Qua si saepius uti liceret, nihil esset negoti libertatem et rem p. Reciperare ; sed homo amens et perditus multoque nequior quam ille ipse quem tu nequissimum occisum esse dixisti caedis initium quaerit nullamque aliam ob causam me auctorem fuisse Caesaris interficiendi criminatur, nisi ut in me veterani incitentur ; quod ego periculum non extimesco, modo vestri facti gloriam cum mea laude communicet. Ita nec Pisoni qui in eum primus invectus est nullo adsentiente, nec mihi qui idem tricesimo post die feci, nec P. Servilio qui me est consecutus, tuto in senatum venire licet. Caedem enim gladiator quaerit eiusque initium a. D. xiii K. Octobr. A me se facturum putavit ; ad quem paratus venerat, cum in villa Metelli compluris dies commentatus esset. Quae autem in lustris et in vino commentatio potuit esse? Itaque omnibus est visus, ut ad te antea scripsi, vomere suo more, non dicere. . Qua re, quod scribis te confidere auctoritate et eloquentia nostra aliquid profici posse, non nihil ut in tantis malis est profectum. Intellegit enim populus R. Tris esse consularis, qui, quia de re p. Bene senserint, libere locuti sint, tuto in senatum venire non possint. Nec est praeterea quod quicquam exspectes. Tuus enim necessarius adfinitate nova delectatur, itaque iam non est studiosus ludorum infinitoque fratris tui plausu diruiupitur ; alter item adfinis novis commentariis Caesaris delenitus est. Sed haec tolerabilia, . Illud non ferendum, quod est qui vestro anno filium suum consulem futurum putet ob eamque causam se huic latroni deservire prae se ferat. Nam L. Cotta familiaris meus fatali quadam desperatione, ut ait, minus in senatum venit ; L. Caesar, optimus et fortissimus civis, valetudine impeditur ; Ser. Sulpicius et summa auctoritate et optime sentiens non adest ; reliquos exceptis designatis ignosce mihi si non numero consularis. Habes auctores consili publici. Qui numerus etiam bonis rebus exiguus esset, quid censes perditis? Qua re spes est omnis in vobis ; qui si idcirco abestis ut sitis in tuto, ne in vobis quidem ; sin aliquid dignum vestra gloria cogitatis, velim salvis nobis ; sin id minus, res tamen publica per vos brevi tempore ius suum reciperabit. Ego tuis neque desum neque dero. Qui si quae ad me referent, mea tibi benevolentia fidesque praestabitur. Vale.

774. — A CASSIUS. Rome, septembre.

F. XII, 2. Je vois avec la joie la plus vive que ma démarche et mon discours ont votre suffrage. S'il était possible d'éclairer plus souvent ainsi l'opinion, on n'aurait pas de peine a rétablir la liberté et la république. Mais ce furieux, qui n'a plus rien à perdre, cet infâme, pire, mille fois pire que celui dont vous avez dit : « Le pire des hommes est tué, » cherche maintenant à organiser le massacre, lui me signalant comme l'instigateur du meurtre de César, il n'a d'autre but que d'appeler sur moi les vengeances des vétérans. Je ne me préoccupe guère au surplus d'un danger qui établirait une solidarité entre ma gloire et la vôtre. Déjà il n'y a sûreté au sénat, ni pour Pison qui le premier l'a pris à partie, sans que sa voix trouvât un seul écho, ni pour moi qui, trente jours après, ai renouvelé l'attaque, ni pour P. Servilius qui a suivi mon exemple. Le gladiateur veut du sang, et le 13 des kalendes d'octobre, il devait commencer par moi. C'est pour s'y préparer qu'il avait été faire retraite pendant plusieurs jours à la villa Métella. Excellent prélude en effet que la débauche et le vin ! Aussi, comme je vous l'ai mandé, paraissait-il non parler, mais vomir, ainsi que d'habitude. Vous espérez, dites-vous, qu'un peu de bien pourra être produit par l'autorité de ma parole: oui, un peu de bien a été obtenu; mais le mal est si grand ! Ainsi le peuple romain comprend aujourd'hui qu'il y a trois consulaires qui, pour avoir bien pensé et parlé librement sur l'état des affaires , ne peuvent plus, sans péril, venir an sénat. Il le comprend, mais c'est tout. Votre allié (Lépide, qui venait de marier son fils avec une fille d'Antoine.) est dans la joie du lien nouveau qu'il a formé : aussi sa passion pour les jeux est-elle bien affaiblie, (Les Jeux donnés par Brutus, dont Lépide avait épousé: la sœur.) Les applaudissements infinis donnés à votre frère lui font mal au cœur. Quant à votre autre allié, (C. Marcellus?) de nouveaux papiers trouvés chez César l'ont singulièrement adouci. Passe encore pour cela ; mais ce qu'on ne peut tolérer, c'est qu'il y ait quelqu'un qui songe à faire son fils consul dans votre année et qui, pour y réussir, se déclare hautement l'homme de ce bandit. Mon ami intime, L. Cotta, a presque cessé de paraître au sénat; il désespère et cède, dit-il, à la fatalité. L. César, le meilleur et le plus courageux des citoyens, est retenu chez lui par sa santé. Ser. Sulpicius qui a tant d'influence et dont les sentiments sont si admirables, n'est pas ici. Comptez encore les deux consuls désignés (Hirtius et Pansa) et permettez-moi de ne point citer le reste des consulaires. Voilà tous les chefs des délibérations publiques, nombre bien faible même en des temps heureux; qu'en dire pour la crise où nous sommes? Il n'y a plus d'espoir qu'en vous : encore, si pour votre propre sûreté, vous croyez devoir rester au loin, cet espoir même s'évanouit. Méditez-vous au contraire quelque dessein digne de votre gloire? Puissé-je y trouver la vie sauve ! Mais qu'à cela ne tienne! pourvu que bientôt la république vole par vous ses droits rétablis. Je ne manque ni ne manquerai jamais a ceux qui vous appartiennent, qu'ils viennent ou ne viennent pas à moi. Vous pouvez compter sur mes sentiments et ma fidélité.

Scr. Romae inter vi et prid. Non. Oct. A. 710 (44).

CICERO CASSIO S.

Auget tuus amicus furorem in dies. Primum in statua quam posuit in rostris inscripsit 'PARENTI OPTIME MERITO,' ut non modo sicarii sed iam etiam parricidae iudicemini, quid dico 'iudicemini'? Iudicemur potius ; vestri enim pulcherrimi facti ille furiosus me principem dicit fuisse. Utinam quidem fuissem! molestus nobis non esset. Sed hoc vestrum est ; quod quoniam praeteriit, utinam haberem quid vobis darem consili! sed ne mihi quidem ipsi reperio quid faciendum sit. Quid enim est quod contra vim sine vi fieri possit? Consilium omne autem hoc est illorum, ut mortem Caesaris persequantur. Itaque ante diem vi Non. Oct. Productus in contionem a Cannutio turpissime ille quidem discessit, sed tamen ea dixit de conservatoribus patriae quae dici deberent de proditoribus ; de me quidem non dubitanter quin omnia de meo consilio et vos fecissetis et Cannutius faceret. Cetera cuius modi sint ex hoc iudica quod legato tuo viaticum eripuerunt. Quid eos interpretari putas, cum hoc faciunt? Ad hostem scilicet portari. O rem miseram! dominum ferre non potuimus, conservo servimus. Et tamen me quidem favente magis quam sperante etiam nunc residet spes in virtute tua. Sed ubi sunt copiae? De reliquo malo te ipsum tecum loqui quam nostra dicta cognoscere. Vale.

775. — A CASSIUS. Rome, octobre.

F. XII, 3. Le délire de votre ami (Antoine) va s'augmentant de jour en jour. Il vient de placer au bas de la statue qu'il a fait élever aux rostres cette inscription : Au meilleur des pères. C'est vous signaler non-seulement comme meurtriers, mais encore comme parricides : que dis-je, vous? c'est nous que je devrais dire. A entendre ce furieux, votre glorieuse entreprise n'a eu que moi pour chef. Plût au ciel ! Nous ne l'aurions pas aujourd'hui sur les bras. A vous la faute. Elle est sans retour; mais que ne puis-je du moins vous donner un bon conseil! Hélas! je ne sais me conseiller moi-même. Que faire sans force contre la force? Ils n'ont qu'une pensée : venger César. Le 6 des nones d'octobre, il s'est fait présenter à la tribune par Canutius; il s'y est plus que jamais sali. Mais il n'en a pas moins parlé des sauveurs de la patrie comme on parlerait de traîtres à la patrie. Quant à moi, c'est incontestablement mon conseil qui vous a fait agir et ferait agir Canutius. Voulez-vous savoir d'ailleurs ce dont ils sont capables? un trait suffira. Ils ont dépouillé votre lieutenant de l'argent qu'il venait de recevoir du trésor, et sous quel prétexte, croyez-vous? Cet argent allait à l'ennemi. Ô opprobre! nous n'avons pu souffrir un maître, et nous sommes esclaves de qui fut esclave comme nous ! Tout mon espoir, et je désire plus que je n'espère, réside dans votre courage; mais vos troupes, où sont-elles? Je n'ajoute pas de réflexions. Je ne pourrais vous dire que ce que vous vous dites à vous-même.

Scr. Romae circ. K. Febr. A. 711 (43).

CICERO CASSIO S.

Vellem Idibus Martiis me ad cenam invitasses ; reliquiarum nihil fuisset. Nunc me reliquiae vestrae exercent et quidem praeter ceteros me hercule. Quamquam egregios consules habemus sed turpissimos consularis, senatum fortem sed infimo quemque honore fortissimum ; populo vero nihil fortius, nihil melius Italiaque universa : nihil autem foedius Philippo et Pisone legatis, nihil flagitiosius. Qui cum essent missi ut Antonio ex senatus sententia certas res nuntiarent, cum ille earum rerum nulli paruisset, ultro ab illo ad nos intolerabilia postulata rettulerunt. Itaque ad nos concurritur factique iam in re salutari populares sumus. Sed tu quid ageres, quid acturus, ubi denique esses, nesciebam ; fama nuntiabat te esse in Syria, auctor erat nemo. De Bruto, quo propius est, eo firmiora videntur esse quae nuntiantur. Dolabella valde vituperabatur ab hominibus non insulsis, quod tibi tam cito succederet, cum tu vixdum xxx dies in Syria fuisses. Itaque constabat eum recipi in Syriam non oportere. Summa laus et tua et Bruti est, quod exercitum praeter spem existimamini comparasse. Scriberem plura, si rem causamque nossem ; nunc quae scribo scribo ex opinione hominum atque fama. Tuas litteras avide exspecto. Vale.

806. — A CASSIUS. Rome, janvier.

F. XII, 4. Que ne m'invitiez-vous au festin des ides de mars ! il n'y aurait pas eu de restes, je vous jure. Ce sont ces restes aujourd'hui qui me donnent tant de tablature, à moi plus qu'à tout autre. Nous avons d'admirables consuls; mais les consulaires, quels misérables ! On trouve du courage dans le sénat, mais en raison inverse du rang que chacun y occupe. On n'est pas plus ferme, on n'est pas meilleur que le peuple par toute l'Italie; mais les deux députés Philippe et Pison sont ce qu'il y a de plus vil et de plus criminel. On les charge d'ordres précis du sénat pour Antoine, et, sur son refus d'y obéir, ils ne font aucune difficulté de nous rapporter de sa part les propositions les plus intolérables. Aussi revient-on à moi de tous côtés, et me voilà devenu populaire pour une bonne cause; mais j'ignore ce que vous faites, ce que vous avez en vue, et jusqu'aux lieux où vous êtes. On vous dit en Syrie ; sur quel fondement? on ne sait. Brutus n'est pas si loin. Cela fait qu'on accorde plus de confiance à ce qui nous revient sur son compte. Des plaisants d'assez bon goût gourmandent fort Dolabella de son impatience à vous succéder en Syrie, quand vous avez à peine trente jours d'exercice. Ils sont d'avis qu'il ne faut pas l'y recevoir. Vous et Hrusus êtes portés aux nues pour avoir, dit-on, trouvé le moyen de former nue armée contre toute espérance. Je vous en dirais davantage, si je savais à quoi m'en tenir sur le fait et les circonstances. Je ne parle que sur des présomptions et des ouï-dire. J'attends de vos nouvelles avec impatience.

Scr. Romae circ. Non. Febr. A. 711 (43).

CICERO CASSIO S.

Hiemem credo adhuc prohibuisse quo minus de te certum haberemus quid ageres maximeque ubi esses ; loquebantur omnes tamen (credo, quod volebant) in Syria te esse, habere copias. Id autem eo facilius credebatur, quia simile veri videbatur. Brutus quidem noster egregiam laudem est consecutus ; res enim tantas gessit tamque inopinatas ut eae cum per se gratae essent tum ornatiores propter celeritatem. Quod si tu ea tenes quae putamus, magnis subsidiis fulta res p. Est ; a prima enim ora Graeciae usque ad Aegyptum optimorum civium imperiis muniti erimus et copiis. Quamquam, nisi me fallebat, res se sic habebat ut totius belli omne discrimen in D. Bruto positum videretur qui si, ut sperabamus, erupisset Mutina, nihil belli reliqui fore videbatur. Parvis omnino iam copiis obsidebatur, quod magno praesidio Bononiam tenebat Antonius. Erat autem Claternae noster Hirtius, ad forum Corneli Caesar, uterque cum firmo exercitu, magnasque Romae Pansa copias ex dilectu Italiae compararat. Hiems adhuc rem geri prohibuerat. Hirtius nihil nisi considerate, ut mihi crebris litteris significat, acturus videbatur. Praeter Bononiam, Regium Lepidi, Parmam totam Galliam tenebamus studiosissimam rei publicae ; tuos etiam clientis Transpadanos mirifice coniunctos cum causa habebamus. Erat firmissimus senatus exceptis consularibus, ex quibus unus L. Caesar a firmus est et rectus. Ser. Sulpici morte magnum praesidium amisimus ; reliqui partim inertes, partim improbi ; non nulli invident eorum laudi quos in re p. Probari vident ; populi vero Romani totiusque Italiae mira consensio est. Haec erant fere quae tibi nota esse vellem ; nunc autem opto ut ab istis Orientis partibus virtutis tuae lumen eluceat. Vale.

808 - A CASSIUS. Rome, février.

F. XII, 5. C'est l'hiver, je le suppose, qui nous prive de vos nouvelles, et nous laisse dans l'ignorance non-seulement de ce que vous faites, mais même des lieux où vous vous trouvez. On dit partout cependant, sans doute parce qu'on le désire, que vous êtes en Syrie et que vous y avez des troupes; et on le croit, parce qu'en effet la chose est vraisemblable. Notre cher Brutus s'est acquis une merveilleuse gloire; il a fait de grandes choses, et d'une manière si inopinée, que la satisfaction qu'elles inspirent s'accroit de tout ce qu'il y a de mérite et de prix dans la promptitude de l'exécution. Si, de votre côté, vous possédez les ressources qu'on vous suppose, la république se trouve en fonds pour se défendre. Des extrêmes rivages de la Grèce aux confins de l'Egypte, nous avons pour appui deux gouverneurs, excellents citoyens, et toutes les troupes du pays. Cependant, ou je me trompe grandement sur l'ensemble de la situation, ou ce sera D. Brutus qui décidera tout. S'il réussit, comme nous l'espérons, à faire une sortie de Modène, la guerre est terminée. Les forces qui l'assiègent sont peu nombreuses, parce qu'Antoine en a renfermé de considérables dans Bologne. Notre Hirtius est à Claterne, et César à Forum-Cornelii, chacun avec une bonne armée; et Pansa recrute de grandes forces parmi les levées d'Italie. L'hiver a empêché jusqu'ici les opérations. Hirtius me mande qu'il n'entreprendra rien qu'à bon escient. Outre Bologne, le Rhégium de Lépide, Parme, toute la Gaule tient en notre faveur. Vos clients d'au-delà du Pô font cause commune avec nous. Le sénat est très ferme, aux consulaires près. Parmi eux il n'y a que L. César qui marche droit. La mort nous a fait perdre un bien bon appui en Ser. Sulpicius. Le reste se compose d'imbéciles et de pervers. Quelques-uns voient avec envie la gloire et la faveur publique qui s'attachent à certains noms. D'ailleurs il y a une admirable unanimité parmi le peuple et dans toute l'Italie. Voilà à peu près ce que j'avais à vous dire. Je n'ai maintenant à vous exprimer qu'un vœu, c'est de voir votre gloire faire à son tour resplendir l'Orient d'un nouvel éclat.

Scr. Romae inter ex. M. Mart. Et vii Id. Apr. A. 711 (43).

CICERO CASSIO S.

Qui status rerum fuerit tum cum has litteras dedi scire poteris ex C. Titio Strabone, viro bono et optime de re p. Sentiente ; nam quid dicam 'cupidissimo tui, qui domo et fortunis relictis ad te potissimum profectus sit? Itaque eum tibi ne commendo quidem ; adventus ipsius ad te satis eum commendabit. Tu velim sic existimes tibique persuadeas, omne perfugium bonorum in te et Bruto esse positum, si, quod nolim, adversi quid evenerit. Res, cum haec scribebam, erat in extremum adducta discrimen ; Brutus enim Mutinae vix iam sustinebat. Qui si conservatus erit, vicimus ; sin, quod di omen avertant! omnis omnium cursus est ad vos. Proinde fac animum tantum habeas tantumque apparatum quanto opus est ad universam rem p reciperandam. Vale.

822. — A CASSIUS. Rome, avril.

F. XII, 6. C. Tidius Strabon vous dira quelle est notre situation au moment où je vous écris. C'est un homme de bien. Ses sentiments pour la république sont admirables. Comment parler autrement d'un homme qui, dans l'impatience de son dévouement à votre personne, abandonne sa fortune et sa maison uniquement pour vous rejoindre? Je ne vous le recommande point, sa présence le recommande suffisamment. Croyez et persuadez-vous bien, mon cher Cassius, qu'en cas de revers (ce que je me plais à croire impossible) il n'y a pour les gens de bien de ressource qu'en vous et Brutus. Au moment où je vous écris, une catastrophe est imminente. Brutus est serré de près dans Modène. S'il se maintient, la victoire est à nous; sinon.... (ah ! que les Dieux nous préservent d'un tel malheur!) l'émigration sera générale auprès de vous. Élevez votre courage et vos forces au niveau des besoins de la république; elle ne peut être sauvée qu'à ce prix. Adieu.

Scr. Romae circ. Non, Mart. A. 711 (43).

CICERO CASSIO S.

Quanto studio dignitatem tuam et in senatu et ad populum defenderim ex tuis te malo quam ex me cognoscere ; quae mea sententia in senatu facile valuisset, nisi Pansa vehementer obstitisset. Ea sententia dicta productus sum in contionem a tr. Pl. M. Servilio. Dixi de te quae potui tanta contentione quantum forum est, tanto clamore consensuque populi ut nihil umquam simile viderim. Id velim mihi ignoscas quod invita socru tua fecerim. Mulier timida verebatur ne Pansae animus offenderetur. In contione quidem Pansa dixit matrem quoque tuam et fratrem illam a me sententiam noluisse dici. Sed me haec non movebant, alia valebant ; favebam et rei p., cui semper favi, et dignitati ac gloriae tuae. Quod autem et in senatu pluribus verbis disserui et dixi in contione, in eo velim fidem meam liberes. Promisi enim et prope confirmavi te non exspectasse nec exspectaturum decreta nostra sed te ipsum tuo more rem p. Defensurum. Et quamquam nihildum audieramus nec ubi esses nec quas copias haberes, tamen sic statuebam, omnis quae in istis partibus essent opes copiaeque tuas esse, per teque Asiam provinciam confidebam iam rei p. Reciperatam. Tu fac in augenda gloria te ipsum vincas. Vale.

 

817. — A CASSIUS. Rome, mars.

F. XII, 7. Votre correspondance, vous dira avec quelle chaleur mon amitié vous a servi au sénat et devant le peuple, et j'aime mieux que vous le sachiez par d'autres que par moi. Au sénat, j'aurais d'emblée emporté les suffrages, sans l'opposition obstinée de Pansa. Après y avoir aussi soutenu mes propositions, je fus présenté à la tribune aux harangues par Servilius; j'y parlai avec toute la force dont je suis capable. Ma voix remplissait l'étendue du forum. Jamais je ne vis de semblables applaudissements et de plus unanimes transports. Vous me pardonnerez de n'avoir pas écouté les scrupules de votre belle-mère. Celte femme craintive redoutait par-dessus tout d'irriter Pansa. Or, il avait avancé à la tribune que votre mère elle-même et votre frère n'étaient pas d'avis de mes propositions. Que m'importait? ce n'est pas là ce qui me préoccupait, c'est la république que je vois partout, c'est votre honneur et votre gloire. Je me suis avancé au sénat et près du peuple sur un point pour lequel j'ai besoin que vous dégagiez ma parole. J'ai dit, j'ai solennellement déclaré que vous n'aviez pas attendu, que vous n'attendriez point les décrets du sénat pour agir, et que vous prendriez sur vous de faire tout ce que vous croiriez utile à la défense de la république. J'étais pourtant sans nouvelles, je ne savais pas même où vous étiez, ni quelle était la force de vos troupes. Je n'en ai pas moins posé en fait que vous étiez maître de toutes les ressources, de toutes les troupes de la contrée, et que je ne doutais pas qu'au moment où je parlais, l'Asie ne fût rentrée sous notre domination. Vous le voyez, une nouvelle moisson de lauriers vous attend. C'est à vous à vous surpasser. Adieu.

Scr. Romae v Id. Iii;;. Ant paulo post a. 711 (43).

CICERO CASSIO S.

Scelus adfinis tui Lepidi summamque levitatem et inconstantiam ex actis, quae ad te mitti certo scio, cognosse te arbitror. Itaque nos confecto bello, ut arbitrabamur, renovatum bellum gerimus spemque omnem in D. Bruto et Planco habemus, si verum quaeris, in te et in M. Bruto non solum ad praesens perfugium, si, quod nolim, adversi quid acciderit, sed etiam ad confirmationem perpetuae libertatis. Nos hic de Dolabella audiebamus quae vellemus, sed certos auctores non habebamus. Te quidem magnum hominem et praesenti iudicio et reliqui temporis exspectatione scito esse. Hoc tibi proposito fac ut ad summa contendas. Nihil est tantum quod non p. R. A te perfici atque obtineri posse iudicet. Vale.

878. — A CASSIUS. Rome, juin.

F. XII, 8. Je sais positivement qu'on vous envoie les actes officiels, et vous connaissez par conséquent le crime de votre parent Lépide, suite de l'inconstance sans égale et de la légèreté de son caractère. Ainsi, nous regardions la guerre comme terminée, et voici que nous recommençons une guerre nouvelle. Nous mettons aujourd'hui tout notre espoir en D. Brutus et en Plancus. Mais, à vrai dire, c'est sur vous et sur mon cher Brutus queje compte réellement comme notre refuge en cas de malheur, ce qu'à Dieu ne plaise, et comme les seuls hommes d'ailleurs capables de reconstituer la liberté d'une manière durable. On dit que vous en avez fini avec Dolabella : malheureusement ce ne sont que des on dit, et l'on ne peut remonter à la source. Ce qu'il y a de certain, mon cher Cassius, c'est qu'on vous tient pour un homme de premier ordre, et pour ce que vous avez déjà fait, et pour ce que vous pouvez faire encore. Que cette pensée vous soit toujours présente, et vous irez loin. Il n'y a rien dont le peuple romain ne vous croie capable et qu'il n'attende de vos généreux efforts. Adieu.

Scr. Romae inter xvi et iii K. Quint. A. 711 (43).

CICERO CASSIO S.

Brevitas tuarum litterarum me quoque breviorem in scribendo facit et, vere ut dicam, non satis occurrit quid scribam nostras enim res in actis perferri ad te certo scio, tuas autem ignoramus. ' tamquam enim clausa sit Asia, sic nihil perfertur ad nos praeter rumores de oppresso Dolabella satis illos quidem constantis, sed adhuc sine auctore. Nos confectum bellum quom putaremus, repente a Lepido tuo in summam sollicitudinem sumus adducti. Itaque tibi persuade maximam rei p. Spem in te et in tuis copiis esse. Firmos omnino exercitus habemus, sed tamen ut omnia, ut spero, prospere procedant multum interest te venire. Exigua enim spes est rei p. (nam nullam non libet dicere), sed, quaecumque est, ea despondetur anno consulatus tui. Vale.

879. — A CASSIUS. Rome, Juin.

F. XII, 9. Vous êtes si bref dans vos lettres, que je ne puis être long dans mes réponses. Et franchement il ne me vient guère à vous dire. Tous nos actes passent sous vos yeux, et nous sommes ici dans une complète ignorance des vôtres. L'Asie nous semble fermée, il ne nous en vient aucune nouvelle; il a couru pourtant un bruit de la défaite de Dolabella, et ce bruit a pris quelque consistance; mais on n'a pu jusqu'ici remonter à sa source. Quant à nous, nous avions cru la guerre terminée, et voilà, grâce à votre parent Lépide, toutes nos alarmes qui recommencent. N'oubliez donc pas que vous êtes, vous et vos troupes, la principale ressource de la république. Nous avons des armées excellentes. Cependant nous avons besoin de vous pour que tout aille" bien, car la république est bien malade. Ce serait trop de dire qu'elle est désespérée, mais il est certain que ses destinées dépendent de votre consulat. Adieu.

Scr. Romae circ. K. Quint a. 711 (43).

CICERO CASSIO S.

Lepidus, tuus adfinis, meus familiaris, pr. K. Quintilis sententiis omnibus hostis a senatu iudicatus est ceterique qui una cum illo a re p. Defecerunt; quibus tamen ad sanitatem redeundi ante K. Sept. Potestas facta est. Fortis sane senatus, sed maxime spe subsidi tui. Bellum quidem, cum haec scribebam, sane magnum erat scelere et levitate Lepidi. Nos de Dolabella cotidie quae volumus audimus, sed adhuc sine capite, sine auctore, rumore nuntio. Quod cum ita esset, tamen litteris tuis, quas Nonis Maiis ex castris datas acceperamus, ita persuasum erat civitati ut illum iam oppressum omnes arbitrarentur, te autem in Italiam venire cum exercitu ut, si haec ex sententia confecta essent, consilio atque auctoritate tua, sin quid forte titubatum, ut fit in bello, exercitu tuo niteremur. Quem quidem ego exercitum quibuscumque potuero rebus ornabo ; cuius rei tum tempus erit cum quid opis rei p. Laturus is exercitus sit aut quid iam tulerit notum esse coepe4t nam adhuc tantum conatus audiuntur optimi illi quidem et praeclarissimi, sed gesta res exspectatur, quam quidem aut iam esse aliquam aut appropinquare confido. Tua virtute, magnitudine animi nihil est nobilius. Itaque optamus ut quam primum te in Italia videamus. Rem p. Nos habere arbitrabimur, si vos habebimus. Praeclare viceramus, nisi spoliatum, inermem, fugientem Lepidus recepisset Antonium. Itaque numquam tanto odio civitati Antonius fuit quanto est Lepidus ; ille enim ex turbulenta re p., hic ex pace et victoria bellum excitavit. Huic oppositos consules designatos habemus, in quibus est magna illa quidem spes sed anceps cura propter incertos exitus proeliorum. Persuade tibi igitur in te et in Bruto tuo esse omnia, vos exspectari, Brutum quidem iam iamque. Quod si, ut spero, victis hostibus nostris veneritis, tamen auctoritate vestra res p. Exsurget et in aliquo statu tolerabili consistet; sunt enim permulta quibus erit medendum, etiam si res p. Satis esse videbitur sceleribus hostium liberata. Vale.

 

883. — A CASSIUS. Rome, Juillet.

F. XII, 10. Suivant un sénatus-consulte rendu à l'unanimité le 30 des ides de juin, Lépide, votre parent et mon ami, vient d'être déclaré ennemi public, ainsi que tous ceux qui se sont associés à sa défection. On leur donne jusqu'aux kalendes de septembre pour venir à résipiscence : le sénat ne manque pas de vigueur, vous le voyez; mais il en a parce qu'il voit en vous un appui. Au moment où je vous écris, le cercle de la guerre s'est bien agrandi par la trahison et la légèreté de Lépide. On répand chaque jour d'excellentes nouvelles au sujet de Dolabella; mais ce ne sont que des bruits, et on ne peut remonter à la source. Au milieu de ces rumeurs, votre lettre, datée de votre camp le jour des nones de mai, a persuadé à tout le monde que vous en aviez fini avec Dolabella, et que vous étiez en marche vers l'Italie, vous et votre armée, pour nous aider soit de vos conseils et de votre influence, si la guerre est finie; soit de vos troupes, s'il reste, encore quelque chose à faire sur les champs de bataille. Vous pouvez compter sur moi pour vos soldats; mais il sera temps de s'occuper d'eux lorsqu'on saura ce qu'ils peuvent pour la république, ou quels services ils ont rendus. On parle beaucoup de leurs bonnes et brillantes dispositions , mais aucun résultat encore. Je me persuade toutefois qu'à l'heure qu'il est tout est décidé, ou que le moment approche. Il n'y a rien au-dessus de votre courage et de votre grande âme. Aussi n'aspirons-nous qu'à vous posséder en Italie. Pour nous vous êtes la république personnifiée. Hélas ! quel triomphe était le nôtre, sans l'asile qu'Antoine vaincu, désarmé, fugitif, a trouvé, près de Lépide? Aussi y a-t-il à Rome plus d'acharnement contre Lépide que contre Antoine lui-même. C'est au milieu des agitations les plus violentes que l'un a fait la guerre ; c'est du sein de la victoire et de la paix que l'autre vient d'en ranimer les brandons. Nous lui opposerons les consuls désignés; mais, quelque confiance qu'ils nous inspirent, nous n'en sommes pas moins dans l'incertitude. Les armes sont si journalières ! C'est par vous et par Brutus, par vous seuls, croyez-le bien, que la question sera décidée. On vous attend l'un et l'autre, Brutus plus impatiemment encore. Si, comme je l'espère, nos ennemis sont vaincus avant votre arrivée, votre présence nous sera bien nécessaire pour redonner de la vie à la république et lui rendre un peu d'assiette; car même après avoir mis un terme aux attentats de ses ennemis, il y aura bien des plaies à guérir. Adieu.

Scr. In castris Tadolicis Non. Mart. A. 711 (43).

C. CASSIVS PROCOS. S. D. M. CICERONI S. V. B. E. E. Q. V.

 In Syriam me profectum esse scito ad L. Murcum et Q. Crispum imp. Viri fortes optimique cives, postea quam audierunt quae Romae gererentur, exercitus mihi tradiderunt ipsique mecum una fortissimo animo rem p. Administrant. Item legionem quam Q. Caecilius Bassus habuit ad me venisse scito, quattuorque legiones quas A. Allienus ex Aegypto eduxit traditas ab eo mihi esse scito. Nunc te cohortatione non puto indigere ut nos absentis remque p., quantum est in te, defendas. Scire te volo firma praesidia vobis senatuique non deesse, ut optima spe et maximo animo rem p. Defendas. Reliqua tecum aget L. Carteius, familiaris meus. Vale. D. Nonis Martiis ex castris taricheis.

811. — C. CASSIUS, PROCONSUL, A CICÉRON. Du camp de Tarichée (Ville très-forte, dont parle Josèpbe, liv. xi, 23 et suiv.en Judée) 7 mars.

F. XII, 11. Apprenez que je viens de rejoindre en Syrie les généraux L. Murcus et Q. Crispus. Hommes de cœur autant que bons citoyens, ils m'ont remis leurs armées, à la première nouvelle des événements de Rome. De leurs personnes, ils s'associent avec ardeur à mes efforts pour la direction des affaires. Apprenez de plus que la légion dont Cécilius Bassus avait le commandement s'est réunie à moi. Apprenez enfin que A. Alliénus m'a livré les quatre légions qu'il avait ramenées d'Egypte. Inutile, je pense, après cela, d'ajouter un seul mot pour vous engager à défendre de toutes vos forces la république en notre absence. Je veux seulement que vous sachiez que le sénat et vous , vous avez de vigoureux soutiens, et que vous pouvez maintenant en toute confiance prendre cœur à la défense de la république. L. Cartéius, mon ami, vous dira le reste. Adieu. Le jour des nones de mars.

Scr. In castris in Syria Non. Mai. A. 711 (43).

CASSIVS PROCOS. S. D. M. CICERONI SV0. S. V. H. E. E. Q. V.

Legi tuas litteras, in quibus mirificum tuum erga me amorem recognovi ; videbaris enim non solum favere nobis, id quod et nostra et rei p. Causa semper fecisti, sed etiam gravem curam suscepisse vehementerque esse de nobis sollicitus. Itaque quod te primum existimare putabam nos oppressa re p. Quiescere non posse, deinde, .cum suspicarere nos moliri, quod te sollicitum esse et de salute nostra et de rerum eventu putabam, simul ac legiones accepi quas A. Allienus eduxerat ex Aegypto, scripsi ad te tabellariosque compluris Romam misi ; scripsi etiam ad senatum litteras, quas reddi vetui prius quam tibi recitatae essent, si forte mei obtemperare mihi voluerint. Quod si litterae perlatae non sunt, non dubito quin Dolabella, qui nefarie Trebonio occiso Asiam occupavit, tabellarios meos deprenderit litterasque interceperit. Exercitus omnis qui in Syria fuerunt teneo. Habui pollulum morae, dum proluissa militibus persolvo ; nunc iam sum expeditus. A te peto ut dignitatem meam commendatam tibi habeas, si me intellegis nullum neque periculum neque laborem patriae denegasse, si contra importunissimos latrones arma cepi te hortante et auctore, si non solum exercitus ad rem p. Libertatemque defendendam comparavi sed etiam crudelissimis tyrannis eripui ; quos si occupasset Dolabella, non solum adventu sed etiam opinione et exspectatione exercitus sui Antonium confirmasset. Quas ob res milites tuere, si eos mirifice de re p. Meritos esse animadvertis, et effice ne quem paeniteat rem p. Quam spem praedae et rapinarum sequi maluisse. Item Murci et Crispi imperatorum dignitatem, quantum est in te, tuere. Nam Bassus misere noluit mihi legionem tradere. Quod nisi milites invito eo legatos ad me misissent, clausam Apameam tenuisset, quoad vi esset expugnata. Haec a te peto non solum rei p. Quae tibi semper fuit carissima, sed etiam amicitiae nostrae nomine, quam confido apud te plurimum posse. Crede mihi hunc exercitum quem habeo senatus atque optimi cuiusque esse maximeque tuum, de cuius voluntate adsidue audiendo mirifice te diligit carumque habet. Qui si intellexerit commoda sua curae tibi esse, debere etiam se tibi omnia putabit. Litteris scriptis audii Dolabellam in Ciliciam venisse cum suis copiis. Proficiscar in Ciliciam. Quid egerim celeriter ut scias dabo operam ; ac velim, ut meremur de re p., sic felices simus. Fac valeas meque ames. Nonis Maiis ex castris.

842. — CASSIUS A SON CHER CICÉliON. De l'Asie, 7 mai.

F. XII, 12. J'ai lu votre lettre, et je vois combien vous m'aimez : ce ne sont plus les simples mouvements de cet intérêt qui ne m'a jamais manqué non plus qu'à la république, c'est une préoccupation énergique et active sur tout ce qui se passe de ce côté, c'est une vive inquiétude sur moi personnellement. Je savais bien d'avance que vous ne me croiriez pas capable d'assister, les bras croisés, à la ruine de la république, et que vous ne pourriez me supposer engagé dans des entreprises, sans éprouver des alarmes pour ma sûreté, et pour le succès de mes desseins. A peine eus-je reçu les légions que A. Alliénus a ramenées d'Egypte, que je vous ai écrit et que j'ai expédié des courriers à Rome. J'ai écrit aussi au sénat, avec ordre de vous communiquer mes dépêches avant de me les remettre. J'espère qu'on n'y aura pas manqué. Si elles ne vous sont point parvenues, ce ne peut être que du fait de Dolabella, qui, étant maître de l'Asie depuis l'abominable assassinat de Trébonius, peut arrêter les courriers et intercepter les lettres. J'ai réuni sous mes ordres toutes les troupes de Syrie. S'il y a eu un peu de retard dans mes opérations, c'est que j'avais des engagements avec les soldats et qu'il fallait y pourvoir. Mais je suis maintenant en mesure. J'ai la confiance que vous voudrez être mon patron à Rome; vous êtes témoin que mon patriotisme n'a reculé devant aucun effort, devant aucun péril, pour le salut de la république ; que c'est sur vos conseils et à votre instigation que j'ai pris les armes contre ces infâmes brigands; que j'ai formé une armée pour défendre la république et la liberté, et que cette armée je l'ai enlevée à d'abominables oppresseurs. Si je m'étais laissé prévenir par Dolabella, le bruit de son arrivée, l'idée et l'espérance d'un renfort, auraient suffi pour redonner de la vie à Antoine. — Devenez donc, je vous en conjure, par tous ces motifs, devenez le protecteur de mes soldats. Vous comprenez ce que leur dévouement à la patrie a d'admirable. Faites qu'ils ne se repentent pas d'avoir préféré la république à l'appât du vol et du pillage. Ne manquez pas surtout de faire valoir la belle conduite de Murcus et de Crispus, imperators. Ce misérable Bassus refusait de me livrer sa légion ; et si ses soldats ne m'eussent envoyé une députation malgré lui, il m'aurait fallu emporter de vive force Apamée, dont il avait fermé les portes. C'est au nom de la république que je vous parle, mon cher Cicéron; de la république que vous avez toujours tant aimée. Je vous parle aussi au nom de l'amitié, qui a, je ne l'ignore pas, tant de pouvoir sur votre âme. Mon armée est l'armée du sénat, l'armée des gens de bien, la vôtre surtout. Elle entend parler sans cesse de vos bons sentiments pour elle, et elle apprend ainsi à s'attacher à votre nom, à le chérir. Pour elle, c'est déjà tout que de vous avoir pour défenseur et pour ami. — Ma lettre écrite, j'apprends l'arrivée de Dolabella en Cilicie avec ses troupes. Je pars pour l'y rejoindre. J'aurai soin de vous informer aussi vite que possible de mes opérations. Puissé-je être assez heureux pour bien mériter de la république! Portez-vous bien et aimez-moi toujours.

Scr. In Cypro Crommyuacride Id. Iun. A. 711 (43).

C. CASSIVS Q. S. D. M. CICERONI S. V. B. E. V.

Cum rei p. Vel salute vel victoria gaudemus tum instauratione tuarum laudum, quod maximus consularis maximum consulem te ipse vicisti, et laetamur et mirari satis non possumus. Fatale nescio quid tuae virtuti datum, id quod saepe iam experti sumus. Est enim tua toga omnium armis felicior ; quae nunc quoque nobis paene victam rem p. Ex manibus hostium eripuit ac reddidit. Nunc ergo vivemus liberi, nunc te, omnium maxime civis et mihi carissime, id quod maximis rei p. Tenebris comperisti, nunc te habebimus testem nostri et in te et in coniunctissimam tibi rem p. Amoris et, quae saepe pollicitus es te et taciturum dum serviremus, et dicturum de me tum cum mihi profutura essent, nunc illa non ego quidem dici tanto opere desiderabo quam sentiri a te ipso. Neque enim omnium iudicio malim me a te commendari quam ipse tuo iudicio digne ac mereor commendatus esse, ut haec novissima nostra facta non subita nec convenientia sed similia illis cogitationibus quarum tu testis es fuisse iudices meque ad optimam spem patriae non minimum tibi ipsi producendum putes. Sunt tibi, M. Tulli, liberi propinquique digni quidem te et merito tibi carissimi ; esse etiam debent in re p. Proxime hos can, qui studiorum tuorum sunt aemuli, quorum esse cupio tibi copiam ; sed tamen non maxima me turba puto excludi, quo minus tibi vacet me excipere et ad omnia quae velis et probes producere. Animum tibi nostrum fortasse probavimus, ingenium diutina servitus certe, qualecumque est, minus tamen quam erat passa est videri. Nos ex ora maritima Asiae provinciae et ex insulis quas potuimus navis deduximus, dilectum remigum magna contumacia civitatium tamen satis celeriter habuimus, secuti sumus classem Dolabellae cui L. Figulus praeerat ; qui spem saepe transitionis praebendo neque umquam non decedendo novissime Corycum se contulit et clauso portu se tenere coepit. Nos illa relicta, quod et in castra pervenire satius esse putabamus et sequebatur classis altera, quam anno priore in Bithynia Tillius Cimber compararat, Turullius quaestor praeerat, Cyprum petivimus. Ibi quae cognovimus scribere ad vos quam celerrime voluiiuus. Dolabellam ut Tarsenses, pessimi socii, ita Laudiceni multo amentiores ultro arcessierunt; ex quibus utrisque civitatibus Graecorum militum numero speciem exercitus effecit. Castra habet ante oppidum Laudiceam posita et partem muri demolitus est et castra oppido coniunxit. Cassius noster cum decem legionibus et cohortibus xx auxiliariis et quattuor milium equitatu a milibus passuum xx castra habet posita Πάλτῳ et existimat se sine proelio posse vincere ; nam iam ternis tetrachmis triticum apud Dolabellam est. Nisi quid navibus Laudicenorum supportarit, cito fame pereat necesse est ; ne supportare possit et Cassi classis bene magna cui praeest Sextilius Rufus et tres quas nos adduximus, ego, Turullius, Patiscus, facile praestabunt. Te volo bene sperare et rem p., ut vos istic expedistis, ita pro nostra parte celeriter nobis expediri posse confidere. Vale. D. Idib. Iun. Cypro a Crommyuacride.

880. —CASSIUS, QUESTEUR, A CICÉRON. Crommyu-acris, île de Chypre, 13 juin.

F. XII, 13. Ma joie est au comble; voilà la république sauvée et votre gloire qui renaît plus belle. Ce qui me charme et me surprend tout ensemble, c'est que vous ayez pu vous surpasser, et que le consulaire soit plus grand que le consul. II y a je ne sais quelle fatalité attachée à votre vertu : ce n'est pas d'aujourd'hui que nous l'éprouvons. Votre toge a fait ce que n'ont pu nos armes; c'est elle qui vient d'arracher des mains de l'ennemi la république à moitié vaincue, et de la rendre à nos vœux. Enfin nous serons libres. Le plus grand des citoyens, celui que je chéris tant, a pu me juger durant les jours d'épreuve. Il a été témoin de mon dévouement pour lui et pour la république , dont il est désormais inséparable. Il m'a souvent dit qu'il serait muet tant que durerait la servitude, mais qu'il saurait me rendre justice en temps et lieu. Je ne vous demande pas de me 673 tenir parole, mon cher Cicéron; je vous demande de me conserver vos bontés. Il m'importe moins d'être signalé par vous à l'estime publique que d'avoir et de mériter votre propre estime, afin que vous n'imputiez pas ma conduite à quelques mouvements passagers de jeunesse et d'exaltation, mais aux principes que vous m'avez toujours connus, et afin que vous me classiez parmi les hommes de quelque valeur sur qui la patrie peut compter. Mon cher Tullius, vous avez des enfants et des proches qui sont dignes de vous, et vous avez raison de les aimer. Après eux, vous devez chérir encore vos émules de dévouement à la république, et puisse le nombre en être aussi grand que je le souhaite ! mais la foule n'en est pas telle, je pense, que vous ne puissiez me recevoir parmi eux, et disposer de moi en tout et pour tout. Je crois avoir donné peut-être quelques preuves de courage; quant à mes talents, si faibles qu'ils soient, un long asservissement a dû les faire paraître plus faibles encore qu'ils ne sont réellement. — Les cotes de l'Asie et les îles m'ont fourni tout ce qu'on pouvait en tirer de vaisseaux, et, malgré la résistance des villes, j'ai effectué assez lestement une levée de matelots. J'ai voulu courir après la flotte de Dolabelln ; Lucilius son commandant annonçait à chaque instant son arrivée ; mais il s'en tenait aux paroles, et en définitive il a fait voile pour Corycum, où il se tient enfermé dans le port. J'ai jugé à propos de l'y laisser. Comme le plus pressé était d'arriver au camp, et comme j'avais d'ailleurs derrière moi une flotte sous les ordres du questeur Turulius, cette flotte qu'il y a un an Tillius Cimber rassembla en Bithynie, j'ai cinglé vers Cypre. J'arrive, et je me hâte de vous envoyer les nouvelles que je viens d'apprendre. A l'exemple de nos infidèles alliés de Tarse, ceux de Laodicée , bien plus pervers encore, ont appelé à eux Dolabella, qui a pu rassembler dans ces deux villes un certain nombre de soldats grecs et s'en faire une sorte d'armée. 11 campe sous les murs de Laodicée, qu'il a rasés en partie, pour que son camp ne fit qu'un avec la ville. Notre cher Cassius, avec dix légions, vingt cohortes d'auxiliaires et quatre mille chevaux, occupe Paltos, qui en est à vingt milks. Il espère vaincre sans combat, car le blé vaut déjà douze drachmes au camp de Dolabella ; et si les navires Laodicéens ne parviennent à le ravitailler, il faut nécessairement qu'il y meure de faim. Or, il nous sera facile d'empêcher le ravitaillement avec la nombreuse flotte de Cassius commandée par Sextius Rufus, et les trois autres que Turulius, Patiscus et moi avons amenées. Courage donc! nous allons ici mettre ordre aux affaires, comme vous là-bas. Adieu. Le jour des ides de juin.

Scr. Pergae iiii K. Iun. A. 711 (43).

LENTVLVS CICERONI SV0 S. P. D.

Cum Brutum nostrum convenissem eumque tardius in Asiam venturum animadverterem, in Asiam redii ut reliquias mei laboris conligerem et pecuniam quam primum Romam mitterem. Interim cognovi in Lycia esse classem Dolabellae ampliusque centum navis onerarias in quas exercitus eius imponi posset, idque Dolabellam ea mente comparasse ut, si Syriae spes eum frustrata esset, conscenderet in navis et Italiam peteret seque cum Antoniis et reliquis latronibus coniungeret. Cuius rei tanto in timore fui, ut omnibus rebus relictis cum paucioribus et minoribus navibus ad illas ire conatus sim. Quae res, si a Rhodiis non essem interpellatus, fortasse tota sublata esset ; tamen magna ex parte profligata est, quoniam quidem classis dissipata est adventus nostri timore, milites ducesque effugerunt onerariae omnes ad unam a nobis sunt exceptae. Certe quod maxime timui videor esse consecutus, ut non possit Dolabella in Italiam pervenire nec suis sociis firmatis durius vobis efficere negotium. Rhodii nos et rem p. Quam valde desperaverint ex litteris quas publice ruisi cognosces. Et quidem multo parcius scripsi quam re vera furere eos inveni. Quod vero aliquid de iis scripsi, mirari noli ; mira est eorum amentia. † nec me meae ullae privatim iniuriae umquam malus animus eorum in nostra salute, cupiditas partium aliarum, perseverantia in contemptione optimi cuiusque ferenda mihi non fuit. Nec tamen omnis perditos esse puto ; sed idem illi qui tum fugientem patrem meum, qui L. Lentulum, qui Pompeium, qui ceteros viros clarissimos non receperunt, idem tamquam aliquo fato et nunc aut magistratum gerunt aut eos qui sunt in magistratu in sua habent potestate ; itaque eadem superbia in pravitate utuntur ; quorum improbitatem aliquando retundi et non pati impunitate augeri non solum utile est rei p. Nostrae sed etiam necessarium. De nostra dignitate velim tibi ut semper curae sit et,quocumque tempore occasionem habueris, et in senatu et ceteris rebus laudi nostrae suffragere. Quoniam consulibus decreta est Asia et permissum est iis ut, dum ipsi venirent, darent negotium qui Asiam optineant, rogo te petas ab iis ut hanc dignitatem potissimum nobis tribuant et mihi dent negotium ut Asiam obtineam, dum ipsorum alter uter venit ; nam quod hoc properent in magistratu venire aut exercitum mittere causam non habent. Dolabella enim in Syria est et, ut tu divina tua mente prospexisti et praedicasti, dum isti veniunt, Cassius eum opprimet ; exclusus enim ab Antiochia Dolabella et in oppugnando male acceptus nulla alia confisus urbe Laudiceam, quae est in Syria, ad mare se contulit. Ibi spero celeriter eum poenas daturum ; nam neque quo refugiat habet neque diutius ibi poterit tantum exercitum Cassi sustinere. Spero etiam confectum esse iam et oppressum Dolabellam. Qua re non puto Pansam et Hirtium in consulatu properaturos in provincias exire sed Romae acturos consulatum. Itaque si ab iis petieris ut interea nobis procurationem Asiae dent, spero te posse impetrare. Praeterea mihi promiserunt Pansa et Hirtius coram et absenti mihi scripserunt Verrioque nostro Pansa adfirmavit se daturum operam ne in suo consulatu mihi succedatur. Ego porro non medius fidius cupiditate provinciae produci longius spatium mihi volo ; nam mihi fuit ista provincia plena laboris, periculi, detrimenti ; quae ego ne frustra subierim nive, prius quam reliquias meae diligentiae consequar, decedere cogar valde laboro. Nam si potuissem quam exegeram pecuniam universam mittere, postularem ut mihi succederetur ; nunc, quod Cassio dedi, quod Treboni morte amisimus, quod etiam crudelitate Dolabellae aut perfidia eorum, qui fidem mihi reique publicae non praestiterunt, id consequi et reficere volo ; quod aliter non potest fieri, nisi spatium habuero. Id ut per te consequar velim, ut solet, tibi curae sit. Ego me de re p. Puto esse meritum, ut non provinciae istius beneficium exspectare debeam sed tantum quantum Cassius et Bruti non solum illius facti periculique societate sed etiam huius temporis studio et virtute. Primus enim ego leges Antonias fregi, primus equitatum Dolabellae ad rem p. Traduxi Cassioque tradidi, primus dilectus habui pro salute omnium contra coniurationem sceleratissimam, solus Cassio et rei p. Syriam exercitusque qui ibi erant coniunxi; nam nisi ego tantam pecuniam tantaque praesidia et tam celeriter Cassio dedissem, ne ausus quidem esset ire in Syriam et nunc non minora pericula rei p. A Dolabella instarent quam ab Antonio. Atque haec omnia is feci qui sodalis et familiarissimus Dolabellae eram, coniunctissimus sanguine Antoniis, provinciam quoque illorum beneficio habebam, sed πατρίδα ἐμὴν μᾶλλον φιλῶν omnibus meis bellum primus indixi. Haec etsi adhuc non magno opere mihi tulisse fructum animadverto, tamen non despero nec defetigabor permanere non solum in studio libertatis sed etiam in labore et periculis. At tamen, si etiam aliqua gloria iusta et merita provocabimur senatus et optimi cuiusque officiis, maiore cum auctoritate apud ceteros erimus et eo plus prodesse rei p. Poterimus. Filium tuum, ad Brutum cum veni, videre non potui, ideo is quod iam in hiberna cum equitibus erat profectus, sed medius fidius ea esse eum opinione et tua et ipsius et in primis mea causa gaudeo ; fratris enim loco mihi est qui ex te natus teque dignus est. Vale. D. Iiii K. Iun. Pergae.

869. LENTULUS A SON CHER CICERON. Perga, 29 mai.

F. XII, 14. Ayant acquis dans ma visite à Brutus la certitude qu'il n'irait pas prochainement en Asie, j'y suis retourné pour terminer mes opérations et expédier au plus vite les fonds a Rome. Là, j'ai su que la flotte de Dolabella était clans les eaux de Lycie, qu'elle comptait plus de cent vaisseaux de transport en état de recevoir à bord toute son armée, ce qui était effectivement la destination de tout ce matériel. Le plan de Dolabella était, s'il échouait en Syrie, de repasser la mer, et de venir en Italie se joindre à Antoine et aux autres brigands; je frémis à cette idée, et toute affaire cessante, malgré l'infériorité de mes bâtiments en nombre et en force, je résolus d'aller sur-le-champ présenter le combat à sa flotte. Sans la conduite des Rhodiens, mon coup demain avait peut-être un plein succès. L'ennemi du moins a reçu une rude atteinte. Sa flotte est dispersée ; chefs et soldats, à mon approche tout s'est enfui, et les transports de Dolabella sont tombés entre mes mains, depuis le premier jusqu'au dernier. Je suis donc rassuré sur un point capital : Dolabella ne peut maintenant se rendre en Italie et aller accroître les difficultés de votre position, par la force qu'il prêterait à ses complices. Vous verrez, par ma dépêche officielle, à quel point les Rhodiens ont manqué à leurs devoirs envers moi et la république. C'est sur quoi même je n'insiste peut-être pas suffisamment. Que voulez-vous? ils sont fous, et mes injures personnelles ne m'ont jamais touché : leur mauvaise disposition pour moi, leur partialité pour nos ennemis leur mépris ob- 663 stiné pour les hommes les plus honorables, auraient pourtant bien mérité un châtiment. Ce n'est pas que je les croie tous également mauvais : mais il arrive, comme par fatalité, que ceux qui ont refusé de recevoir mon père alors fugitif, L. Lentulus, Pompée et tant d'autres citoyens illustres, sont encore aujourd'hui eu possession du pouvoir, ou disposent à leur gré de ceux qui le possèdent. Ils ont la même insolence dans leur méchanceté. Il sera bon d'avoir raison d'une si détestable audace, et de ne pas laisser le mal s'accroître par l'impunité; l'intérêt de la république le réclame. — Je recommande de nouveau les intérêts de ma gloire à votre sollicitude, et je compte aujourd'hui comme toujours qu'au sénat et ailleurs votre appui ne me manquera pas. Puisque le gouvernement d'Asie est décerné aux consuls avec faculté de s'y faire remplacer jusqu'à ce qu'ils puissent s'y rendre, engagez-les , je vous prie, à me donner la préférence, et à me charger de leurs pouvoirs ici jusqu'au moment de leur arrivée. Rien ne les oblige d'y venir pendant la durée de leur magistrature , ou d'y envoyer une armée. Dolabella est en Syrie, et, comme vous l'avez prophétiquement annoncé, avant qu'il puisse être ici, Cassius aura raison de ce misérable. Il s'est vu fermer les portes d'Antioche et repousser dans toutes ses tentatives d'attaque; et, comme il ne pouvait espérer d'être plus heureux devant aucune autre ville, il s'est jeté du côté de Laodicée, place maritime de Syrie. Je ne doute pas qu'il n'y reçoive sous peu le châtiment de ses crimes; car, d'une part, il ne lui reste plus de retraite, et, de l'autre, il n'est pas en état de résister longtemps à une aussi puissante armée que celle de Cassius. Je me flatte que c'est une affaire faite, et que déjà il est écrasé. Aussi je crois qu'Hirtius et Pansa ne sont pas bien pressés d'aller promener leurs faisceaux dans la province, et qu'ils aimeront mieux exercer leur consulat à Rome. Point de doute, en conséquence, que vous n'obteniez leurs pouvoirs en mon nom pour l'Asie, si vous voulez bien les leur demander ; d'ailleurs Pansa et Hirtius me l'ont promis positivement, me parlant à moi-même, et ils me l'ont écrit depuis mon départ. De plus, Pansa a assuré notre ami commun Verrius que je n'aurais pas de successeur pendant toute la durée du consulat, et qu'il en faisait son affaire. Au reste, ce n'est pas, sur ma parole, l'amour du pouvoir qui me fait tenir à cette prolongation. Je n'ai trouvé ici que labeurs, périls et dommages personnels. Je voudrais que tout cela ne fût pas en pure perte, et qu'il me restât la satisfaction de finir ce que j'ai commencé ; c'est là ce qui m'occupe. Si j'avais pu vous envoyer tout l'argent que j'ai perçu, je serais le premier à demander un successeur ; mais je voudrais remplacer les fonds dont je me suis mis à découvert pour Cassius, et tout ce qui a été perdu par le meurtre de Trébonius, par les pillages de Dolabella et par l'infidélité des mandataires, traîtres envers l'État; et il me faut du temps pour en venir à bout. Faites, je vous prie, que je vous aie cette obligation, et mettez-y votre zèle ordinaire. — Je crois avoir assez bien mérité de la république pour prétendre, je ne dirai pas seulement à obtenir le gouvernement de cette province, mais à être traité sur le même pied que Cassius et les Brutus, comme ayant pris part à leur glorieuse entreprise et à leurs dangers, et comme identifié à leurs vues et à leurs sentiments politiques. Le premier, j'ai sapé les lois d'Antoine ; le premier, j'ai fait passer la ca- 664 valerie de Dolabella du côté de la république, et je l'ai livrée a Cassius ; le premier, j'ai fait des levées pour nous défendre tous contre une conspiration détestable; seul j'ai mis aux ordres de Cassius et de la république la Syrie et les armées qui s'y trouvaient. Certes, si je n'avais pas fourni à Cassius tant de secours en argent et en soldats, et si je n'avais pas mis la célérité que j'y ai mise, il n'eût pas osé mettre le pied en Syrie, et la république n'aurait pas aujourd'hui moins à craindre de Dolabella que d'Antoine. Et quand j'ai fait tout cela, j'étais le compagnon et l'ami de Dolabella; les liens du sang m'attachaient de très-près aux Antoines, je leur étais même redevable de mon gouvernement; mais il n'est rien que je préfère à la patrie, et j'ai commencé par déclarer la guerre à tous les miens. Quoique je n'aie pas jusqu'ici obtenu de grands résultats, je ne désespère point, et je sens que rien ne peut refroidir mon amour pour la liberté, non plus que mon ardeur et mon courage. Cependant, si, grâce aux bonnes dispositions du sénat et à l'appui des gens de bien, quelque beau témoignage assurément bien mérité venait stimuler mon zèle, j'aurais une action plus puissante sur les esprits, et je n'en pourrais que mieux servir la république. Je n'ai pu voir votre fils, lorsque j'ai été trouver Brutus; ii était déjà parti pour les quartiers d'hiver avec la cavalerie. Sur ma parole, on parle de lui de manière à me causer une vive joie pour vous, pour lui, et surtout pour moi-môme; car il est né de vous et. digne de vous, et je le regarde comme un frère. Portez-vous bien.

Scr. Pergae 1-6 §§ iiii K., § 7 iiii Non. Iun. A. 711 (43).

P. LENTVLVS P. F. PROQ. PROPR. S. D. COSS. PR. TR. PL. SENATVI POPVLO PLEBIQVE ROMANAE S. V. L. V. V. B. E. V.

Scelere Dolabellae oppressa Asia in proximam provinciam Macedoniam praesidiaque rei p. Quae M. Brutus, v. C., tenebat me contuli et id egi ut, per quos celerrime possent, Asia provincia vectigaliaque in vestram potestatem redigerentur. Quod cum pertimuisset Dolabella vastata provincia, correptis vectigalibus, praecipue civibus Romanis omnibus crudelissime denudatis ac divenditis celeriusque Asia excessisset quam eo praesidium adduci potuisset, diutius morari aut exspectare praesidium non necesse habui et quam primum ad meum officium revertendum mihi esse existimavi, ut et reliqua vectigalia exigerem et quam deposui pecuniam conligerem, quicquid ex ea correptum esset aut quorum id culpa accidisset cognoscerem quam primum et vos de omni re facerem certiores. Interim cum per insulas in Asiam naviganti mihi nuntiatum esset classem Dolabellae in Lycia esse Rhodiosque navis compluris instructas et paratas in aqua habere, cum Hs navibus quas aut mecum adduxeram aut comparaverat Patiscus proq., homo mihi cum familiaritate tum etiam sensibus in re p. Coniunctissimus, Rhodum deverti confisus auctoritate vestra senatusque consulto quo hostem Dolabellam iudicaratis, foedere quoque quod cum iis M. Marcello, Ser. Sulpicio coss. Renovatum erat, quo iuraverant Rhodii eosdem hostis se habituros quos senatus populusque R. Quae res nos vehementer fefellit ; tantum enim afuit ut illorum praesidio nostram firmaremus classem, ut etiam a Rhodiis urbe, portu, statione quae extra urbem est, commeatu, aqua denique prohiberentur nostri milites, nos vix ipsi singulis cum navigiolis reciperemur. Quam indignitatem deminutionemque t maiestatis non solum iuris nostri sed etiam imperi populique Romani idcirco tulimus quod interceptis litteris cognoramus Dolabellam, si desperasset de Syria Aegyptoque, quod necesse erat fieri, in navis cum omnibus suis latronibus atque omni pecunia conscendere esse paratum Italiamque petere ; idcirco etiam navis onerarias, quarum minor nulla erat duum milium amphorum, contractas in Lycia a classe eius obsideri. Huius rei timore, p. C., percitus iniurias perpeti et cum contumelia etiam nostra omnia prius experiri malui. Itaque ad illorum voluntatem introductus in urbem et in senatum eorum quam diligentissime potui causam rei p. Egi periculumque omne quod instaret si ille latro cum suis omnibus navis conscendisset exposui. Rhodios autem tanta in pravitate animadverti ut omnis firmiores putarent quam bonos, ut hanc concordiam et conspirationem omnium ordinum ad defendendam libertatem propense non crederent esse factam, ut patientiam senatus et optimi cuiusque manere etiam nunc confiderent nec potuisse audere quemquam Dolabellam hostem iudicare, ut denique omnia quae improbi fingebant magis vera existimarent quam quae vere facta erant et a nobis docebantur. Qua mente etiam ante nostrum adventum post Treboni indignissimam caedem ceteraque tot tamque nefaria facinora binae profectae erant ad Dolabellam legationes eorum, et quidem novo exemplo, contra leges ipsorum, prohibentibus iis qui tum magistratus gerebant. † haec sive timore, ut dictitant, de agris quos in continenti habent sive furore sive patientia paucorum, qui et antea pari contumelia viros clarissimos adfecerant et nunc maximos magistratus gerentes nullo exemplo neque nostra ex parte neque nostro praesentium neque imminenti Italiae urbique nostrae periculo, si ille parricida cum suis latronibus navibus ex Asia Syriaque expulsus Italiam petisset, mederi, cum facile possent, noluerunt†. Non nullis etiam ipsi magistratus veniebant in suspicionem detinuisse nos et demorati esse, dum classis Dolabellae certior fieret de adventu nostro. Quam suspicionem consecutae res aliquot auxerunt, maxime quod subito ex Lycia Sex. Marius et C. Titius, legati Dolabellae, a classe discesserunt navique longa profugerunt onerariis relictis, in quibus conligendis non minimum temporis laborisque consumpserant. Itaque cum ab Rhodo cum iis quas habueramus navibus in Lyciam venissemus, navis onerarias recepimus dominisque restituimus idemque, quod maxime verebamur, ne posset Dolabella cum suis latronibus in Italiam venire, timere desumus ; classem fugientem persecuti suiuus usque Sidam, quae extrema regio est provinciae meae. Ibi cognovi partem navium Dolabellae diffugisse, reliquas Syriam Cyprumque petisse. Quibus disiectis, cum scirem C. Cassi, singularis civis et ducis, classem maximam fore praesto in Syria, ad meum officium reverti daboque operam ut meum studium, diligentiam vobis, p. C., reique p. Praestem pecuniamque quam maximam potero et quam celerrime cogam omnibusque rationibus ad vos mittam. Si percurrero provinciam et cognovero qui nobis et rei p. Fidem praestiterunt in conservanda pecunia a me deposita quique scelere ultro deferentes pecuniam publicam hoc munere societatem facinorum cum Dolabella inierunt, faciam vos certiores. De quibus, si vobis videbitur, si, ut meriti sunt, graviter constitueritis nosque vestra auctoritate firmaveritis, facilius et reliqua exigere vectigalia et exacta servare poterimus. Interea quo commodius vectigalia tueri provinciamque ab iniuria defendere possim, praesidium voluntarium necessariumque comparavi. His litteris scriptis milites circiter xxx, quos Dolabella ex Asia conscripserat, ex Syria fugientes in Pamphyliam venerunt. Hi nuntiaverunt Dolabellam Antiocheam quae in Syria est venisse, non receptum conatum esse aliquotiens vi introire ; repulsum semper esse cum magno suo detrimento itaque DC circiter amissis, aegris relictis noctu Antiochea profugisse Laudiceam versus ; ea nocte omnis fere Asiaticos milites ab eo discessisse ; ex his ad octingentos Antiocheam redisse et se iis tradidisse qui a Cassio relicti urbi illi praeerant, ceteros per Amanum in Ciliciam descendisse, quo ex numero se quoque esse dicebant; Cassium autem cum suis omnibus copiis nuntiatum esse quadridui iter Laudicea afuisse tum cum Dolabella eo tenderet. Quam ob rem opinione celerius confido sceleratissimum latronem poenas daturum. Iiii N. Iun. Pergae.

872. — PUBLIUS LENTULUS, FILS DE PUBLIUS, PROPRETEUR, AUX CONSULS, AUX PRÉTEURS, AUX TRIBUNS DU PEUPLE, AU SÉNAT ET AU PEUPLE ROMAIN. Perga , 2 juin.

F. XII, 15. Si votre santé est bonne, ainsi que celle de vos enfants, je m'en réjouis. Je me porte bien moi-même. Durant l'oppression de l'Asie, suite du crime de Dolabella, je me suis retiré dans la province voisine, la Macédoine, et dans les places occupées, au nom de la république, par M. Brutus , et j'y ai avisé aux moyens les plus prompts de vous remettre en possession de l'Asie et de ses revenus. Mais à l'avance Dolabella avait pris l'alarme; il s'est hâté de tout ravager, faisant main-basse sur les impôts, allant jusqu'à dépouiller et vendre comme esclaves tout ce qu'il a trouvé de citoyens romains; puis il a quitté le pays avant l'arrivée d'une force suffisante. Moi-même alors, et sans attendre cet appui, j'ai cru devoir sur-le-champ retourner à mon poste pour lever le reste des tributs, rassembler les sommes mises en dépôt, vérifier ce qui en a pu être détourné, informer contre les coupables, et vous rendre compte de tout. J'étais en route et déjà dans l'Archipel, lorsque j'appris que la flotte de Dolabella était en Lycie, et que les Rhodiens avaient en mer beaucoup de navires équipés et armés. Je réunis les vaisseaux que j'avais amenés avec moi à ceux qu'avait pris soin de rassembler le proquesteur Patricius, à qui je suis doublement attaché et par les liens de l'amitié et par une intime conformité de sentiments politiques, et je fis voile pour Rhodes. J'étais plein de confiance dans l'autorité du sénat et dans la puissance du décret qui déclare Dolabella ennemi public, ainsi que dans le traité d'alliance renouvelé avec les Rhodiens par les consuls M. Marcellus et Ser. Sulpicius; traité suivant lequel ils s'engagent, sous serment, à considérer comme ennemis les ennemis du sénat et du peuple romain. Je m'étais grandement trompé : loin d'unir leurs forces navales aux miennes, ils ont fermé à nos soldats l'entrée de la ville, du port et de la rade. Ils leur ont refusé des vivres et jusqu'à de l'eau. C'est à peine s'ils ont consenti à me recevoir avec quelques petites embarcations : il m'a fallu souffrir cette indignité, et me taire devant cette atteinte portée non-seulement à mes droits, mais encore à la majesté de l'empire et du peuple ; car j'avais appris par des lettres Interceptées que Dolabella, s'il perdait tout espoir du côté de la Syrie et de l'Egypte, voulait s'embarquer avec sa bande et ses trésors et regagner l'Italie. Il bloquait, dans cette vue, les côtes de Lycie, et avait mis embargo sur tous les navires de charge du port de deux mille amphores et au-dessus. J'en conçus de vives craintes, et voilà, pères conscrits, ce qui m'a contraint à passer l'insulte sous silence, et à en accepter pour mon compte toute la mortification. Introduit dans la ville comme par grâce, j'ai plaidé de mon mieux devant le sénat la cause de la république ; j'ai insisté sur le danger de voir le brigand s'embarquer avec ses complices; mais j'ai trouvé chez eux les esprits pervertis au point de voir la force partout, excepté dans le bon parti ; de traiter de chimère l'accord unanime de tous les ordres pour la défense de la liberté, de croire le sénat et les honnêtes gens résignés à tout souffrir, et de ne supposer à personne l'audace de déclarer Dolabella ennemi public. Enfin tous les contes inventés par la malveillance ont prévalu près d'eux sur les faits et mes assertions. Déjà cette disposition avait éclaté avant mon arrivée, lorsque , après le meurtre infâme de Trébonius, suivi de tant de forfaits et de crimes, ils envoyèrent deux députations à Dolabella; nouveauté sans exemple, contraire à leurs lois et accomplie malgré la défense de leurs magistrats. Je ne sais s'ils agissent, comme ils le disent, par suite de craintes pour leurs possessions du continent, plutôt que par aveuglement, ou par l'impulsion d'un petit nombre de furieux qui naguère ont fait les mômes outrages à nos plus illustres citoyens, et qui sont aujourd'hui en possession des charges et du pouvoir. Toujours est-il que tous les exemples que j'ai pu citer, que tout ce que j'ai pu dire de mes dangers personnels et des périls dont Rome et l'Italie sont menacées, si ce parricide, chassé d'Asie et de Syrie, parvient à gagner l'Italie avec sa flotte, que rien n'a pu les décider à s'opposer à des malheurs qu'il leur était si facile de prévenir. Plusieurs des miens soupçonnent même leurs magistrats de m'avoir retenu et voulu amuser jusqu'à ce que la flotte de Dolabella pût être Informée de ma présence à Rhodes. Quelques circonstances postérieures donnent de la consistance à ce soupçon : ainsi, par exemple, deux lieutenants de Dolabella, Sex. Marius et С Tullius, ont quitté subitement la Lycie et la flotte, et se sont enfuis sur une longue barque, abandonnant tous les bâtiments de transport qu'ils avaient mis tant de peine et de temps à rassembler. — Ayant quitté Rhodes pour la Lycie avec mes vaisseaux, j'ai pu reprendre les navires de transport et les rendre à leurs maîtres. Ainsi je suis délivré de ma plus grande crainte, qui était de voir Dolabella et ses brigands passer en Italie. J'ai poursuivi sa flotte jusqu'à Syda, qui est la dernière ville de ma province. Là, j'appris qu'une partie s'était dispersée, et que le reste faisait voile pour la Syrie et Chypre. Ce résultat obtenu, j'ai vu d'autant moins d'inconvénients à retourner à mes fonctions, que Cassius, aussi bon citoyen que bon général, se trouve en Syrie à la tête d'une puissante flotte. — Je n'épargnerai ni efforts ni soins pour votre service, pères conscrits, et pour celui de la république. Je ne perds pas un moment, je ramasse autant d'argent que possible, et je vous l'enverrai avec tous les comptes. Si je parcours la province, je tâcherai de connaître et ceux dont la fidélité a conservé à la république l'argent que j'avais déposé entre leurs mains, et les lâches qui se sont rendus complices de Dolabella et de ses crimes, en lui remettant leurs fonds; et je ne manquerai pas de vous signaler les uns et les autres. Il vous paraîtra sans doute nécessaire de sévir avec vigueur contre les coupables, afin de raffermir mon autorité et la vôtre, de faciliter les rentrées et d'assurer la conservation de nos recouvrements. Déjà, pour protéger la perception et mettre la province plus à l'abri, j'ai levé un corps de volontaires; ce secours m'était absolument indispensable. Au moment où je vous écris, j'apprends qu'une trentaine de déserteurs de Dolabella provenant des levées par lui faites en Asie viennent d'arriver de Syrie en Pamphylie. Ils racontent que Dolabella s'est présenté devant Antioche, ville de Syrie; qu'il n'y a pas été reçu ; qu'il a plusieurs fois tenté l'assaut, et qu'il a été constamment repoussé avec perte ; qu'on lui a tué une centaine d'hommes, et qu'ayant abandonné ses malades, il s'est enfui pendant la nuit, se dirigeant vers Laodicée; que, pendant cette retraite nocturne, presque tous ses soldats d'Asie ont déserté; que huit cents sont retournés à Antioche, et ont fait leur soumission entre les mains des commandants laissés par Cassius, et que les autres sont descendus dans la Cilicie par le mont Amanus : c'est parmi ceux-là que se seraient trouvés les hommes de qui viennent ces nouvelles. Ils ajoutent qu'au moment où Dolabella marchait vers Laodicée, Cassius et ses 668 troupes n'en étaient qu'à quatre jours de distance. J'ai donc bon espoir que le brigand recevra plus tôt qu'on ne le croyait le châtiment dû à ses crimes. Le 4 des nones de juin.

Scr. Athenis viii K. Iun. A. 710 (44).

TREBONIVS CICERONI S. S. V. B.

Athenas veni a. D. xi K. Iun. Atque ibi, quod maxime optabam, vidi filium tuum deditum optimis studiis summaque modestiae fama. Qua ex re quantam voluptatem ceperim scire potes etiam me tacente ; non enim nescis quanti te faciam et quam pro nostro veterrimo verissimoque amore omnibus tuis etiam minimis commodis, non modo tanto bono gaudeam. Noli putare, mi Cicero, me hoc auribus tuis dare ; nihil adulescente tuo atque adeo nostro (nihil enim mihi a te potest esse seiunctum) aut amabilius omnibus iis qui Athenis sunt est aut studiosius earum artium quas tu maxime amas, hoc est optimarum. Itaque tibi, quod vere facere possum, libenter quoque gratulor nec minus etiam nobis quod eum, quem necesse erat diligere qualiscumque esset, talem habemus ut libenter quoque diligamus. Qui cum mihi in sermone iniecisset se velle Asiam visere, non modo invitatus sed etiam rogatus est a me ut id potis simum nobis obtinentibus provinciam faceret ; cui nos et caritate et amore tuum officium praestaturos non debes dubitare. Illud quoque erit nobis curae ut Cratippus una cum eo sit, ne putes in Asia feriatum illum ab iis studiis in quae tua cohortatione incitatur futurum ; nam illum paratum, ut video, et ingressum pleno gradu cohortari non intermittemus, quo in dies longius discendo exercendoque se procedat. Vos quid ageretis in re p., cum has litteras dabam, non sciebam ; audiebam quaedam turbulenta, quae scilicet cupio esse falsa ut aliquando otiosa libertate fruamur ; quod vel minime mihi adhuc contigit. Ego tamen nactus in navigatione nostra pusillum laxamenti concinnavi tibi munusculum ex instituto meo et dictum cum magno nostro honore a te dictum conclusi et tibi infra subscripsi. In quibus versiculis si tibi quibusdam verbis εὐθυρρημονέστερος videbor, turpitudo personae eius in quam liberius invehimur nos vindicabit. Ignosces etiam iracundiae nostrae, quae iusta est in eius modi et homines et civis. Deinde qui magis hoc Lucilio licuerit adsumere libertatis quam nobis? Cum etiam si odio pari fuerit in eos quos laesit, tamen certe non magis dignos habuerit in quos tanta libertate verborum incurreret. Tu sicut mihi pollicitus es, adiunges me quam primum ad tuos sermones ; namque illud non dubito quin, si quid de interitu Caesaris scribas, non patiaris me minimam partem et rei et amoris tui ferre. Vale et matrem meosque tibi commendatos habe. D. Viii K. Iun. Athenis.

725. — DE TRÉBONIUS A CICÉRON. Athènzes, 25 mai.

F. XII, 16. Je suis arrivé à Athènes le 11 des calendes de juin, et, suivant le plus cher de mes désirs, j'y ai trouvé votre fils tout entier à l'étude et jouissant de la meilleure réputation. Vous devinez, sans que je vous le dise, combien j'en suis heureux. Vous savez ce que vous êtes pour moi, et ce que notre vieille et franche amitié peut m'inspirer non-seulement dans un bonheur comme celui-là, mais encore pour la moindre bagatelle, du moment qu'elle vous touche. N'allez pas croire au moins, mon cher Cicéron, qu'en vous parlant ainsi de votre fils, je veuille seulement chatouiller agréablement vos oreilles. Parmi la jeunesse qui est à Athènes, il n'y a personne d'aussi aimable que notre enfant, oui notre enfant, car, entre vous et moi, tout doit être commun ; personne qui ait en même temps plus de goût pour ces études, que vous aimez, et qui sont ce qu'il y a de meilleur au monde. C'est donc avec une satisfaction sincère que je vous félicite et me félicite aussi des justes raisons que nous avons d'aimer celui que nous aimerions encore, quand il en serait moins digne. Au milieu de la conversation, il m'a parlé de l'intention de visiter l'Asie. J'ai applaudi; je l'ai même prié de réaliser son projet pendant que je gouvernerai la province. Il trouverait en moi la tendresse et les soins d'un père. Je veillerai à ce que Cratippe l'accompagne, car je ne veux point que vous regardiez ce voyage comme une interruption des études où vous le poussez. Il s'y livre avec zèle, ou, pour mieux dire, de tout cœur; mais je ne l'en excite pas moins à demander chaque jour de nouveaux progrès à l'étude et à l'exercice. — Je ne sais comment vous gouvernez les affaires au moment où j'écris. On parle de troubles. Puisse-t-il n'en être rien, et puissions-nous obtenir enfin un peu de loisir et de liberté! C'est un bonheur dont j'ai bien rarement joui jusqu'à ce jour. Toutefois, j'ai profité d'un moment pendant que j'étais en mer, et je vous envoie un petit présent de ma façon ; vous verrez à la fin un mot de vous, qui me fit tant d'honneur. La dédicace est à la suite; c'est à vous que je le dédie. Si quelques expressions vous paraissent un peu libres, l'infamie du personnage auquel je m'attaque sera mon excuse. Vous pardonnerez à ma colère. La passion n'est que trop légitime envers des hommes et des citoyens de cette espèce. D'ailleurs, on a bien passé ces licences à Lucilius. Il n'a pas montré moins de fiel. Et certes ceux qu'il attaque ne méritaient pas autant la liberté que se donne sa plume. Quant à vous, n'oubliez pas votre promesse, et faites-moi figurer le plus tut possible dans l'un de vos dialogues. Si vous composez quelque chose sur la mort de César, j'ai la confiance que vous ne me mettrez pas au dernier rang, ni parmi les acteurs du drame, ni parmi les amis de l'auteur. Prenez soin de votre santé. Je vous recommande ma mère et tous les miens.

Scr. Romae circ. Med. In Sept a. 708 (46).

CICERO S. D. CORNIFICIO CONLEGAE.

Grata mihi vehementer est memoria nostri tua quam significasti litteris ; quam ut conserves, non quo de tua con 'stantia dubitem sed quia mos est ita rogandi, rogo. Ex Syria nobis tumultuosiora quaedam nuntiata sunt, quae quia tibi sunt propiora quam nobis, tua me causa magis movent quam mea. Romae summum otium est, sed ita ut malis salubre aliquod et honestum negotium ; quod spero fore. Video id curae esse Caesari. Me scito, dum tu absis, quasi occasionem quandam et licentiam nactum scribere audacius, et cetera quidem fortasse quae etiam tu concederes, sed proxime scripsi de optimo genere dicendi, in quo saepe suspicatus sum te . A iudicio nostro sic scilicet ut doctum hominem ab non indocto paulum dissidere. Huic tu libro maxime velim ex animo, si minus, gratiae causa suffragere. Dicam tuis ut eum, si velint, describant ad teque mittant ; puto enim, etiam si rem minus probabis, tamen in ista solitudine, quicquid a me profectum sit, iucundum tibi fore. Quod mihi existimationem tuam dignitatemque commendas, facis tu quidem omnium more, sed velim sic existimes, me cum amori quem inter nos mutuum esse intellegam plurimum tribuam, tum de summo ingenio et de studiis tuis optimis et de spe amplissimae dignitatis ita iudicare ut neminem tibi anteponam, comparem paucos.

656. — A CORNIFICIUS. Rome, octobre.

F. XII, 17. Je suis vivement touché des assurances que vous me donnez de votre souvenir, et je vous prie de me le conserver toujours. Je ne vous fais pas l'injure d'en douter. Mais j'aime à vous exprimer ce vœu de politesse et d'usage. Les nouvelles de Syrie ne parlent que de troubles. Elles m'inquiètent moins pour moi que pour vous qui en êtes si près. A Rome, calme complet : mieux vaudrait un peu de mouvement et d'action qui portât remède à nos maux. Je n'en désespère point. César l'a à cœur. Sachez que pendant votre absence, j'ai saisi l'occasion et pris ma volée. J'ai écrit avec une certaine hardiesse, je vous assure , et quelquefois sur des matières que vous-même ne désapprouveriez pas. En dernier lieu, j'ai fait un traité sur ce qui constitue la perfection dans l'éloquence; c'est un sujet sur lequel je vous ai soupçonné souvent d'être en désaccord avec moi , j'entends de ce désaccord qui peut se rencontrer entre un savant homme et un homme qui n'est pas tout à fait sans instruction. Aussi je tiens à votre suffrage. Donnez-le-moi même par indulgence, si ce n'est par conviction. Je dirai chez vous qu'on ait la complaisance de copier ce traité et de vous l'envoyer. Car enfin, dût-il au fond n'être pas goûté, certes venant de moi, dans la solitude où vous êtes, il sera, je pense, bien reçu. Me recommander, comme vous le faites , votre réputation et vos intérêts, c'est vous conformer à l'usage général, mais je vous prie de croire que je connais les droits de notre vieille amitié et que, quand je songe à vos hautes qualités , à vos nobles penchants, au glorieux avenir qui vous est promis, il n'y a personne que je vous compare peut-être, personne du moins que je mette au-dessus de vous.

Scr. Romae vel ex. M. Sept. Vel in. Oct ,a. 708 (46).

CICERO S. D. CORNIFICIO CONLEGAE.

Quod extremum fuit in ea epistula quam a te proxime accepi, ad id primum respondebo ; animum adverti enim hoc vos magnos oratores facere non numquam. Epistulas requiris meas ; ego autem numquam, cum mihi denuntiatum esset a tuis ire aliquem, non dedi. Quod mihi videor ex tuis litteris intellegere te nihil commissurum esse temere nec ante quam scisses quo iste nescio qui Caecilius Bassus erumperet quicquam certi constituturum, id ego et speraram prudentia tua fretus et ut confiderem fecerunt tuae gratissimae mihi litterae, idque ut facias quam saepissime, ut et quid tu agas et quid agatur scire possim et etiam quid acturus sis, valde te rogo. Etsi periniquo patiebar animo te a me digredi, tamen eo tempore me consolabar, quod et in summum otium te ire arbitrabar et ab impendentibus magnis negotiis discedere utrumque contra accidit ; istic enim bellum est exortum, hic pax consecuta, sed tamen eius modi pax in qua, si adesses, multa te non delectarent, ea tamen quae ne ipsum Caesarem quidem delectant. Bellorum enim civilium ii semper exitus sunt, ut non ea solum fiant quae velit victor, sed etiam ut iis mos gerendus sit quibus adiutoribus sit parta victoria. Equidem sic iam obdurui ut ludis Caesaris nostri animo aequissimo viderem T. Plancum, audirem Laberi et Publili poemata. Nihil mihi tam desse scito quam quicum haec familiariter docteque rideam. Is tu eris, si quam primum veneris ; quod ut facias, non mea solum sed etiam tua interesse arbitror.

661 . — A CORNIFICIUS , son collègue. Rome , octobre.

F. XII, 18. C'est par la fin que je commencerai, en répondant à la dernière lettre que j'ai reçue de vous. Ainsi procédez-vous quelquefois, si je ne me trompe, vous autres grands orateurs. Vous vous plaignez de mon silence. Eh bien ! je n'ai pas une seule fois manqué d'écrire , quand on m'a fait connaître le départ de quelqu'un des vôtres. Vous me dites que vous n'agirez point à la légère, et que vous n'arrêterez aucun plan avant de savoir positivement jusqu'où peut aller ce je ne sais qui qu'on appelle Cécilius Bassus. Je n'attendais pas moins de votre prudence; mais votre lettre m'a fait grand plaisir en me le confirmant. Soyez assez bon pour m'écrire le plus souvent possible, afin que je sache ce que vous faites, et ce qui se passe, et aussi ce que vous projetez ; je vous le demande en grâce. Votre départ m'avait singulièrement affligé; mais je me consolais en pensant que vous alliez au séjour du calme, et que vous vous éloigniez des orages dont nous étions menacés. Ma double prévision a été déçue. La guerre a éclaté où vous êtes, et la paix s'est maintenue ici. Il est vrai que c'est une paix avec beaucoup de choses qui ne seraient pas de votre goût si vous les voyiez , et qui même ne plaisent guère à César ; mais c'est le sort des guerres civiles : il faut non-seulement souffrir ce que veut le vainqueur, mais encore se plier aux exigences de ceux qui l'ont aidé à vaincre. J'y suis au surplus déjà tellement fait, qu'aux jeux de César je n'ai pas éprouvé la moindre émotion en voyant la figure de T. Plancus , et en écoutant les vers de Labérius et de Publius. Sachez que ce dont je souffre par-dessus tout, c'est de n'avoir pas un ami avec qui je puisse rire librement et philosophiquement de tout ceci. Soyez cet ami-là, et revenez au plus vite. C'est ce que je vous conseille autant dans votre intérêt que dans le mien.

Scr. Romae m. Dec. A. 708 (46).

CICERO CORNIFICIO S.

Libentissime legi tuas litteras ; in quibus iucundissimum mihi fuit, quod cognovi meas tibi redditas esse ; non enim dubitabam quin eas libenter lecturus esses, verebar ut redderentur. Bellum quod est in Syria Syriamque provinciam tibi tributam esse a Caesare ex tuis litteris cognovi. Eam rem tibi volo bene et feliciter evenire ; quod ita fore confido fretus et industria et prudentia tua. Sed de Parthici belli suspicione quod scribis, sane me commovit. Quid enim copiarum haberes cum ipse coniectura consequi poteram tum ex tuis litteris cognovi. Itaque opto ne se illa gens moveat hoc tempore, dum ad te legiones eae perducantur quas audio duci. Quod si paris copias ad confligendum non habebis, non te fugiet uti consilio M. Bibuli, qui se oppido munitissimo et copiosissimo tam diu tenuit quam diu in provincia Parthi fuerunt. Sed haec melius ex re et ex tempore constitues ; mihi quidem usque curae erit quid agas, dum quid egeris sciero. Litteras ad te numquam habui cui darem, quin dederim ; a te ut idem facias peto, in primisque ut ita ad tuos scribas, ut me tuum sciant esse.

683. — A CORNIFICIUS. Rome, février.

F. XII, 19. Votre lettre me charme d'autant plus que j'y vois la preuve que vous avez reçu la mienne. Je savais le plaisir qu'elle vous ferait, et j'appréhendais qu'elle ne vous parvînt pas. C'est par vous que j'apprends que la guerre est en Syrie , et que César vous a donné le gouvernement de cette province. Je fais bien des vœux pour que vous vous en tiriez heureusement et à votre honneur. Vos talents et votre prudence me défendent d'en douter. Seulement je m'alarme de la possibilité d'une guerre avec les Parthes. Ce que vous me dites de vos forces confirme l'opinion que je m'en étais faite par aperçu. Aussi je souhaite ardemment que cette nation ne remue pas avant l'arrivée des légions que je sais qu'on vous envoie. Si vos troupes sont comparativement trop faibles pour tenter la fortune d'un combat, n'oubliez point ce qu'a fait Bibulus dans une situation pareille: il s'est enfermé dans une place bien défendue et bien approvisionnée, et il n'eu est pas sorti tant que les Parthes sont demeurés dans la province. C'est le moment et les circonstances qui doivent décider du parti à prendre. Je serai inquiet jusqu'à ce que je sache vos déterminations. Je n'ai jamais laissé passer d'occasions sans vous écrire. Faites de même à mon égard, je vous en prie, et surtout dites bien à tous les vôtres que je suis entièrement à vous.

Scr. Romae iv Non. Sept a. 710 (44).

CICERO CORNIFICIO

Gratae mihi tuae litterae, nisi quod Sinuessanum deversoriolum contempsisti. Quam quidem contumeliam villa pusilla iniquo animo feret, nisi in Cumano et Pompeiano reddideris ὑπομνηματισμὸν. Sic igitur facies meque amabis et scripto aliquo lacesses ; ego enim respondere facilius possum quam provocare. Quod si, †ut es, cessabis, lacessam, nec tua ignavia etiam mihi inertiam adferet. Plura otiosus ; haec cum essem in senatu exaravi.

438. — A CORNIFICIUS.

F. XII, 20. Votre lettre m'enchante, si ce n'est que vous avez dédaigné mon pied à terre de Sinuesse, affront que cette pauvre petite villa ne vous pardonnera jamais, à moins que Cumes et Pompéi ne reçoivent de vous complète réparation, et j'y compte. Si vous m'aimez, vous serez le premier à m'écrire. Je suis plus à l'aise quand je n'ai qu'à répondre. Cependant, si la paresse vous tient comme a votre ordinaire, je romprai la glace, et ne souffrirai pas que la contagion me gagne. Je causerai plus longtemps quand je serai plus libre, car c'est a grand'peine et en plein sénat que je vous broche ces deux mots.

Scr. Romae mense incerto. 710 (44).

CICERO CORNIFICIO

C. Anicius, familiaris meus, vir omnibus rebus ornatus, negotiorum suorum causa legatus est in Africam legatione libera. Eum velim rebus omnibus adiuves operamque des ut quam commodissime sua negotia conficiat, in primisque, quod ei carissimum est, dignitatem eius tibi commendo idque a te peto, quod ipse in provincia facere sum solitus non rogatus, ut omnibus senatoribus lictores darem ; quod idem acceperam et id cognoveram a summis viris factitatum. Hoc igitur, mi Cornifici, facies ceterisque rebus omnibus eius dignitati reique, si me amas, consules. Erit id mihi gratissimum. Da operam ut valeas.

685. — A CORNIFICIUS.

F. XII, 21. Caius Anicius, mon ami, homme doué de tous les dons , va partir, avec une mission libre, pour l'Afrique, où ses affaires l'appellent. Je vous demande pour lui vos bons offices en toute chose, notamment dans le principal objet de son voyage. Je vous recommande surtout beaucoup d'égards. C'est son côté sensible. Faites, par exemple, ce que j'ai toujours fait spontanément pour les sénateurs qui passaient dans ma province. Donnez-lui des licteurs. Cette tradition me vient des hommes les plus éminents, qui n'avaient garde d'y manquer : n'y manquez pas , mon cher Cornificius; enfin n'oubliez rien de ce que peuvent réclamer le rang d'Anieius ou le soin de ses intérêts , et comptez sur ma reconnaissance. Portez-vous bien.

Scr. Romae post xiii K. Oct a. 710 (44).

CICERO CORNIFICIO S.

Nos hic cum homine gladiatore omnium nequissimo, conlega nostro, Antonio, bellum gerimus, sed non pari condicione, contra arma verbis. At etiam de te contionatur, nec impune ; nam sentiet quos lacessierit. Ego autem acta ad te omnia arbitror perscribi ab aliis ; a me futura debes cognoscere ; quorum quidem non est difficilis coniectura. Oppressa omnia sunt, nec habent ducem boni, nostrique tyrannoctoni longe gentium absunt. Pansa et sentit bene et loquitur fortiter ; Hirtius noster tardius convalescit. Quid futurum sit plane nescio ; spes tamen una est aliquando p. R. Maiorum similem fore. Ego certe rei p. Non deero et, quicquid acciderit a quo mea culpa absit, animo forti feram ; illud profecto, quoad potero, tuam famam et dignitatem tuebor.

794. — A CORNIFICIUS.

F. XII, 22. Nous sommes ici en guerre ouverte avec un vrai gladiateur, avec le plus infâme des hommes, notre collègue Antoine; mais le combat n'est pas égal, nous n'avons que des paroles, et il a des armes. L'audace de ses injures ne vous épargne pas vous-même. Il le pourra payer cher. Il saura à qui il s'attaque. Je vous suppose exactement informé de ce qui se passe. Je ne dois donc vous parler que de l'avenir, hélas! trop facile à prévoir. On est comprimé. Les gens de bien manquent de chef et nos tyrannicides se sont retirés de la scène. Pansa veut le bien et parle ferme. Hirtius se rétablit lentement. A quel avenir sommes-nous destinés? je l'ignore. J'ai pourtant la confiance que le peuple romain redeviendra tôt ou tard digne de ses ancêtres. Pour moi, je ne faillirai point à la république, et, quoi qu'il arrive, pourvu que je n'aie rien à me reprocher, peu m'importe! Je ne faillirai point non plus à la défense, de votre nom et de votre caractère, tant que la liberté ne m'en sera pas ravie.

Scr. Romae a. 710 (44) paulo post xiii K. Ian.

CICERO CORNIFICIO S.

A. D. xiii K. Ian. Senatus frequens mihi est adsensus cum de ceteris rebus magnis et necessariis tum de provinciis ab iis qui obtinerent retinendis neque cuiquam tradendis, nisi qui ex s. C. Successisset. Hoc ego cum rei p. Causa censui tum me hercule in primis retinendae dignitatis tuae. Quam ob rem te amoris nostri causa rogo, rei p. Causa hortor ut ne cui quicquam iuris in tua provincia esse patiare atque ut omnia referas ad dignitatem, qua nihil esse potest praestantius. Vere tecum agam, ut necessitudo nostra postulat in Sempronio, si meis litteris obtemperasses, maximam ab omnibus laudem adeptus esses. Sed illud et praeteriit et levius est, haec magna res est : fac ut provinciam retineas in potestate rei p. Plura scripsissem, nisi tui festinarent. Itaque Chaerippo nostro me velim excuses.

 — L'assemblée du sénat était nombreuse le 13 des kalendes de janvier, lorsque, parmi diverses mesures graves et urgentes, je fis décréter que les provinces seraient laissées aux titulaires actuels, et ne devraient être remises à des successeurs qu'en vertu d'un ordre exprès du sénat. L'intérêt de la république le voulait ainsi, et j'étais bien aise en même temps de vous conserver votre poste. Je vous conjure, au nom de l'amitié que vous avez pour moi, au nom de l'intérêt public, de ne laisser personne s'arroger des droits dans votre province, et de songer que, pour vous, il y va du premier de tous les intérêts, de l'honneur. Je vous parlerai avec franchise l'intimité de nos rapports m'en fait une loi : eh bien! si vous aviez suivi mes conseils pour Sempronius, tout le monde vous aurait porté aux nues. Mais ce qui est fait est fait, el la chose n'a point d'importance ; ce qui eu a beaucoup, c'est de maintenir dans votre province l'autorité de la république. Je vous écrirais plus longuement, mais vos messagers me pressent. Veuillez vous charger de mes excuses pour Chérippe.

Scr. Romae paulo post vii id. Oct. A. 710 (44).

CICERO CORNIFICIO S.

Omnem condicionem imperi tui statumque provinciae mihi demonstravit Tratorius. O multa intolerabilia locis omnibus! sed quo tua maior dignitas, eo quae tibi acciderunt minus ferenda ; neque enim, quae tu propter magnitudinem et animi et ingeni moderate fers, a te ea non ulciscenda sunt, etiam si non sunt dolenda. Sed haec posterius. Rerum urbanarum acta tibi mitti certo scio. Quod ni ita putarem, ipse perscriberem in primisque Caesaris Octaviani conatum ; de quo multitudini fictum ab Antonio crimen videtur, ut in pecuniam adulescentis impetum faceret ; prudentes autem et boni viri et credunt factum et probant. Quid quaeris? Magna spes est in eo ; nihil est quod non existimetur laudis et gloriae causa facturus. Antonius autem, noster familiaris, tanto se odio esse intellegit ut, cum interfectores suos domi comprenderit, rem proferre non audeat. A. D. Vii Id. Oct. Brundisium erat profectus obviam legionibus Macedonicis quattuor, quas sibi conciliare pecunia cogitabat easque ad urbem adducere et in cervicibus nostris conlocare. Habes formam rei p., si in castris potest esse res p. ; in quo tuam vicem saepe doleo, quod nullam partem per aetatem sanae et salvae rei p. Gustare potuisti. Atque antehac quidem sperare saltem licebat, nunc etiam id ereptum est. Quae enim est spes, cum in contione dicere ausus sit Antonius Cannutium apud eos locum sibi quaerere quibus se salvo locus in civitate esse non posset? Equidem et haec et omnia quae homini accidere possunt sic fero ut philosophiae magnam habeam gratiam, quae me non modo ab sollicitudine abducit sed etiam contra omnis fortunae impetus armat, tibique idem censeo faciendum nec a quo culpa absit quicquam in malis numerandum. Sed haec tu melius. Tratorium nostrum cum semper probassem, tum maxime in tuis rebus summam eius fidem, diligentiam prudentiamque cognovi. Da operam ut valeas ; hoc mihi gratius facere nihil potes.

776. A CORNIFICIUS. Rome, octobre.

F. XII, 23. Stratorius ne m'a que trop bien instruit de l'état des choses dans votre province. Des abominations partout! mais plus la noblesse de votre caractère est connue, moins vous devez transiger sur des faits de cette nature. Vous avez un cœur et un esprit au-dessus de pareilles atteintes, et vous pouvez bien ne pas vous en affliger pour vous-même, mais je dis qu'il faut les réprimer. Nous reprendrons ce sujet. — Je sais positivement qu'on vous communique tout ce qui se fait à Rome; autrement je m'en chargerais d'office. Je vous parlerais notamment du coup de main de César Octavianus. La multitude est persuadée que c'est une manœuvre d'Antoine pour avoir un prétexte de fondre sur l'argent de ce jeune homme ; mais les têtes sages, les gens de bien, tiennent le fait pour vrai et l'approuvent. Que voulez-vous que je vous dise? de grandes espérances reposent sur lui. Il n'y a rien dont on ne croie qu'un sentiment d'honneur et l'amour de la gloire ne puissent le rendre capable. Quant au cher Antoine, il connaît si bien la haine dont il est l'objet, qu'il saisit des meurtriers apostés dans sa propre maison et qu'il n'ose faire confidence au public de cet attentat. Il est parti pour Brindes le sept des ides d'octobre. Il va au-devant des quatre légions de Macédoine. Il se hâte de les gagner à prix d'argent, de les amener à Rome et de s'en servir pour nous mettre la chaîne au cou. Voilà où en est la république, mais au milieu des armes, y a-t-il encore une république? Je plains bien souvent votre sort. Vous êtes trop jeune pour avoir goûté les avantages d'un gouvernement fort et régulier. Vous pouviez du moins vous flatter d'un meilleur avenir. Adieu cette espérance. Qu'espérer, hélas! quand un Antoine ose dire en pleine tribune qu'il n'y a pas sûreté pour lui à Rome, avec les hommes au milieu desquels Canutius vient de se placer ! — Je souffre ces indignités et toutes les indignités possibles, en rendant grâce à la philosophie qui me rend étranger à la crainte et qui m'arme contre les coups de la fortune, laites comme moi; ne vous croyez jamais malheureux, tant que vous êtes sans reproche. Mais je n'ai rien à vous apprendre à cet égard. J'ai toujours fait grand cas de Stratorius. Cette occasion m'apprend à mieux apprécier encore ses bons sentiments, son zèle et sa sagesse. Ayez soin de votre santé; c'est ce qui me touche le plus.

Scr. Romae circ. Ix K. Febr. A. 711 (43).

CICERO CORNIFICIO S.

Ego nullum locum praetermitto (nec enim debeo) non modo laudandi tui sed ne ornandi quidem ; sed mea studia erga te et officia malo tibi ex tuorum litteris quam ex meis esse nota. Te tamen hortor ut omni cura in rem p. Incumbas. Hoc est animi, hoc est ingeni tui, hoc eius spei quam habere debes amplificandae dignitatis tuae. Sed hac de re alias ad te pluribus. Cum enim haec scribebam, in exspectatione erant omnia ; nondum legati redierant, quos senatus non ad pacem deprecandam sed ad denuntiandum bellum miserat nisi legatorum nuntio paruisset. Ego tamen, ut primum occasio data est, meo pristino more rem p. Defendi, me principem senatui populoque R. Professus sum nec, postea quam suscepi causam libertatis, minimum tempus amisi tuendae salutis libertatisque communis. Sed haec quoque te ex aliis malo. T. Pinarium, familiarissimum meum, tanto tibi studio commendo ut maiore non possim ; cui cum propter omnis virtutes tum etiam propter studia communia sum amicissimus. Is procurat rationes negotiaque Dionysi nostri, quem et tu multum amas et ego omnium plurimum. Ea tibi ego non debeo commendare, sed commendo tamen. Facies igitur ut ex Pinari, gratissimi hominis, litteris tuum et erga illum et erga Dionysium studium perspiciamus.

803. — A CORNIFICIUS. Rome, janvier.

F. XII, 24. Je ne laisse échapper aucune occasion de vous faire valoir, ou de vous servir plus solidement encore. En cela , j'acquitte une dette; mais ce que je fais pour vous, j'aime mieux qu'un autre que moi vous l'écrive. La chose publique réclame tous les efforts de votre zèle. Il y a là une belle carrière pour vos talents, votre courage, et la juste ambition qui vous anime. Une autre fois je vous en dirai davantage. Tout est en suspens au moment ou je vous écris : on attend le retour des députés que le sénat a envoyés, non pour demander la paix, mais pour notifier la guerre à défaut de soumission immédiate. De mon côté, je n'ai pas manque cette occasion de reprendre mon ancien rôle de défenseur de la république. J'ai déclaré hautement que je me mettais à la tête du sénat et du peuple, et le nouveau patron de la liberté ne cesse de veiller au salut publie et à la commune indépendance. Mais j'aime mieux que vous sachiez encore tout cela par d'autres. — T. Pinarius est l'un de mes plus intimes amis. Je vous le recommande aussi fortement que possible. Ce sont ses belles qualités (il les a toutes) et la parfaite conformité de nos goûts qui me l'ont rendu cher. Il s'est chargé des comptes et des affaires de mon ami Dionysius, que vous aimez tant et que je chéris plus que personne. Je ne devrais pas vous les recommander. Faites que T. Pinarius, qui est le plus reconnaissant des hommes, me remercie de vos bontés pour lui et pour Dionysius.

Scr. Romae xiv K. Apr. A. 711 (43).

 CICERO CORNIFICIO S.

Liberalibus litteras accepi tuas quas mihi Cornificius altero vicesimo die, ut dicebat, reddidit. Eo die non fuit senatus neque postero. Quinquatribus frequenti senatu causam tuam egi non invita Minerva ; etenim eo ipso die senatus decrevit ut Minerva nostra, custos urbis, quam turbo deiecerat, restitueretur. Pansa tuas litteras recitavit. Magna senatus approbatio consecuta est cum summo gaudio et offensione Minotauri, id est Calvisi et Tauri ; factum de te s. C. Honorificum. Postulabatur ut etiam illi notarentur ; sed Pansa clementior. Ego, mi Cornifici, quo die primum in spem libertatis ingressus sum et cunctantibus ceteris a. D. xiii K. Ian. Fundamenta ieci rei p. Eo ipso die providi multum atque habui rationem dignitatis tuae ; mihi enim est adsensus senatus de obtinendis provinciis. Nec vero postea destiti labefactare eum qui summa cum tua iniuria contumeliaque rei p. Provinciam absens obtinebat. Itaque crebras vel potius cotidianas compellationes meas non tulit seque in urbem recepit invitus neque solum spe sed certa re iam et possessione deturbatus est meo iustissimo honestissimoque convicio. Te tuam dignitatem summa tua virtute tenuisse provinciaeque honoribus amplissimis adfectum vehementer gaudeo . Quod te mihi de Sempronio purgas, accipio excusationem ; fuit enim illud quoddam caecum tempus servitutis. Ego tuorum consiliorum auctor dignitatisque fautor iratus temporibus in Graeciam desperata libertate rapiebar, cum me etesiae quasi boni cives relinquentem rem p. Prosequi noluerunt austerque adversus maximo flatu me ad tribulis tuos Regium rettulit, atque inde ventis remis in patriam omni festinatione properavi postridieque in summa reliquorum servitute liber unus fui. Sic sum in Antonium invectus ut ille non ferret omnemque suum vinulentum furorem in me unum effunderet meque tum elicere vellet ad caedis causam tum temptaret insidiis. Quem ego ructantem et nauseantem conieci in Caesaris Octaviani plagas. Puer enim egregius praesidium sibi primum et nobis, deinde summae rei p. Comparavit. Qui nisi fuisset, Antoni reditus a Brundisio pestis patriae fuisset. Quae deinceps acta sint scire te arbitror. Sed redeamus illuc unde devertimus. Accipio excusationem tuam de Sempronio ; neque enim statuti quid in tanta perturbatione habere potuisti. “nunc hic dies aliam vitam defert, alios mores postulat, ” ut ait Terentius. Quam ob rem, mi Quinte, conscende nobiscum et quidem ad puppim. Una navis est iam bonorum omnium, quam quidem nos damus operam ut rectam teneamus, utinam prospero cursu! sed, quicumque venti erunt, ars nostra certe non aberit. Quid enim prae stare aliud virtus potest? Tu fac ut magno animo sis et excelso cogitesque omnem dignitatem tuam cum re p. Coniunctam esse debere.

830. A QUNTUS CORNIFICIUS. Rome, avril.

F. XII, 25, 1ere partie. J'ai reçu votre lettre le jour des fêtes de Bacchus, quoique Cornificius prétende l'avoir apportée le 21e jour. Il n'y a eu séance au sénat, ni le 21e ni le lendemain ; mais on s'est réuni le jour des quinquatrides, et on était fort nombreux. J'ai plaidé votre cause. Je n'ai pas, comme on dit, parlé malgré Minerve, puisque le même jour ma pauvre Minerve, protectrice de la ville, qu'un ouragan avait renversée, a été rétablie par le sénat. Pansa a donné lecture de vos lettres : un murmure d'approbation et de joie a aussitôt circulé dans l'assemblée. Le Minotaure seul a rugi, je veux dire Calvisius et Taurus. Le décret honorifique a été rendu. On avait demandé leur rappel à l'ordre, mais Pansa, plus indulgent, a passé outre. — Quant à moi, mon cher Cornificius, le jour où une lueur d'espoir pour la liberté est rentrée dans mon âme, le jour où, au milieu de la torpeur universelle. je jetai les fondements de la république, c'était le 13 des kalendes de janvier; ce jour-là même, je pourvus à une foule de choses, et je songeai en particulier à l'intérêt de votre gloire. Le sénat, vous le savez, a ratifié toutes mes propositions sur la répartition des provinces. Depuis, je n'ai cessé de me plaindre de ce qu'à votre préjudice et au grand détriment de la république, on laissât une province à un absent. J'insistai si opiniâtrement, je revins si fort chaque jour à la charge, que j'ai forcé l'adversaire à venir à Rome en dépit de lui-même; et là mes énergiques et florissantes attaques lui ont arraché du même coup ses espérances et sa proie. Je jouis vivement, je vous assure, du beau caractère que vous avez montré dans votre province et des magnifiques témoignages que vous y avez reçus. — J'accepte votre justification sur Sempronius. Il y a de ces moments où l'esclavage rend aveugle. Moi qui vous parle et de qui vous reçûtes des conseils, moi qui fus si jaloux de votre honneur, je me sentis emporté dans le tourbillon, et, la colère et le désespoir dans l'âme, je fuyais vers la Grèce, lorsque, comme de bons citoyens, les vents étésiens vinrent arrêter en quelque sorte le déserteur de la république, et lui dire : Tu n'iras pas plus loin. L'aquilon me barra passage, et d'un souffle violent me rejeta à Rhégium chez les gens de votre tribu. Le vent et la rame m'eurent bientôt ensuite rendu à la patrie; et le lendemain, quand tout courbait encore la tête, seul je me réveillai libre. J'attaquai Antoine de front. L'ivrogne bondit, et concentra sur moi sa rage. En vain chercha-t-il à m'attirer sous les coups de ses sicaires, en vain me prépara-t-il des embûches, je le lançai moi-même, tout écornant de rage et de vin, dans les filets de César Octavianus. Cet admirable enfant ne manqua ni à son propre salut, ni au mien, ni à celui de la république. Sans lui, le retour d'Antoine de Brindes devenait fatal à la patrie. Vous n'ignorez pas, je pense , ce qui s'est passé. — Mais revenons au sujet qui m'a mené si loin. Oui, j'accepte votre justification sur Sempronius. Peut-on se faire une règle fixe au milieu de si grandes perturbations? « Chaque jour, dit Térence, le temps modifie notre être et nous donne d'autres pensées. » A bord, mon cher Quintus, a bord avec nous! c'est à la poupe même qu'il faut vous asseoir. Un seul et même vaisseau porte tous les bons citoyens. Puissé-je le bien diriger! Puisse la traversée être heureuse, quels que soient les vents ! Mon expérience ne fera pas faute à la manœuvre. La vertu ne peut rien de plus. De votre côté, fortifiez, agrandissez votre âme , et, dans votre pensée, ne séparez jamais votre existence de celle de la république.

Scr. Romae cire. In. M. Mai. A. 711 (43).

CICERO CORNIFICIO S.

P. Lucceium mihi meum commendas ; quem quibuscumque rebus potero diligenter tuebor. Hirtium quidem et Pansam, conlegas nostros, homines in consulatu rei p. Salutans, alieno sane tempore amisimus, re publica Antoniano quidem latrocinio liberata sed nondum omnino explicata. Quam nos, si licebit, more nostro tuebimur, quamquam admodum sumus iam defetigati. Sed nulla lassitudo impedire officium et fidem debet. Verum haec hactenus. Ab aliis te de me quam a me ipso malo cognoscere. De te audiebamus ea quae maxime vellemus. De Cn. Minucio, quem tu quibusdam litteris ad caelum laudibus extulisti, rumores duriores erant. Id quale sit omninoque quid istic agatur facias me velim certiorem.

831. — A CORNIFICIUS. Rome, avril.

F. XII, 25, 2e partie. Me recommander à moi Luccéius mon ami? certes je ne lui ferai faute en rien de ce que je puis. C'est une perte bien malencontreuse que celle de nos collègues Hirtius et Pansa, de deux consuls si utiles à la république. Nous sommes, il est vrai, délivrés des brigandages d'Antoine; mais il reste tant de choses à faire! Je veillerai pour la république, s'il plaît aux Dieux, jusqu'au dernier épuisement de mes forces affaiblies. Rien n'a pouvoir contre le devoir et l'honneur. Je m'arrête : j'aime mieux que les autres vous parlent de moi que de vous en parler moi-même. Tout ce qui me revient de vous satisfait à mes vœux les plus chers. Quelques-unes de vos lettres portent aux nues Cn. Minucius. Il courait sur son compte des bruits assez peu flatteurs. Dites-moi sincèrement ce qui en est, et tenez-moi au courant de tout ce qui se passe là-bas.

Scr. Romae vere a. 711 (43).

CICERO CORNIFICIO S.

Q. Turius, qui in Africa negotiatus est, vir bonus et honestus, heredes fecit similis sui, Cn. Saturninum, Sex. Aufidium, C. Anneum, Q. Considium Gallum, L. Servilium Postumum, C. Rubellium. Ex eorum oratione intellexi gratiarum actione eos magis egere quam commendatione. Tanta enim liberalitate se tua usos praedicabant ut iis plus a te tributum intellegerem quam ego te auderem rogare. Audebo tamen ; scio enim quantum ponderis mea commendatio sit habitura. Qua re a te peto ut ad eam liberalitatem qua sine meis litteris usus es quam maximus his litteris cumulus accedat. Caput autem est meae commendationis ne patiare Erotem Turium, Q. Turi libertum, ut adhuc fecit, hereditatem Turianam avertere ceterisque omnibus rebus habeas eos a me commendatissimos. Magnam ex eorum splendore et observantia capies voluptatem. Quod ut velis te vehementer etiam atque etiam rogo.

798. — A CORNIFICIUS.

F. XII, 26. Q. Turius, qui faisait le commerce en Afrique, était un homme de bien, et des plus honorables; les héritiers qu'il a constitués lut ressemblent, Cn. Saturninus, Sextus Aufidius, C. Annéius, Q. Considius GalIus, L. Servilius Postumius et C. Rubellinus. J'ai compris, à leur langage, qu'ils auraient plutôt à vous remercier qu'a se faire recommander près de vous ; car ils se louent si hautement de vos procédés, que, sans aucun doute, ils ont obtenu au delà de ce que j'oserais moi-même demander pour eux. Je prendrai toutefois la confiance de vous écrire : vous êtes si bon pour toutes mes recommandations ! Puisque vous leur avez prodigué les marques de votre bienveillance sans que je les aie sollicitées, je vous conjure de les en combler, maintenant que vous savez l'intérêt  que je leur porte ;je vous demande par-dessus tout d'empêcher Eros Turius, affranchi de Quintus Turius, de dilapider la succession comme il l'a fait jusqu'ici, et d'accorder en toute chose appui et bonne grâce à ses héritiers. Ce sont gens à faire honneur à votre protection, et à ne jamais oublier ce qu'ils lui doivent. Vous n'en recueillerez que de la satisfaction. Encore une fois, je vous les recommande avec toutes sortes d'instances.

Scr. Romae vere a. 711 (43).

CICERO CORNIFICIO S.

Sex. Aufidius et observantia qua me colit accedit ad proximos et splendore, equiti Romano nemini cedit; est autem ita temperatis moderatisque moribus ut summa severitas summa cum humanitate iungatur. Cuius tibi negotia quae sunt in Africa ita commendo ut maiore studio magisve ex animo commendare non possim. Pergratum mihi feceris, si dederis operam ut is intellegat meas apud te litteras maximum pondus habuisse. Hoc te vehementer, mi Cornifici, rogo.

 

799. — A CORNIFICIUS.

F. XII, 27. Sext. Aufidius va presque de pair avec mes meilleurs amis pour son affectueux et assidu dévouement, et il ne le cède en illustration a aucun chevalier romain. Son caractère présente l'heureux contraste d'une extrême sévérité de mœurs, unie à la facilité de commerce la plus grande. Je vous recommande ses intérêts en Afrique avec toute la chaleur et toute l'instance possible : ce sera m'obliger particulièrement que de lui faire voir que mon intervention est de quelque poids auprès de vous; et je vous le demande, mon cher Cornificius, avec beaucoup d'instances.

Scr. Romae paulo post xiii K. Apr.v a. 711 (43).

CICERO CORNIFICIO S.

Adsentior tibi eos quos scribis Lilybaeo minari istic poenas dare debuisse ; sed metuisti, ut ais, ne nimis liber in ulciscendo viderere. Metuisti igitur ne gravis civis, ne nimis fortis, ne nimis te dignus viderere. Quod societatem rei p. Conservandae tibi mecum a patre acceptam renovas gratum est ; quae societas inter nos semper, mi Cornifici, manebit. Gratum etiam illud, quod mihi tuo nomine gratias agendas non putas ; nec enim id inter nos facere debemus. Senatus saepius pro dignitate tua appellaretur, si absentibus consulibus umquam nisi ad rem novam cogeretur. Itaque nec de HS XX nec de HS DCC quicquam agi nunc per senatum potest. Tibi autem ex s. C. Imperandum mutuumve sumendum censeo. In re p. Quid agatur credo a te ex eorum litteris cognoscere, qui ad te acta debent perscribere. Ego sum spe bona consilio, cura, labore non desum ; omnibus inimicis rei publicae esse me acerrimum hostem prae me fero. Res neque nunc difficili loco mihi videtur esse et fuisset facillimo, si culpa a quibusdam afuisset.

820. — A CORNIFICIUS. Rome, avril.

F. XII, 28. Vous avez raison, c'est à Lilybée même qu'il aurait fallu faire justice des misérables qui vous ont fait trembler pour Lilybée; mais vous avez craint, dites-vous, de montrer de la passion dans la vengeance : je vous entends; vous avez craint de ne point paraître assez grave, assez puissant sur vous-même, assez fidèle à votre noble caractère, il existait entre votre père et moi une sorte d'alliance pour la défense de la république. Je suis charmé de voir cette alliance se renouveler entre nous : ce sont là des nœuds qui ne s'affaibliront jamais, mon cher Cornificius. Non, point de remercîments : voilà qui est fort bien encore, et c'est un usage à maintenir entre nous. Le sénat s'occuperait de vous davantage, si, pendant l'absence des consuls, il s'assemblait pour autre, chose que pour des incidents extraordinaires. Nulle apparence qu'il puisse traiter l'affaire des deux millions ni celle des cinq millions de sesterces. Mon avis est que vous agissiez en vertu du sénatus-consulte, et que vous mettiez un emprunt en recouvrement. Je pense qu'on vous donne des détails sur ce qui se passe, à mesure qu'on vous envoie les actes officiels. J'ai bonne espérance. La république occupe et remplit toutes mes pensées. J'attaque de front ses ennemis. Les choses se débrouillent ; elles auraient été beaucoup plus faciles, si tout le monde avait fait son devoir.

Scr. Romae vere a. 711 (43).

CICERO CORNIFICIO SAL.

Non modo tibi cui nostra omnia notissima sunt, sed neminem in populo R. Arbitror esse cui sit ignota ea familiaritas quae mihi cum L. Lamia est. Etenim magno theatro spectata est tum cum est ab A. Gabinio consule relegatus quod libere et fortiter salutem meam defendisset. Nec ex eo amor inter nos natus est sed, quod erat vetus et magnus, propterea nullum periculum pro me adire dubitavit. Ad haec officia vel merita potius iucundissima consuetudo accedit, ut nullo prorsus plus homine delecter. Non puto te iam exspectare quibus eum tibi verbis commendem ; causa enim tanti amoris intellegis quae verba desideret. Iis me omnibus usum putato. Tantum velim existimes, si negotia Lamiae, procuratores, libertos, familiam quibuscumque rebus opus erit defenderis, gratius mihi futurum quam si ea tua liberalitas pertinuisset ad rem familiarem meam ; nec dubito quin sine mea commendatione, quod tuum est iudicium de hominibus, ipsius Lamiae causa studiose omnia facturus sis. Quamquam erat nobis dictum te existimare alicui s. C., quod contra dignitatem tuam fieret, scribendo Lamiam adfuisse ; qui omnino consulibus illis numquam fuit ad scribendum ; deinde omnia tum falsa senatus consulta deferebantur. Nisi forte etiam illi Semproniano s. C. Me censes adfuisse qui ne Romae quidem fui, ut tum de eo ad te scripsi re recenti. Sed haec hactenus. Te, mi Cornifici, etiam atque etiam rogo ut omnia Lamiae negotia mea putes esse curesque ut intellegat hanc commendationem maximo sibi usui fuisse. Hoc mihi gratius facere nihil potes. Cura ut valeas.

821. — A CORNIFICIUS. Rome, avril.

F. XII, 29. Vous qui savez tout ce qui me touche, vous savez l'intimité de mes rapports avec L. Lamia : je ne crois pas qu'il y ait un seul citoyen qui les ignore, car il s'eu lit une révélation publique à l'époque ou le consul Gabinius força Lamia de s'exiler pour avoir défendu ma vie avec indépendance et courage. Ce n'est pas au surplus de ce moment que date notre liaison, et c'est même parce que nous étions alors fort étroitement liés depuis longtemps qu'il ne recula devant aucun danger pour moi. Indépendamment de ses titres, de ses droits sacrés à ma reconnaissance, Lamia est un homme charmant ; je n'en connais pas de. plus aimable au monde. Cela dit, dois-je me mettre en peine des termes dans lesquels je vous le recommanderai? Imaginez tout ce que la plus tendre affection peut inspirer de plus pressant. Mais je veux que vous sachiez quel prix infini j'attache à tout ce que vous ferez pour lui, pour ses affaires, ses agents, ses affranchis , toute sa maison enfin. Je vous en saurai autant de gré que pour moi-même. Il y a une chose dont je suis sûr : c'est que vous jugez trop bien les hommes pour ne pas accueillir Lamia avec empressement, même sans ma recommandation. On m'a dit, il est vrai, que vous lui reprochiez d'avoir apposé sa signature à certain sénatus-consulte dont vous avez fort à vous plaindre. Je vous assure qu'il n'a pris part à aucun des décrets de ces consuls-là : combien de décrets faux ne faisait-on pas d'ailleurs à cette époque? Croyez-vous, par exemple, que j'aie pris part au sénatus-consulte de Sempronius, moi qui n'étais pas même à Rome alors, et qui vous en ai écrit tout chaud? Assez là-dessus. Je vous prie, mon cher Cornificius, avec toute sorte d'instances, de regarder les affaires de Lamia comme les miennes, et de le traiter de façon qu'il ait des remerciements à ne faire. Vous ne pouvez rien faire qui me soit plus agréable. Ayez soin de votre santé.

Scr. Romae paulo post v Id. Iun. A. 711 (43).

 CICERO CORNIFICIO S.

 Itane? Praeter litigatores nemo ad te meas litteras? Multae istae quidem ; tu enim perfecisti ut nemo sine litteris meis tibi se commendatum putaret ; sed quis umquam tuorum mihi dixit esse cui darem, quin dederim? Aut quid mi iucundius quam, cum coram tecum loqui non possim, aut scribere ad te aut tuas legere litteras? Illud magis mihi solet esse molestum, tantis me impediri occupationibus, ut ad te scribendi meo arbitratu facultas nulla detur. Non enim te epistulis sed voluminibus lacesserem ; quibus quidem me a te provocari oportebat. Quamvis enim occupatus sis,' oti tamen plus habes ; aut, si ne tu quidem vacas, noli impudens esse nec mihi molestiam exhibere et a me litteras crebriores, cum tu mihi raro mittas, flagitare. Nam cum antea distinebar maximis occupationibus, propterea quod omnibus curis rem p. Mihi tuendam putabam, tum hoc tempore multo distineor vehementius. Ut enim gravius aegrotant ii qui, cum levati morbo videntur, in eum de integro inciderunt, sic vehementius nos laboramus, qui profligato bello ac paene sublato renovatum bellum gerere conamur. Sed haec hactenus. . Tu tibi, mi Cornifici, fac ut persuadeas non esse me tam imbecillo animo, ne dicam inhumano, ut a te vinci possim aut officiis aut amore. Non dubitabam equidem, verum tamen multo mihi notiorem amorem tuum effecit Chaerippus. O hominem semper illum quidem mihi aptum, nunc vero etiam suavem! vultus me hercule tuos mihi expressit omnis, non solum animum ac verba pertulit. Itaque noli vereri ne tibi suscensuerim, quod eodem exemplo ad me quo ad ceteros. Requisivi equidem proprias ad me unum litteras, sed neque vehementer et amanter. De sumptu, quem te in rem militarem facere et fecisse dicis, nihil sane possum tibi opitulari, propterea quod et orbus senatus consulibus amissis et incredibiles angustiae pecuniae publicae ; quae conquiritur undique, ut optime meritis militibus promissa solvantur ; quod quidem fieri sine tributo posse non arbitror. De Attio Dionysio nihil puto esse, quoniam mihi nihil dixit Tratorius. De P. Lucceio nihil tibi concedo, quo studiosior tu sis quam ego sum ; est enim nobis necessarius. Sed a magistris cum contenderem de praeterendo die, probarunt mihi sese quo minus id facerent et compromisso et iure iurando impediri. Qua re veniendum arbitror Lucceio ; quamquam, si meis litteris obtemperavit, cum tu haec leges illum Romae esse oportebit. Ceteris de rebus maximeque de pecunia, cum Pansae mortem ignorares, scripsisti quae per nos ab eo consequi te posse arbitrarere. Quae te non fefellissent, si viveret ; nam te diligebat ; post mortem autem eius quid fieri posset non videbamus. De Venuleio, Latino, Horatio valde laudo ; illud non nimium probo, quod scribis, quo illi animo aequiore ferrent, te tuis etiam legatis lictores ademisse (honore enim cum ignominia dignis non erant comparandi), eosque, ex s. C. Si non decedunt, cogendos ut decedant existimo. Haec fere ad eas litteras, quas eodem exemplo is binas accepi ; de reliquo velim tibi persuadeas non esse mihi meam dignitatem tua cariorem.

851. — A CONINIFICIUS. Rome, mai.

F. XII, 30. Je ne vous écris, dites-vous, que par des plaideurs; j'en conviens, et même fort souvent. Vous avez si bien fait qu'on ne se croit bienvenu de vous que quand on a une lettre de moi. Ai-je d'ailleurs laissé partir un seul des vôtres sans vous donner de mes nouvelles? privé de vous et de vos entretiens, ai-je de plus doux passe-temps que de vous écrire et de vous lire? Malheureusement je ne puis me donner carrière pour mon compte au gré de mon envie. C'est un de mes chagrins; je suis si occupé! Si je l'étais moins, ce ne sont pas des lettres que vous recevriez, ce sont des volumes, oui, des volumes, et c'est vous qui devriez m'en écrire; car bien que vous ayez fort à faire aussi sans doute, vous avez cependant plus de temps : et quand il n'en serait rien, vous devriez au moins vous taire et ne pas me chercher querelle. Comment oser, m'écrivant si peu, me reprocher de ne pas vous écrire assez? Mes occupations naguère étaient immenses, consacré tout entier, comme je l'étais , à la défense de la république; aujourd'hui, je vous assure, elles sont plus grandes encore. Semblable à ces malades qu'on croit sauvés et dont une rechute vient empirer la position, nous sommes dans un redoublement; après le combat et la guerre, il nous faut tirer le glaive encore. Mais c'est assez de ces réflexions. — Croyez, mon cher Cornificius, que je n'ai le cœur ni assez froid ni assez barbare pour ne pas répondre avec effusion à de bons procédés et à l'amitié qu'on me témoigne. Je ne doutais pas de voire affection sans doute , mais elle m'est mieux connue encore depuis que j'ai vu Chérippe. Quel homme excellent! si je me suis toujours senti du goût pour lui , je puis dire que ce goût est devenu une passion. Il m'a si bien représenté non-seulement vos sentiments et vos paroles, mais jusqu'aux moindres mouvements de votre visage ! Aussi ne craignez pas que je sois fâché de n'avoir reçu de vous qu'une circulaire comme les autres. Mais je vous somme de m'écrire désormais pour moi; encore ne vous fais-je cette sommation qu'avec un doux visage et d'un ton amical. — J'en viens aux dépenses où les besoins de la guerre vous entraînent. Malheureusement, il m'est impossible de vous fournir 651 des secours, parce que le sénat est sans chef depuis la mort des consuls , et que les embarras du trésor public sont au delà de tout ce qu'on peut imaginer. On cherche de l'argent de tous cotés pour s'acquitter envers les soldats qui ont si bien mérité de la république; et je ne crois pas qu'on réussisse à en trouver. Il faudra recourir à un tribut (On n'y avait pas eu recours depuis Paul-Emiile.). —Ce doit être peu de chose que l'affaire d'Attius Dionysius. Stratorius ne m'en a pas parlé. Non certes , vous ne pouvez vous intéresser à P. Luccéius plus que je ne le fais. Nous sommes intimement liés. Mais lorsque j'ai pressé les commissaires d'accorder un ajournement, ils m'ont démontré que le compromis et le serment leur liaient absolument les mains. Luccéius n'a d'autre parti à prendre que de venir. Au surplus, s'il en a cru mes avis, il sera à Rome au moment ou vous lirez ma lettre. Vous comptiez sur Pansa pour obtenir, par mon entremise, divers objets dont vous me parlez , surtout de l'argent; vous ignoriez sa mort. Assurément s'il vivait , votre attente n'eût pas été trompée; il vous aimait tant! Mais que faire aujourd'hui qu'il n'est plus? Je ne vois rien de possible. — Vous avez cent fois raison pour Vénuléius , Latinus et Horatius (Lieutenants de Calvisius, par lesquels il voulait gouverner l'Afrique en son absence) ; mais je suis loin de vous approuver lorsque, pour les consoler, vous voulez ôter les licteurs à vos propres lieutenants. Il ne faut jamais placer sur la même ligne des hommes honorables et des hommes déshonorés. Mon opinion est que , s'ils ne renoncent pas à leurs prétentions, vous devez vous prévaloir du sénatus-consulte et les y contraindre. Je crois avoir à peu près répondu à tous les articles de votre lettre, qui m'est arrivée en double. Il ne me reste plus qu'à vous assurer de nouveau que rien ne m'est plus cher au monde que tout ce qui vous touche.