Cicéron, Fragments

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME QUATRIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB, 56 - M DCCC LXIX

Fragments Des Ouvrages En Prose Et En Vers

1ère partie : FRAGMENTS DES DISCOURS PERDUS.

§ ii. DISCOURS CONSULAIRES.

DISCOURS SUR L. OTHON. - DISCOURS SUR LES ENFANTS DES PROSCRITS. - ISCOURS CONTRE LA HARANGUE DE Q. MÉTELLUS. - DISCOURS SUR SON CONSULAT. - DISCOURS CONTRE P. CLODIUS ET CURION. - DISCOURS SUR LES DETTES DE MILON.

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ŒUVRES

COMPLÈTES



DE CICÉRON,


AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,

PUBLIÉES

SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD,

DE L'ACADÉMIE

INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
 

TOME QUATRIEME






PARIS,


CHEZ FIRMIN DIDOT FRERES, FILS ET Cie, LIBRAIRES,
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE

RUE JACOB,  .

M DCCC LXIV

FRAGMENTS DES DISCOURS PERDUS.

§ ii. DISCOURS CONSULAIRES.

DISCOURS SUR L. OTHON.

Le tribun L. Roscius Othon, quatre ans avant que ce discours fût prononcé, avait assigné à l'ordre équestre les quatorze premiers bancs, au théâtre, après les sénateurs. Le peuple s'en irrita un jour ; et comme les chevaliers prenaient parti pour Othon, un combat allait s'engager.

Cicéron se présente tout à coup, et ordonne au peuple de le suivre au temple de Bellone. Là, il le gagne tellement par son éloquence, que, de retour au théâtre, ce peuple témoigne autant de respect et de bienveillance à Otbon que les chevaliers eux-mêmes.

Fronton, p. 373, cite de ce discours un bout de phrase de six mots.

604 DISCOURS SUR LES ENFANTS DES PROSCRITS.

Voyez, pour le sujet de ce discours, Velléius Paterculus, ii, 28; Quintilien, ix, 2; Pline, vii, 30; et Ciceron lui-même, In Pisonem, ch. 2. Il n'en reste qu'une seule phrase citée par Quintilien, xi, 1.

DISCOURS CONTRE LA HARANGUE DE Q. MÉTELLUS.

Q. Métellus Népos, contre qui ce discours fut prononcé dans le sénat, au commencement de 691, est ce tribun qui venait d'entrer en charge quand Cicéron se présenta, suivant l'usage, dans la tribune aux harangues, pour déposer le consulat, et qui le réduisit, par son opposition, à se contenter de ce serment : « Romains, je jure que j'ai sauvé la patrie. »

Cicéron appelle celte oraison Metellina, et nous en apprend le sujet dans ses Lettres à Atticus, i, 13 ; Familières, v, 1 et 2. Il en reste une dizaine de petits fragments dans saint Augustin, Princip. de Rhét. p. 327; dans Priscien, ix, 9; x, 3; dans Aulu-Gelle, xviii, 7; et dans Quintilien, ix, 3, § 40, 45, 49 et 50.

DISCOURS SUR SON CONSULAT.

On ne connaît pas positivement le sujet de ce discours ; on croit seulement qu'il peut avoir été préparé pour le jour où Métellus Népos empêcha Cicéron de parler devant le peuple, au sortir du consulat.

Le fragment conservé par Nonius, au mot Census, p. 202, n'a que cinq mots.

DISCOURS CONTRE P. CLODIUS ET CURION.

Voyez, pour l'argument complet de ce discours, la lettre dizième du premier livre des Lettres de Cicéron à Atticus.

Une vingtaine environ de ces fragments sont si mutilés, si courts, si dénués de sens pour la plupart, que nous n'avons pas jugé à propos de les traduire. Ils ont été recueillis, partie dans le manuscrit de Turin par M. Peyron, partie dans celui de Milan, par M. Maï. Quatre autres sont assez considérables ; nous en donnons la traduction. On en trouvera deux encore dans Quintilien, v, 10; viii, 6, et un dernier dans Cicéron, Lettres à Atticus, i, 16.

 

 

IN P. CLODIUM ET CURIONEM.

1. Primum homo durus ac priscus invectus est in eos, qui mense aprili apud Baias essent, et aquis calidis uterentur. Quid cum hoc homine nobis, tam tristi ас severo ? Non possunt hi mores ferre hunc tam austerum et tam vehementem magistrum, per quern hominibus majoribus natu ne in suis quidem praediis impune tum, quum Romae nihil agitur, liceat esse, valitudinique servire. Verumtamen ceteris... sit ignoscere... vero in illo loco nullo modo. Quid homini, inquit, Arpinati cum Baiis, agresti ас rustico? Quo loco ila fuit caecus, ut facile appareret vidisse eum, quod fas non fuisset. Nec enim respexit, illum ipsum patronum libidinis suae non modo apud Baias esse, verum eas ipsas aquas habere, quae gustu tarnen Arpinatis fuissent. Sed videte metuendam inimici et hostis bilem et licentiam. Is me dixit aedificare ; ubi nihil habeo, ibi fuisse : qu.... enim non ... patentem adversarium qui id objiciat, quod vel honeste confiteri, vel manifesto redarguere possis.

2. Nam rusticos ei nos videri minus est mirandum, qui manicatam tunicam, et mitram, et purpureas fascias habere non possumus. Tu vero festivus, tu elegans, tu solus urbanus; quem decet muliebris ornatus, quem incessus psaltriœ ; qui effeminare vultum, attenuare vocera, lœvare corpus potes.

3. O singulare prodigium! At, o monstrum! nonne te uijus templi, non urbis, non vitae, non lucis pudet? Tu, qui indutus muliebri veste fueris, virilem vocem audes emittere, cujus importunant libidinem et stuprum cum scelere conjunctum, ne subornandi quidem mora retardavit? Tunc, quum vincirentur pedes fasciis, quum calvatica capiti accommodaretur, quum vix manicatam tunicam in lacertos induceres, quum strophio accurate praecingerere, in tam longo spatio nunquam te Appii Claudii nepotem esse recordatus es ? Nonne, etiam si omnem mentem libido averterat, tamen ex.......

4. Sed, credo, postquam speculum tibi allatum est, longe te a Pulchris abesse sensisti.

5. At sum, inquit, absolutus : novo quidem hercle more, cui uni absoluto lites œstimatae sunt.

6. ... Quasi ego non contentus sim, quod mibi quinque et xx judices crediderunt.

7. Quatuor tibi sententias solas ad perniciem defuisse.

1. —D'abord cet homme austère et d'une vertu antique (Clodius) se déchaîne contre ceux qui sont à Baies en avril, et font usage de bains chauds. Comment vivre avec ce triste et impitoyable censeur ? Nos mœurs ne peuvent s'accommoder d'un maître si sévère, d'humeur si grondeuse, qui ne permet pas même à des hommes plus âgés que lui de rester impunément dans leurs vilîas quand ils n'ont rien à faire à Rome, et d'y soigner leur santé. Partout ailleurs, si vous voulez, semblet-il nous dire; mais là jamais! ... Qu'a-t-il affaire à Baies, s'écrie-t-il, ce grossier paysan d'Arpinum? Mais ici ses yeux le servirent si mal, qu'on reconnut sans peine qu'il avait vu ce qu'il n'eût pas dû voir. Car il ne s'est pas rappelé que le protecteur même de ses débauches, non-seulement est à Baies, mais qu'il y possède les mêmes eaux qui furent naguère les délices d'un illustre citoyen d Arpinum (Marius). Voyez ensuite la redoutable colère et la fougue désordonnée de cet ennemi plein de haine ! Il dit que je fais bâtir ; que là où je n'avais rien... Comment ne pas admirer un adversaire déclaré qui ne vous objecte que ce qu'on peut avouer sans honte, ou avance des mensonges réfutés par l'évidence?

2. — II est moins étonnant d'ailleurs que nous soyons pour lui des paysans, nous qui ne pouvons avoir ni tunique à manches, ni mitre, ni bandelettes de pourpre. Toi seul es gracieux, élégant et poli ; à toi seul sied la parure d'une femme, la démarche d'une danseuse ; seul, tu peux efféminer ton visage, adoucir ta voix, adoniser toute ta personne.

3. — Ô prodige! ô monstre d'une espèce unique ! L'aspect de ce temple, de cette ville, cet air que tu respires, cette lumière du ciel ne te font pas rougir ? Oses-tu bien, sous tes habits de femme, faire entendre la voix d'un homme ; toi dont la passion sans frein, la soif de l'adultère, jointes au sacrilège, n'ont point été arrêtées par les lenteurs mêmes d'un déguisement? Quoi ! lorsqu'on entourait tes pieds de brodequins, lorsqu'on disposait un voile sur ton front, lorsqu'on adaptait si dif- 605 ficilement à tes bras les manches de la tunique; lorsque tu te ceignais la poitrine du strophium avec tant de soin, tu n'as pas un instant, durant ces longs apprêts, songé que tu étais le petit-fils d'Appius Claudius? Quand même la passion t'eût fait perdre le sens, ne devais-tu pas....

4. — Mais quand on eut apporté le miroir, tu reconnus sans doute quelle différence il y avait entre un Pulcher (un homme beau) et toi.

5. — Mais, dit-il, j'ai été absous. Oui certes, et d'une façon toute nouvelle; cette absolution étant la seule jusqu'ici suivie du payement de l'amende.

6... Comme si je ne devais pas être satisfait de ce que vingt-cinq juges ont cru à mon témoignage !

7. Il ne t'a manqué que quatre voix pour être condamné.



 

DISCOURS SUR LES DETTES DE MILON.

Jusqu'aux découvertes de M. Maï, le titre même de ce discours nous était inconnu. M. Mai n'en a pu malheureusement recueillir que quelques phrases, arec les scholies d'un commentateur inconnu. Ces scholies nous indiquent toutefois le sujet du discours.

T. Annius Milon et Q. Mélellus Scipion, puis Hypséus, briguaient le consulat pour la même année. Clodius attaqua Milon et Cicéron lui-même. Il reprochait à ce dernier de méditer des violences pour appuyer la candidature de son ami, et à Milon d'avoir caché une grande partie de ses dettes, lorsque, suivant la coutume, il en avait fait la déclaration, et de n'avoir accusé que soixante raille sesterces. Clodius s'étant écrié qu'il ne consentirait jamais à ce qu'on livrât la république comme une proie à cet insatiable dissipateur, Cicéron se leva pour défendre son ami, et prononça ce discours, dans lequel il s'attacha plutôt à décrier les mœurs et la conduite de Clodius qu'à justifier Milon. C'est une invective du genre de celle qu'il prononça contre Vatinius, et qu'on appelait interrogatio.

Aucun des fragments ne peut ni ne doit être cité. Il n'y en a peut-être pas deux qui forment une phrase complète; et encore ont-ils deux lignes à peine.