Eschyle traduit par Alexis Pierron

ESCHYLE

 

THÉÂTRE

.

PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ. Αἰσχύλου Προμηθεὺς Δεσμώτης

Traduction française : A. PIERRON

Introduction à l'oeuvre d'Eschyle - Perses

 

 

THÉÂTRE

 

 

 

D'ESCHYLE

 

 

PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

 

TRAGÉDIE.

 

ARGUMENT.

 

Tout le monde connaît la légende du Titan Prométhée. Ce dieu avait vu l'ignorance et la misère des hommes : il vint à leur secours; il leur donna le feu et leur enseigna tous les arts. Jupiter le punit de ce bienfait. Vulcain reçut l'ordre d'enchaîner et de clouer Prométhée sur un rocher, au sommet d'une montagne entre l'Europe et l'Asie. La Puissance et la Force, deux divinités impitoyables furent chargées de veiller à l'exécution des volontés de Jupiter. C'est ici que commence la tragédie d'Eschyle. Prométhée subit dans un profond silence le supplice qu'il n'avait pas mérité; il demeure insensible et aux paroles affectueuses de Vulcain et aux insultes de la Puissance. Eschyle a souvent tiré du silence de ses personnages les plus grands effets dramatiques. Ainsi, dans Niobé, la mère, au début de la pièce, était, depuis trois jours sur le tombeau de ses enfants, silencieuse et la tête voilée; ainsi, dans le Rachat d'Hector, Achille, en proie à sa douleur, ne disait que quelques mots, au commencement, pour répondre à Mercure, conducteur du vieux Priam. Prométhée parlera; mais il attend, pour donner un libre cours à ses plaintes, le départ des bourreaux. Alors les nymphes Océanides accourent pour le consoler. Leur père, le vieil Océan, vient comme elles, et essaye de faire fléchir devant Jupiter cette âme obstinée. Il part sans avoir rien obtenu. Bientôt on voit paraître lo, que ses courses errantes ont entraînée jusque dans ces climats lointains. Elle raconte ses malheurs, et le dieu captif lui prédit la fin de ses tristes aventures; il lui annonce même qu'un temps viendra où, pour sauver son empire, Jupiter n'aura d'autre recours que dans Prométhée : c'est le persécuteur qui implorera la victime. Jupiter a entendu ces menaces : il envoie Mercure pour forcer son ennemi à s'expliquer; mais Prométhée reste inébranlable aux sommations de Mercure, comme il l'avait été à toutes les remontrances de l'Océan. Mercure se retire; la foudre gronde, les vents sifflent, la mer 2 se soulève, le rocher vole en éclats brisé par la foudre, et Prométhée est abîmé sous les débris. Voilà toute la tragédie.

La légende de Prométhée avait fourni au génie d'Eschyle la matière de trois autres pièces. L'une d'elles, le Prométhée allumeur du feu, était un drame satyrique, qui fut joué le même jour que les Perses, et certainement à une autre époque que le Prométhée enchaîné. Mais les deux autres, le Prométhée porteur du feu et le Prométhée délivré, formaient avec la tragédie qui nous reste une véritable trilogie, dont les trois actes, si je puis m'exprimer ainsi, montraient successivement Prométhée encourant la haine de Jupiter, Prométhée subissant les effets de cette haine, et Prométhée se réconciliant avec son ennemi. Il ne reste que deux vers authentiques du Prométhée porteur du feu; mais on sait à peu près de quelles inventions le poëte avait rempli la tragédie. Jupiter est en guerre ouverte avec les Titans. Prométhée, flls de Thémis, n'ayant pu faire accepter à ceux-ci les sages avis qu'il leur donnait, passe dans le parti de Jupiter, et l'aide à se défaire de ses terribles rivaux. Jupiter, dont la colère n'était point encore assouvie par l'éclatante punition des Titans, s'attaque au genre humain lui-même, et prétend l'anéantir; mais Prométhée, par de sages remontrances, calme le dieu, qui consent à laisser la vie àux hommes. A ce premier bienfait envers les hommes, Prométhée en ajouté plusieurs autres ; mais il a voulu leur donner des perfections que les dieux se réservaient pour eux seuls : il leur a fait présent du feu, qui deviendra, entre leurs mains, l'instrument de tous les arts. Jupiter s'irrite alors contre celui qui vient d'empiéter sur ses droits, et le supplice de Prométhée ne se fait pas attendre. Tels sont, d'après Eschyle lui-même, les principaux faits qui ont précédé l'action du Prométhée enchaîné, et dont il a mis le récit, ou plutôt le rappel, dans la bouche du héros de la tragédie. On croit aussi que la scène du Prométhée porteur du feu était à Lemnos, et que les Cabires en formaient le chœur. C'est au mont Mosychle, volcan de cette île, que Prométhée, suivant le poste latin Attius, avait dérobé le feu pour le donner aux hommes.

Il reste d'assez nombreux fragments du Prométhée délivré, et l'ordonnance de cette pièce est visible dans ces fragments mêmes. Prométhée, au début de la tragédie, est encore cloué et enchaîné à son rocher, et l'aigle de Jupiter lui fait endurer d'horribles tourments. Le chœur n'est plus formé par les Océanides, comme dans la seconde pièce de la trilogie, mais par les Titans, sortis des cachots du Tartare. C'était une idée adoptée par plusieurs ppêtes, et notamment par Pindare, que Jupiter, une fois fermement établi dans sa puissance, avait proclamé une amnistie générale, et rendu leurs honneurs aux divinités autrefois vaincues. La race humaine avait grandi en force et en dignité, grâce aux travaux des héros. Hercule, fils de Jupiter et descendant d'Io, le plus illustre de ces demi-dieux, apprend de Prométhée les destins qui l'attendent; et, pour récompenser le titan de ses prédictions, il abat l'aigle et brise les chaînes 3 du captif. Il est probable que Chiron jouait un rôle dans la pièce, et qu'il sacrifiait son immortalité pour aider à la délivrance de lProméthée, et aussi pour échapper aux douleurs qui le torturaient, ayant été blessé par les flèches empoisonnées d'Hercule. La pièce finissait par la réconciliation de Prométhée et de Jupiter. Celui-ci abandonnait, sur le conseil de Prométhée, le dessein qu'il avait formé d'épouser Thétis, parce qu'un fils serait né de cet hymen, qui devait renverser son père du trône : il permettait a Thétis de s'unir à un mortel, et Pelée recevait la déesse de ses mains.

Les critiques admettent généralement, aujourd'hui, l'opinion d'après laquelle le Prométhée allumeur du feu, le Prométhée enchaîné et le Promélhée délivré formaient un ensemble tragique, comme Agamemnon, les Choéphores et les Euménides. Pourtant quelques-uns doutent encore. Ils ne croient pas que le Prométhée porteur du feu soit distinct du Prométhée allumeur du feu. L'ordonnance du Prométhée délivré était, selon eux, beaucoup trop semblable à celle du Prométhée enchaîné pour qu'on puisse admettre que les deux pièces aient été représentées le même jour, à la suite l'une de l'autre. Enfin plusieurs particularités du Prométhée délivré ne s'accordent pas exactement avec ce que nous lisons dans le Prométhée enchaîné. Ainsi, par exemple, dans le Prométhée enchaîné, c'est sur une montagne fort éloignée du Caucase que le Titan a été cloué par Vulcain ; et c'est sur le Caucase même que, dans le Prométhée délivré, il subissait le supplice annoncé par Mercure.

Mais il faut remarquer que les deux actions sont séparées par des siècles d'intervalle (treize générations); que Prométhée a été plongé longtemps dans le Tartare; que Jupiter, en le ramenant à la lumière du jour, l'a fait enchaîner une seconde fois pour le livrer en pâture à l'aigle, et que rien n'obligeait le bourreau à replacer la victime sur la même montagne où elle avait pâti la première fois. La contradiction des deux pièces, en ce qui concerne le lieu de la scène, est donc purement apparente. Quant aux autres objections, elles n'ont rien de vraiment sérieux. L'analogie de la situation explique suffisamment l'analogie de l'ordonnance; et le plan symétrique des deux pièces était, sans nul doute, une des conceptions dont le poête se félicitait le plus, et même une des beautés que les auditeurs et les lecteurs grecs ont le plus admirées. Enfin c'est par une pure hypothèse qu'on affirme l'identité du Prométhée porteur du feu et du Prométhée allumeur du feu. L'existence des deux titres est un fait ; et c'est légitimement qu'on .induit de ce fait l'existence de deux pièces distinctes.

La publication des scholies du Mediceus a fourni aux partisans de la trilogie des Prométhées un argument qui manquait à Siebelis, à Welcker et à son école. On y lit, à propos du vers 511 du Prométhée enchaîné : « Car il est délivré dans la pièce suivante » ; puis, à propos du vers 522 : « Il réserve pour la pièce suivante l'explication de ce mystère. » On pourrait ne voir, dans la première de ces deux 4 notes, qu'une mention relative à l'ordre matériel adopté par les Alexandrins pour le classement des pièces; mais la seconde note est un témoignage à peu près incontestable, comme le dit le savant éditeur Henri Weil, de l'étroite connexion du Prométhëe délivré avec le Prométhée enchaîné. Il y avait donc bien trilogie dans toute la force du terme; et ce n'est pas fortuitement que se suivaient les trois tragédies dont Prométhée était le héros, comme c'est fortuitement que se font suite, chez Sophocle, les sujets d'Oedipe-Roi, d'Oedipe à Colone et d'Antigone.

On ignore la date de la représentation du Prométhée enchaîné. Il est probable toutefois que ce ne fut pas un des premiers essais d'Eschyle. L'éruption de l'Etna dont il est question dans la pièce est de l'an 479 avant J.-C. ; et la science du dialogue, l'art avec lequel le poëte soutient, pendant les plus longs récits, l'attention des auditeurs, la merveilleuse perfection du style, tout enfin prouve que cette tragédie fut une des œuvres de sa puissante maturité. Mais, comme je l'ai déjà remarqué ailleurs, rien n'indique que cette pièce ne soit pas antérieure par sa date aux six autres tragédies qui nous restent; et c'est à peu près gratuitement qu'Otfried Millier la regarde comme un des derniers efforts du génie d'Eschyle.

On a beaucoup écrit et beaucoup déraisonné à propos de la prophétie de Prométhée sur la chute de Jupiter. Il est insensé de prendre Eschyle pour un des hérauts qui ont annoncé la venue du Messie. La prophétie prétendue n'était pas même une énigme pour les spectateurs athéniens. Tous savaient, en entendant Prométhée, à quoi faisaient allusion ses paroles. D'ailleurs le poète lui-même donnait, dans le Prométhée délivré, une complète explication de ce qui n'est obscur que pour notre ignorance. Il n'avait fait rten que de fort simple : mettre en œuvre une des mille traditions de la mythologie sur les amours de Jupiter. Il y avait longtemps, au siècle d'Eschyle, que les événements annoncés par Prométhée s'étaient accomplis; et Eschyle a prédit l'avenir, comme tous les poêtes depuis Homère, quand l'avenir était devenu le passé.

 

PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

 

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PERSONNAGES.

 

LA PUISSANCE.

LA FORCE, personnage muet.

VULCAIN.

PROMÉTHÉE.

CHŒUR des nymphes Océanides,

L'OCÉAN.

IO, fille d'Inachus.

MERCURE  (01).

La scène est sur une montagne entre l'Europe et l'Asie. Cette montagne n'est pas le Caucase, comme on l'a souvent répété par erreur, ou plutôt d'après une tradition différente de celle qu'a suivie Eschyle. Il est bien question du Caucase dans la pièce ; mais une distance considérable, suivant Prométhée lui-même, sépare le Caucase du lieu où il est enchaîné. Quelques editeurs modernes ont néanmoins placé sur le Caucase la scène de cette tragédie.


 

 Κράτος

Χθονὸς μὲν ἐς τηλουρὸν ἥκομεν πέδον,
Σκύθην ἐς οἷμον, ἄβατον εἰς ἐρημίαν.
Ἥφαιστε, σοὶ δὲ χρὴ μέλειν ἐπιστολὰς
ἅς σοι πατὴρ ἐφεῖτο, τόνδε πρὸς πέτραις
ὑψηλοκρήμνοις τὸν λεωργὸν ὀχμάσαι 5
ἀδαμαντίνων δεσμῶν ἐν ἀρρήκτοις πέδαις.
Τὸ σὸν γὰρ ἄνθος, παντέχνου πυρὸς σέλας,
θνητοῖσι κλέψας ὤπασεν. Τοιᾶσδέ τοι
ἁμαρτίας σφε δεῖ θεοῖς δοῦναι δίκην,
ὡς ἂν διδαχθῇ τὴν Διὸς τυραννίδα 10
στέργειν, φιλανθρώπου δὲ παύεσθαι τρόπου.

Ἥφαιστος

Κράτος Βία τε, σφῷν μὲν ἐντολὴ Διὸς
ἔχει τέλος δὴ κοὐδὲν ἐμποδὼν ἔτι·
ἐγὼ δ᾽ ἄτολμός εἰμι συγγενῆ θεὸν
δῆσαι βίᾳ φάραγγι πρὸς δυσχειμέρῳ. 15
Πάντως δ᾽ ἀνάγκη τῶνδέ μοι τόλμαν σχεθεῖν·
ἐξωριάζειν γὰρ πατρὸς λόγους βαρύ.
Τῆς ὀρθοβούλου Θέμιδος αἰπυμῆτα παῖ,
ἄκοντά σ᾽ ἄκων δυσλύτοις χαλκεύμασι
προσπασσαλεύσω τῷδ᾽ ἀπανθρώπῳ πάγῳ 20
ἵν᾽ οὔτε φωνὴν οὔτε του μορφὴν βροτῶν
ὄψει, σταθευτὸς δ᾽ ἡλίου φοίβῃ φλογὶ
χροιᾶς ἀμείψεις ἄνθος. Ἀσμένῳ δέ σοι
ἡ ποικιλείμων νὺξ ἀποκρύψει φάος,
πάχνην θ᾽ ἑῴαν ἥλιος σκεδᾷ πάλιν· 25
ἀεὶ δὲ τοῦ παρόντος ἀχθηδὼν κακοῦ
τρύσει σ᾽· ὁ λωφήσων γὰρ οὐ πέφυκέ πω.
Τοιαῦτ᾽ ἐπηύρω τοῦ φιλανθρώπου τρόπου.
Θεὸς θεῶν γὰρ οὐχ ὑποπτήσσων χόλον
βροτοῖσι τιμὰς ὤπασας πέρα δίκης. 30
Ἀνθ᾽ ὧν ἀτερπῆ τήνδε φρουρήσεις πέτραν
ὀρθοστάδην, ἄυπνος, οὐ κάμπτων γόνυ·
πολλοὺς δ᾽ ὀδυρμοὺς καὶ γόους ἀνωφελεῖς
φθέγξῃ· Διὸς γὰρ δυσπαραίτητοι φρένες.
Ἅπας δὲ τραχὺς ὅστις ἂν νέον κρατῇ. 35

Κράτος

Εἶεν, τί μέλλεις καὶ κατοικτίζῃ μάτην;
Τί τὸν θεοῖς ἔχθιστον οὐ στυγεῖς θεόν,
ὅστις τὸ σὸν θνητοῖσι προὔδωκεν γέρας;

Ἥφαιστος

Τὸ συγγενές τοι δεινὸν ἥ θ᾽ ὁμιλία.

Κράτος

Σύμφημ᾽· ἀνηκουστεῖν δὲ τῶν πατρὸς λόγων 40
οἷόν τε πῶς; Οὐ τοῦτο δειμαίνεις πλέον;

Ἥφαιστος

Αἰεί γε δὴ νηλὴς σὺ καὶ θράσους πλέως.

Κράτος

Ἄκος γὰρ οὐδὲν τόνδε θρηνεῖσθαι. Σὺ δὲ
τὰ μηδὲν ὠφελοῦντα μὴ πόνει μάτην.

Ἥφαιστος

Ὦ πολλὰ μισηθεῖσα χειρωναξία. 45

Κράτος

Τί νιν στυγεῖς; Πόνων γὰρ ὡς ἁπλῷ λόγῳ
τῶν νῦν παρόντων οὐδὲν αἰτία τέχνη.

Ἥφαιστος

Ἔμπας τις αὐτὴν ἄλλος ὤφελεν λαχεῖν.

Κράτος

Ἅπαντ᾽ ἐπαχθῆ πλὴν θεοῖσι κοιρανεῖν·
ἐλεύθερος γὰρ οὔτις ἐστὶ πλὴν Διός. 50

Ἥφαιστος

Ἔγνωκα τοῖσδε κοὐδὲν ἀντειπεῖν ἔχω.

Κράτος

Οὔκουν ἐπείξῃ τῷδε δεσμὰ περιβαλεῖν,
ὡς μή σ᾽ ἐλινύοντα προσδερχθῇ πατήρ;

Ἥφαιστος

Καὶ δὴ πρόχειρα ψάλια δέρκεσθαι πάρα.

Κράτος

Βαλών νιν ἀμφὶ χερσὶν ἐγκρατεῖ σθένει 55
ῥαιστῆρι θεῖνε, πασσάλευε πρὸς πέτραις.

Ἥφαιστος

Περαίνεται δὴ κοὐ ματᾷ τοὔργον τόδε.

Κράτος

Ἄρασσε μᾶλλον, σφίγγε, μηδαμῇ χάλα.
Δεινὸς γὰρ εὑρεῖν κἀξ ἀμηχάνων πόρον.

Ἥφαιστος

Ἄραρεν ἥδε γ᾽ ὠλένη δυσεκλύτως. 60

Κράτος

Καὶ τήνδε νῦν πόρπασον ἀσφαλῶς, ἵνα
μάθῃ σοφιστὴς ὢν Διὸς νωθέστερος.

Ἥφαιστος

Πλὴν τοῦδ᾽ ἂν οὐδεὶς ἐνδίκως μέμψαιτό μοι.

Κράτος

Ἀδαμαντίνου νῦν σφηνὸς αὐθάδη γνάθον
στέρνων διαμπὰξ πασσάλευ᾽ ἐρρωμένως. 65

Ἥφαιστος

Αἰαῖ, Προμηθεῦ, σῶν ὑπερστένω πόνων.

Κράτος

Σὺ δ᾽ αὖ κατοκνεῖς τῶν Διός τ᾽ ἐχθρῶν ὕπερ
στένεις; Ὅπως μὴ σαυτὸν οἰκτιεῖς ποτε.

Ἥφαιστος

Ὁρᾷς θέαμα δυσθέατον ὄμμασιν.

Κράτος

Ὁρῶ κυροῦντα τόνδε τῶν ἐπαξίων. 70
Ἀλλ᾽ ἀμφὶ πλευραῖς μασχαλιστῆρας βάλε.

Ἥφαιστος

Δρᾶν ταῦτ᾽ ἀνάγκη, μηδὲν ἐγκέλευ᾽ ἄγαν.

Κράτος

Ἦ μὴν κελεύσω κἀπιθωύξω γε πρός.
Χώρει κάτω, σκέλη δὲ κίρκωσον βίᾳ.

Ἥφαιστος

Καὶ δὴ πέπρακται τοὔργον οὐ μακρῷ πόνῳ. 75

Κράτος

Ἐρρωμένως νῦν θεῖνε διατόρους πέδας·
ὡς οὑπιτιμητής γε τῶν ἔργων βαρύς.

Ἥφαιστος

Ὅμοια μορφῇ γλῶσσά σου γηρύεται.

Κράτος

Σὺ μαλθακίζου, τὴν δ᾽ ἐμὴν αὐθαδίαν
ὀργῆς τε τραχύτητα μὴ ᾽πίπλησσέ μοι. 80

Ἥφαιστος

Στείχωμεν, ὡς κώλοισιν ἀμφίβληστρ᾽ ἔχει.

Κράτος

Ἐνταῦθα νῦν ὕβριζε καὶ θεῶν γέρα
συλῶν ἐφημέροισι προστίθει. Τί σοι
οἷοί τε θνητοὶ τῶνδ᾽ ἀπαντλῆσαι πόνων;
ψευδωνύμως σε δαίμονες Προμηθέα 85
καλοῦσιν· αὐτὸν γάρ σε δεῖ προμηθέως,
ὅτῳ τρόπῳ τῆσδ᾽ ἐκκυλισθήσῃ τέχνης.
 

LA PUISSANCE.

Nous voici sur le sol d'une contrée lointaine (02), sur les confins de la Scythie, au fond d'un désert inaccessible. Vulcain, c'est à toi maintenant d'exécuter les ordres que t'a donnés ton père. A ces rochers bordés de précipices tu vas enchaîner le criminel infâme, dans les nœuds d'un indestructible airain (03). Car le feu, ton apanage, l'instrument de tous les arts, c'est lui qui l'a dérobé, qui en a 6 fait présent aux mortels. Qu'il subisse donc, pour un tel forfait, la vengeance des dieux ; qu'il apprenne à respecter le pouvoir souverain de Jupiter ; qu'il cesse de porter ce vif amour aux hommes (04)

VULCAIN.

Puissance, et toi, Force, vous avez accompli votre part de l'ordre de Jupiter, et vous n'avez plus rien qui vous gêne (5). Mais moi ! le courage me manque. Enchaîner à ces rochers fatigués par la tempête un dieu du même sang que moi ! Et cependant il le fant bien ; je dois avoir ce courage : ce serait chose périlleuse de désobéir aux volontés de mon père. (à Prométhée.) Fils industrieux de la sage Thémis, vois, pour ton malheur, pour le mien, ces ferrements invincibles : je vais te clouer sur ce mont sauvage, où tu n'entendras la voix, où tu n'apercevras le visage d'aucun mortel ; où, desséché par les brûlants rayons du soleil, tu verras se flétrir la fleur de ton corps. Trop tard, à ton gré, la nuit viendra cacher le jour sous sa robe émaillée d'étoiles; trop tard le soleil viendra dissiper la gelée du matin : tu vivras, sans cesse accablé par la douleur du mal présent ; car celui qui doit te délivrer n'est point né encore (6). Voilà les fruits que t'a valus ton amour pour les hommes. Dieu toi-même, tu n'a pas craint le ressentiment des dieux ; tu as gratifié les mortels d'honneurs auxquels ils n'avaient aucun droit. Aussi resteras-tu sur cet affreux 7 rocher, sentinelle inquiète, sans sommeil, sans nul repos; poussant mille plaintes, mille gémissements inutiles ; car le cœur de Jupiter est inexorable : toujours c'est un maître dur, celui qui commande depuis peu  (7).

LA PUISSANCE.

Eh bien, pourquoi ces délais, pourquoi cette vaine pitié? N'as-tu donc pas de haine pour ce dieu détesté de tous les dieux, pour celui qui a transporté aux mortels ton propre apanage?

VULCAIN.

Le sang et l'amitié sont bien forts!

LA PUISSANCE.

J'en conviens. Mais bien forts aussi sont les décrets de ton père. Ce qu'il te faut redouter surtout, n'e.st-ce pas deles enfreindre (8)?

VULCAIN.

Tu fus toujours impitoyable, toujours pleine de violence.

LA PUISSANCE.

Se lamenter sur ses maux n'est pas les guérir : ne te tourmente donc point d'un inutile souci.

VULCAIN.

Habileté de mes mains, tu m'es bien odieuse !

LA PUISSANCE.

Eh quoi! tu accuses ton industrie? Elle n'est point, certes, la cause des malheurs que nous avons sous les yeux.

8 VULCAIN.

Hélas! que n'est-elle échue plutôt à quelque autre!

LA PUISSANCE.

Les dieux ont tont pouvoir, mais non le suprême empire : il n'est qu'un dieu libre, c'est Jupiter.

VULCAIN.

Je le sais. A cela, certes, je n'ai rien à répliquer.

LA PUISSANCE.

Te hâteras-tu donc d'enchaîner le coupable? Garde que ton pèrene te voie hésiter!

VULCAIN.

Voilà les anneaux pour les bras; ils sont prêts.

LA PUISSANCE.

Prends-les; fais-y passer les mains; scelle-les au rocher; frappe de toute la force du pesant marteau.

VULCAIN.

J'obéis; je ne mets qu'un instant à l'œuvre.

LA PUISSANCE.

Plus fort; frappe, serre, fais que rien ne se relâche. Il est habile; même en cet état désespéré, il trouverait moyen de s'échapper encore.

VULCAIN.

Ce bras-ci tient; nul effort ne briserait l'attache.

LA PUISSANCE.

A l'autre maintenant; serre, serre toujours. Qu'il apprenne que sa science ne vaut pas celle de Jupiter.

VULCAIN.

Personne, sinon Prométhée, n'aura à se plaindre de moi.

LA PUISSANCE.

Prends ce coin de fer ; enfonce la dent irrésistible au travers de la poitrine, et sans mollir.

VULCAIN.

Prométhée! Prométhée! ah! je gémis de tes maux.

9 LA PUISSANCE.

Encore ! tu balances? tu pleures sur les ennemis de Jupiter? Tremble d'avoir à t'apitoyer un jour sur toi- même.

VULCAIN.

Tu vois un douloureux spectacle.

LA PUISSANCE.

Je vois un coupable; je vois un supplice mérité. Achève; passe ces autres chaînes autour des reins.

VULCAIN.

Il faut obéir, je le sais : cesse donc d'insister ainsi.

LA PUISSANCE.

Mes insistances, mes clameurs même, te presseront jusqu'au bout. Descends; scelle fortement les anneaux des cuisses.

VULCAIN.

C'est fait encore, et en un instant.

LA PUISSANCE.

Aux pieds maintenant; rive sur eux les fers avec tes clous; de la vigueur : c'est un rude maître celui qui examinera l'œuvre.

VULCAIN.

Ton langage est digne de ce qu'annoncent tes traits.

LA PUISSANCE.

Attendris-toi, s'il te plaît; mais ne me reproche point mon orgueil, ni la dureté de mon âme.

VULCAIN.

Partons. Le filet enlace tous ses membres.

LA PUISSANCE, à Prométhée.

Et maintenant, brave les dieux, ravis leurs biens, associe à leurs honneurs la race d'un jour. Que peuvent- ils, ces mortels, pour alléger tes souffrances? Les dieux te nomment Prométhée : nom menteur (9) ! car c'est toi- 10 même qui as besoin d'un Prométhée. Sans un secours, tu ne saurais te dégager d'entraves si bien ajustées (10).

  Προμηθεύς

Ὦ δῖος αἰθὴρ καὶ ταχύπτεροι πνοαί,
ποταμῶν τε πηγαί, ποντίων τε κυμάτων
ἀνήριθμον γέλασμα, παμμῆτόρ τε γῆ, 90
καὶ τὸν πανόπτην κύκλον ἡλίου καλῶ.
Ἴδεσθέ μ᾽ οἷα πρὸς θεῶν πάσχω θεός.
Δέρχθηθ᾽ οἵαις αἰκείαισιν
διακναιόμενος τὸν μυριετῆ
χρόνον ἀθλεύσω. 95
Τοιόνδ᾽ ὁ νέος ταγὸς μακάρων
ἐξηῦρ᾽ ἐπ᾽ ἐμοὶ δεσμὸν ἀεικῆ.
Φεῦ φεῦ, τὸ παρὸν τό τ᾽ ἐπερχόμενον
πῆμα στενάχω, πῇ ποτε μόχθων
χρὴ τέρματα τῶνδ᾽ ἐπιτεῖλαι. 100
Καίτοι τί φημι; πάντα προυξεπίσταμαι
σκεθρῶς τὰ μέλλοντ᾽, οὐδέ μοι ποταίνιον
πῆμ᾽ οὐδὲν ἥξει. Τὴν πεπρωμένην δὲ χρὴ
αἶσαν φέρειν ὡς ῥᾷστα, γιγνώσκονθ᾽ ὅτι
τὸ τῆς ἀνάγκης ἔστ᾽ ἀδήριτον σθένος. 105
Ἀλλ᾽ οὔτε σιγᾶν οὔτε μὴ σιγᾶν τύχας
οἷόν τέ μοι τάσδ᾽ ἐστί. Θνητοῖς γὰρ γέρα
πορὼν ἀνάγκαις ταῖσδ᾽ ἐνέζευγμαι τάλας.
Ναρθηκοπλήρωτον δὲ θηρῶμαι πυρὸς
πηγὴν κλοπαίαν, ἣ διδάσκαλος τέχνης 110
πάσης βροτοῖς πέφηνε καὶ μέγας πόρος.
Τοιῶνδε ποινὰς ἀμπλακημάτων τίνω
ὑπαιθρίοις δεσμοῖς πεπασσαλευμένος.
Ἆ ἆ ἔα ἔα.
Τίς ἀχώ, τίς ὀδμὰ προσέπτα μ᾽ ἀφεγγής, 115
θεόσυτος, ἢ βρότειος, ἢ κεκραμένη;
ἵκετο τερμόνιον ἐπὶ πάγον
πόνων ἐμῶν θεωρός, ἢ τί δὴ θέλων;
ὁρᾶτε δεσμώτην με δύσποτμον θεόν
τὸν Διὸς ἐχθρόν, τὸν πᾶσι θεοῖς 120
δι᾽ ἀπεχθείας ἐλθόνθ᾽ ὁπόσοι
τὴν Διὸς αὐλὴν εἰσοιχνεῦσιν,
διὰ τὴν λίαν φιλότητα βροτῶν.
Φεῦ φεῦ, τί ποτ᾽ αὖ κινάθισμα κλύω
πέλας οἰωνῶν; αἰθὴρ δ᾽ ἐλαφραῖς 125
πτερύγων ῥιπαῖς ὑποσυρίζει.
Πᾶν μοι φοβερὸν τὸ προσέρπον.

PROMÉTHÉE, seul.

Divin Éther! vents à l'aile rapide! sources des fleuves! flots innombrables qui ridez joyeusement la mer! et toi, terre, nourrice du monde ; et toi, soleil, œil qui vois tout (11) ! écoutez mes plaintes ; regardez les tourments qu'un dieu subit par la main des dieux ! Voyez ces outrages, ces affreuses tortures ! et je dois souffrir durant des siècles éternels (12)! Voyez ces liens injurieux, que le nouveau maître des dieux a forgés pour moi. Hélas ! hélas ! le présent, l'avenir, toujours l'infortune : c'est là ce qui me fait soupirer. Quand verrai-je la fin de mes peines? Mais que dis-je? l'avenir! d'avance je le connais tout entier; j'y lis sans obstacle; jamais ne fondra sur moi un mal imprévu. Subissons notre destinée; subissons-la sans trouble : nul, je le sais, ne vaincra la nécessité. Je devrais me taire sur mon malheur ; mais comment me taire? Moi, le bienfaiteur des mortels, moi infortuné, sous le joug d'un tel supplice ! Oui, j'ai dérobé, en la cachant dans une férule (13), l'étincelle féconde, 11 la source de la flamme, le maître qui a enseigné aux mortels tous les arts, l'instrument de tous les biens. Et c'est pour un tel forfait que je suis voué à ce supplice, exposé aux injures de l'air; emprisonné dans ces chaînes. (Prométhée s'interrompt par des cris d'étonnement, puis il continue.) Quel est ce bruit, quel est cet invisible parfum qui a volé jusque vers moi? Quel dieu l'a répandu, quel mortel ou quel demi-dieu? Vient-on vers ce rocher aux limites du monde pour se repaître du spectacle de mes douleurs? ou que me veut-on? Voyez, hélas! dans ces fers, un dieu infortuné, haï de Jupiter, détesté de tous les dieux qui remplissent le palais de Jupiter; et quel fut son erime? il aima trop les hommes. — Ah! ah! n'entends-je pas encore, tout ici près, comme des oiseaux qui volent? L'air siffle doucement sous les battements légers de leurs ailes. A tout ce qui m'approche, je ne puis que trembler. (Les Océanides paraissent dans l'air, montées sur un char ailé.)

Χορός

Μηδὲν φοβηθῇς· φιλία 128b
γὰρ ἅδε τάξις πτερύγων
θοαῖς ἁμίλλαις προσέβα
τόνδε πάγον, πατρῴας 130
μόγις παρειποῦσα φρένας.
Κραιπνοφόροι δέ μ᾽ ἔπεμψαν αὖραι·
κτύπου γὰρ ἀχὼ χάλυβος
διῇξεν ἄντρων μυχόν, ἐκ 130b
δ᾽ ἔπληξέ μου τὰν θεμερῶπιν αἰδῶ·
σύθην δ᾽ ἀπέδιλος ὄχῳ πτερωτῷ. 135

Προμηθεύς

Αἰαῖ αἰαῖ,
τῆς πολυτέκνου Τηθύος ἔκγονα,
τοῦ περὶ πᾶσάν θ᾽ εἱλισσομένου
χθόν᾽ ἀκοιμήτῳ ῥεύματι παῖδες
πατρὸς, Ὠκεανοῦ, 140
δέρχθητ᾽, ἐσίδεσθ᾽ οἵῳ δεσμῷ,
προσπορπατὸς τῆσδε φάραγγος
σκοπέλοις ἐν ἄκροις
φρουρὰν ἄζηλον ὀχήσω. 143b

Χορός

Λεύσσω, Προμηθεῦ· φοβερὰ
δ᾽ ἐμοῖσιν ὄσσοις ὀμίχλα 145
προσῇξε πλήρης δακρύων
σὸν δέμας εἰσιδούσᾳ
πέτραις προσαυαινόμενον
ταῖσδ᾽ ἀδαμαντοδέτοισι λύμαις.
Νέοι γὰρ οἰακονόμοι
κρατοῦσ᾽, Ὀλύμπου· νεοχμοῖς
δὲ δὴ νόμοις Ζεὺς ἀθέτως κρατύνει. 150
Τὰ πρὶν δὲ πελώρια νῦν ἀιστοῖ.

Προμηθεύς

Εἰ γάρ μ᾽ ὑπὸ γῆν νέρθεν θ᾽ Ἅιδου
τοῦ νεκροδέγμονος εἰς ἀπέρατον
Τάρταρον ἧκεν,
δεσμοῖς ἀλύτοις ἀγρίως πελάσας, 155
ὡς μήτε θεὸς μήτε τις ἄλλος
τοῖσδ᾽ ἐπεγήθει.
Νῦν δ᾽ αἰθέριον κίνυγμ᾽ ὁ τάλας
ἐχθροῖς ἐπίχαρτα πέπονθα.

Χορός

Τίς ὧδε τλησικάρδιος 160
θεῶν, ὅτῳ τάδ᾽ ἐπιχαρῆ;
Τίς οὐ ξυνασχαλᾷ κακοῖς
τεοῖσι, δίχα γε Διός; ὁ δ᾽ ἐπικότως ἀεὶ
θέμενος ἄγναμπτον νόον
δάμναται Οὐρανίαν 165
γένναν, οὐδὲ λήξει, πρὶν ἂν ἢ κορέσῃ κέαρ ἢ παλάμᾳ τινὶ
τὰν δυσάλωτον ἕλῃ τις ἀρχάν.

Προμηθεύς

Ἦ μὴν ἔτ᾽ ἐμοῦ, καίπερ κρατεραῖς
ἐν γυιοπέδαις αἰκιζομένου,
χρείαν ἕξει μακάρων πρύτανις, 170
δεῖξαι τὸ νέον βούλευμ᾽ ὑφ᾽ ὅτου
σκῆπτρον τιμάς τ᾽ ἀποσυλᾶται.
Καί μ᾽ οὔτι μελιγλώσσοις πειθοῦς
ἐπαοιδαῖσιν θέλξει, στερεάς τ᾽
οὔποτ᾽ ἀπειλὰς πτήξας τόδ᾽ ἐγὼ 175
καταμηνύσω,
πρὶν ἂν ἐξ ἀγρίων δεσμῶν χαλάσῃ
ποινάς τε τίνειν
τῆσδ᾽ αἰκείας ἐθελήσῃ.

Χορός

Σὺ μὲν θρασύς τε καὶ πικραῖς 180
δύαισιν οὐδὲν ἐπιχαλᾷς,
ἄγαν δ᾽ ἐλευθεροστομεῖς.
Ἐμὰς δὲ φρένας ἐρέθισε διάτορος φόβος·
δέδια δ᾽ ἀμφὶ σαῖς τύχαις,
πᾷ ποτε τῶνδε πόνων 185
χρή σε τέρμα κέλ-
σαντ᾽ ἐσιδεῖν· ἀκίχητα γὰρ ἤθεα καὶ κέαρ
ἀπαράμυθον ἔχει Κρόνου παῖς.

Προμηθεύς

Οἶδ᾽ ὅτι τραχὺς καὶ παρ᾽ ἑαυτῷ
τὸ δίκαιον ἔχων Ζεύς. Ἀλλ᾽ ἔμπας [ὀίω] 190
μαλακογνώμων
ἔσται ποθ᾽, ὅταν ταύτῃ ῥαισθῇ·
τὴν δ᾽ ἀτέραμνον στορέσας ὀργὴν
εἰς ἀρθμὸν ἐμοὶ καὶ φιλότητα
σπεύδων σπεύδοντί ποθ᾽ ἥξει. 195

Χορός

Πάντ᾽ ἐκκάλυψον καὶ γέγων᾽ ἡμῖν λόγον, 196
ποίῳ λαβών σε Ζεὺς ἐπ᾽ αἰτιάματι,
οὕτως ἀτίμως καὶ πικρῶς αἰκίζεται·
δίδαξον ἡμᾶς, εἴ τι μὴ βλάπτει λόγῳ.
 

LE CHOEUR.

Rassure-toi, tu vois une troupe amie : elle a volé, grâce à l'effort d'ailes rapides, jusqu'à ce haut sommet. Ιλ a fallu vaincre la résistance d'un père. Enfin je suis venue, portée sur les vents impétueux. L'écho de l'airain frappé par le marteau avait pénétré au fond de nos antres : j'ai chassé une pudeur trop craintive ; et, sans prendre le temps de mettre ma chaussure, je me suis élancée vers toi, dans ce char ailé  (14).

PROMÉTHÉE.

Hélas! hélas! filles de Téthys, la féconde mère (15)! filles du vieil Océan, dont les flots roulent autour de la terre 12 et ne s'endorment jamais (16) ! regardez, voyez de quels liens enlacé je vais, sur la cime de ces rocs affreux, habiter une demeure que nul n'enviera.

LE CHOEUR.

Je le vois, Prométhée, et je frémis : un nuage gonflé de larmes vient charger mes yeux, à l'aspect de ton corps qui se dessèche sur la pierre et se consume dans ces nœuds d'airain qui t'outragent. Un nouveau monarque tient le gouvernail dans l'Olympe; nous vivons sous des lois toutes nouvelles. Jupiter exerce, en vertu de ces lois, une arbitraire autorité; ceux qui étaient grands et redoutables jadis viennent de disparaître devant lui.

PROMÉTHÉE.

Ah! du moins, s'il m'eût précipité sous la terre, jusqu'au fond de l'enfer qui engloutit les morts, jusque dans le Tartare immense, après m'avoir chargé sans pitié de ces indissolubles liens! Aucun dieu, aucun homme ne rirait de mes infortunes. Mais non! suspendu dans l'air, battu par les vents, il faut que mon supplice fasse la joie de mes ennemis.

LE CHOEUR.

Où est-il, le dieu au cœur insensible que pourrait réjouir un tel spectacle? Qui ne souffre pas de tes maux? quel autre que Jupiter? Seul il conserve un éternel courroux, lui l'impitoyable fléau de la race d'Uranus (17); et il ne cessera point qu'il n'ait assouvi son ressentiment, ou qu'un rival, par quelque heureux coup de main, ne lui ravisse un pouvoir si difficile à ravir.

PROMÉTHÉE.

Et pourtant malgré ces indignes chaînes dont la vio-

13 lente étreinte entrave mes membres, il aura besoin de moi une fois encore, ce maître des immortels (18): c'est moi seul qui pourrai le prémunir contre les effets d'un dessein qu'il a conçu et qui doit le dépouiller de son sceptre et de ses honneurs (19). Mais il ne me charmera point parles paroles mielleuses de la persuasion; je ne m'effrayerai point non plus de ses terribles menaces : il ne connaîtra le secret que le jour où il m'aura dégagé de ces cruelles chaînes, où il aura consenti à me donner satisfaction pour tant d'outrages.

LE CHOEUR.

Toujours de l'audace! Malgré cette amère infortune, ne vouloir rien céder! Ton langage est bien téméraire! L'effroi pénètre mon cœur et l'agite, Ton sort me fait frémir. Quand te verrai-je toucher au terme de ces affreux malheurs? Car l'âme du fils de Saturne est impénétrable, son cœur inflexible.

PROMÉTHÉE.

Jupiter est violent, je le sais; le juste, pour lui, c'est son caprice. Mais cet orgueil, j'en suis sûr aussi, fléchira un jour sous le coup.terrible; cet indomptable courroux se calmera; et, avec un empressement égal au mien, Jupiter recherchera mon alliance et mon amitié.

LE CHOEUR.

Dévoile-nous, raconte-nous ce qui s'est passé. Pour quelle offense Jupiter te fait-il subir cet humiliant et 14 atroce supplice? Parle, si un tel récit n'est point une souffrance ppur ton cœur (20).

  Προμηθεύς

Ἀλγεινὰ μέν μοι καὶ λέγειν ἐστὶν τάδε,
ἄλγος δὲ σιγᾶν, πανταχῇ δὲ δύσποτμα. 200
Ἐπεὶ τάχιστ᾽ ἤρξαντο δαίμονες χόλου
στάσις τ᾽ ἐν ἀλλήλοισιν ὠροθύνετο,
οἱ μὲν θέλοντες ἐκβαλεῖν ἕδρας Κρόνον,
ὡς Ζεὺς ἀνάσσοι δῆθεν, οἱ δὲ τοὔμπαλιν
σπεύδοντες, ὡς Ζεὺς μήποτ᾽ ἄρξειεν θεῶν, 205
ἐνταῦθ᾽ ἐγὼ τὰ λῷστα βουλεύων πιθεῖν
Τιτᾶνας, Οὐρανοῦ τε καὶ Χθονὸς τέκνα,
οὐκ ἠδυνήθην. Αἱμύλας δὲ μηχανὰς
ἀτιμάσαντες καρτεροῖς φρονήμασιν
ᾤοντ᾽ ἀμοχθεὶ πρὸς βίαν τε δεσπόσειν· 210
ἐμοὶ δὲ μήτηρ οὐχ ἅπαξ μόνον Θέμις,
καὶ Γαῖα, πολλῶν ὀνομάτων μορφὴ μία,
τὸ μέλλον κραίνοιτο προυτεθεσπίκει,
ὡς οὐ κατ᾽ ἰσχὺν οὐδὲ πρὸς τὸ καρτερόν
χρείη, δόλῳ δὲ τοὺς ὑπερσχόντας κρατεῖν. 215
Τοιαῦτ᾽ ἐμοῦ λόγοισιν ἐξηγουμένου
οὐκ ἠξίωσαν οὐδὲ προσβλέψαι τὸ πᾶν.
Κράτιστα δή μοι τῶν παρεστώτων τότε
ἐφαίνετ᾽ εἶναι προσλαβόντα μητέρα
ἑκόνθ᾽ ἑκόντι Ζηνὶ συμπαραστατεῖν. 220
Ἐμαῖς δὲ βουλαῖς Ταρτάρου μελαμβαθὴς
κευθμὼν καλύπτει τὸν παλαιγενῆ Κρόνον
αὐτοῖσι συμμάχοισι. Τοιάδ᾽ ἐξ ἐμοῦ
ὁ τῶν θεῶν τύραννος ὠφελημένος
κακαῖσι ποιναῖς ταῖσδὲ μ᾽ ἐξημείψατο. 225
Ἔνεστι γάρ πως τοῦτο τῇ τυραννίδι
νόσημα, τοῖς φίλοισι μὴ πεποιθέναι.
Ὃ δ᾽ οὖν ἐρωτᾶτ᾽, αἰτίαν καθ᾽ ἥντινα
αἰκίζεταί με, τοῦτο δὴ σαφηνιῶ.
Ὅπως τάχιστα τὸν πατρῷον ἐς θρόνον 230
καθέζετ᾽, εὐθὺς δαίμοσιν νέμει γέρα
ἄλλοισιν ἄλλα καὶ διεστοιχίζετο
ἀρχήν· βροτῶν δὲ τῶν ταλαιπώρων λόγον
οὐκ ἔσχεν οὐδέν᾽, ἀλλ᾽ ἀιστώσας γένος
τὸ πᾶν ἔχρῃζεν ἄλλο φιτῦσαι νέον. 235
Καὶ τοῖσιν οὐδεὶς ἀντέβαινε πλὴν ἐμοῦ.
Ἐγὼ δ᾽ ἐτόλμησ᾽· ἐξελυσάμην βροτοὺς
τὸ μὴ διαρραισθέντας εἰς Ἅιδου μολεῖν.
Τῷ τοι τοιαῖσδε πημοναῖσι κάμπτομαι,
πάσχειν μὲν ἀλγειναῖσιν, οἰκτραῖσιν δ᾽ ἰδεῖν· 240
θνητοὺς δ᾽ ἐν οἴκτῳ προθέμενος, τούτου τυχεῖν
οὐκ ἠξιώθην αὐτός, ἀλλὰ νηλεῶς
ὧδ᾽ ἐρρύθμισμαι, Ζηνὶ δυσκλεὴς θέα.

PROMÉTHÉE.

Parler de ma disgrâce, c'est pour moi une cuisante douleur; me taire, c'en est une encore! je suis bien malheureux! — Jadis la haine se mit entre les dieux; deux factions rivales se formèrent. Les uns voulaient renverser Saturne du trône, et donner l'empire à Jupiter (21); les autres faisaient tous leurs efforts pour empêcher à jamais Jupiter de régner snr les dieux. En vain je m'empressai, dans cette conjoncture, de prodiguer les sages conseils : les fils du Ciel et de la Terre, les Titans, furent sourds à ma voix. Pleins d'audace et de présomption, ils méprisaient la prudence, l'adresse; ils se flattaient, par la seule force, d'assurer sans peine leur domination. Mais moi, plus d'une fois Thémis ma mère, oui,plus d'une fois la Terre, cet être unique sous tant de noms (22), m'avait prophétisé l'issue du débat. Ce n'était point, selon elle, sur la force, sur la violence, qu'il fallait compter : la victoire et l'empire appartiendraient à la ruse. Voilà ce que j'expliquais aux Titans; mais ils ne m'écoutèrent pas, ils méprisèrent mes avis. Le parti plus sage à prendre dèslors,c'était évidemment de me ranger,moi et ma mère, aux côtés de Jupiter, de combler spontanément le désir du dieu. Grâce à mes conseils, les noirs et profonds cachots du Tartare ont englouti l'antique Saturne avec tous ses défenseurs. Tels furent les services que je 15 rendis au maître, des dieux : vous voyez de quel indigne : prix il les a payés ! Car c'est là le vice éternel des tyrans de soupçonner la foi de leurs amis. — Mais vous me demandez le motif des tourments qu'il m'inflige : je vais vous le faire comprendre. A. peine assis dans le trône paternel, il distribua aux dieux des récompenses : chacun avait la sienne ; et le pouvoir du maître s'affermissait. Mais il ne tint nul compte des infortunés mortels. Même il conçut le dessein d'anéantir la race entière, de produire une race nouvelle. Personne ne fit obstacle à sa volonté ; personne, excepté moi : moi seul j'eus ce courage. Sans mon secours, les mortels, écrasés par la foudre, étaient engloutis au fond des enfers. Voilà pourquoi je subis le poids des maux que vous avez sous les yeux : supplice horrible pour moi ; pour vous, spectacle déplorablel J'eus pitié des mortels; lui, il ne m'a pas jugé digne de pitié. J'ai été traité, vous le voyez, sans miséricorde; mais mon supplice est l'opprobre de Jupiter.

  Χορός

Σιδηρόφρων τε κἀκ πέτρας εἰργασμένος 245
ὅστις, Προμηθεῦ, σοῖσιν οὐ συνασχαλᾷ
μόχθοις· ἐγὼ γὰρ οὔτ᾽ ἂν εἰσιδεῖν τάδε
ἔχρῃζον εἰσιδοῦσά τ᾽ ἠλγύνθην κέαρ.

Προμηθεύς

Καὶ μὴν φίλοις <γ᾽ > ἐλεινὸς εἰσορᾶν ἐγώ.

Χορός

Μή πού τι προύβης τῶνδε καὶ περαιτέρω;

Προμηθεύς

Θνητούς γ᾽ ἔπαυσα μὴ προδέρκεσθαι μόρον. 250

Χορός

Τὸ ποῖον εὑρὼν τῆσδε φάρμακον νόσου;

Προμηθεύς

τυφλὰς ἐν αὐτοῖς ἐλπίδας κατῴκισα.

Χορός

Μέγ᾽ ὠφέλημα τοῦτ᾽ ἐδωρήσω βροτοῖς.

Προμηθεύς

Πρὸς τοῖσδε μέντοι πῦρ ἐγώ σφιν ὤπασα.

Χορός

Καὶ νῦν φλογωπὸν πῦρ ἔχουσ᾽ ἐφήμεροι; 255

Προμηθεύς

Ἀφ᾽ οὗ γε πολλὰς ἐκμαθήσονται τέχνας.

Χορός

Τοιοῖσδε δή σε Ζεὺς ἐπ᾽ αἰτιάμασιν--

Προμηθεύς

Αἰκίζεταί τε κοὐδαμῇ χαλᾷ κακῶν.

Χορός

Οὐδ᾽ ἔστιν ἄθλου τέρμα σοι προκείμενον;

Προμηθεύς

Οὐκ ἄλλο γ᾽ οὐδέν, πλὴν ὅταν κείνῳ δοκῇ. 260

Χορός

Δόξει δὲ πῶς; τίς ἐλπίς; οὐχ ὁρᾷς ὅτι
ἥμαρτες; ὡς δ᾽ ἥμαρτες οὔτ᾽ ἐμοὶ λέγειν
καθ᾽ ἡδονὴν σοί τ᾽ ἄλγος. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν
μεθῶμεν, ἄθλου δ᾽ ἔκλυσιν ζήτει τινά.

Προμηθεύς

Ἐλαφρὸν ὅστις πημάτων ἔξω πόδα 265
ἔχει παραινεῖν νουθετεῖν τε τὸν κακῶς
πράσσοντ᾽· ἐγὼ δὲ ταῦθ᾽ ἅπαντ᾽ ἠπιστάμην.
Ἑκὼν ἑκὼν ἥμαρτον, οὐκ ἀρνήσομαι·
θνητοῖς ἀρήγων αὐτὸς ηὑρόμην πόνους.
Οὐ μήν τι ποιναῖς γ᾽ ᾠόμην τοίαισί με 270
κατισχνανεῖσθαι πρὸς πέτραις πεδαρσίοις,
τυχόντ᾽ ἐρήμου τοῦδ᾽ ἀγείτονος πάγου.
Καί μοι τὰ μὲν παρόντα μὴ δύρεσθ᾽ ἄχη,
πέδοι δὲ βᾶσαι τὰς προσερπούσας τύχας
ἀκούσαθ᾽, ὡς μάθητε διὰ τέλους τὸ πᾶν. 275
Πίθεσθέ μοι πίθεσθε, συμπονήσατε
τῷ νῦν μογοῦντι. Ταὐτά τοι πλανωμένη
πρὸς ἄλλοτ᾽ ἄλλον πημονὴ προσιζάνει.

Χορός

Οὐκ ἀκούσαις ἐπεθώυξας
τοῦτο, Προμηθεῦ. 280
Καὶ νῦν ἐλαφρῷ ποδὶ κραιπνόσυτον
θᾶκον προλιποῦσ᾽, αἰθέρα θ᾽ ἁγνὸν
πόρον οἰωνῶν, ὀκριοέσσῃ
χθονὶ τῇδε πελῶ, τοὺς σοὺς δὲ πόνους
χρῄζω διὰ παντὸς ἀκοῦσαι. 285

LE CHOEUR.

Il aurait un cœur de fer, il serait fait d'un dur rocher, ô Prométhée, celui qui ne compatirait point à tes souffrances. Ce n'est pas moi qu'elles auraient pu réjouir : ce spectacle fait mal à mon cœur.

PROMÉTHÉE.

Sans doute je dois être, pour des amis, un objet de compassion.

LE CHOEUR.

Mais ta bonté pour l'homme n'alla-t-elle pas plus loin encore?

PROMÉTHÉE.

J'ai mis fin aux terreurs que l'attente du trépas inspirait aux mortels.

LE CHOEUR.

Et quel remède as-tu trouvé pour les guérir de cette maladie?

16 PROMÉTHÉE.

J'ai fait habiter (23) dans leur âme d'aveugles espérances.

LE CHOEUR.

C'est un don bien précieux que tu as fait là aux mortels!

PROMÉTHÉE.

Et, de plus encore, je leur ai donné le feu.

LE CHOEUR.

Quoi! les êtres d'un jour possèdent le feu resplendissant!

PROMÉTHÉE.

Oui, ce maître qui leur enseignera tous les arts.

LE CHOEUR.

Et voilà les crimes pour lesquels Jupiter te livre à cet injurieux supplice, à ces tortures qui n'ont point de relâche ! Mais n'est-il pas dans l'avenir un terme assigné à tes douleurs?

PROMÉTHÉE.

Aucun absolument, sinon le terme que fixera son caprice.

LE CHOEUR.

En fixera-t-il un ? quel est ton espoir? Ne vois-tu pas que tu as manqué de sagesse (24) ? Ce reproche d'imprudence m'est pénible à prononcer, et il t'est durà entendre. Mais laissons là les vains discours; cherche quelque moyen de t'arracher à tes tourments.

17 PROMÉTHÉE.

C'est chose commode, quand on a le pied au dehors de l'abîme des maux, de donner des leçons, de conseiller ceux qui sont malheureux! Eh! n'avais-je pas prévu mon sort? Mon imprudence fut volontaire; elle le fut, je l'avoue. Servir les mortels, c'était me préparer des souffrances. Pourtant je n'imaginais pas que ce serait là mon supplice ; que mon corps se dessécherait à la cime d'un rocher ; que j'habiterais cette montagne inhospitalière. — Mais vous, ce n'est point assez encore que vous plaigniez mes douleurs présentes. Descendez à terre; apprenez le sort qui me menace dans l'avenir; connaissez ma destinée tout entière. Venez, venez ; soyez compatissantes au malheureux dont vous voyez les tortures. Hélas! tous tant que nous sommes, l'infortune erre autour de nous : tantôt l'un tantôt l'autre est en butte à ses assauts.

LE CHOEUR.

Ton invitation, Promëthée, répond à mon désir. D'un pied léger je m'élance de ce char au vol rapide ; je quitte l'air azuré, la route où planent les oiseaux; je descends sur ces rocs hérissés. Oui, je veux écouter le récit entier de tes malheurs. (I'Océan paraît dans l'air, monté sur un dragon ailé.)

  Ὠκεανός

Ἥκω δολιχῆς τέρμα κελεύθου
διαμειψάμενος πρὸς σέ, Προμηθεῦ,
τὸν πτερυγωκῆ τόνδ᾽ οἰωνὸν
γνώμῃ στομίων ἄτερ εὐθύνων·
ταῖς σαῖς δὲ τύχαις, ἴσθι, συναλγῶ. 290
Τὸ τε γάρ με, δοκῶ, συγγενὲς οὕτως
ἐσαναγκάζει,
χωρίς τε γένους οὐκ ἔστιν ὅτῳ
μείζονα μοῖραν νείμαιμ᾽ ἢ σοί.
Γνώσῃ δὲ τάδ᾽ ὡς ἔτυμ᾽, οὐδὲ μάτην 295
χαριτογλωσσεῖν ἔνι μοι· φέρε γὰρ
σήμαιν᾽ ὅ τι χρή σοι συμπράσσειν·
οὐ γάρ ποτ᾽ ἐρεῖς ὡς Ὠκεανοῦ
φίλος ἐστὶ βεβαιότερός σοι.

Προμηθεύς

Ἔα· τί χρῆμα λεύσσω; καὶ σὺ δὴ πόνων ἐμῶν 300
ἥκεις ἐπόπτης; Πῶς ἐτόλμησας, λιπὼν
ἐπώνυμόν τε ῥεῦμα καὶ πετρηρεφῆ
αὐτόκτιτ᾽ ἄντρα, τὴν σιδηρομήτορα
ἐλθεῖν ἐς αἶαν; Ἦ θεωρήσων τύχας
ἐμὰς ἀφῖξαι καὶ συνασχαλῶν κακοῖς; 305
Δέρκου θέαμα, τόνδε τὸν Διὸς φίλον,
τὸν συγκαταστήσαντα τὴν τυραννίδα,
οἵαις ὑπ᾽ αὐτοῦ πημοναῖσι κάμπτομαι.

Ὠκεανός

Ὁρῶ, Προμηθεῦ, καὶ παραινέσαι γέ σοι
θέλω τὰ λῷστα, καίπερ ὄντι ποικίλῳ. 310
Γίγνωσκε σαυτὸν καὶ μεθάρμοσαι τρόπους
νέους· νέος γὰρ καὶ τύραννος ἐν θεοῖς.
Εἰ δ᾽ ὧδε τραχεῖς καὶ τεθηγμένους λόγους
ῥίψεις, τάχ᾽ ἄν σου καὶ μακρὰν ἀνωτέρω
θακῶν κλύοι Ζεύς, ὥστε σοι τὸν νῦν ὄχλον 315
παρόντα μόχθων παιδιὰν εἶναι δοκεῖν.
Ἀλλ᾽, ὦ ταλαίπωρ᾽, ἃς ἔχεις ὀργὰς ἄφες,
ζήτει δὲ τῶνδε πημάτων ἀπαλλαγάς.
Ἀρχαῖ᾽ ἴσως σοι φαίνομαι λέγειν τάδε·
τοιαῦτα μέντοι τῆς ἄγαν ὑψηγόρου 320
γλώσσης, Προμηθεῦ, τἀπίχειρα γίγνεται.
Σὺ δ᾽ οὐδέπω ταπεινὸς οὐδ᾽ εἴκεις κακοῖς,
πρὸς τοῖς παροῦσι δ᾽ ἄλλα προσλαβεῖν θέλεις.
Οὔκουν ἔμοιγε χρώμενος διδασκάλῳ
πρὸς κέντρα κῶλον ἐκτενεῖς, ὁρῶν ὅτι 325
τραχὺς μόναρχος οὐδ᾽ ὑπεύθυνος κρατεῖ.
Καὶ νῦν ἐγὼ μὲν εἶμι καὶ πειράσομαι
ἐὰν δύνωμαι τῶνδέ σ᾽ ἐκλῦσαι πόνων.
Σὺ δ᾽ ἡσύχαζε μηδ᾽ ἄγαν λαβροστόμει.
Ἢ οὐκ οἶσθ᾽ ἀκριβῶς ὢν περισσόφρων ὅτι 330
γλώσσῃ ματαίᾳ ζημία προστρίβεται;

Προμηθεύς

Ζηλῶ σ᾽ ὁθούνεκ᾽ ἐκτὸς αἰτίας κυρεῖς
τούτων μετασχεῖν καὶ τετολμηκὼς ἐμοί.
Καὶ νῦν ἔασον μηδέ σοι μελησάτω.
Πάντως γὰρ οὐ πείσεις νιν· οὐ γὰρ εὐπιθής. 335
Πάπταινε δ᾽ αὐτὸς μή τι πημανθῇς ὁδῷ.

Ὠκεανός

Πολλῷ γ᾽ ἀμείνων τοὺς πέλας φρενοῦν ἔφυς
ἢ σαυτόν· ἔργῳ κοὐ λόγῳ τεκμαίρομαι.
Ὁρμώμενον δὲ μηδαμῶς ἀντισπάσῃς. 340
Αὐχῶ γὰρ αὐχῶ τήνδε δωρεὰν ἐμοὶ
δώσειν Δί᾽, ὥστε τῶνδέ σ᾽ ἐκλῦσαι πόνων.

L'OCÉAN.

Pour venir te voir en ces lieux, Prométhée, j'ai traversé des pays immenses, monté sur ce dragon aux ailes agiles, que, sans le secours du frein, dirige ma volonté seule. Je compatis à tes douleurs, crois-en ma parole. Le sang qui nous lie m'en fait une loi, j'en conviens; mais, n'y eût-il pas cette parenté, il n'est personne qui tînt dans mon amitié une part plus grande que toi. Ce que je te dis là, tu verras que je le pense; tu verras que mon habitude n'est point de flatter à l'aide de propos menteurs. Parle; que faut-il faire pour te servir? Jamais 18 tu ne pourras dire qu'il existe pour toi ami plus sûr que l'Océan (25).

PROMÉTHÉE.

Eh bien, qu'est-ce encore? Et toi aussi tu viens pour assister en témoin à mes tourments? Quoi! tu as le courage de quitter les flots qui portent ton nom, tes antres creusés dans le roc par la nature, pour ce pays qui ne produit que le fer! Est-ce la curiosité, est-ce la compassion qui t'amène? Contemple le merveilleux spectacle (26)! oui, voilà l'ami de Jupiter, voilà celui qui a aidé Jupiter à fonder sa puissance; et voilà à quelles tortures je suis livré en proie.

L'OCÉAN.

Je le vois, Prométhée; et je veux, si plein que tu sois de ressources d'esprit, te donner un salutaire conseil. Rentre en toi-même; forme-toi un nouveau caractère, car nouveau est le maître qui commande aux dieux. Plus d'outrages, plus de traits acérés : prends garde ; Jupiter est assis loin de toi, mais il pourrait t'entendre; et, au prix de tes maux d'alors, ceux qu'il te fait souffrir aujourd'hui ne te paraîtraient plus qu'un jeu. Infortuné, dépouille ton ressentiment; songe au soulagement de tes misères. Peut-être mes paroles te semblent-elles un froid radotage; mais j'ai là devant moi, Prométhée, les 19 fruits qu'on tire d'une langue trop présomptueuse. Tu ne veux point t'humilier, tu ne veux point céder à ton malheur; tu souhaites donc de voir s'aggraver tes souffrances. Va, crois-en mon expérience, ne regimbe pas contre l'aiguillon (27) : réfléchis que le monarque est sévère, qu'il ne doit compte qu'à lui-même de ses volontés. — Je te laisse ; je vais essayer si je puis quelque chose pour te délivrer de ces maux. Toi, reste calme; mels un frein à tes récriminations. Eh! ne le sais-tu pas, toi sans conteste le plus sage des dieux (28), qu'un propos inconsidéré attire toujours son châtiment (29) ?

PROMÉTHÉE.

Je te félicite vraiment de n'avoir point jusqu'ici encouru aucune persécution pour l'audacieuse liberté que tu t'es permise de prendre part à mon infortune (30). Mais ne t'inquiète pas de moi; quitte ce soin inutile. Jamais tu ne fléchiras Jupiter ; Jupiter est inébranlable. Prends garde toi-même ; ton voyage ici te peut coûter cher.

 L'OCÉAN.

Tu sais conseiller les autres beaucoup niieux que toi- 20 même : ton malheur en est une incontestable preuve. Mais ne réprime point l'élan de mon zèle. Je me flatte, oui, je me flatte d'obtenir cette grâce de Jupiter : il te délivrera de tes maux.

  Προμηθεύς

Τὰ μὲν σ᾽ ἐπαινῶ κοὐδαμῇ λήξω ποτέ·
προθυμίας γὰρ οὐδὲν ἐλλείπεις. Ἀτὰρ 343b
μηδὲν πόνει. Μάτην γὰρ οὐδὲν ὠφελῶν
ἐμοὶ πονήσεις, εἴ τι καὶ πονεῖν θέλεις. 345
Ἀλλ᾽ ἡσύχαζε σαυτὸν ἐκποδὼν ἔχων·
ἐγὼ γὰρ οὐκ, εἰ δυστυχῶ, τοῦδ᾽ εἵνεκα
θέλοιμ᾽ ἂν ὡς πλείστοισι πημονὰς τυχεῖν.
Οὐ δῆτ᾽ ἐπεί με καὶ κασιγνήτου τύχαι
τείρουσ᾽ Ἄτλαντος, ὃς πρὸς ἑσπέρους τόπους 350
ἕστηκε κίον᾽ οὐρανοῦ τε καὶ χθονὸς
ὤμοις ἐρείδων, ἄχθος οὐκ εὐάγκαλον.
Τὸν γηγενῆ τε Κιλικίων οἰκήτορα
ἄντρων ἰδὼν ᾤκτιρα, δάιον τέρας
ἑκατογκάρανον πρὸς βίαν χειρούμενον 355
Τυφῶνα θοῦρον· πᾶσιν [ὅς] ἀντέστη θεοῖς,
σμερδναῖσι γαμφηλαῖσι συρίζων φόβον·
ἐξ ὀμμάτων δ᾽ ἤστραπτε γοργωπὸν σέλας,
ὡς τὴν Διὸς τυραννίδ᾽ ἐκπέρσων βίᾳ·
ἀλλ᾽ ἦλθεν αὐτῷ Ζηνὸς ἄγρυπνον βέλος, 360
καταιβάτης κεραυνὸς ἐκπνέων φλόγα,
ὃς αὐτὸν ἐξέπληξε τῶν ὑψηγόρων
κομπασμάτων. Φρένας γὰρ εἰς αὐτὰς τυπεὶς
ἐφεψαλώθη κἀξεβροντήθη σθένος.
Καὶ νῦν ἀχρεῖον καὶ παράορον δέμας 365
κεῖται στενωποῦ πλησίον θαλασσίου
ἰπούμενος ῥίζαισιν Αἰτναίαις ὕπο·
κορυφαῖς δ᾽ ἐν ἄκραις ἥμενος μυδροκτυπεῖ
Ἥφαιστος· ἔνθεν ἐκραγήσονταί ποτε
ποταμοὶ πυρὸς δάπτοντες ἀγρίαις γνάθοις 370
τῆς καλλικάρπου Σικελίας λευροὺς γύας·
τοιόνδε Τυφὼς ἐξαναζέσει χόλον
θερμοῖς ἀπλάτου βέλεσι πυρπνόου ζάλης,
καίπερ κεραυνῷ Ζηνὸς ἠνθρακωμένος.
Σὺ δ᾽ οὐκ ἄπειρος, οὐδ᾽ ἐμοῦ διδασκάλου 375
χρῄζεις· σεαυτὸν σῷζ᾽ ὅπως ἐπίστασαι·
ἐγὼ δὲ τὴν παροῦσαν ἀντλήσω τύχην,
ἔστ᾽ ἂν Διὸς φρόνημα λωφήσῃ χόλου.

Ὠκεανός

Οὔκουν, Προμηθεῦ, τοῦτο γιγνώσκεις, ὅτι
ὀργῆς νοσούσης εἰσὶν ἰατροὶ λόγοι; 380

Προμηθεύς

Ἐάν τις ἐν καιρῷ γε μαλθάσσῃ κέαρ
καὶ μὴ σφριγῶντα θυμὸν ἰσχναίνῃ βίᾳ.

Ὠκεανός

Ἐν τῷ προθυμεῖσθαι δὲ καὶ τολμᾶν τίνα
ὁρᾷς ἐνοῦσαν ζημίαν; δίδασκέ με.

Προμηθεύς

Μόχθον περισσὸν κουφόνουν τ᾽ εὐηθίαν. 385

Ὠκεανός

Ἔα με τῇδε τῇ νόσῳ νοσεῖν, ἐπεὶ
κέρδιστον εὖ φρονοῦντα μὴ φρονεῖν δοκεῖν.

Προμηθεύς

Ἐμὸν δοκήσει τἀμπλάκημ᾽ εἶναι τόδε.

Ὠκεανός

Σαφῶς μ᾽ ἐς οἶκον σὸς λόγος στέλλει πάλιν.

Προμηθεύς

Μὴ γάρ σε θρῆνος οὑμὸς εἰς ἔχθραν βάλῃ. 390

Ὠκεανός

Ἦ τῷ νέον θακοῦντι παγκρατεῖς ἕδρας;

Προμηθεύς

Τούτου φυλάσσου μή ποτ᾽ ἀχθεσθῇ κέαρ.

Ὠκεανός

Ἡ σή, Προμηθεῦ, συμφορὰ διδάσκαλος.

Προμηθεύς

Στέλλου, κομίζου, σῷζε τὸν παρόντα νοῦν.

Ὠκεανός

Ὁρμωμένῳ μοι τόνδ᾽ ἐθώυξας λόγον. 395
Λευρὸν γὰρ οἷμον αἰθέρος ψαίρει πτεροῖς
τετρασκελὴς οἰωνός· ἄσμενος δέ τἂν
σταθμοῖς ἐν οἰκείοισι κάμψειεν γόνυ.

PROMÉTHÉE.

Je te sais gré de ce bon vouloir, et je ne l'oublierai jamais. Ton dévouement ne se lasse point, sans aucun doute; mais ne fais rien pour moi : tes efforts seraient superflus. Demeure donc en repos, prudemment à l'abri du danger. Je suis malheureux; mais le malheur éprouvé par d'autres ne me réjouirait pas. Crois-moi, je déplore amèrement le sort de mon frère, de cet Atlas (31) qui, debout aux rives du couchant, sent reposer sur ses épaules la colonne du ciel et de la terre, écrasant fardeau! J'ai vu, et je n'ai pu voir sans pitié, le fils de la Terre, l'habitant des antres de Cilicie, le terrible géant aux cent têtes, l'audacieux Typhon (32). Il résistait aux efforts de tous les dieux ; un sifflement de mort sortait de ses affreuses mâchoires; dans ses yeux étincelaient des éclairs : on eût dit que sous la force du monstre allait s'écrouler l'empire de Jupiter. Mais le trait vigilant du dieu, la foudre qui tombe en vomissant la flamme, étouffa ses menaces insolentes. Atteint jusqu'au fond du cœur même, embrasé, abattu par le tonnerre, ses forces défaillent; son corps, vain débris maintenant, est étendu près d'un étroit passage laissé par les mers (33), écrasé sous les racines de l'Etna (34). Au sommet de la montagne, Vulcain 21  son fer brûlant. De là, un jour, rouleront avec fracas des torrents de feu ; et la flamme, de ses dents sauvages, dévorera les vastes plaines de la féconde Sicile (35). Des traits embrasés, des tourbillons d'une éternelle fumée, voilà comment Typhon exhalera sa bouillonnante colère, tout calciné qu'il est par la foudre de Jupiter (36). — Mais tu as une longue expérience; tu n'as pas besoin que je te donne des leçons. Assure donc, par des moyens à ta guise, ton salut personnel. Quant à moi, je supporterai courageusement ma fortune présente; j'attendrai que Jupiter ait cal mé son ressentiment.

L'OCÉAN.

Ne sais-tu donc pas, Prométhée, que les discours sont les médecins qui guérissent la colère?

PROMÉTHÉE.

Oui, si l'on flatte le cœur dans l'instant favorable ; si l'on n'irrite point, si l'on ne froisse point l'âme courroucée (37).

L'OCÉAN.

Mais, à prendre ton intérêt, à tenter une telle voie, quel risque entrevois-tu? apprends-le-moi.

PROMÉTHÉE.

Une peine sans résultat, une imprudence, une sottise.

L'OCÉAN.

Eh bien, laisse-la-moi faire, cette sottise : sembler fou, c'est un heureux secret du sage.

PROMÉTHÉE.

Tu ferais la faute, on m'en rendrait responsable.

L'OCEAN.

Cette parole, c'est mon congé, je le vois bien.

PROMÉTHÉE.

Oui; je crains que ta pitié pour moi n'attire sur toi la haine.

L'OCÉAN.

De qui? de celui qui vient de s'asseoir sur le trône tout-puissant?

PROMÉTHÉE.

Prenda garde de jamais courroucer son cœur.

L'OCÉAN.

Ton malheur, Prométhée, est en effet une leçon.

PROMÉTHÉE.

Pars donc, hâte-toi ; persiste dans ce bon sens dont tu donnes enfin la preuve.

L'OCÉAN.

Je partais déjà, quand tu m'invitais au départ. Déjà cet oiseau aux quatre pieds bat de ses ailes le vaste champ de l'air, tout joyeux de regagner son étable. (L'océan disparaît.)
 

  Χορός

Στένω σε τᾶς οὐλομένας τύχας, Προμηθεῦ·
δακρυσίστακτα δ᾽ ἀπ᾽ ὄσσων 400
ῥαδινὰν λειβομένα ῥέος παρειὰν
νοτίοις ἔτεγξα παγαῖς·
ἀμέγαρτα γὰρ τάδε Ζεὺς
ἰδίοις νόμοις κρατύνων
ὑπερήφανον θεοῖς τοῖς 405
πάρος ἐνδείκνυσιν αἰχμάν.
Πρόπασα δ᾽ ἤδη στονόεν λέλακε χώρα,
μεγαλοσχήμονά ἀρχαι-
οπρεπῆ < > στένουσι τὰν σὰν
ξυνομαιμόνων τε τιμάν, 410
ὁπόσοι τ᾽ ἔποικον ἁγνᾶς
Ἀσίας ἕδος νέμονται,
μεγαλοστόνοισι σοῖς πή-
μασι συγκάμνουσι θνατοί.
Κολχίδος τε γᾶς ἔνοικοι 415
παρθένοι, μάχας ἄτρεστοι,
καὶ Σκύθης ὅμιλος, οἳ γᾶς
ἔσχατον τόπον ἀμφὶ Μαι-
ῶτιν ἔχουσι λίμναν,
Ἀραβίας τ᾽ ἄρειον ἄνθος, 420
ὑψίκρημνον οἳ πόλισμα
Καυκάσου πέλας νέμονται,
δάιος στρατός, ὀξυπρῴ-
ροισι βρέμων ἐν αἰχμαῖς.
[Μόνον δὴ πρόσθεν ἄλλον ἐν πόνοις 425
δαμέντ᾽ ἀδαμαντοδέτοις
Τιτᾶνα λύμαις εἰσιδόμαν, θεόν,
Ἄτλαντος [αἰὲν]; ὑπέροχον σθένος κραταιόν,
<ὃς> οὐράνιόν [τε] πόλον
νώτοις <στέγων> ὑποστενάζει.] 430
Βοᾷ δὲ πόντιος κλύδων
ξυμπίτνων, στένει βυθός,
κελαινὸς δ᾽ Ἄιδος ὑποβρέμει μυχὸς γᾶς,
παγαί θ᾽ ἁγνορύτων ποταμῶν
στένουσιν ἄλγος οἰκτρόν. 435

Προμηθεύς

Μή τοι χλιδῇ δοκεῖτε μηδ᾽ αὐθαδίᾳ
σιγᾶν με· συννοίᾳ δὲ δάπτομαι κέαρ,
ὁρῶν ἐμαυτὸν ὧδε προυσελούμενον.
Καίτοι θεοῖσι τοῖς νέοις τούτοις γέρα
τίς ἄλλος ἢ ᾽γὼ παντελῶς διώρισεν; 440
ἀλλ᾽ αὐτὰ σιγῶ· καὶ γὰρ εἰδυίαισιν ἂν
ὑμῖν λέγοιμι· τἀν βροτοῖς δὲ πήματα
ἀκούσαθ᾽, ὥς σφας νηπίους ὄντας τὸ πρὶν
ἔννους ἔθηκα καὶ φρενῶν ἐπηβόλους.
Λέξω δέ, μέμψιν οὔτιν᾽ ἀνθρώποις ἔχων, 445
ἀλλ᾽ ὧν δέδωκ᾽ εὔνοιαν ἐξηγούμενος·
οἳ πρῶτα μὲν βλέποντες ἔβλεπον μάτην,
κλύοντες οὐκ ἤκουον, ἀλλ᾽ ὀνειράτων
ἀλίγκιοι μορφαῖσι τὸν μακρὸν βίον
ἔφυρον εἰκῇ πάντα, κοὔτε πλινθυφεῖς 450
δόμους προσείλους, ᾖσαν, οὐ ξυλουργίαν·
κατώρυχες δ᾽ ἔναιον ὥστ᾽ ἀήσυροι
μύρμηκες ἄντρων ἐν μυχοῖς ἀνηλίοις.
Ἦν δ᾽ οὐδὲν αὐτοῖς οὔτε χείματος τέκμαρ
οὔτ᾽ ἀνθεμώδους ἦρος οὔτε καρπίμου 455
θέρους βέβαιον, ἀλλ᾽ ἄτερ γνώμης τὸ πᾶν
ἔπρασσον, ἔστε δή σφιν ἀντολὰς ἐγὼ
ἄστρων ἔδειξα τάς τε δυσκρίτους δύσεις.
Καὶ μὴν ἀριθμόν, ἔξοχον σοφισμάτων,
ἐξηῦρον αὐτοῖς, γραμμάτων τε συνθέσεις, 460
μνήμην ἁπάντων, μουσομήτορ᾽ ἐργάνην.
Κἄζευξα πρῶτος ἐν ζυγοῖσι κνώδαλα
ζεύγλαισι δουλεύοντα σάγμασὶν θ᾽, ὅπως
θνητοῖς μεγίστων διάδοχοι μοχθημάτων
γένοινθ᾽, ὑφ᾽ ἅρμα τ᾽ ἤγαγον φιληνίους 465
ἵππους, ἄγαλμα τῆς ὑπερπλούτου χλιδῆς.
Θαλασσόπλαγκτα δ᾽ οὔτις ἄλλος ἀντ᾽ ἐμοῦ
λινόπτερ᾽ ηὗρε ναυτίλων ὀχήματα.
Τοιαῦτα μηχανήματ᾽ ἐξευρὼν τάλας
βροτοῖσιν, αὐτὸς οὐκ ἔχω σόφισμ᾽ ὅτῳ 470
τῆς νῦν παρούσης πημονῆς ἀπαλλαγῶ.

Χορός

Πέπονθας αἰκὲς πῆμ᾽· ἀποσφαλεὶς φρενῶν
πλανᾷ, κακὸς δ᾽ ἰατρὸς ὥς τις ἐς νόσον
πεσὼν ἀθυμεῖς καὶ σεαυτὸν οὐκ ἔχεις
εὑρεῖν ὁποίοις φαρμάκοις ἰάσιμος. 475

LE CHOEUR.

Ô Prométhée! je déplore ton lamentabledestin. Un ruisseau de larmes coule de mes yeux attendris, humide rosée qui mouille mon visage. L'épouvantable supplice décrété par Jupiter, c'est pour montrer qu'il n'a de lois 23 que son caprice, c'est pour faire sentir son orgueilleux empire aux dieux qui furent puissants autrefois.

Déjà toute la contrée d'alentour a retenti d'un cri plaintif. Ils pleurent tes nobles et antiques honneurs, ils pleurent la gloire de tes frères, ils souffrent de les lamentables douleurs, tous ces mortels qui habitent le sol sacré de l'Asie; et les vierges de Colchide, intrépides soldats (38); et la horde scythe, qui occupe les bords du marais Méotide, aux extrêmes confins du monde ; et cette fleur de l'Arabie  (39), Ces héros dont le Caucase abrite les remparts, bataillons frémissants, hérissés de lances.

Le seul Dieu que-j'eusse vu jadis chargé des chaînes d'airain de la douleur pesante, c'était cet infatigable Titan, Atlas, dont le dos supporte un immense et écrasant fardeau, le pôle de la terre et du ciel (40). La vague des mers tombe sur la vague et mugit; l'abîme pousse un gémissement ; l'enfer ténébreux frémit dans les profondeurs de la terre ; les sources des fleuves à l'onde sacrée exhalent un douloureux murmure : tout, dans le monde, pleure sur les tourments d'Atlas (41).

24 PROMÉTHÉE.

Croyez-moi, ce n'est ni l'orgueil ni un obstiné dédain qui cause mon silence; mais j'ai le cœur rongé d'un cuisant chagrin (42), à la vue des outrages où je suis en butte. Et pourtant, ces nouveaux dieux, à qui doivent-ils leurs honneurs? à qui, sinon à moi? Mais n'en parlons point : ce serait vous dire ce que déjà vous savez. Écoutez plutôt quel était le triste destin des mortels, et comment ces êtres, stupides jadis, acquirent, grâce à moi, raison et sagesse. Ce n'est pas que j'aie à faire aucun reproche aux hommes : je parle pour rappeler seulement quels furent mes dons et ma bonté. — Autrefois ils voyaient, mais ils voyaient mal ; ils entendaient, mais ils ne comprenaient pas. Semblables aux fantômes des songes, ils vivaient, depuis des siècles, confondant pêle- mêle toutes choses. Ils ne savaient se servir ni des briques ni du bois (43), pour construire des maisons éclairées par le jour. Comme la frêle fourmi ils habitaient sous terre, dans des cavernes profondes où ne pénétrait pas le soleil. Nul signe certain qui distinguât à leurs yeux l'hiver, soit du printemps plein de fleurs, soit de l'été aux moissons abondantes. Ils agissaient, mais toujours au hasard, sans réflexion. Enfin je leur enseignai l'art d'observer et l'instant précis du lever des astres et 23 l'instant précis de leur coucher (44). C'est moi qui inventai pour eux la science des nombres, la plus noble des sciences; pour eux je formai l'assemblage des lettres, je. fixai la mémoire qui conserve tous les souvenirs, la mère, l'instrument des Muses (45). C'est moi aussi qui, le premier, accouplai sous le joug les animaux auparavant sauvages, désormais domptés et obéissants; et le corps des mortels fut soulagé du poids des travaux les plus rudes. C'est moi qui attelai les chevaux, dociles au frein, à des chars splendides, orgueil de l'opulence. Et ces autres chars aux ailes de lin, qui emportent le matelot sur les ondes, quel autre que moi les a inventés? Infortuné! mon industrie a tout créé pour les mortels, et je ne trouve, pour moi-même, aucun moyen de me délivrer de mon tourment!

LE CHOEUR.

Ton supplice est bien cruel; mais tu dois ton malheur à ta folie imprudente. Aussi, comme un mauvais médecin, tu perds courage, dès que tu souffres toi-même; tu ne sais imaginer nul remède pour te guérir (46).

  Προμηθεύς

Τὰ λοιπά μου κλύουσα θαυμάσῃ πλέον,
οἵας τέχνας τε καὶ πόρους ἐμησάμην.
Τὸ μὲν μέγιστον, εἴ τις ἐς νόσον πέσοι,
οὐκ ἦν ἀλέξημ᾽ οὐδέν, οὔτε βρώσιμον,
οὐ χριστόν, οὐδὲ πιστόν, ἀλλὰ φαρμάκων 480
χρείᾳ κατεσκέλλοντο, πρίν γ᾽ ἐγώ σφισιν
ἔδειξα κράσεις ἠπίων ἀκεσμάτων,
αἷς τὰς ἁπάσας ἐξαμύνονται νόσους.
Τρόπους τε πολλοὺς μαντικῆς ἐστοίχισα,
κἄκρινα πρῶτος ἐξ ὀνειράτων ἃ χρὴ 485
ὕπαρ γενέσθαι, κληδόνας τε δυσκρίτους
ἐγνώρισ᾽ αὐτοῖς ἐνοδίους τε συμβόλους·
γαμψωνύχων τε πτῆσιν οἰωνῶν σκεθρῶς
διώρισ᾽, οἵτινές τε δεξιοὶ φύσιν
εὐωνύμους τε, καὶ δίαιταν ἥντινα 490
ἔχουσ᾽ ἕκαστοι, καὶ πρὸς ἀλλήλους τίνες
ἔχθραι τε καὶ στέργηθρα καὶ συνεδρίαι·
σπλάγχνων τε λειότητα, καὶ χροιὰν τίνα
ἔχουσ᾽ ἂν εἴη δαίμοσιν πρὸς ἡδονὴν
χολή, λοβοῦ τε ποικίλην εὐμορφίαν. 495
Κνίσῃ τε κῶλα συγκαλυπτὰ καὶ μακρὰν
ὀσφῦν πυρώσας δυστέκμαρτον ἐς τέχνην
ὥδωσα θνητούς, καὶ φλογωπὰ σήματα
ἐξωμμάτωσα, πρόσθεν ὄντ᾽ ἐπάργεμα.
Τοιαῦτα μὲν δὴ ταῦτ᾽· ἔνερθε δὲ χθονὸς 500
κεκρυμμέν᾽, ἀνθρώποισιν ὠφελήματα,
χαλκόν, σίδηρον, ἄργυρον, χρυσόν τε τίς
φήσειεν ἂν πάροιθεν ἐξευρεῖν ἐμοῦ;
οὐδείς, σάφ᾽ οἶδα, μὴ μάτην φλύσαι θέλων.
Βραχεῖ δὲ μύθῳ πάντα συλλήβδην μάθε, 505
πᾶσαι τέχναι βροτοῖσιν ἐκ Προμηθέως.

Χορός

Μή νυν βροτοὺς μὲν ὠφέλει καιροῦ πέρα,
σαυτοῦ δ᾽ ἀκήδει δυστυχοῦντος. Ὡς ἐγὼ
εὔελπίς εἰμι τῶνδέ σ᾽ ἐκ δεσμῶν ἔτι
λυθέντα μηδὲν μεῖον ἰσχύσειν Διός. 510

Προμηθεύς

Οὐ ταῦτα ταύτῃ μοῖρά πω τελεσφόρος
κρᾶναι πέπρωται, μυρίαις δὲ πημοναῖς
δύαις τε καμφθεὶς ὧδε δεσμὰ φυγγάνω·
τέχνη δ᾽ ἀνάγκης ἀσθενεστέρα μακρῷ.

Χορός

Τίς οὖν ἀνάγκης ἐστὶν οἰακοστρόφος; 515

Προμηθεύς

Μοῖραι τρίμορφοι μνήμονές τ᾽ Ἐρινύες

Χορός

Τούτων ἄρα Ζεύς ἐστιν ἀσθενέστερος;

Προμηθεύς

Οὔκουν ἂν ἐκφύγοι γε τὴν πεπρωμένην.

Χορός

Τί γὰρ πέπρωται Ζηνὶ πλὴν ἀεὶ κρατεῖν;

Προμηθεύς

Τοῦτ᾽ οὐκέτ᾽ ἂν πύθοιο μηδὲ λιπάρει. 520

Χορός

Ἦ πού τι σεμνόν ἐστιν ὃ ξυναμπέχεις.

Προμηθεύς

Ἄλλου λόγου μέμνησθε, τόνδε δ᾽ οὐδαμῶς
καιρὸς γεγωνεῖν, ἀλλὰ συγκαλυπτέος
ὅσον μάλιστα· τόνδε γὰρ σῴζων ἐγὼ
δεσμοὺς ἀεικεῖς καὶ δύας ἐκφυγγάνω. 525

Χορός

Μηδάμ᾽ ὁ πάντα νέμων
θεῖτ᾽ ἐμᾷ γνώμᾳ κράτος ἀντίπαλον Ζεύς,
μηδ᾽ ἐλινύσαιμι θεοὺς ὁσίαις θοίναις ποτινισομένα 530
βουφόνοις παρ᾽ Ὠκεανοῦ πατρὸς ἄσβεστον πόρον,
μηδ᾽ ἀλίτοιμι λόγοις· 535
ἀλλά μοι τόδ᾽ ἐμμένοι καὶ μήποτ᾽ ἐκτακείη·
ἁδύ τι θαρσαλέαις
τὸν μακρὸν τείνειν βίον ἐλπίσι, φαναῖς
θυμὸν ἀλδαίνουσαν ἐν εὐφροσύναις. Φρίσ-
σω δέ σε δερκομένα 540
μυρίοις μόχθοις διακναιόμενον < >.
Ζῆνα γὰρ οὐ τρομέων
ἰδίᾳ γνώμᾳ σέβῃ θνατοὺς ἄγαν, Προμηθεῦ.
Φέρ᾽, ὅπως ἄχαρις χάρις, ὦ φίλος· 545
εἰπὲ ποῦ τίς ἀλκά;
τίς ἐφαμερίων ἄρηξις; οὐδ᾽ ἐδέρχθης
ὀλιγοδρανίαν ἄκικυν,
ἰσόνειρον, τὸ φωτῶν
ἀλαὸν γένος ἐμπεποδισμένον; οὔποτε < > 550
τὰν Διὸς ἁρμονίαν θνατῶν παρεξίασι βουλαί.
Ἔμαθον τάδε σὰς προσιδοῦσ᾽ ὀλο-
ὰς τύχας, Προμηθεῦ.
Τὸ διαμφίδιον δέ μοι μέλος προσέπτα
τόδ᾽ ἐκεῖνό θ᾽, ὅ τ᾽ ἀμφὶ λουτρὰ 555
καὶ λέχος σὸν ὑμεναίουν
ἰότατι γάμων, ὅτε τὰν ὁμοπάτριον ἕδνοις
ἄγαγες Ἡσιόναν πείθὼν δάμαρτα κοινόλεκτρον. 560
 

26 PROMÉTHÉE.

Apprends le reste, et tu vas admirer bien plus encore d'autres arts, d'autres inventions, dont l'idée n'appartient qu'à moi. Voici mon bienfait le plus grand. Jadis, un mortel tombait-il malade, nul secours à espérer : point d'aliment salutaire, ni de topique, ni de breuvage, aucun remède enfin; et ils périssaient. Je leur enseignai à composer de bénins mélanges, préservatifs aujourd'hui pour eux de toutes les maladies. Et cette autre science aux aspects si variés, la divination, c'est moi encore qui l'ai fondée. C'est moi qui le premier distinguai, parmi les songes, les visions qui doivent s'accomplir; c'est moi qui expliquai les pronostics dont rien ne donnait aux hommes l'intelligence. Rencontres fortuites durant le voyage, vol des oiseaux de proie, j'ai tout défini avec clarté; j'ai dit quels oiseaux étaient ou d'un favorable ou d'un sinistre augure ; j'ai dit aussi les mœurs de leurs races diverses, leurs mutuelles haines, leurs amitiés, leurs réunions; enfin j'ai montré la sorte de poli, la couleur qui plaisait aux dieux dans les entrailles des victimes, et les nuances de beauté du fiel et du foie (47). J'ai fait brûler sur le feu, dans une enveloppe de graisse, les cuisses, les larges reins de la victime (48), guidant ainsi les mortels sur la route d'un art ténébreux, et rendant sensibles à leurs regards les signes de la flamme, autrefois inexpliqués. Tels furent mes bienfaits ; et je ne parle pas de ces trésors que la terre dérobait aux hommes dans ses pro- 27 fondeurs: l'airain, le fer, l'argent, l'or; qui pourrait se vanter de les avoir découverts avant moi? personne, sans nul doute, à moins d'une folle jactance. En un seul mot je puis tout t'apprendre : l'inventeur de tous les arts dont jouissent les mortels, c'est Prométhée.

LE CHOEUR.

Ne va pas, toi qui as trop fait pour les mortels, ne va pas, dans ce malheur, t'abstenir de rien faire pour toi-même; car bientôt, j'en ai la douce espérance, tu serais libre de ces chaînes, tu deviendrais l'égal de Jupiter.

PROMÉTHÉE.

Non! tel n'est point l'avenir fixé par la Parque inévitable. Je vivrai courbé sous des maux, sous des tortures sans nombre : ce n'est qu'après le supplice que je sortirai des fers. L'art est une bien faible puissance quand il lutte contre la nécessité.

LE CHOEUR.

Mais cette nécessité, qui donc règle son cours?

PROMÉTHÉE.

C'est la triple Parque, ce sont les Furies à l'infaillible mémoire.

LE CHOEUR.

Ainsi leur force est supérieure à celle de Jupiter?

PROMÉTHÉE.

Oui; lui-même il ne saurait échapper à sa destinée.

LE CHOEUR.

Et quelle est donc la destinée de Jupiter, sinon un éternel empire?

PROMÉTHÉE.

Ne me le demande pas; n'insiste pas pour le savoir.

LE CHOEUR.

Il est donc bien redoutable, ce secret que tu tiens enveloppé ?

PROMÉTHÉE.

Passez à d'autres sujets: il n'est point temps encore de révéler le mystère ; il faut le dérober plus que jamais aux yeux. A me taire, je gagne ma délivrance de ces indignes liens, la fin de mes maux.

LE CHOEUR.

Puisse Jupiter, l'arbitre sou verain du monde, n'opposer jamais sa puissance à mes désirs! Puissé-je ne jamais montrer de lenteur à présenter aux dieux les sacrés festins de l'hécatombe (49), sur le bord des intarissables flots de l'Océan mon père! Puissé-je ne jamais tenir de coupables discours, et garder dans mon cœur, empreints et ineffaçables, ces religieux pensers !

Il est doux de prolonger une immortelle vie, au sein de la sécurité profonde, des riantes espérances, et de nourrir son âme d'une pure félicité. Mais je frissonne d'épouvante au spectacle des mille tortures qui te déchirent. Ah! Prométhée, tu n'as pas redouté Jupiter; et, cédant au penchant de ton âme, tu t'es montré outre mesure bienveillant pour les mortels.

Voilà le salaire ingrat de tes bienfaits. Ô toi qui m'es cher, dis, quels secours t'apporteront les êtres d'un jour?qu'espères-tu de leur appui? Eh! ne connaissais-tu donc pas cette inactive impuissance qui enchaîne, comme dans un rêve, l'aveugle race des humains?En présence des décrets de Jupiter s'évanouissent les desseins des mortels.

Cette vérité, Prométhée, ton funeste sort en est la preuve à mes yeux! Mais qu'il ressemble peu, ce chant qui s'échappe aujourd'hui de mes lèvres, au chant d'hyménée que jadis, heureuse de ton bonheur, je faisais entendre autour du bain nuptial, autour de ta couche, le jour où ma sœur Hésione (50) consentit à devenir ton épouse et à partager ton lit!

 Ἰώ

Τίς γῆ; τί γένος; τίνα φῶ λεύσσειν
τόνδε χαλινοῖς ἐν πετρίνοισιν
χειμαζόμενον;
τίνος ἀμπλακίας ποινὰς ὀλέκῃ;
σήμηνον ὅποι γῆς ἡ μογερὰ πεπλάνημαι. 565
Ἆ ἆ, ἒ ἔ,
χρίει τις αὖ με τὰν τάλαιναν οἶστρος,
εἴδωλον Ἄργου γηγενοῦς, ἄλευ᾽ ἆ δᾶ· φοβοῦμαι
τὸν μυριωπὸν εἰσορῶσα βούταν.
Ὁ δὲ πορεύεται δόλιον ὄμμ᾽ ἔχων,
ὃν οὐδὲ κατθανόντα γαῖα κεύθει. 570
Ἀλλ᾽, ἐμὲ τὰν τάλαιναν
ἐξ ἐνέρων περῶν κυναγετεῖ, πλανᾷ
τε νῆστιν ἀνὰ τὰν παραλίαν ψάμμαν.
Ὑπὸ δὲ κηρόπλαστος ὀτοβεῖ δόναξ
ἀχέτας ὑπνοδόταν νόμον· 575
ἰὼ ἰὼ πόποι, ποῖ μ᾽ ἄγουσι τη-
λέπλαγκτοι πλάναι;
Τί ποτέ μ᾽, ὦ Κρόνιε παῖ, τί ποτε ταῖσδ᾽
ἐνέζευξας εὑρὼν ἁμαρτοῦσαν ἐν
πημοναῖσιν; ἓ ἕ, 580
οἰστρηλάτῳ δὲ δείματι
δειλαίαν παράκοπον ὧδε τείρεις;
πυρί <με > φλέξον, ἢ χθονὶ κάλυψον, ἤ
ποντίοις δάκεσι δὸς βοράν,
μηδέ μοι φθονήσῃς
εὐγμάτων, ἄναξ.
Ἄδην με πολύπλανοι πλάναι 585
γεγυμνάκασιν, οὐδ᾽ ἔχω μαθεῖν ὅπα
πημονὰς ἀλύξω.
Κλύεις φθέγμα τᾶς βούκερω παρθένου;

Προμηθεύς

Πῶς δ᾽ οὐ κλύω τῆς οἰστροδινήτου κόρης,
τῆς Ἰναχείας; ἣ Διὸς θάλπει κέαρ 590
ἔρωτι, καὶ νῦν τοὺς ὑπερμήκεις δρόμους
Ἥρᾳ στυγητὸς πρὸς βίαν γυμνάζεται.

Ἰώ

Πόθεν ἐμοῦ σὺ πατρὸς ὄνομ᾽ ἀπύεις; 593
εἰπέ μοι τᾷ μογερᾷ τίς ὤν;
τίς ἄρα μ᾽, ὦ τάλας, τὰν τάλαιναν ὧδ᾽ 595
ἔτυμα προσθροεῖς;
Θεόσυτόν τε νόσον ὠνόμασας, ἃ
μαραίνει με χρίουσα κέντροις, <ἰώ>,
φοιταλέοισιν ἓ ἕ·
σκιρτημάτων δὲ νήστισιν
αἰκείαις λαβρόσυτος ἦλθον, <Ἥρας > 600
ἐπικότοισι μήδεσι δαμεῖσα. Δυσ-
δαιμόνων δὲ τίνες οἵ, ἓ ἕ,
οἷ᾽ ἐγὼ μογοῦσιν;
ἀλλά μοι τορῶς
τέκμηρον ὅ τι μ᾽ ἐπαμμένει 605
παθεῖν, τί μῆχαρ, ἢ τί φάρμακον νόσου,
δεῖξον, εἴπερ οἶσθα·
θρόει, φράζε τᾷ δυσπλάνῳ παρθένῳ.

Προμηθεύς

Λέξω τορῶς σοι πᾶν ὅπερ χρῄζεις μαθεῖν,
οὐκ ἐμπλέκων αἰνίγματ᾽, ἀλλ᾽ ἁπλῷ λόγῳ, 610
ὥσπερ δίκαιον πρὸς φίλους οἴγειν στόμα.
Πυρὸς βροτοῖς δοτῆρ᾽ ὁρᾷς Προμηθέα.

Ἰώ

Ὦ κοινὸν ὠφέλημα θνητοῖσιν φανείς,
τλῆμον Προμηθεῦ, τοῦ δίκην πάσχεις τάδε;

Προμηθεύς

Ἀρμοῖ πέπαυμαι τοὺς ἐμοὺς θρηνῶν πόνους. 615

Ἰώ

Οὔκουν πόροις ἂν τήνδε δωρεὰν ἐμοί;

Προμηθεύς

Λέγ᾽ ἥντιν᾽ αἰτῇ· πᾶν γὰρ ἂν πύθοιό μου.

Ἰώ

Σήμηνον ὅστις ἐν φάραγγί σ᾽ ὤχμασεν.

Προμηθεύς

Βούλευμα μὲν τὸ Δῖον, Ἡφαίστου δὲ χείρ.

Ἰώ

Ποινὰς δὲ ποίων ἀμπλακημάτων τίνεις; 620

Προμηθεύς

Τοσοῦτον ἀρκῶ σοι σαφηνίσας μόνον.

Ἰώ

Καὶ πρός γε τούτοις τέρμα τῆς ἐμῆς πλάνης
δεῖξον, τίς ἔσται τῇ ταλαιπώρῳ χρόνος.

Προμηθεύς

Τὸ μὴ μαθεῖν σοι κρεῖσσον ἢ μαθεῖν τάδε.

Ἰώ

Μήτοι με κρύψῃς τοῦθ᾽ ὅπερ μέλλω παθεῖν. 625

Προμηθεύς

Ἀλλ᾽ οὐ μεγαίρω τοῦδέ σοι δωρήματος.

Ἰώ

Τί δῆτα μέλλεις μὴ οὐ γεγωνίσκειν τὸ πᾶν;

Προμηθεύς

Φθόνος μὲν οὐδείς, σὰς δ᾽ ὀκνῶ θράξαι φρένας.

Ἰώ

Μή μου προκήδου μᾶσσον ὡς ἐμοὶ γλυκύ.

Προμηθεύς

Ἐπεὶ προθυμῇ, χρὴ λέγειν. ἄκουε δή. 630

Χορός

Μήπω γε· μοῖραν δ᾽ ἡδονῆς κἀμοὶ πόρε.
Τὴν τῆσδε πρῶτον ἱστορήσωμεν νόσον,
αὐτῆς λεγούσης τὰς πολυφθόρους τύχας·
τὰ λοιπὰ δ᾽ ἄθλων σοῦ διδαχθήτω πάρα.

Προμηθεύς

Σὸν ἔργον, Ἰοῖ, ταῖσδ᾽ ὑπουργῆσαι χάριν, 635
ἄλλως τε πάντως καὶ κασιγνήταις πατρός.
Ὡς τἀποκλαῦσαι κἀποδύρασθαι τύχας
ἐνταῦθ᾽, ὅπου μέλλοι τις οἴσεσθαι δάκρυ
πρὸς τῶν κλυόντων, ἀξίαν τριβὴν ἔχει.

IO (51).

Où suis-je? chez quel peuple? Quel est ce captif que j'aperçois fatigué par la tempête, dans les entraves qui l'assujettissent au rocher? Quel forfait expies-tu par cette agonie? Apprends-moi dans quel pays du monde j'arrive errante, infortunée. — Ah! ah! hélas! hélas! un taon me déchire encore de son dard. — Malheureuse! c'est l'affreux fantôme d'Argus, du fils de la Terre. Éloigne, ô Terre, éloigne-le. — Je tremble à l'aspect du pâtre aux cent yeux. — Le voilà qui s'avance, avec son perfide regard : il était mort; la terre ne l'a donc point engloutit Le voilà ! il s'échappe des enfers ; il me suit à la piste, malheureuse! — Je fuis, je bondis affamée, le long des sables du rivage; et toujours les roseaux harmonieux qu'unit la cire exhalent autour de moi l'assoupissante mélodie (52). — Oh! oh! grands dieux! grands dieux! où donc m'amènent tant de courses vagabondes? Pour quel crime, ô fils de Saturne, pour quel crime m'as-tu attachée ainsi sous le joug d'horribles souffrances?— Ah! ah! — Pourquoi ce taon qui m'aiguillonne, pourquoi ce trouble, ces tortures, cet accablant délire? Ah ! embrase-moi de ta foudre, engloutis-moi sous la terre, fais de moi la pâture des monstres de la mer! Ne repousse pas mes prières, dieu souverain! Assez de courses errantes, assez de douleurs! Ohl si je pouvais apprendre quelle sera la fin de mes maux!

LE CHOEUR, à Prométhée.

Entends-tu les plaintes de la jeune fille aux cornes de génisse (53)?

PROMÉTHÉE.

Et comment pourrais-je ne pas l'entendre, la jeune fille que harcèle un taon impitoyable, la fille d'inachus? Oui, c'est celle qui embrase d'amour le cœur de Jupiter, et qui maintenant, objet de la haine de Junon, fuit d'une éternelle fuite sous les coups de son ennemie.

IO.

D'où sais-tu donc qui je suis, ô toi qui viens de prononcer le nom de mon père? Réponds-moi, parle à une infortunée. Qui donc es-tu? qui es-tu, ô toi qui souffres ici et qui connais si bien mes souffrances? toi qui l'as nommé, ce fléau déchaîné par une déesse, ce mal qui me consume, qui me déchire d'un pénétrant aiguillon ! — Ahl ah! —C'est par bonds rapides, par impétueux élans que j'ai couru jusqu'en ces lieux, tourmentée par la faim, triste objet des jalouses vengeances de Junon. Quels malheureux endurèrent jamais — ah! ah!—les douleurs que j'endure? Mais réponds-moi sans détour : que me reste-t-il encore à souffrir? où finiront mes malheurs? Donne, ah! donne à la jeune fille errante, infortunée, un remède à son tourment. Parle, explique-toi, si tu sais quelque chose.

PROMÉTHÉE.

Oui, je parlerai sans détour; tu sauras tout ce que tu désires apprendre; je le dirai sans m'envelopper dans l'énigme, en termes simples, comme un ami doit ouvrir la bouche devant ses amis. — Tu vois celui qui a donné le feu aux mortels; tu vois Prométhée.

IO.

Ô toi, le bienfaiteur commun de toute la race humaine, malheureux Promôthée, pour quel forfait subis-tu ce châtiment ?

31 PROMÉTHÉE.

J'achevais, il y a un instant, le lamentable récit de mes douleurs,

IO.

Ne peux-tu donc pas m'accorder aussi la grâce...

PROMÉTHÉE.

Quelle grâce? dis; je n'aurai rien de caché pour toi.

IO.

D'apprendre de toi qui t'a enchaîné sur ces rocs escarpés?

PROMÉTHÉE.

C'est l'arrêt de Jupiter, la main de Vulcain.

IO.

De quels crimes portes-tu donc la peine ?

PROMÉTHÉE.

J'en ai dit assez pour être compris de toi.

IO.

Ajoute au moins un mot: dis-moi quel moment sera le terme de mon infortune et de ma course vagabonde.

PROMÉTHÉE.

Il vant mieux pour toi l'ignorer que l'apprendre (54).

IO.

Ah ! ne me cache point ce que je dois souffrir encore.

PROMÉTHÉE.

Pourtant je ne refuse pas d'exaucer ton vœu.

IO.

Pourquoi donc balancer? parle, dis-moi tout.

PROMÉTHÉE.

Je ne refuse nullement ; mais je crains de bouleverser les esprits.

32 IO.

Ne prends pas pour moi plus de pitié que je n'en désire moi-même.

PROMÉTHÉE.

Tu le veux absolument, il faut donc que je parle; eh bien, écoute.

LE CHOEUR.

Un instant encore. A mon tour accorde-moi une faveur. Sachons d'abord l'histoire de ses tourments; qu'elle nous raconte elle-même les terribles vicissitudes de sa fortune. Puis tu lui révéleras les douleurs que lui garde l'avenir.

PROMÉTHÉE

Ce soin te touche, Io; c'est à toi de combler leur désir. Tu ne saurais refuser, surtout aux sœurs de ton père; car il y a douceur à pleurer, à gémir sur ses infortunes, quand on sait que le récit fera couler des larmes.

  Ἰώ

Οὐκ οἶδ᾽ ὅπως ὑμῖν ἀπιστῆσαί με χρή, 640
σαφεῖ δὲ μύθῳ πᾶν ὅπερ προσχρῄζετε
πεύσεσθε· καίτοι καὶ λέγουσ᾽ αἰσχύνομαι
θεόσσυτον χειμῶνα καὶ διαφθορὰν
μορφῆς, ὅθεν μοι σχετλίᾳ προσέπτατο.
Αἰεὶ γὰρ ὄψεις ἔννυχοι πωλεύμεναι 645
ἐς παρθενῶνας τοὺς ἐμοὺς παρηγόρουν
λείοισι μύθοις "Ὦ μέγ᾽ εὔδαιμον κόρη,
τί παρθενεύει δαρόν, ἐξόν σοι γάμου
τυχεῖν μεγίστου; Ζεὺς γὰρ ἱμέρου βέλει
πρὸς σοῦ τέθαλπται καὶ συναίρεσθαι Κύπριν 650
θέλει· σὺ δ᾽, ὦ παῖ, μὴ ᾽πολακτίσῃς λέχος
τὸ Ζηνός, ἀλλ᾽ ἔξελθε πρὸς Λέρνης βαθὺν
λειμῶνα, ποίμνας βουστάσεις τε πρὸς πατρός,
ὡς ἂν τὸ Δῖον ὄμμα λωφήσῃ πόθου."
Τοιοῖσδε πάσας εὐφρόνας ὀνείρασι 655
συνειχόμην δύστηνος, ἔστε δὴ πατρὶ
ἔτλην γεγωνεῖν νυκτίφοιτ᾽ ὀνείρατα.
Ὁ δ᾽ ἔς τε Πυθὼ κἀπὶ Δωδώνης πυκνοὺς
θεοπρόπους ἴαλλεν, ὡς μάθοι τί χρὴ
δρῶντ᾽ ἢ λέγοντα δαίμοσιν πράσσειν φίλα. 660
Ἧκον δ᾽ ἀναγγέλλοντες αἰολοστόμους
χρησμοὺς ἀσήμους δυσκρίτως τ᾽ εἰρημένους.
Τέλος δ᾽ ἐναργὴς βάξις ἦλθεν Ἰνάχῳ
σαφῶς ἐπισκήπτουσα καὶ μυθουμένη
ἔξω δόμων τε καὶ πάτρας ὠθεῖν ἐμέ, 665
ἄφετον ἀλᾶσθαι γῆς ἐπ᾽ ἐσχάτοις ὅροις·
κεἰ μὴ θέλοι, πυρωπὸν ἐκ Διὸς μολεῖν
κεραυνόν, ὃς πᾶν ἐξαϊστώσοι γένος.
Τοιοῖσδε πεισθεὶς Λοξίου μαντεύμασιν
ἐξήλασέν με κἀπέκλῃσε δωμάτων 670
ἄκουσαν ἄκων· ἀλλ᾽ ἐπηνάγκαζέ νιν
Διὸς χαλινὸς πρὸς βίαν πράσσειν τάδε.
Εὐθὺς δὲ μορφὴ καὶ φρένες διάστροφοι
ἦσαν, κεραστὶς δ᾽, ὡς ὁρᾶτ᾽, ὀξυστόμῳ
μύωπι χρισθεῖσ᾽ ἐμμανεῖ σκιρτήματι 675
ᾖσσον πρὸς εὔποτόν τε Κερχνείας ῥέος
Λέρνης τε κρήνην · βουκόλος δὲ γηγενὴς
ἄκρατος ὀργὴν Ἄργος ὡμάρτει, πυκνοῖς
ὄσσοις δεδορκὼς τοὺς ἐμοὺς κατὰ στίβους.
Ἀπροσδόκητος δ᾽ αὐτὸν ἀφνίδιος μόρος 680
τοῦ ζῆν ἀπεστέρησεν. Οἰστροπλὴξ δ᾽ ἐγὼ
μάστιγι θείᾳ γῆν πρὸ γῆς ἐλαύνομαι.
Κλύεις τὰ πραχθέντ᾽· εἰ δ᾽ ἔχεις εἰπεῖν ὅ τι
λοιπὸν πόνων, σήμαινε· μηδέ μ᾽ οἰκτίσας
ξύνθαλπε μύθοις ψευδέσιν· νόσημα γὰρ 685
αἴσχιστον εἶναί φημι συνθέτους λόγους.

Χορός

Ἔα ἔα, ἄπεχε, φεῦ·
οὔποτ᾽ οὔποτ᾽ ηὔχουν <ὧδε > ξένους
μολεῖσθαι λόγους εἰς ἀκοὰν ἐμάν,
οὐδ᾽ ὧδε δυσθέατα καὶ δύσοιστα 690
πήματα, λύματα, [δείματα] ἀμ-
φάκει κέντρῳ τύψειν ψυχὰν ἐμάν.
Ἰὼ [ἰὼ] μοῖρα μοῖρα,
πέφρικ᾽ εἰσιδοῦσα πρᾶξιν Ἰοῦς. 695

Προμηθεύς

Πρῴ γε στενάζεις καὶ φόβου πλέα τις εἶ·
ἐπίσχες ἔστ᾽ ἂν καὶ τὰ λοιπὰ προσμάθῃς.

Χορός

Λέγ᾽, ἐκδίδασκε· τοῖς νοσοῦσί τοι γλυκὺ
τὸ λοιπὸν ἄλγος προυξεπίστασθαι τορῶς.

IO.

Comment résister à votre empressement? je n'essayerai même pas. Vous désirez connaître toute mon histoire ; je n'en veux rien dissimuler. Pourtant il est pénible à mon cœur de dire la cause et de cette tempête soulevée contre moi par une main divine, et de ma déplorable métamorphose. — Sans cesse des songes venaient, pendant la nuit, voltigeant vers ma chambre virginale. Ils me disaient, dans leur caressant langage (55): « Ô jeune fille, « pourquoi si longtemps garder la virginité (56)? Ton bonheur est grand! tu peux aspirer au plus glorieux des hyménées. Ta vue a embrasé Jupiter des feux du désir; avec 33 toi il veut partager les voluptés de Cypris. Eh ! ne va pas, belle enfant, dédaigner la couche de Jupiter! « Descends plutôt vers les champs de Lerne (57), vers ces « fécondes prairies où paissent les troupeaux de ton père, où s'élèvent les étables de ses bœufs. Hâte-toi ; rassasie enfin le désir qui brûle dans les yeux de Jupiter  (58). » — Tels étaient les songes dont chaque nuit, pour mon malheur, j'étais assaillie. Je fis un effort de courage : je dis à mon père quelles apparitions venaient me hanter dans l'ombre des nuits. Mon père envoya plus d'une fois consulter et l'oracle de Delphes et celui de Dodone, pour apprendre par quels sacrifices, par quelles prières, il pourrait fléchir les dieux. Mais toujours on lui rapportait des réponses ambiguës, pleines de vague, et dont nul ne pénétrait le sens. Enfin un oracle arriva chez Inachus, un oracle bien clair, bien précis, cette fois. C'était le conseil, c'était l'ordre de me chasser hors de la maison, hors de la patrie, de me laisser ensuite à moi-même; et une course vagabonde devait m'entraîner jusqu'aux derniers confins de la terre. S'il résistait, Jupiter lancerait la foudre étincelante; et Inachus serait anéanti, lui et toute sa race. C'en était assez pour qu'il obéît à la voix prophétique de Loxias (59) : il me bannit, il me ferma la porte du palais. Son cœur, comme le mien, était brisé; mais Jupiter le tenait sous le frein et le faisait céder à la force. Aussitôt ma raison, aussitôt mes traits s'altérèrent : ces cornes que vous voyez se dressèrent sur mon front. Déchirée par un taon à l'aiguillon acéré, je m'élançai d'un bond furieux jusqu'aux limpides flots de Cen- 34 chrée (60), jusqu'à la colline de Lerne (61). Le bouvier fils de la Terre, l'impitoyable Argus me suivait, attachant sur mes traces ses yeux innombrables. Un coup imprévu le priva soudainement de la vie ; mais moi, toujours déchirée par le taon, le fouet que tient une main divine me relance de climat en climat. Tu sais tont ce qui m'est arrivé. Si tu peux me dire les maux que l'avenir me réserve encore, parle; et que la pitié n'aille pas t'inspirer quelque consolant mensonge : un discours artificieux est, selon moi, le plus honteux des fléaux.

LE CHOEUR.

Hélas I hélas! c'en est trop! arrête ! Jamais, non, jamais je n'aurais pu m'attendre à l'étrange récit qui vient de frapper mon oreille, à ces tourments, à ces désastres, à ces terreurs : affreux spectacle! insupportable supplice! trait à double pointe, qui glace mon âme! — Ah ! Destinée, Destinée ! je frémis d'horreur à l'aspect des infortunes d'Io.

PROMÉTHÉE, au Chœur.

Tes gémissements, ton effroi, sont prématurés encore. Attends au moins que tu aies appris le reste.

LE CHOEUR.

Parle ; instruis-la de son sort : il n'est pas sans douceur de connaître clairement d'avance, lorsqu'on est dans la peine, ce qu'on aura encore à souffrir.

 Προμηθεύς

Τὴν πρίν γε χρείαν ἠνύσασθ᾽ ἐμοῦ πάρα 700
κούφως· μαθεῖν γὰρ τῆσδε πρῶτ᾽ ἐχρῄζετε
τὸν ἀμφ᾽ ἑαυτῆς ἆθλον ἐξηγουμένης·
τὰ λοιπὰ νῦν ἀκούσαθ᾽, οἷα χρὴ πάθη
τλῆναι πρὸς Ἥρας τήνδε τὴν νεάνιδα.
Σύ τ᾽ Ἰνάχειον σπέρμα, τοὺς ἐμοὺς λόγους 705
θυμῷ βάλ᾽, ὡς ἂν τέρματ᾽ ἐκμάθῃς ὁδοῦ.
Πρῶτον μὲν ἐνθένδ᾽ ἡλίου πρὸς ἀντολὰς
στρέψασα σαυτὴν στεῖχ᾽ ἀνηρότους γύας·
Σκύθας δ᾽ ἀφίξῃ νομάδας, οἳ πλεκτὰς στέγας
πεδάρσιοι ναίουσ᾽ ἐπ᾽ εὐκύκλοις ὄχοις 710
ἑκηβόλοις τόξοισιν ἐξηρτυμένοι·
οἷς μὴ πελάζειν, ἀλλ᾽ ἁλιστόνοις πόδας
χρίμπτουσα ῥαχίαισιν ἐκπερᾶν χθόνα.
Λαιᾶς δὲ χειρὸς οἱ σιδηροτέκτονες
οἰκοῦσι Χάλυβες, οὓς φυλάξασθαί σε χρή. 715
Ἀνήμεροι γὰρ οὐδὲ πρόσπλατοι ξένοις.
Ἥξεις δ᾽ Ὑβριστὴν ποταμὸν οὐ ψευδώνυμον,
ὃν μὴ περάσῃς, οὐ γὰρ εὔβατος περᾶν,
πρὶν ἂν πρὸς αὐτὸν Καύκασον μόλῃς, ὀρῶν
ὕψιστον, ἔνθα ποταμὸς ἐκφυσᾷ μένος 720
κροτάφων ἀπ᾽ αὐτῶν. Ἀστρογείτονας δὲ χρὴ
κορυφὰς ὑπερβάλλουσαν ἐς μεσημβρινὴν
βῆναι κέλευθον, ἔνθ᾽, Ἀμαζόνων στρατὸν
ἥξεις στυγάνορ᾽, αἳ Θεμίσκυράν ποτε
κατοικιοῦσιν ἀμφὶ Θερμώδονθ᾽, ἵνα 725
τραχεῖα πόντου Σαλμυδησσία γνάθος
ἐχθρόξενος ναύταισι, μητρυιὰ νεῶν·
αὗταί σ᾽ ὁδηγήσουσι καὶ μάλ᾽ ἀσμένως.
Ἰσθμὸν δ᾽ ἐπ᾽ αὐταῖς στενοπόροις λίμνης πύλαις
Κιμμερικὸν ἥξεις, ὃν θρασυσπλάγχνως σε χρὴ 730
λιποῦσαν αὐλῶν᾽ ἐκπερᾶν Μαιωτικόν·
ἔσται δὲ θνητοῖς εἰσαεὶ λόγος μέγας
τῆς σῆς πορείας, Βόσπορος δ᾽ ἐπώνυμος
κεκλήσεται. Λιποῦσα δ᾽ Εὐρώπης πέδον
ἤπειρον ἥξεις Ἀσιάδ᾽·. Ἆρ᾽, ὑμῖν δοκεῖ 735
ὁ τῶν θεῶν τύραννος ἐς τὰ πάνθ᾽ ὁμῶς
βίαιος εἶναι; τῇδε γὰρ θνητῇ θεὸς
χρῄζων μιγῆναι τάσδ᾽ ἐπέρριψεν πλάνας.
Πικροῦ δ᾽ ἔκυρσας, ὦ κόρη, τῶν σῶν γάμων
μνηστῆρος. Οὓς γὰρ νῦν ἀκήκοας λόγους, 740
εἶναι δόκει σοι μηδέπω ᾽ν προοιμίοις.

PROMÉTHÉE.

Je me suis rendu sans résistance à votre premier désir: vous vouliez entendre d'abord de sa bouche le récit de ses malheurs. Apprenez donc maintenant les nouveaux tourments que Junon doit infliger encore à cette jeune 35 infortunée. Et toi, sang d'Inachus, grave mes discours dans ton esprit, et tu sauras où doit s'arrêter ta course. — Tu tourneras, au sortir de ces lieux, vers les plages de l'Orient: traverse ces déserts qui n'ont jamais senti la charrue. Au delà, tu arriveras chez les Scythes nomades (62), qui vivent dans des cabanes d'un tissu d'osier dressées en l'air sur leurs chars aux larges roues, et qui ont pour armes des arcs aux redoutables flèches. Garde- toi d'approcher de ces peuples. Pour t'éloigner de leur contrée, porte tes pas le long des bords rocailleux de la mer gémissante (63). A gauche habitent les Chalybes (64), habiles à façonner le fer : évite-les encore; ils sont féroces, inhospitaliers. Tu arriveras aux bords de l'Hybristès (65), ce fleuve digne de son nom (66). N'essaye pas de le traverser, car l'entreprise du passage a ses périls; remonte jusque vers le Caucase  (67), la plus élevée des mon- 36 tagnes, jusqu'au lieu où de la tempe même du mont le lleuve s'élance bouillonnant, impétueux. Franchis ces hautes cimes qui touchent aux astres, et descends vers les plages du midi. Là tu trouveras les Amazones  (68), cette nation de guerrières pour qui l'homme est un objet de haine: elles peupleront un jour Thémiscyre, sur les bords du Thermodon, en ces lieux où s'ouvre Salmydessus  (69), l'horrible gueule béante dans les ondes, l'hôtesse fatale aux nautoniers, la marâtre des vaisseaux. Volontiers elles te serviront de guides, et même avec un vif empressement. Puis tu arriveras à l'isthme Cimmérien (70); puis tu continueras ta route jusqu'à la porte resserrée du marais Méotide : il faut courageusement t'élancer au delà du détroit. La renommée de ton passage se conservera éternelle parmi les humains, et le détroit sera nommé Bosphore (71). Alors tu auras quitté le sol de l'Europe, tu seras sur le continent de l'Asie (72). — Eh bien, que vous en semble? ne se fait-elle pas également sentir à tous, la violence de ce roi des dieux? Voilà une mortelle à laquelle il brûle de s'unir d'amour; et il la contraint brutalement à cette lamentable fuite ! Ah! tu as rencontré, 37 jeune fille, un prétendant bien cruel! car le discours que tu viens d'entendre, c'est à peine le prélude de tes malheurs.

  Ἰώ

Ἰώ μοί μοι, ἒ ἔ.

Προμηθεύς

Σὺ δ᾽ αὖ κέκραγας κἀναμυχθίζῃ; τί που
δράσεις, ὅταν τὰ λοιπὰ πυνθάνῃ κακά;

Χορός

Ἦ γάρ τι λοιπὸν τῇδε πημάτων ἐρεῖς; 745

Προμηθεύς

Δυσχείμερόν γε πέλαγος ἀτηρᾶς δύης.

Ἰώ

Τί δῆτ᾽ ἐμοὶ ζῆν κέρδος, ἀλλ᾽ οὐκ ἐν τάχει
ἔρριψ᾽ ἐμαυτὴν τῆσδ᾽ ἀπὸ στύφλου πέτρας,
ὅπως πέδοι σκήψασα τῶν πάντων πόνων
ἀπηλλάγην; κρεῖσσον γὰρ εἰσάπαξ θανεῖν 750
ἢ τὰς ἁπάσας ἡμέρας πάσχειν κακῶς.

Προμηθεύς

Ἦ δυσπετῶς ἂν τοὺς ἐμοὺς ἄθλους φέροις,
ὅτῳ θανεῖν μέν ἐστιν οὐ πεπρωμένον·
αὕτη γὰρ ἦν ἂν πημάτων ἀπαλλαγή·
νῦν δ᾽ οὐδέν ἐστι τέρμα μοι προκείμενον 755
μόχθων, πρὶν ἂν Ζεὺς ἐκπέσῃ τυραννίδος.

Ἰώ

Ἦ γάρ ποτ᾽ ἔστιν ἐκπεσεῖν ἀρχῆς Δία;

Προμηθεύς

Ἥδοι᾽ ἄν, οἶμαι, τήνδ᾽ ἰδοῦσα συμφοράν.

Ἰώ

Πῶς δ᾽ οὐκ ἄν, ἥτις ἐκ Διὸς πάσχω κακῶς;

Προμηθεύς

Ὡς τοίνυν ὄντων τῶνδέ σοι μαθεῖν πάρα. 760

Ἰώ

Πρὸς τοῦ τύραννα σκῆπτρα συληθήσεται;

Προμηθεύς

Πρὸς αὐτὸς αὑτοῦ κενοφρόνων βουλευμάτων.

Ἰώ

Ποίῳ τρόπῳ; σήμηνον, εἰ μή τις βλάβη.

Προμηθεύς

Γαμεῖ γάμον τοιοῦτον ᾧ ποτ᾽ ἀσχαλᾷ.

Ἰώ

Θέορτον, ἢ βρότειον; εἰ ῥητόν, φράσον. 765

Προμηθεύς

Τί δ᾽ ὅντιν᾽·; Οὐ γὰρ ῥητὸν αὐδᾶσθαι τόδε.

Ἰώ

Ἦ πρὸς δάμαρτος ἐξανίσταται θρόνων;

Προμηθεύς

Ἣ τέξεταί γε παῖδα φέρτερον πατρός.

Ἰώ

Οὐδ᾽ ἔστιν αὐτῷ τῆσδ᾽ ἀποστροφὴ τύχης;

Προμηθεύς

Οὐ δῆτα, πλὴν ἔγωγ᾽ ἂν ἐκ δεσμῶν λυθείς. 770

Ἰώ

Τίς οὖν ὁ λύσων ἐστὶν ἄκοντος Διός;

Προμηθεύς

Τῶν σῶν τιν᾽ αὐτὸν ἐγγόνων εἶναι χρεών.

Ἰώ

Πῶς εἶπας; ἦ ᾽μὸς παῖς σ᾽ ἀπαλλάξει κακῶν;

Προμηθεύς

Τρίτος γε γένναν πρὸς δέκ᾽ ἄλλαισιν γοναῖς.

Ἰώ

Ἥδ᾽ οὐκέτ᾽ εὐξύμβλητος ἡ χρησμῳδία. 775

Προμηθεύς

Καὶ μηδὲ σαυτῆς ἐκμαθεῖν ζήτει πόνους.

Ἰώ

Μή μοι προτείνων κέρδος εἶτ᾽ ἀποστέρει.

Προμηθεύς

Δυοῖν λόγοιν σε θατέρῳ δωρήσομαι.

Ἰώ

Ποίοιν; πρόδειξον, αἵρεσίν τ᾽ ἐμοὶ δίδου.

Προμηθεύς

Δίδωμ᾽· ἑλοῦ γάρ, ἢ πόνων τὰ λοιπά σοι 780
φράσω σαφηνῶς, ἢ τὸν ἐκλύσοντ᾽ ἐμέ.

Χορός

Τούτων σὺ τὴν μὲν τῇδε, τὴν δ᾽ ἐμοὶ χάριν
θέσθαι θέλησον, μηδ᾽ ἀτιμάσῃς λόγου·
καὶ τῇδε μὲν γέγωνε τὴν λοιπὴν πλάνην,
ἐμοὶ δὲ τὸν λύσοντα· τοῦτο γὰρ ποθῶ. 785

ΙΟ.

Grands dieux! grands dieux! hélas! hélas!

PROMÉTHÉE.

Quels cris! quels sourds gémissements! Que feras-tu donc quand tu connaîtras le reste de tes maux?

LE CHOEUR.

Quoi! tu dois lui annoncer encore de nouvelles souffrances !

PROMÉTHÉE.

Oui, une mer de douleurs déchaînant toutes ses tempêtes.

IO.

Que me sert-il donc de vivre? Que tardé-je à m'élancer de cette roche escarpée, à me briser sur le sol, pour m'affranchir de tous mes maux? Mieux vaut mourir une fois que d'être malheureux tous les jours de sa vie.

PROMÉTHÉE.

Eh ! quel serait donc ton désespoir, si tu subissais mon supplice? Moi, la destinée ne me permet point de mourir: la mort, du moins, serait la fin de mes souffrances. Mais non ! je ne vois devant mes yeux aucun terme à mon infortune, jusqu'au jour où Jupiter tombera de la royauté.

IO.

Que me dis-tu? Jupiter déchoir de l'empire!

PROMÉTHÉE.

Ce sera une joie pour toi, sans doute, le spectacle d'un tel événement?

IO.

Comment non, puisque Jupiter me traite avec tant de rigueur?

38 PROMÉTHÉE.

Cette révolution s'accomplira, sois-en sûre  (73).

IO.

Et qui donc le dépouillera du sceptre de la toute-puissance ?

PROMÉTHÉE.

Lui-même, son imprévoyance, sa folie.

IO.

De quelle façon ? explique-toi, si tu le peux sans péri!.

PROMÉTHÉE..

Il formera un hymen dont il doit se repentir un jour.

IO.

Avec une déesse? avec une .mortelle ? parle, s'il t'est permis de me le dire.

PROMÉTHÉE.

Qu'importe avec qui? C'est là un mystère que je ne dois point révéler.

IO.

Est-ce par l'épouse qu'il sera renversé du trône?

39 PROMÉTHÉE.

Elle mettra au monde un fils plus fort que son père   (74).

IO.

Et il n'a aucun moyen de détourner de soi un tel malheur?

PROMÉTHÉE.

Non, aucun, à moins que, délivré de mes chaînes...

IO.

Qui donc est celui qui te délivrera en dépit de Jupiter?

PROMÉTHÉE.

Ce sera, j'en suis assuré, un de tes descendants.

IO.

Que dis-tu ? Ton libérateur serait mon fils !

PROMÉTHÉE.

Oui, à la troisième génération, après dix autres générations  (75).

IO.

Cet oracle laisse encore bien de l'obscurité dans mon esprit.

PROMÉTHÉE.

Va, ne cherche pas même à connaître ton déplorable avenir.

IO.

Ah ! tu avais flatté mon espoir, ne le frustre pas !

PROMÉTHÉE.

Des deux secrets je consens à te révéler l'un ou l'autre.

IO.

Quels secrets ? parle ; fais du moins que je puisse choisir.

PROMÉTHÉE.

Soit. Choisis donc de savoir ou les douleurs qui t'attendent encore, ou le nom de mon libérateur.

40 LE CHOEUR.

De ces deux grâces accorde-lui la première; l'antre, accorde-la-moi, je te prie : ne repousse pas mes vœux. Qu'Io apprenne de ta bouche le reste de ses courses vagabondes ; mais dis-moi le nom de ton libérateur : je brûle de le connaître.

 Προμηθεύς

Ἐπεὶ προθυμεῖσθ᾽, οὐκ ἐναντιώσομαι
τὸ μὴ οὐ γεγωνεῖν πᾶν ὅσον προσχρῄζετε.
Σοὶ πρῶτον, Ἰοῖ, πολύδονον πλάνην φράσω,
ἣν ἐγγράφου σὺ μνήμοσιν δέλτοις φρενῶν.
Ὅταν περάσῃς ῥεῖθρον ἠπείροιν ὅρον, 790
πρὸς ἀντολὰς φλογῶπας ἡλιοστιβεῖς
πόντου περῶσα φλοῖσβον, ἔστ᾽ ἂν ἐξίκῃ
πρὸς Γοργόνεια πεδία Κισθήνης, ἵνα
αἱ Φορκίδες ναίουσι δηναιαὶ κόραι
τρεῖς κυκνόμορφοι, κοινὸν ὄμμ᾽ ἐκτημέναι, 795
μονόδοντες, ἃς οὔθ᾽ ἥλιος προσδέρκεται
ἀκτῖσιν οὔθ᾽ ἡ νύκτερος μήνη ποτέ.
Πέλας δ᾽ ἀδελφαὶ τῶνδε τρεῖς κατάπτεροι,
δρακοντόμαλλοι Γοργόνες βροτοστυγεῖς,
ἃς θνητὸς οὐδεὶς εἰσιδὼν ἕξει πνοάς. 800
Τοιοῦτο μέν σοι τοῦτο φρούριον λέγω·
ἄλλην δ᾽ ἄκουσον δυσχερῆ θεωρίαν·
ὀξυστόμους γὰρ Ζηνὸς ἀκραγεῖς κύνας
γρῦπας φύλαξαι, τόν τε μουνῶπα στρατὸν
Ἀριμασπὸν ἱπποβάμον᾽, οἳ χρυσόρρυτον 805
οἰκοῦσιν ἀμφὶ νᾶμα Πλούτωνος πόρου·
τούτοις σὺ μὴ πέλαζε. Τηλουρὸν δὲ γῆν
ἥξεις, κελαινὸν φῦλον, οἳ πρὸς ἡλίου
ναίουσι πηγαῖς, ἔνθα ποταμὸς Αἰθίοψ.
Τούτου παρ᾽ ὄχθας ἕρφ᾽, ἕως ἂν ἐξίκῃ 810
καταβασμόν, ἔνθα Βιβλίνων ὀρῶν ἄπο
ἵησι σεπτὸν Νεῖλος εὔποτον ῥέος.
Οὗτός σ᾽ ὁδώσει τὴν τρίγωνον ἐς χθόνα
Νειλῶτιν, οὗ δὴ τὴν μακρὰν ἀποικίαν,
Ἰοῖ, πέπρωται σοί τε καὶ τέκνοις κτίσαι. 815
Τῶν δ᾽ εἴ τί σοι ψελλόν τε καὶ δυσεύρετον,
ἐπανδίπλαζε καὶ σαφῶς ἐκμάνθανε·
σχολὴ δὲ πλείων ἢ θέλω πάρεστί μοι.

Χορός

Εἰ μέν τι τῇδε λοιπὸν ἢ παρειμένον
ἔχεις γεγωνεῖν τῆς πολυφθόρου πλάνης, 820
λέγ᾽· εἰ δὲ πάντ᾽ εἴρηκας, ἡμῖν αὖ χάριν
δὸς ἥνπερ αἰτούμεσθα, μέμνησαι δέ που.

PROMÉTHÉE.

Vous l'exigez, je ne résisterai pas; je dirai tout ce que vous désirez savoir. Et d'abord, lo, je te ferai le récit de tes courses errantes et agitées: grave bien mes paroles dans les tablettes de ta mémoire. — Tu traverseras donc le courant qui sépare les deux continents ; tu marcheras vers ces plages resplendissantes de l'Orient d'où s'élance le soleild  (76). Au delà de la mer mugissante, tu trouveras les champs gorgoniens de Cisthène  (77). C'est là que vivent les filles de Phorcys : d'abord ces trois antiques vierges aux cheveux d'un blanc de cygne, qui ont pour leur triple usage un œil unique, une seule dent  (78), êtres que ne regardèrent jamais les rayons du soleil, jamais la lune, astre des nuits; puis, non loin d'elles, leurs trois sœurs ailées, à la chevelure de serpents, les Gorgones, monstres abhorrés des mortels, que 41 jamais homme n'envisagea sans expirer. J'ai voulu te signaler le péril qui t'attendait de ce côté-là. Il est encore de sinistres images que je dois t'offrir. Évite les Gryphons à la gueule pointue, chiens muets de Jupiter; évite les Arimaspes, ces guerriers à l'œil unique  (79), ces cavaliers infatigables, voisins des bords du Pluton  (80) qui roule l'or dans ses ondes. Fuis loin de leurs climats. Avance ; pénètre jusqu'à la terre lointaine, où, près des sources du soleil, habite le peuple noir, et où coule le fleuve d'Éthiopie  (81). Marche le long des rives du fleuve, jusqu'à ce que tu arrives aux cataractes  (82), là où, du haut des montagnes de Byblos (83), le Nil précipite ses ondes saintes et salutaires. Ensuite le Nil te conduira jusqu'à cette terre en forme de triangle, où se divise son cours. C'est là enfin, lo, qu'une grande colonie sera fondée par toi, par tes enfants. Tel est l'arrêt du Destin. — S'il y a quelque chose dans mes paroles qui manque de netteté et que tu ne comprennes pas bien, recommence tes questions, je suis prêt à m'expliquer : plus que je ne veux, je suis de loisir.

LE CHOEUR.

S'il te reste à ajouter quelque détail au récit des fu- 42 nestes courses d'Io, ou si tu as oublié quelque circonstance, achève ; mais si tu as tout dit, accorde-nous à notre tour la faveur que nous t'avons demandée, et rappelle-toi notre désir.

 Προμηθεύς

Τὸ πᾶν πορείας ἥδε τέρμ᾽ ἀκήκοεν.
Ὁπως δ᾽ ἂν εἰδῇ μὴ μάτην κλύουσά μου,
ἃ πρὶν μολεῖν δεῦρ᾽ ἐκμεμόχθηκεν φράσω, 825
τεκμήριον τοῦτ᾽ αὐτὸ δοὺς μύθων ἐμῶν.
Ὄχλον μὲν οὖν τὸν πλεῖστον ἐκλείψω λόγων,
πρὸς αὐτὸ δ᾽ εἶμι τέρμα σῶν πλανημάτων.
Ἐπεὶ γὰρ ἦλθες πρὸς Μολοσσὰ γάπεδα,
τὴν αἰπύνωτόν τ᾽ ἀμφὶ Δωδώνην, ἵνα 830
μαντεῖα θᾶκός τ᾽ ἐστὶ Θεσπρωτοῦ Διός,
τέρας τ᾽ ἄπιστον, αἱ προσήγοροι δρύες,
ὑφ᾽ ὧν σὺ λαμπρῶς κοὐδὲν αἰνικτηρίως
προσηγορεύθης ἡ Διὸς κλεινὴ δάμαρ
μέλλουσ᾽ ἔσεσθαι. Τῶνδε προσσαίνει σέ τι ; 835
ἐντεῦθεν οἰστρήσασα τὴν παρακτίαν
κέλευθον ᾖξας πρὸς μέγαν κόλπον ῾Ρέας,
ἀφ᾽ οὗ παλιμπλάγκτοισι χειμάζῃ δρόμοις·
χρόνον δὲ τὸν μέλλοντα πόντιος μυχός,
σαφῶς ἐπίστασ᾽, Ἰόνιος κεκλήσεται,. 840
Τῆς σῆς πορείας μνῆμα τοῖς πᾶσιν βροτοῖς.
Σημεῖά σοι τάδ᾽ ἐστὶ τῆς ἐμῆς φρενός,
ὡς δέρκεται πλέον τι τοῦ πεφασμένου.
Τὰ λοιπὰ δ᾽ ὑμῖν τῇδέ τ᾽ ἐς κοινὸν φράσω,
ἐς ταὐτὸν ἐλθὼν τῶν πάλαι λόγων ἴχνος. 845
Ἔστιν πόλις Κάνωβος ἐσχάτη χθονός,
Νείλου πρὸς αὐτῷ στόματι καὶ προσχώματι·
ἐνταῦθα δή σε Ζεὺς τίθησιν ἔμφρονα
ἐπαφῶν ἀταρβεῖ χειρὶ καὶ θιγὼν μόνον.
Ἐπώνυμον δὲ τῶν Διὸς γεννημάτων 850
τέξεις κελαινὸν Ἔπαφον, ὃς καρπώσεται
ὅσην πλατύρρους Νεῖλος ἀρδεύει χθόνα·
πέμπτη δ᾽ ἀπ᾽ αὐτοῦ γέννα πεντηκοντάπαις
πάλιν πρὸς Ἄργος οὐχ ἑκοῦσ᾽ ἐλεύσεται
θηλύσπορος, φεύγουσα συγγενῆ γάμον 855
ἀνεψιῶν· οἱ δ᾽ ἐπτοημένοι φρένας,
κίρκοι πελειῶν οὐ μακρὰν λελειμμένοι,
ἥξουσι θηρεύοντες οὐ θηρασίμους
γάμους, φθόνον δὲ σωμάτων ἕξει θεός·
Πελασγία δὲ δέξεται θηλυκτόνῳ 860
Ἄρει, δαμέντων νυκτιφρουρήτῳ θράσει.
Γυνὴ γὰρ ἄνδρ᾽ ἕκαστον αἰῶνος στερεῖ,
δίθηκτον ἐν σφαγαῖσι βάψασα ξίφος·
τοιάδ᾽ ἐπ᾽ ἐχθροὺς τοὺς ἐμοὺς ἔλθοι Κύπρις.
Μίαν δὲ παίδων ἵμερος θέλξει τὸ μὴ 865
κτεῖναι σύνευνον, ἀλλ᾽ ἀπαμβλυνθήσεται
γνώμην· δυοῖν δὲ θάτερον βουλήσεται,
κλύειν ἄναλκις μᾶλλον ἢ μιαιφόνος·
αὕτη κατ᾽ Ἄργος βασιλικὸν τέξει γένος.
Μακροῦ λόγου δεῖ ταῦτ᾽ ἐπεξελθεῖν τορῶς. 870
Σπορᾶς γε μὴν ἐκ τῆσδε φύσεται θρασὺς
τόξοισι κλεινός, ὃς πόνων ἐκ τῶνδ᾽ ἐμὲ
λύσει. Τοιόνδε χρησμὸν ἡ παλαιγενὴς
μήτηρ ἐμοὶ διῆλθε Τιτανὶς Θέμις·
ὅπως δὲ χὤπη, ταῦτα δεῖ μακροῦ λόγου 875
εἰπεῖν, σύ τ᾽ οὐδὲν ἐκμαθοῦσα κερδανεῖς.

Ἰώ

Ἐλελεῦ ἐλελεῦ,
ὑπό μ᾽ αὖ σφάκελος καὶ φρενοπληγεῖς
μανίαι θάλπουσ᾽, οἴστρου δ᾽ ἄρδις
χρίει μ᾽ ἄπυρος· 880
κραδία δὲ φόβῳ φρένα λακτίζει.
Τροχοδινεῖται δ᾽ ὄμμαθ᾽ ἑλίγδην,
ἔξω δὲ δρόμου φέρομαι λύσσης
πνεύματι μάργῳ, γλώσσης ἀκρατής·
θολεροὶ δὲ λόγοι παίουσ᾽ εἰκῆ 885
στυγνῆς πρὸς κύμασιν ἄτης.

PROMÉTHÉE.

lo connaît le terme où finiront ses voyages ; mais je veux lui prouver que mes paroles ne sont point vaines. Je vais doue lui raconter les tourments qu'elle a endurés avant d'arriver ici : ce lui sera un témoignage de la vérité de mes prédictions. — Je passe une multitude de faits, je laisse tout ce qui précède, et je viens à ce qui fut ta principale aventure. Tu étais parvenue aux champs Molossiens (84) ; Dodone (85) élevait devant toi sa haute croupe. C'est là qu'habite le dieu de Thesprotie (86) ; c'est là que Jupiter rend ses oracles, et qu'on entend, incroyable prodige ! retentir la voix des chênes. Claire, sans nulle énigme (87), cette voix salua ta gloire future d'épouse de Jupiter; titre bien flatteur pour toi sans nul doute (88)! Puis le taon te piqua le flanc, et tu t'élanças, côtoyant la mer, jusqu'au vaste golfe de Rhée (89). De là tu revins sur tes pas, toujours fuyant, toujours 43 errante, toujours en proie à tes douleurs. Cette mer qui s'enfonce dans les terres, on l'appellera désormais, c'est moi qui t'en assure, la mer Ionienne (90) : monument éternel de ton passage sur ces bords. Ce sont là, tu le vois, des preuves que mon esprit aperçoit plus loin que ce qui apparaît aux yeux. — Maintenant je vais vous dévoiler, à vous Océanides, à lo comme à vous, le reste des événements : je reprends la trace de mon premier récit.— II est une ville à l'extrémité de l'Égypte, une ville bâtie à la bouche même du Nil, sur les atterrissements mêmes du fleuve : c'est Canope (91). Là, Jupiter te rendra la raison : il posera sur ton front sa main caressante ; son toucher suffira. Et de toi un fils naîtra dont le nom rappellera l'origine, Épaphus (92), le noir possesseur du pays que le Nil arrose de ses larges torrents. La cinquième génération après Épaphus reviendra s'établir dans Argos : cinquante jeunes sœurs cédant à la nécessité, et fuyant l'hymen incestueux des fils de leur oncle (93). Mais eux, ils sont aveuglés d'un fol amour: éperviers pressant des colombes, ils accourront, poursuivant un hymen qu'ils devraient fuir. Un dieu vengeur les frappera sans pitié. La terre des Pélasges recevra leurs corps : ils périront ; car des femmes auront pris en main le fer meurtrier, car elles auront veillé la nuit pour accomplir l'audacieux dessein. Chaque épouse ravira le jour à chaque époux ; leur main abreuvera de carnage le glaive à deux tranchants. Puisse Vénus ainsi assaillir mes bourreaux ! Une 44 des jeunes filles pourtant, attendrie par l'amour, ne tuera point le compagnon de sa couche. Sa résolution chancelle ; entre deux maux elle a choisi : elle préfère le nom de lâche au nom d'homicide. D'elle naîtra, dans Argos, une royale lignée. Mais longue à détailler serait l'histoire de cette race : qu'il vous suffise qu'un héros en sortira, un héros fameux par ses flèches, et qui me délivrera de mon supplice. — Tel est l'oracle que m'a révélé Thémis (94), mon antique mère, la mère des Titans. Mais comment, mais quand tout s'accomplira, il faudrait un long temps pour le dire, et tu ne gagnerais rien à l'apprendre.

IO.

Ciel ! ô ciel ! — Un nouveau délire embrase ma tête, transporte mon âme ! — Le taon me perce de l'arme aiguê qui n'a point été forgée au feu! — Mon cœur, agité d'effroi, bat à coups pressés contre ma poitrine; mes yeux roulent dans leurs orbites ; le souffle impétueux de la rage m'emporte loin de moi ; ma langue n'obéit plus, et ma confuse pensée lutte au hasard contre les vagues de l'amère infortune! (Elle sort.)

Χορός

Ἦ σοφὸς ἦ σοφὸς [ἦν] ὃς
πρῶτος ἐν γνώμᾳ τόδ᾽ ἐβάστασε καὶ γλώσ-
σᾳ διεμυθολόγησεν,
ὡς τὸ κηδεῦσαι καθ᾽ ἑαυτὸν ἀριστεύει μακρῷ, 890
καὶ μήτε τῶν πλούτῳ διαθρυπτομένων
μήτε τῶν γέννᾳ μεγαλυνομένων
ὄντα χερνήταν ἐραστεῦσαι γάμων.

Μήποτε μήποτέ μ᾽, ὦ
<πότνιαι> Μοῖραι, λεχέων Διὸς εὐνά- 895
τειραν ἴδοισθε πέλουσαν·
μηδὲ πλαθείην γαμέτᾳ τινὶ τῶν ἐξ οὐρανοῦ.
Ταρβῶ γὰρ ἀστεργάνορα παρθενίαν
εἰσορῶσ᾽ Ἰοῦς ἀμαλαπτομέναν
δυσπλάνοις Ἥρας ἀλατείαις πόνων. 900

 

Ἐμοὶ δ᾽ ὅτε μὲν ὁμαλὸς ὁ γάμος,
ἄφοβος· [οὐ δέδια·] μηδὲ κρεισσόνων θεῶν
ἔρως ἄφυκτον ὄμμα προσδράκοι με.
Ἀπόλεμος ὅδε γ᾽ ὁ πόλεμος, ἄπορα πόριμος·
οὐδ᾽ ἔχω τίς ἂν γενοίμαν. 905
Τὰν Διὸς γὰρ οὐχ ὁρῶ
μῆτιν ὅπα φύγοιμ᾽ ἄν. 906b

Προμηθεύς

Ἦ μὴν ἔτι Ζεύς, καίπερ αὐθάδης φρενῶν,
ἔσται ταπεινός, οἷον ἐξαρτύεται
γάμον γαμεῖν, ὃς αὐτὸν ἐκ τυραννίδος
θρόνων τ᾽ ἄιστον ἐκβαλεῖ· πατρὸς δ᾽ ἀρὰ 910
Κρόνου τότ᾽ ἤδη παντελῶς κρανθήσεται,
ἣν ἐκπίτνων ἠρᾶτο δηναιῶν θρόνων.
Τοιῶνδε μόχθων ἐκτροπὴν οὐδεὶς θεῶν
δύναιτ᾽ ἂν αὐτῷ πλὴν ἐμοῦ δεῖξαι σαφῶς.
Ἐγὼ τάδ᾽ οἶδα χᾦ τρόπῳ. Πρὸς ταῦτά νυν 915
θαρσῶν καθήσθω τοῖς πεδαρσίοις κτύποις
πιστός, τινάσσων τ᾽ ἐν χεροῖν πύρπνουν βέλος.
οὐδὲν γὰρ αὐτῷ ταῦτ᾽ ἐπαρκέσει τὸ μὴ οὐ
Πεσεῖν ἀτίμως πτώματ᾽ οὐκ ἀνασχετά·
τοῖον παλαιστὴν νῦν παρασκευάζεται 920
ἐπ᾽ αὐτὸς αὑτῷ, δυσμαχώτατον τέρας·
ὃς δὴ κεραυνοῦ κρείσσον᾽ εὑρήσει φλόγα,
βροντῆς θ᾽ ὑπερβάλλοντα καρτερὸν κτύπον·
θαλασσίαν τε γῆς τινάκτειραν νόσον
τρίαιναν, αἰχμὴν τὴν Ποσειδῶνος, σκεδᾷ. 925
Πταίσας δὲ τῷδε πρὸς κακῷ μαθήσεται
ὅσον τό τ᾽ ἄρχειν καὶ τὸ δουλεύειν δίχα.

Χορός

Σύ θην ἃ χρῄζεις, ταῦτ᾽ ἐπιγλωσσᾷ Διός.

Προμηθεύς

Ἅπερ τελεῖται, πρὸς δ᾽ ἃ βούλομαι λέγω.

Χορός

Καὶ προσδοκᾶν χρὴ δεσπόσειν Ζηνός τινα; 930

Προμηθεύς

Καὶ τῶνδέ γ᾽, ἕξει δυσλοφωτέρους πόνους.

Χορός

Πῶς δ᾽ οὐχὶ ταρβεῖς τοιάδ᾽ ἐκρίπτων ἔπη;

Προμηθεύς

Τί δ᾽ ἂν φοβοίμην ᾧ θανεῖν οὐ μόρσιμον;

Χορός

Ἀλλ᾽ ἆθλον ἄν σοι τοῦδ᾽ ἔτ᾽ ἀλγίω πόροι.

Προμηθεύς

Ὁ δ᾽ οὖν ποιείτω· πάντα προσδοκητά μοι. 935

Χορός

Οἱ προσκυνοῦντες τὴν Ἀδράστειαν σοφοί.

Προμηθεύς

Σέβου, προσεύχου, θῶπτε τὸν κρατοῦντ᾽ ἀεί.
Ἐμοὶ δ᾽ ἔλασσον Ζηνὸς ἢ μηδὲν μέλει.
Ὁράτω, κρατείτω τόνδε τὸν βραχὺν χρόνον,
ὅπως θέλει· δαρὸν γὰρ οὐκ ἄρξει θεοῖς. 940
Ἀλλ᾽ εἰσορῶ γὰρ τόνδε τὸν Διὸς τρόχιν,
τὸν τοῦ τυράννου τοῦ νέου διάκονον·
πάντως τι καινὸν ἀγγελῶν ἐλήλυθεν.

LE CHOEUR.

Qu'il était sage, qu'il était sage, celui qui le premier conçut dans sa pensée, qui le premier fit entendre cette maxime au monde : que c'est entre égaux qu'il faut s'allier (95) ; que là est le bonheur; que du riche fastueux, 45 du noble fier de sa race, le pauvre artisan ne doit point convoiter l'alliance.

Puissé-je, ô Parques, puisse-je ne jamais monter dans la couche de Jupiter ! Puissé-je ne jamais m'unir comme épouse à aucun des habitants du ciel! Je frémis quand je vois lo, la chaste vierge, torturée par Junon, et fuyant de cette fuite sans repos.

L'hymen entre égaux n'offre point de péril ; il n'a rien qui m'épouvante ; c'est l'hymen que je souhaite. Mais que l'œil inévitable d'un dieu trop puissant jamais ne s'arrête sur moi ! guerre où la lutte est impossible, où les efforts sont inutiles ! Que faire alors ? que devenir? car je ne sais pas comment je pourrais échapper aux poursuites de Jupiter.

PROMÉTHÉE.

Et pourtant ce Jupiter, malgré l'orgueil qui remplit son âme, il sera humble un jour. L'hymen auquel il s'apprêle le renversera du haut de sa puissance ; il tombera du trône, il sera effacé de l'empire. Ainsi s'accomplira tout entière l'imprécation que lançait contre lui son père Saturne, en tombant du trône après un long règne. Nul d'entre les dieux ne pourra lui enseigner un sûr moyen de détourner ces malheurs ; nul, excepté moi : moi seul j'en connais un, et moi seul je sais comment l'employer. Qu'il reste donc maintenant assis dans sa sécurité, comptant sur ce bruit qui roule 46 à travers l'étendue ; qu'il brandisse dans sa main le dard enflammé. Vain appareil, et qui ne le gardera pas de tomber d'une chute ignominieuse, irréparable ! Tant il sera terrible, cet adversaire qu'il se prépare maintenant à lui-même ! géant indomptable, qui trouvera un feu plus puissant que le feu de la foudre, des éclats plus retentissants que les éclatsdutonnerre,etqui brisera dans la main de Neptune le trident, cette arme fatale qui soulève les mers et qui fait bondir la terre (96). Échoué à l'écueil du malheur, Jupiter reconnaîtra combien il est différent de régner ou de servir.

LE CHOEUR.

Tu prends, je le crois, ce que tu désires, pour la destinée de Jupiter.

PROMÉTHÉE.

Ce que je prédis, c'est ce qui s'accomplira ; et c'est, de plus, ce que je désire.

LE CHOEUR.

Quoi ! nous verrions Jupiter obéir à un maître !

PROMETHÉE.

Oui ! et même il subira un supplice plus intolérable que le mien.

LE CHOEUR.

Et tu ne trembles pas en proférant de tels discours ?

PROMÉTHÉE.

Que puis-je craindre, moi dont le destin est de ne jamais mourir?

LE CHOEUR.

Mais Jupiter aggravera tes souffrances.

PROMÉTHÉE.

Eh bien, qu'il frappe! Je m'attends à tout de la part de Jupiter.

47 LE CHOEUR.

Sages ceux qui se prosternent respectueusement devant Adrastée (97) !

PBOMÉTHÉE.

Honore, prie, flatte le puissant du jour (98) ; pour moi, Jupiter est moins que rien à mes yeux. Qu'il agisse, qu'il exerce à sa fantaisie son pouvoir passager : il ne régnera pas longtemps sur les dieux. — Mais voici que j'aperçois le coureur de Jupiter, le serviteur fidèle du nouveau tyran. Sans doute il vient apporter quelque ordre de fraîche date.

  Ἑρμῆς

Σὲ τὸν σοφιστήν, τὸν πικρῶς ὑπέρπικρον,
τὸν ἐξαμαρτόντ᾽ εἰς θεοὺς ἐφημέροις 945
πορόντα τιμάς, τὸν πυρὸς κλέπτην λέγω·
πατὴρ ἄνωγέ σ᾽ οὕστινας κομπεῖς γάμους
αὐδᾶν, πρὸς ὧν ἐκεῖνος ἐκπίπτει κράτους.
Καὶ ταῦτα μέντοι μηδὲν αἰνικτηρίως,
ἀλλ᾽ αὔθ᾽ ἕκαστα φράζε· μηδέ μοι διπλᾶς 950
ὁδούς, Προμηθεῦ, προσβάλῃς· ὁρᾷς δ᾽ ὅτι
Ζεὺς τοῖς τοιούτοις οὐχὶ μαλθακίζεται.

Προμηθεύς

Σεμνόστομός γε καὶ φρονήματος πλέως
ὁ μῦθός ἐστιν, ὡς θεῶν ὑπηρέτου.
Νέον νέοι κρατεῖτε καὶ δοκεῖτε δὴ 955
ναίειν ἀπενθῆ πέργαμ᾽· οὐκ ἐκ τῶνδ᾽ ἐγὼ
δισσοὺς τυράννους ἐκπεσόντας ᾐσθόμην;
τρίτον δὲ τὸν νῦν κοιρανοῦντ᾽ ἐπόψομαι
αἴσχιστα καὶ τάχιστα. Μή τί σοι δοκῶ
ταρβεῖν ὑποπτήσσειν τε τε τοὺς νέους θεούς; 960
πολλοῦ γε καὶ τοῦ παντὸς ἐλλείπω. Σὺ δὲ
κέλευθον ἥνπερ ἦλθες ἐγκόνει πάλιν·
πεύσῃ γὰρ οὐδὲν ὧν ἀνιστορεῖς ἐμέ.

Ἑρμῆς

Τοιοῖσδε μέντοι καὶ πρὶν αὐθαδίσμασιν
ἐς τάσδε σαυτὸν πημονὰς καθώρμισας. 965

Προμηθεύς

Τῆς σῆς λατρείας τὴν ἐμὴν δυσπραξίαν,
σαφῶς ἐπίστασ᾽, οὐκ ἂν ἀλλάξαιμ᾽ ἐγώ.
Κρεῖσσον γὰρ οἶμαι τῇδε λατρεύειν πέτρᾳ
ἢ πατρὶ φῦναι Ζηνὶ πιστὸν ἄγγελον.
Οὕτως ὑβρίζειν τοὺς ὑβρίζοντας χρεών. 970

Ἑρμῆς

Χλιδᾶν ἔοικας τοῖς παροῦσι πράγμασι.

Προμηθεύς

Χλιδῶ; χλιδῶντας ὧδε τοὺς ἐμοὺς ἐγὼ
ἐχθροὺς ἴδοιμι· καὶ σὲ δ᾽ ἐν τούτοις λέγω.

Ἑρμῆς

Ἦ κἀμὲ γάρ τι συμφοραῖς ἐπαιτιᾷ;

Προμηθεύς

Ἁπλῷ λόγῳ τοὺς πάντας ἐχθαίρω θεούς, 975
ὅσοι παθόντες εὖ κακοῦσί μ᾽ ἐκδίκως.

Ἑρμῆς

Κλύω σ᾽ ἐγὼ μεμηνότ᾽ οὐ σμικρὰν νόσον.

Προμηθεύς

Νοσοῖμ᾽ ἄν, εἰ νόσημα τοὺς ἐχθροὺς στυγεῖν.

Ἑρμῆς

Εἴης φορητὸς οὐκ ἄν, εἰ πράσσοις καλῶς.

Προμηθεύς

<Ὤμοι.>

Ἑρμῆς

Ὤμοι; τόδε Ζεὺς τοὔπος οὐκ ἐπίσταται. 980

Προμηθεύς

Ἀλλ᾽ ἐκδιδάσκει πάνθ᾽ ὁ γηράσκων χρόνος.

Ἑρμῆς

Καὶ μὴν σύ γ᾽ οὔπω σωφρονεῖν ἐπίστασαι.

Προμηθεύς

Σὲ γὰρ προσηύδων οὐκ ἂν ὄνθ᾽ ὑπηρέτην.

Ἑρμῆς

Ἐρεῖν ἔοικας οὐδὲν ὧν χρῄζει πατήρ.

Προμηθεύς

Καὶ μὴν ὀφείλων γ᾽ ἂν τίνοιμ᾽ αὐτῷ χάριν. 985

Ἑρμῆς

Ἐκερτόμησας δῆθεν ὡς παῖδ᾽ ὄντα με.

MERCURE.

C'est à toi, fallacieux esprit, cœur gonflé de fiel et d'amertume, criminel envers les dieux; à toi qui as transmis leurs honneurs à des êtres d'un jour ; voleur du feu céleste, c'est à toi que je parle. Explique-toi, mon père te l'ordonne : quel est cet hymen dont tu le menaces, par quoi il doit être renversé de son trône ? Point d'énigmes avec moi ; n'omets pas un mot utile : prends garde de m'exposer à un second voyage. Jupiter est impitoyable, tu le sais bien, à ceux qui lui résistent (99).

PROMÉTHÉE.

Ce langage est bien fier, bien plein d'arrogance, et digne de la bouche du serviteur des dieux I Eh ! maîtres 48 votre empire est d'hier, et vous vous imaginez que vos palais ne peuvent pas connaître la douleur! N'en ai-je donc pas vu chasser deux rois (100)? Et le troisième,celui qui commande aujourd'hui, je verrai, oui, je verrai bientôt sa chute ignominieuse. Moi sentir la crainte ! moi trembler devant les dieux nouveaux! N'en crois rien. Il s'en faut beaucoup; il s'en faut tout encore. Ainsi donc reprends le chemin qui t'a conduit vers moi : tu ne sauras rien, tes questions sont inutiles.

MERCURE.

Voilà donc encore cette farouche obstination qui déjà t'a plongé dans cette infortune.

PROMÉTHÉE.

Contre ton vil ministère, jamais, sache-le bien, je ne voudrais échanger mon sort déplorable. J'aime mieux languir captif sur ce roc que d'avoir Jupiter pour père et d'être son docile messager (102). — A ceux qui nous outragent répondons aussi par l'outrage.

MERCURE.

Ton sort présent, je crois, fait ta joie?

PROMÉTHÉE.

Ma joie ! oui ; puissé-je voir se réjouir ainsi mes ennemis ! et tu en es, Mercure.

MERCURE.

Me reproches-tu, à moi aussi, quelque part dans ton malheur?

PROMÉTHÉE.

Oui; je n'ai qu'un mot: je déteste tous les dieux, 49 tous ceux dont l'ingratitude me paye ainsi de mes bienfaits.

MERCURE.

Je le vois, ta raison se trouble, le délire est violent.

PROMÉTHÉE.

Qu'il dure donc, ce délire ! si c'en est un de haïr ses ennemis.

MERCURE.

Heureux, tu serais tolérable !

PROMÉTHÉE; il pousse un cri de douleur.

Hélas !

MERCURE.

Voilà un mot que Jupiter ne connnt jamais.

PROMÉTHÉE.

Le temps marche, et c'est un grand maître.

MERCURE.

Ce maître pourtant ne t'a pas encore appris la sagesse.

PROMÉTHÉE.

En effet ; sans cela te parlerais-je, vil esclave?

MERCURE.

Ainsi tu ne veux donc rien dire de ce que mon père désire savoir?

PROMÉTHÉE.

Eh! je lui dois tant! Il lui faut bien un témoignage de ma reconnaissance I

MERCURE.

Tu railles ; me prends-tu pour un enfant?

  Προμηθεύς

Οὐ γὰρ σὺ παῖς τε κἄτι τοῦδ᾽ ἀνούστερος
εἰ προσδοκᾷς ἐμοῦ τι πεύσεσθαι πάρα;
οὐκ ἔστιν αἴκισμ᾽ οὐδὲ μηχάνημ᾽ ὅτῳ
προτρέψεταί με Ζεὺς γεγωνῆσαι τάδε, 990
πρὶν ἂν χαλασθῇ δεσμὰ λυμαντήρια.
Πρὸς ταῦτα ῥιπτέσθω μὲν αἰθαλοῦσσα φλόξ,
λευκοπτέρῳ δὲ νιφάδι καὶ βροντήμασι
χθονίοις κυκάτω πάντα καὶ ταρασσέτω.
Γνάμψει γὰρ οὐδὲν τῶνδέ μ᾽ ὥστε καὶ φράσαι 995
πρὸς οὗ χρεών νιν ἐκπεσεῖν τυραννίδος.

Ἑρμῆς

Ὅρα νυν εἴ σοι ταῦτ᾽ ἀρωγὰ φαίνεται.

Προμηθεύς

Ὦπται πάλαι δὴ καὶ βεβούλευται τάδε.

Ἑρμῆς

Τόλμησον, ὦ μάταιε, τόλμησόν ποτε
πρὸς τὰς παρούσας πημονὰς ὀρθῶς φρονεῖν, 1000

Προμηθεύς

Ὀχλεῖς μάτην με κῦμ᾽ ὅπως παρηγορῶν.
Εἰσελθέτω σε μήποθ᾽ ὡς ἐγὼ Διὸς
γνώμην φοβηθεὶς θηλύνους γενήσομαι,
καὶ λιπαρήσω τὸν μέγα στυγούμενον
γυναικομίμοις ὑπτιάσμασιν χερῶν 1005
λῦσαί με δεσμῶν τῶνδε· τοῦ παντὸς δέω.

Ἑρμῆς

Λέγων ἔοικα πολλὰ καὶ μάτην ἐρεῖν·
τέγγῃ γὰρ οὐδὲν οὐδὲ μαλθάσσῃ λιταῖς
ἐμαῖς· δακὼν δὲ στόμιον ὡς νεοζυγὴς
πῶλος βιάζῃ καὶ πρὸς ἡνίας μάχῃ. 1010
Ἀτὰρ σφοδρύνῃ γ᾽ ἀσθενεῖ σοφίσματι·
αὐθαδία γὰρ τῷ φρονοῦντι μὴ καλῶς
αὐτὴ καθ᾽ αὑτὴν οὐδενὸς μεῖζον σθένει.
Σκέψαι δ᾽, ἐὰν μὴ τοῖς ἐμοῖς πεισθῇς λόγοις,
οἷός σε χειμὼν καὶ κακῶν τρικυμία 1015
ἔπεισ᾽ ἄφυκτος · πρῶτα μὲν γὰρ ὀκρίδα
φάραγγα βροντῇ καὶ κεραυνίᾳ φλογὶ
πατὴρ σπαράξει τήνδε, καὶ κρύψει δέμας
τὸ σόν, πετραία δ᾽ ἀγκάλη σε βαστάσει.
Μακρὸν δὲ μῆκος ἐκτελευτήσας χρόνου 1020
ἄψορρον ἥξεις εἰς φάος· Διὸς δέ τοί
πτηνὸς κύων, δαφοινὸς αἰετός, λάβρως
διαρταμήσει σώματος μέγα ῥάκος,
ἄκλητος ἕρπων δαιταλεὺς πανήμερος,
κελαινόβρωτον δ᾽ ἧπαρ ἐκθοινήσεται. 1025
Τοιοῦδε μόχθου τέρμα μή τι προσδόκα,
πρὶν ἂν θεῶν τις διάδοχος τῶν σῶν πόνων
φανῇ, θελήσῃ τ᾽ εἰς ἀναύγητον μολεῖν
Ἅιδην κνεφαῖά τ᾽ ἀμφὶ Ταρτάρου βάθη.
Πρὸς ταῦτα βούλευ᾽· ὡς ὅδ᾽ οὐ πεπλασμένος 1030
ὁ κόμπος, ἀλλὰ καὶ λίαν εἰρημένος ·
ψευδηγορεῖν γὰρ οὐκ ἐπίσταται στόμα
τὸ Δῖον, ἀλλὰ πᾶν ἔπος τελεῖ· σὺ δὲ
πάπταινε καὶ φρόντιζε, μηδ᾽ αὐθαδίαν
εὐβουλίας ἀμείνον᾽ ἡγήσῃ ποτέ. 1035

Χορός

Ἡμῖν μὲν Ἑρμῆς οὐκ ἄκαιρα φαίνεται
λέγειν. Ἄνωγε γάρ σε τὴν αὐθαδίαν
μεθέντ᾽ ἐρευνᾶν τὴν σοφὴν εὐβουλίαν.
Πιθοῦ· σοφῷ γὰρ αἰσχρὸν ἐξαμαρτάνειν.

Προμηθεύς

Εἰδότι τοί μοι τάσδ᾽ ἀγγελίας 1040
ὅδ᾽ ἐθώυξεν· πάσχειν δὲ κακῶς
ἐχθρὸν ὑπ᾽ ἐχθρῶν οὐδὲν ἀεικές.
Πρὸς ταῦτ᾽ ἐπ᾽ ἐμοὶ ῥιπτέσθω μὲν
πυρὸς ἀμφήκης βόστρυχος, αἰθὴρ δ᾽
ἐρεθιζέσθω βροντῇ σφακέλῳ τ᾽ 1045
ἀγρίων ἀνέμων· χθόνα δ᾽ ἐκ πυθμένων
αὐταῖς ῥίζαις πνεῦμα κραδαίνοι,
κῦμα δὲ πόντου τραχεῖ ῥοθίῳ
συγχώσειεν τῶν οὐρανίων
ἄστρων διόδους· εἴς τε κελαινὸν 1050
Τάρταρον ἄρδην ῥίψειε δέμας
τοὐμὸν ἀνάγκης στερραῖς δίναις·
πάντως ἐμέ γ᾽ οὐ θανατώσει.

Ἑρμῆς

Τοιάδε μέντοι τῶν φρενοπλήκτων
βουλεύματ᾽ ἔπη τ᾽ ἔστιν ἀκοῦσαι. 1055
Τί γὰρ ἐλλείπει μὴ <οὐ> παραπαίειν
ἡ τοῦδ᾽ εὐχή; τί χαλᾷ μανιῶν;
ἀλλ᾽ οὖν ὑμεῖς γ᾽ αἱ πημοσύναις
συγκάμνουσαι ταῖς τοῦδε τόπων
μετά ποι χωρεῖτ᾽ ἐκ τῶνδε θοῶς, 1060
μὴ φρένας ὑμῶν ἠλιθιώσῃ
βροντῆς μύκημ᾽ ἀτέραμνον.

Χορός

Ἄλλο τι φώνει καὶ παραμυθοῦ μ᾽
ὅ τι καὶ πείσεις· οὐ γὰρ δή που
τοῦτό γε τλητὸν παρέσυρας ἔπος. 1065
Πῶς με κελεύεις κακότητ᾽ ἀσκεῖν;
μετὰ τοῦδ᾽ ὅ τι χρὴ πάσχειν ἐθέλω·
τοὺς προδότας γὰρ μισεῖν ἔμαθον,
κοὐκ ἔστι νόσος
τῆσδ᾽ ἥντιν᾽ ἀπέπτυσα μᾶλλον. 1070

Ἑρμῆς

Ἀλλ᾽ οὖν μέμνησθ᾽ ἁγὼ προλέγω
μηδὲ πρὸς ἄτης θηραθεῖσαι
μέμψησθε τύχην, μηδέ ποτ᾽ εἴπηθ᾽
ὡς Ζεὺς ὑμᾶς εἰς ἀπρόοπτον
πῆμ᾽ εἰσέβαλεν· μὴ δῆτ᾽ αὐταὶ δ᾽ 1075
ὑμᾶς αὐτάς. Εἰδυῖαι γὰρ
κοὐκ ἐξαίφνης οὐδὲ λαθραίως
εἰς ἀπέρατον δίκτυον ἄτης
ἐμπλεχθήσεσθ᾽ ὑπ᾽ ἀνοίας.

Προμηθεύς

Καὶ μὴν ἔργῳ κοὐκέτι μύθῳ 1080
χθὼν σεσάλευται·
βρυχία δ᾽ ἠχὼ παραμυκᾶται
βροντῆς, ἕλικες δ᾽ ἐκλάμπουσι
στεροπῆς ζάπυροι, στρόμβοι δὲ κόνιν
εἱλίσσουσι· σκιρτᾷ δ᾽ ἀνέμων 1085
πνεύματα πάντων εἰς ἄλληλα
στάσιν ἀντίπνουν ἀποδεικνύμενα·
ξυντετάρακται δ᾽ αἰθὴρ πόντῳ.
Τοιάδ᾽ ἐπ᾽ ἐμοὶ ῥιπὴ Διόθεν
τεύχουσα φόβον στείχει φανερῶς. 1090
Ὦ μητρὸς ἐμῆς σέβας, ὦ πάντων
αἰθὴρ κοινὸν φάος εἱλίσσων,
ἐσορᾷς μ᾽ ὡς ἔκδικα πάσχω.

PROMÉTHÉE.

N'es-tu donc pas un enfant, que dis-je! n'es-tu pas plus dénué deraison qu'un enfant, si tu t'attends à tirer de moi quelque réponse ? 11 n'est aucune torture, aucun arli- (ice qui me force à dévoiler ce secret à Jupiter, à moins qu'auparavant n'aient été desserrés mes funestes liens. Jupiter peut à son gré faire jaillir la flamme étince- lante ; il peut à la fois et lancer la neige à l'aile 50 blanche (103) et faire gronder les foudres souterrains; il pent confondre, bouleverser l'univers: rien ne me fléchira, rien ne me fera nommer celui qui doit le renverser du souverain pouvoir.

MERCURE.

Vois, je te prie, si cette obstination te peut servir.

PROMÉTHÉE.

Tout est vu, il y a longtemps; tont est examiné.

MERCURE.

Prends sur toi, pauvre insensé ! prends sur toi une fois enfin, instruit par tes tortures présentes, de faire preuve de bon sens.

PROMÉTHÉE.

En vain tes discours m'importunent : c'est parler aux flots de la mer. Ne va pas te mettre jamais en tête que je m'effrayerai de l'arrêt de Jupiter ; que je deviendrai faible d'esprit comme une femme ; qu'on me verra, comme une femme, lever les bras suppliants vers celui que j'abhorre de tonte ma haine, et le conjurer de briser mes fers : loin de moi cette lâche pensée ! Mercure.

J'en dis trop, je le vois, et je parlerais longtemps en vain (104) : mes prières n'émeuvent ni ne fléchissent ton cœur. Comme le jeune cheval depuis peu soumis au joug, tu mords ton frein, tu regimbes, tu luttes contre les rênes. Impuissant secours que la rage ! Rien n'est si faible par soi-même que l'obstination de la folie. Et regarde, si tu ne te rends pas à mes conseils, quel orage de maux, quelle inévitable tempête va t'engloutir. Le 51 tonnerre, la foudre brûlante sont préparés ; mon père brisera en éclats ces âpres sommets, et ton corps disparaîtra sous les débris, enserré dans un bras de pierre. Puis un long temps s'écoulera, et tu reparaîtras à la lumière du jour. Mais alors le chien ailé de Jupiter (105), l'aigle avide de carnage, arrachera sans pitié un vaste lambeau de ton corps: convive'non invité qui se re-. paîtra pendant tout le jour, dévorant ton foie, noir et sanglant mets du festin (106). Et ne crois pas qu'un tel supplice doive jamais avoir de terme, sinon lorsqu'un dieu s'offrira pour succéder à tes souffrances, et voudra bien descendre dans l'obscur séjour de l'luton et sur les bords ténébreux des abîmes du Tartare (107). Maintenant, prends ton parti : ce n'est point ici un vain étalage de menaces ; je t'ai dit l'arrêt qui est porté. La bouche de Jupiter ne sait pas dire des mensonges : toute parole qui en sort s'accomplit. Examine, réfléchis bien ; et tu verras que l'imprudence entêtée ne vaut jamais la circonspection.

LE CHOEUR.

Ce que dit Mercure est selon moi plein de raison. Mercure t'engage à calmer un orgueil obstiné, à suivre la piste de la sagesse et de la prudence. Écoute ses conseils. Persévérer dans la faute est honteux pour un sage.

PROMÉTHÉE.

Eh ! ce message que le misérable vient de me transmettre par sa voix, je le connaissais ; mais qu'importe ! 52 Il n'y a point de honte à être écrasé dans la lutte, ennemi contre ennemi. Et maintenant tombez sur moi, foudres aux sillons tortueux, à la pointe meurtrière ; tonnerre, vents furieux, déchaînez votre rage dans les airs ; faites bondir sur ses fondements la terre avec ses racines ; confondez dans l'effroyable tourbillon et les flots de la mer et les feux des astres; que Jupiter précipite au fond du noir Tartare mon corps entraîné par une violence impitoyable, irrésistible; il aura beau faire, il ne m'ôtera pas la vie !

MERCURE.

Voilà bien les sentiments, voilà bien les discours d'un être en démence ! Que manque-il au délire de ce malheureux? A quoi lui sert l'infortune (108)? Ses transports de fureur se calment-ils? — Mais vous, vous qui compatissez à ses douleurs, retirez-vous de ces lieux, hâtez- vous : l'horrible mugissement du tonnerre jetterait la stupeur dans vos esprits.

LE CHOEUR.

Dis-moi d'autres paroles, donne-moi d'antres conseils, et je pourrai t'écouter. Tu viens de tenir un discours pénible pour mon cœur. Quoi ! m'engager à cette lâcheté honteuse ! Les maux que subira Prométhée, je les veux ressentir. J'ai été nourrie dans la haine des traîtres : de tous les vices, c'est la perfidie qui m'a toujours fait le plus d'horreur.

MERCURE.

Eh bien, retenez donc mon avis. Quand vous enlacera le malheur, n'allez pas accuser la fortune ; n'allez pas dire que Jupiter vous a frappées d'un coup imprévu. Non, n'accusez rien que vous-mêmes. Vous connaissez ce qui vous menace : nulle surprise, nul artifice ; c'est 53 par votre folie que vous vous serez prises dans ces rets du malheur qui ne laissent point échapper leur proie.

(Mercure sort, et le cbœur le suit.)

PROMÉTHÉE.

Ah! voilà bien la menace qui s'accomplit! La terre tremble; le bruit du tonnerre mugit dans ses flancs (109); l'éclair étincelant trace dans l'air des sillons enflammés ; la poudre roule en tourbillons ; tous les vents s'élancent ; tous les souffles contraires se heurtent dans une mêlée ; l'air et la mer se confondent (110)! Cette tempête qui porte avec elle l'épouvante, elle vient de Jupiter; nul doute, elle fond sur moi ! Ô ma mère, auguste divinité! et toi, Éther, toi qui fais rouler sur le monde le flambeau de la lumière, vous voyez mes injustes tourments (111).

(01) Une ancienne édition d'Eschyle ajoute à cette liste les noms de la Terre et d'Hercule, et une autre celui d'Hercule seulement. Ces deux personnages, qui n'appartiennent point au Prométhée enchainé, ont dû jouer un rôle dans le Prométhée délivré.

(02)  L'expression χθονὸς τηλουρὸν πέδον équivaut à χθονὸς τηλουροῦ πέδον, et il faut prendre le mot  χθονὸς dans un sens restreint. i

(03)  C'est ce passage qui justifiait particulièrement, suivant le scholiaste d'Aristophane, l'épithète ἐριβρεμέτα;, frémissant d'une façon terrible, que le poëte comique, dans les Grenouilles, vers 814, donne à Eschyle.

(04)  « Voilà le sujet exposé des les premiers mots, dit Andrieuxs, vojlà le crime de Prométhée bien établi; ce crime, c'est d'avoir éclairé les hommes, c'est de les avoir instruits, d'avoir voulu leur faire du bien, .en un mot, d'être philanthrope. »

(5)  Le texte dit, Χοὐδὲν ἐμπδών ἔτι. On peut sous-entendre indifféremment  μοί ou ὑμῖν. La seconde interprêtation est plus simple et plus naturelle, et mieux d'accord avec la répugnance que va exprimer Vulcain.

(6)  Ce libérateur est Hercule, qui naîtra de la postérité d'Io. Voyez plus loin la prédiction faite par Prométhée à la fille d'lnachus.

(7)  Allusion à l'usurpation récente de Jupiter, qui avait détrôné Saturne son père.

(8) Je lis, avec Weil : δεινήν γε πῶς οὐ τοῦτο δειμαίνεις πλέον. La leçon vulgaire, οἷόν τε πῶς ; οὐ..., fait difficulté, à cause de la place de πῶς, et ne donne pas un sens très-satisfaisant. La correction de Hаrtung, ποῖόν τι; πῶς οὐ..., manque de netteté; et Weil a raison de s'applaudir d'avoir deviné le mot d'Eschyle. La répétition de δεινόν est tout à fait indispensable pour la clarté et la beauté du sens.

(9)  Prométhée signifie prévoyant. Les jeux de mots de cette espèce ne sont pas rares dans Eschyle.

(10) Je lis τέχνης, et non τύχης;. C'est la leçon expliquée dans les scholies. C'est aussi celle du Mediceus et de la plupart des autres manuscrits. Elle a été rétablie par Wellauer, et approuvée par Hermann et par Weil.

(11) Cette apostrophe semble Imitée d'Homère, Iliade, III, 277. Agamemnon s'écrie : « Soleil qui vois et entends tout; et vous fleuves, et toi terre... »

(12)  Dans le Prométhée porteur du feu, la longueur de cette capti- vké était fixée à trente mille ans.

(13)  La férule est une plante herbacée de la famille de» ombellifères. Sa tige est élevée, cylindrique, épaisse et pleine de moelle. Quand le végétal est desséché, la moelle prend feu aisément, et conserve longtemps l'étincelle sans s'éteindre. En Sicile, les bergers ont toujours avec eux un morceau de férule allumée, pour se procurer du feu partout où ils se transportent. C'est dans Hésiode, Théogonie, vers 507, qu'il est question pour la première fois de la manière dont Prométhée ravit le feu du ciel : ἐν κοιλίῳ νάρθηκι, dans une férule creuse.

(14) Andrieux remarque avec raison le soin tout particulier qu'Eschyle apportait aux habillements de ses acteurs, aux décorations, aux machines, aux chants du chœur, aux mouvements et à la pantomime des personnages muets, enfin à tout ce qui pouvait augmenter la pompe du spectacle et l'illusion théâtrale.

(15) On trouve, dans la Théogonie d'Hésiode, la longue énumération des enfants de l'Océan et de Téthys.

(16)  Eschyle s'en tient ici à la géographie d'Homère, d'après laquelle l'Océan n'est qu'un fleuve qui entoure le disque de la terre.

(17) Οὐρανίαν γένναν. Il ne s'agit point des dieux en général, mais des Titans. Le scholiaste du Mediceus : τὴν Τιτανικὴν τὴν ἐξ Οὐρανοῦ.

(18) Le texte dit, πρύτανις;, modérateur. Les prytanes étaient cinquante magistrats athéniens pris dans le conseil des Cinq-Cents, et chargés, avec les proèdres et les épistates, du soin de diriger les affaires publiques. On comprend donc qu'Eschyle fasse de ce mot le synonyme de celui de roi.

(19) Je lis ἀφ' ὅτου, et non ὑφ' ὅτου. Weil : « Neque enim inimicorum novas res molientium, sed ipsius lovis imprudens consilium dicit, quod imperii ruina consecutura sit. » Voyez plus loin les explications données par Prométhée à ce sujet, dans son dialogue avec lo.

(20) Quoique les Océanides dussent bien connaître l'histoire de Prométhée leur parent, le récit est si beau, qu'on oublie de reprocher à Eschyle leur curiosité invraisemblable. Les Grecs n'ont jamais songé à chicaner le poète sur un défaut, si c'en est un, qui amenait uae si ample compensation.

(21)  Jupiter et les adversaires de Saturne reprochaient à ce dieu d'avoir dévoré ses enfants.

(22)  Θέμις, καὶ Γαῖα. La suite montre qu'il s'agit d'une seule et même divinité. Mais ailleurs, Euménides, vers 2, Eschyle se confirme à la mythologie vulgaire, et fait la Terre mère de Thêmis.

(23)  Le texte porte en effet κατῴκισα, ou, selon d'autres éditeurs, κατοικίσας, qui revient au même pour le sens. André Chénier fait dire à la jeune captive :

L'illusion féconde habile dans mon sein.

(24) Ἥμαρτες, littéralement: Tu t'es trompé. Weil : « Verbo ἁμαρτάνειν non culpa delictumve innuitur, sed error majora qnam pro viribus suscipientis et incepto cadentis. » Prométhée, dans sa réponse, accepte le reproche et s'en fait un titre de gloire. Il ne se glorifierait pas, si les Océanides l'avaient accusé d'un crime proprement dit

(25) Il y a une nuance de comique dans le caractère de l'Océan; et l'on a pu, sans forcer le rapprochement, comparer son langage avec celui d'Oronte dans le Misanthrope :

J'ai monté pour vous dire, et d'un cœur véritable,
Que j'ai conçu pour vous une estime incroyable...
Je crois qu'un ami chaud et de ma qualité
N'est pas assurément pour être rejeté...
... Sois-je du ciel écrasé si je mens!...
Mais cependant je m'offre entièrement à vous.

(26) Le texte dit seulement, θέαμα. Mais le ton avec lequel Prométhée prononce ce mot justifie l'éplthète que j'ai ajoutée. Weil note avec raison qu'il y a de l'amertume dans la pensée, et que l'expression a un sens énergique dont il faut tenir compte.

(27)  Rien de plus fréquent que cette façon de parler chez les anciens. On la trouve dans tous les styles. Chez nous, elle appartient plutôt au style familier. Mais le dialogue de Prométhée et de l'Océan n'est nullement ici dans le ton sublime; et je n'ai pas cru qu'il fût besoin de relever cette image par d'autres termes plus recherchés.

(28)  L'adverbe ἀκριβῶς doit être joint à περισσόφρων, et non οἶσθα. Weil : « Sic ἦθος habebunt hœc verba, qiue non sine leni quadam ironia dicta sunt. »

(29) Le texte dit : que la punition s'imprime sur une langue téméraire; métaphore qui semble faire allusion à quelque supplice ancien, analogue à celui que, dans le moyen âge, on infligeait aui blasphémateurs.

(30)  Je lis : πόνων μετασχεῖν καὶ τετολμηκὼς ἐμοί. Cette correction de Weil est justifiée par l'interprétation de tous les scholiastes. La Vulgate, πάντων μετασχὼν καὶ τετολμηκὼς ἐμοί, prête à l'Océan une conduite en contradiction avec son caractère prudent et timide; et Prométhée se vante partout d'avoir toujours agi seul et sans auxiliaire aucun,

(31) Atlas était fils de Japet et, par conséquent, frère de Prométhée. Il prit aussi parti contre Jupiter, et il fut changé en une montagne et condamné à porter le poids du monde.

(32) Typhon, Typhos, Typhée ou Typhoée, était fils de la Terre et de l'Érèbe. Vaincu par Jupiter, comme Atlas et les autres Titans, il s'enfuit à travers la mer de Sicile; mais, à l'instant où il mettait le pied dans cette île, Jupiter fit tomber l'Etna sur lui.

(33) Le détroit de Sicile.

(34) Pindare, Olympiques, IV, 7, appelle l'Etna ἶπον ἀνεμόεσσαν ἑκατογκεφάλα Τυφῶνος;. Typhon est comparé par les deux poêtes à un forgeron pris au trébucbet, et qui ne peut se dégager de dessous la pierre.

(35) On place à l'an 479 avant J.-C. la première éruption de l'Etna historiquement connue. Cette éruption, ici prédite, était toute récente à l'époque de la représentation du Prométhée.

(36)  Quelques éditeurs placent dans la bouche de l'Océan la digression sur Atlas et Typhon,à partir des mots: Crois-moi, etc. De toute façon, c'est un hors-d'œuvre. C'est le poëte qui parle, dans la description du supplice de Typhon,et non pas aucun de ses personnages.

(37)  Les quatre vers qui précèdent ont été traduits comme il suit par Cicéron, Tusculanes, ΙΙΙ, 31 :

OCEANUS.

Atque, Prometheu, te hoc tenere existimo
Mederi posso rationem iracundiae.

PROMETHEUS.

Siquidem quis tempestivam medicinam admovens,
Non aggravescens vulnus illidat manu.

La même pensée, et avec les termes mêmes dont se sert l'Océan, se trouve aussi dans ce vers de Ménandre :

Λόγος γάρ ἐστι φάρμακον λύπης μόνον.

(38) Il s'agit des Amazones, qui habitaient la Colchide avant de se fixer sur les bords du Thermodon.

(39) Cette géographie est singulière ; et Eschyle est le seul auteur ancien qui place dans le nord de l'Asie des peuples arabes. Ce n'est pourtant pas une raison de chercher, comme l'ont fait plusieurs éditeurs, à corriger le texte et à remplacer le nom des Arabes par quelque autre. Il y a plus d'une faute de ce genre dans les tragédies d'Eschyle.

(40) L'expression γῶν οὐράνιόν τε πόλον équivaut à πόλον γῆς καὶ οὐρανοῦ, et est tout à fait synonyme de celle qu'on a vue plus haut (vers 349) : κίον' οὐρανοῦ τε καὶ χθονός, la colonne du ciel et de la terre. Peu importe d'ailleurs que l'idée de cotte colonne nous paraisse absurde. Il suffit que, si Atlas n'était pas là, le ciel s'écroulerait.

(41)  On peut rapprocher de cet admirable tableau les vers de Virgile au sujet de la mort d'Eurydice, Géorgiques, IV, 400 :

At chorus aequalis Dryadum clamore supremos
Implerunt montes; flerunt Rhodopeïœ arces,
Altaque Pangœa, et Rhesi Mavortia tellus,
Atque Getœ, atque Hebrus, et Actias Orithyia.

(42)  Δάπτομαι κέαρ. Homère dit, en parlant de Bellérophon, Iliade, vi, 202, ὃν θυμὸν κατέδων, que Cicéron traduit litteralement: Ipse suum cor edens.

(43) Pline attribue à deux Athéniens, Euryalus et Hyperbius, l'invention des fours a briques, et à Dédale l'invention de l'art de travailler le bois. Dédale appartient à l'antiquité mythologique; les deux autres inventeurs, dont l'époque est inconnue, ne sont peut- être pas moins fabuleux que Dédale, ce qui justifie Eschyle de les avoir privés de leur gloire au profit de Prométhée, qui est le génie même des découvertes. D'ailleurs, avant que les deux Athéniens construisissent des tours à briques, on se servait, dans tout l'Orient, de briques séchées au soleil; et l'on peut dire que c'est seulement l'art de pétrir et de sécher l'argile que Prométhée a enseigné aux hommes

(44)  L'épithète δυσκρίτους ne se rapporte grammaticalement qu'à δύσεις;, le coucher. Mais les difficultés de l'observation astronomique sont les mêmes dans les deux cas; et l'on doit traduire comme s'il y avait, τὰς δυσκρίτους ἀντολὰς καὶ τὰς δυσκρίτους δύσεις. Cette explication, proposée par Heimsœth, fait disparaître ce qui avait choqué certains éditeurs, et dispense de toute correction. Avec ὁδούς, celle do Dobrée, ou φύσεις, celle de Hermann, au lieu de δύσεις, on n'a que des expressions vagues, presque dénuées de sens.

(45)  Deux manuscrits de Stobée ajoutent trois vers avant cette phrase ; et alors le passage serait : « Puis j'ai réglé la vie de tous les Grecs et de leurs alliés, toute désordonnée auparavant, et pareille à celle des bêtes sauvages. D'abord, c'est moi qui inventai pour eux la science des nombres... » Mais ces vers ne sont probablement pas d'Eschyle.

(46) On connaît le vers proverbe si souvent cité par Plutarque : Ἄλλων ἱατρὸς αὐτὸς ἕλκεσι βρύων (médecin des autres, toi-même de plaies tout couvert), et la parole évangélique : « Médecin, guéris-toi toi-même. »

(47) On regardait, par exemple, comme la menace d'un grand malheur que le lobe du foie fût peu apparent. Suivant Hermann et Weil, il y a une lacune entre les vers 494 et 495. Il est vrai que ces deux vers ne sont pas liés grammaticalement ; mais l'asyndète n'a rien de plus extraordinaire ici que dans une foule d'autres passages où nul ne songe à s'en choquer.

(48) Le mot κῶλα et le mot ὀφρύν dépendent tous deux de πυρώσας;, et c'est à tort que certains éditeurs mettent une virgule après συγκαλυπτά. Nous sommes dans les présages du feu, et les κῶλα ne sont point des entrailles. Ce sont des parties qu'on brûlait.

(49) Les dieux d'ordre inférieur étaient censés offrir des sacrifices aux grands dieux. Voyez, par exemple, Cyrène dans Virgile, Géorgiques, iv, 380.

(50) Cette Hésione, suivant les mythologues, est la même que la nymphe Asia.

(51) Io porte sur sa tête deux cornes, et c'est d'après cet indice que le spectateur était censé avoir sous les yeux la vache elle-même.

(52) C'est avec l'instrument décrit par Io que Mercure avait charmé et endormi Argus, attaché aux pas de l'infortunée par l'ordre de Junon. On sait aussi que le surnom homérique de ce dieu est  Ἀργειφόντης, meurtrier d'Argus.

(53) Weil et Dindorf mettent ces paroles dans la bouche d'Io elle-même, parce que lo, un peu plus loin, termine ses questions à Prométhée par un vers semblable à celui-ci. Mais la vérité dramatique en semble point favorable à cette correction.

(54) Les scholiastes citent un vers ἃ δεῖ γενέσθαι, ταῦρα καὶ γενήσεται, qui était passé en proverbe. Ce vers pourrait bien être d'Eschyle lui-même, et servirait, suivant quelques critiques, à compléter la réponse de Prométhée : « Ce qui doit arriver ne manquera pas de s'accomplir. »

(55) « Le début du récit d'Io, dit M. Patin, est charmant, plein de cette grâce riante qui éclaircit quelquefois les ombres de la tragédie d'Eschyle. Moschus s'en est visiblement inspiré lorsque, dans sa deuxième idylle où il a introduit épisodiquement l'histoire d'Io, il a peint Europe avertie par des songes prophétiques de sa glorieuse destinée. »

(56). «Solane perpétua mœrens carpere juveuta? » Virgile, Énéide, IV, 52.

(57) Ce nom de Lerne désignait une ville, ou une montagne, ou une fontaine de l'Argolide, et peut-être tous les trois à la fois.

(58)  Dans les Métamorphoses d'Ovide, c'est Jupiter lui-même qui adresse le discours à lo.

(59). Ce nom, qui signifie tortueux, avait été donné a Apollon a cause de l'obscurité de ses oracles.

(60)  Cenchrée était une fontaine de l'Argolide.

(61) La plupart des récents éditeurs lisent, Λέρνης τε κρήνην, correction de Canter; Blomfield lit, ἀακτήν τε Λέρνης, et Hermann, Λέρνης τ' ἐπ' ἀκτήν. Mais d'autres éditeurs récents maintiennent la leçon vulgaire, Λέρνης ἄκρην τε.

(62). Horace parle des Scythes dans les mêmes termes qu'Eschyle :

Campestres melius Scythœ
Vivunt, et rigidi Getαe,
Quorum plaustra vagas rite trahunt domos;

et cette peinture est juste encore, appliquée à plus d'une horde de Tartares, sinon aux peuples des bords du Pont-Euxin.

(63) C'est le Palus-Méotide. Suivant Foss et Weil, il y a ici une lacune ; car lo, pour avoir les Chalybes à gauche, et non plus la mer, a dù reprendre son chemin à travers les steppes. Mais on peut dire que cela est sous-entendu, puisqu'il n'a été question que du moyen d'éviter les Nomades. Quand lo sera hors de leurs atteintes, elle quittera le rivage de la mer, et rentrera dans la Scythie. Le pays des Chalybes, selon Eschyle, était en Scythie, sur le Pont-Euxin.

(64)  La place qu'Eschyle assigne aux Chalybes n'est pas celle qu'ils habitaient réellement. Le pays des Chalybes était dans l'Asie Mineure, au delà du fleuve Halys.

(65) Le Kha ou Volga, ou l'Araxe, on ignore lequel. IL est évident que le poëte ne parle que d'après de vagues on dit, relatifs à quelque fleuve large, profond et rapide, dont les trafiquants grecs du Pont- Euxin avaient entendu parler.

(66)  Hybristès signifie insolent, orgueilleux, plein de violence.

(67)  Chaîne de montagnes qui longe la côte orientale du Pont- Euxin.

(68)  On plaçait le pays des Amazones entre le Palus-Méotide et le nord de la mer Caspienne.

(69) En réalité, le golfe de Salmydessus était situé fort loin de Thémiscyre. Thémiscyre s'élevait à l'orient de l'Asie Mineure, et l'on trouvait Salmydessus à l'extrémité du rivage occidental du Bosphore de Thrace.

(70) L'isthme qui joint la Chersonèse Taurique au continent.

(71) Bosphore, Βώσφορος, signifie passage du bœuf ou de la vache. Il s'agit là du Bosphore Cimmérien, aujourd'hui détroit d'Iénikahi. Selon d'autres traditions, ce détroit n'aurait reçu le nom de Bosphore que par analogie avec le canal qui joint la Propontide au Pont-Euxin; et c'est celui-ci, le Bosphore de Thrace, qui aurait dû son nom au passage d'Io.

(72) Il ne faut pas chercher, dans le voyage d'Io, une exactitude géographique qui n'y est point. Tous ceux qui ont essayé, par des remaniements de texte et des explications, à ramener cette énumération de contrées à une réalité acceptable ont perdu leur temps.

(73) Weil change σοι μαθεῖν en ἰαθῆναι, et le vers alors signifie : « Tu peux dès maintenant épanouir ton cœur, cette révolution étant inévitable. » Mais Prométhée n'a pas besoin de faire cette invitation à la joie. L'énoncé du renversement certain do Jupiter suffit, après ce qu'Io vient de dire.

(74) On voit dans Pindare, Isthmiques, VIII, vers 07 et suivants, que c'est Thétis qui devait mettre ce fils au monde, à moins que Jupiter n'y mit ordre en renonçant à la déesse; ce qu'il fit. D'après un dialogue de Lucien, comme Jupiter se rendait près d'elle, Prométhée l'avertit du danger auquel il s'exposait, en lui prédisant qu'il serait détrôné par le fils qui naîtrait de Thétis et de lui. Jupiter, selon Lucien, profita de l'avis, et, pour en récompenser Prométbée, il le fit délivrer par Vulcain.

(75) Un scholiaste donne les treize noms des descendants d'Io dans l'ordre suivant : 1° Épaphus; 2° Libya; 3° Béïus; 4° Danaüs; 5° Hypermnestre; 6° Abas; 7° Prœtus; 8°Acrisius; 9°Danaé; 10° Persée, 11° Électryon; 12° Alcmène; 13° Hercule.

(76) Brunck, Weil, Dindorf et d'autres éditeurs supposent, après ceci, une lacune plus ou moins considérable. Dans cette hypothèse, les mots πόντου περῶσα φλοῖσβον, vers 793, ne sont plus une répétition de ὅταν περάσῃς ἑῖθρον, et il ne s'agit plus du Bosphore Cimmérien, mais de la mer Caspienne ou de la mer Erythrée. Mais la traversée de la mer Caspienne ou de la mer Erythrée par une vache est une absurdité qu'on n'a aucun droit de prêter à Eschyle, malgré toutes les erreurs et tous les caprices de sa géographie.

(77) Ville dont la position est inconnue, à moins que ce ne soit la Cisthène ou Cisthine de Libye dont parle le scholiaste; et il n'y a rien d'impossible à ce qu'Eschyle ait commis cette étrange erreur.

(78) Suivant Hésiode, Théogonie, vers 273, elles étaient venues au monde avec tous les signes de la décrépitude. Hésiode, du reste, n'en désigne que deux.

(79) Les Arimaspes combattaient avec l'arc; en combattant ils fermaient'un œil : de là l'épithète.

(80)  Fleuve inconnu. Vossius prétend que c'est le Bétis : l'erreur serait bien plus étrange encore que pour Cisthène, et n'est pas plus impossible.

(81) Les anciens étendaient l'Ethiopie jusqu'aux extrémités orientales et occidentales de la terre. On ne sait pas de quel fleuve Eschyle veut parler ici. Le Nil vient du midi, et non de l'orient ; mais si le fleuve d'Ethiopie n'est pas le Nil, ce qui suit prouve que c'est un de ses affluents de la rive droite. Selon le scholiaste du Mediceus, le fleuve d'Ethiopie est le haut Nil. Dans ce cas, Eschyle se serait trompé géographiquement, ce qui n'a rien du tout d'improbable.

(82) Eschyle dit la descente. Ce mot vague désigne évidemment les cataractes en général.

(83) Il n'y avait point de montagnes de Byblos en Egypte, et la ville de Byblos était située bien loin au-dessous des cataractes.

(84) Dans la partie centrale de l'Épire.

(85) II y avait à Dodone un temple de Jupiter, fameux dès le temps d'Homère, et les chênes de la forêt voisine passaient pour rendre des oracles.

(86) La Thesprotie était de la partie S.-O. de l'Épire.

(87) D'ordinaire les oracles parlaient un langage tout différent.

(88)  Le texte du vers 833 est altère; mais ce n'est pas une raison pour mettre ce vers entre crochets, comme font Dindorf et d'autres éditeurs. L'ironie de Prométhée est tout & fait à sa place. On a proposé plusieurs corrections, qui rendent cette ironie plus sensible et font disparaitre les difficultés du texte. Hartung : ἧδὴ μάκαιρ', εἰ τῶνδε προσσαίνει σέ τι. Heimsœth : κλύουσαν εἴ τιῶνδε προσσαίνει σ' ἔτι. Weil : εἰ τὴν τάλαιναν τῶνδε προσσαίνει σέ τι. Je traduis d'après la leçon de Turnèbe, μέλλουσ' ἔσεσθ', εἰ τῶνδε, qui s'éloigne moins de celle des manuscrits.

(89)   II s'agit de la mer Adriatique, sur le bord de laquelle !e culte de l\héa était surtout en honneur.

(90) Les anciens ont en effet souvent étendu le nom de mer Ionienne beaucoup plus que ne font les modernes.

(91) Canope est aujourd'hui Aboukir, à l'embouchure de la branche du Nil dite Canopique.

(92) Ce nom vient du mot ἐπαφᾶν, toucher délicatement.

(93) Je laisse ma traduction de φεύγουσα συγγενῆ ἀνεψῶν, malgré l'opinion des critiques qui prétendent que l'unique motif de la fuite des Danaides, c'était leur haine pour des hommes violents et impérieux. Voyez la note sur les vers 9-10 des Suppliantes.

(94) Thémis étant la Terre, selon Eschyle, le mot Τιτανίς; ne peut signifier ni fille des Titans, ni sœur des Titans. Elle était leur mère. Weil pense qu'on devrait joindre μήτηρ à Τιτανίς;. Il vaut mieux, je crois, le supposer répété, et laisser dire à Prométhée, comme au vers 209 : Thémis ma mère.

(95) On croit, et avec quelque raison, qu'Eschyle met ici dans la bouche du chœur l'éloge de Pittacus. Eschyle ne redoutait pas l'anachronisme. Voici une épigramme du poête Callimaque sur la manière ingénieuse dont Pittacus mit un jour cette maxime en action : « Un étranger d'Atarne demandait comme il suit conseil à Pittacus de Mitylènc, fils d'Hyrraciius : Mon bon père, un double hymen me sollicite : l'une des deux filles a une fortune et une naissance proportionnées à la mienne; l'autre est d'une classe plus élevée que moi. A quoi me décider? Dis-moi, je te prie, celle qu'il me faut épouser. — II dit; et Pittacus, levant son bâton, soutien de sa vieillesse : Voici des enfants qui t'expliqueront tout ce que tu dois faire. — Ces enfants faisaient tourner rapidement leurs toupies, en les frappant à grands coups, au milieu d'un large carrefour. — Marche sur leurs traces, ajoute Pittacus. Le jeune homme s'approche et enteud les enfants qui disaient : Fouette la plus voisine de toi ! L'étranger, sur ce mot, s'abstint d'un établissement ambitieux, conformément à l'oracle prononcé par les enfants...»

(96) On a vu plus haut que ce fils annoncé par Promëthée ne pouvait naître que de Thétis. Ce n'est donc pas d'Hercule qu'il s'agit, comme quelques-uns l'ont cru à tort. Hercule n'est pas destiné à renverser Jupiter; il est seulement le libérateur futur de Prométhée.

(97)  Adrastée était la déesse de la vengeance. C'est elle qui punissait les superbes. Éviter l'arrogance était l'unique moyen de selarendre favorable. Le chœur déplore que Prométhée mette contre lui cette puissante divinité. Le nom d'Adrastée signifie inévitable, irrésistible.

(98) L'expression τὸν κρατοῦντ' ἀεί équivaut à τὸν ἀεὶ κρατοῦντα, τοὺς ἐν μέρει κρατοῦντας;. Hermana traduit : cui quoque tempore regnans contigit.

(99) Τοῖς τοιούτοις est au masculin. Le scholiaste du Mediceus : τοῖς μὴ πειθομένοις αὐτῷ. Weil fait observer que, si τοιούτοις était du neutre, le verbe serait  μαλθάσσεται, plutôt que μαλθάσσαται,

(100)  D'abord Uranus, puis Cronos ou Saturne.

(101) Plusieurs éditeurs, et Weil avec eux, attribuent à Mercure les vers 968 et 969. Alors κρεῖσσον γὰρ οἶμαι serait une ironie : " Je crois en effet qu'il vaut mieux... » Mais on est forcé, en ce ras, de supposer une lacune après le vers 969; car Prométhée ne peut dire οὕτως ὑβρίζειν τοὺς ὑβρίζοντας χρεών, qu'après un outrage à l'adresse de Mercure, et c'est Mercure qui vient de l'insulter. Weil admet qu'il manque un vers.

(102)  Saumaise cite, à propos de ce passage, l'expression d'Arnobe, nives plumeas. On voit aussi, dans Solin, qu'un canton au delà du mont Riphée était appelé Ptérophoron, porte-plume, quippe casus continuantium pruinarum quiddam ibi exprimit simile pinnarum.

(103)  L'expression πολλὰ καὶ μάτην dépend à la fois et de λέγων et de ἐρεῖν.

(104)  Eschyle, en parlant des Gryphons, s'est déjà servi de l'expression chiens de Jupiter.

(105) Cicéron, dans un passage imité du Prométhée délivré d'Eschyle:

Jam tertio me quoque funesto die,
Tristi advolatu, aduncis lacerans unguibus,
Jovis satelles pastu dilaniat fero.
Tum,  jecore opimo farta et satiata affatim,
Clangorem fundit vastum, etc.

(106) Le dieu qui se dévoua fut le centaure Chiron.

(107)  Cet endroit du texte a subi vingt corrections différentes. J'ai choisi, parmi les sens divers, celui qui m'a paru le mieux en rapport avec les autres paroles.

(108). L'adjectif βρυχια équivaut ici à χθονία. Il s'aglt du tonnerre souterrain dont il a été question plus haut, vers 98З-994. Weil: « Dicit tonitrum subterraneum, βρόντημα χθόνιον alta terra mersum et profundum quid sonantem. » Weil justifie cette explication par des exemples sans réplique. En prose, on disait ὑποβρύχιος; plus ordinairement que βρύχιος.

(109) On a rapproché avec raison de cette peinture un passage du poète latin Pacuvius :

Inhorrescit mare,
Tenebrœ conduplicantur, noctisque et nimbum occaecat nigror ;
Flamma inter nubes coruscat, cœlum tonitru contremit,
Orando mista imhri lacgifluo subita praecipitans cadit,
Undique omnes venti erumpunt, sœvi existunt turbines,
Fervet aestu pelagus.

(110)  On se rappelle que Thérnis est la Terre, c'est-à-dire la divinité par excellence. Prométhée invoque donc la terre et le ciel. Weil : « Matrem suam hic non simpliciter Themin, sed Themin Tellurem dicere videtur; nam in ejusmodi obtestatione cœlum et terra conjungi solent, »