Flodoard

FLODOARD

 

HISTOIRE DE L’ÉGLISE DE RHEIMS

LIVRE III (CHAPITRES I à X)

LIVRE II (CHAPITRES XI à XX) - LIVRE III (CHAPITRES XI à XX)

 

Oeuvre numérisée et mise en page par Marc Szwajcer

 

FLODOARD

 

HISTOIRE DE L’ÉGLISE DE RHEIMS

 

 

 

 

 


 

A droite, on trouve de l'intérieur vers l'extérieur, saint Etienne (?), saint Paul, la Vierge, saint Jean l'évangéliste et saint Rigobert (évêque).

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LIBER TERTIUS.

CAPUT PRIMUM.

De electione vel ordinatione Hincmari.

Anno denique Dominicae incarnationis 845, Karolus synodum episcoporum regni sui apud Bellovagum civitatem Remensis provinciae convocavit. Ubi inter caetera Ecclesiae regnique negotia, de Remensis ecclesiae desolatione, quae Fulcone presbytero illam diu tenente, et Nothone in ea sibi succedente, tanto vacare pastore videbatur tempore, cum eisdem episcopis coepit tractare. Qui sicuti viderant vel audierant, depositionem narrantes Ebonis, et auctoritatem sanctorum Patrum super hujusmodi negotiis ad memoriam revocantes, cogente necessitate atque suadente auctoritate, communi decrevere consensu, quo tandem post decennium depositionis Ebonis in ecclesia eadem ordinaretur episcopus. Igitur a clero et a plebe ipsius metropolis, necnon ab episcopis ejusdem provinciae, archiepiscopo Sennensis Ecclesiae Wenilone atque Ercamrado Parisiosorum episcopo annuente, cum consensu abbatis sui et fratrum monasterii sancti Dionysii, in quo degebat, favente quoque Karolo rege, Hincmarus electus est. Sicque decreto peracto eligentiumque manibus rolvotato, Ecclesiae Remensis ordinatur episcopus.

Is siquidem Hincmarus, a pueritia in monasterio sancti Dionysii, sub Hilduino abbate monasteriali religione nutritus et studiis litterarum imbutus, indeque pro sui tam generis quam sensus nobilitate, in palatium Ludovici imperatoris deductus, et familiarem ipsius notitiam adeptus fuerat; ibique, prout potuit, cum imperatore et praefato abbate sub episcoporum auctoritate laboravit, ut ordo monasticus in praedicto monasterio, quorumdam voluptuosa factione diu delapsus, restauraretur. Et ut opere quoque adimpleret quod sermone suadebat, etiam ipse religiosae conversationi cum aliis se subdidit, castigans corpus suum, et spiritali subjiciens servituti. Processu vero temporis, cum praememoratus Hilduinus abbas imperatoris Ludovici archicapellanus, offensam ipsius Augusti adeo cum aliis regni primoribus incurrisset, ut ablatis sibi abbatiis, in Saxoniam fuerit exsilio relegatus, iste per licentiam proprii episcopi cum benedictione fratrum illum secutur est in exsilium. Cui pro familiaritatis propiore notitia, tantam Dominus apud imperatorem, proceresque contulit gratiam, ut studere pro suo nutritore quiverit, donec ab exsilio revocatus duarum fuerit abbatiarum praelationi restitutus. Deinde quando Gregorius papa in Galliae venit regiones, et regnum Francorum a praefato defecit imperatore, voluit eum praememoratus abbas suus in obsequium suum contra fidelitatem imperatoris ducere; quod nequaquam potuit ab eo exigere. Restituto postea imperatore, prout potuit abbati suo prodesse studuit. Sicque deinceps in monasterio sine querela custos sacrorum pignorum, ecclesiaeque sanctorum martyrum conversatus exstiterat, donec regiis ascitus obsequiis regimen monasteriis sanctae Dei genitricis Mariae, et sancti Germani regali et episcopali, atque abbatis sui Ludovici diaconi jussione suscepit; rerum quoque ac mancipiorum possessionem quamdam regia liberalitate percepit, quam consecratus jam praesul monasterio sancti Dionysii, ubi Christo militaverat, per testamenti paginam tradidit.
 

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LIVRE TROISIÈME.

CHAPITRE Ier.

De l'élection et de l'ordination d'Hincmar

L'AN de l'incarnation de Notre-Seigneur huit cent quarante-cinq Charles (le Chauve) convoqua le synode des évêques de son royaume à Beauvais, ville de la province de Reims. Là entre autres affaires de l'Église et du royaume, le roi entretint les évêques de la désolation de l'église de Reims, longtemps administrée par Foulques, prêtre, et après lui par Nothon, mais cependant toujours demeurée sans pasteur depuis la déposition d'Ebbon. Or, ceux-ci racontant l'histoire de cette déposition comme ils l'avaient vue ou entendu raconter, et rappelant les sentiments et l'autorité des saints Pères sur des affaires du même genre, par nécessité et en même temps avec tout pouvoir et autorité, arrêtèrent d'un consentement unanime qu'après dix ans depuis la déposition d'Ebbon il était temps enfin de donner un évêque au siège de Reims. En conséquence, Hincmar fut élu par le clergé et le peuple de la métropole, par les évêques de la province, du consentement de Wénilon, archevêque de Sens, et d'Ercamrade, évêque de Paris, avec l'approbation de son abbé et des frères de l'abbaye de Saint-Denis, où il était moine, enfin avec l'autorisation du roi Charles.

Dès sa plus tendre enfance Hincmar avait été élevé sous la discipline monastique, et instruit aux bel les-lettres au monastère de Saint-Denis, sous l'abbé Hilduin de là tant à cause de la noblesse de son origine que de l'élévation de son esprit il avait passé à la cour de l'empereur Louis, et avait mérité d'être admis dans sa familiarité. Là de concert avec l'empereur et son abbé, et sous l'autorité des évêques, il ne cessa de travailler à la réforme de son monastère, qu'un parti de voluptueux avait depuis longtemps jeté dans le relâchement; et pour confirmer par sa conduite ce qu'il prêchait dans ses discours, il se soumit le premier à toutes les rigueurs de la vie religieuse, mortifiant son corps et se condamnant à une servitude spirituelle. Dans la suite, lorsque l'abbé Hilduin, grand aumônier de l'empereur Louis, encourut avec d'autres grands du royaume la disgrâce de ce prince au point d'être dépouillé de ses abbayes et exilé en Saxe, Hincmar, avec la permission de son évêque et la bénédiction de ses frères religieux, le suivit en exil et bientôt par les liaisons et l'intimité que le Seigneur lui avait fait la grâce de se ménager auprès de l'empereur et des grands, il parvint à force de soins à faire rappeler son maître, et à lui faire rendre deux de ses abbayes. Plus tard, quand le pape Grégoire vint en France, et que le royaume se détacha de l'obéissance de l'empereur, son abbé fit tout ce qu'il put pour l'entraîner avec lui dans la révolte mais ce fut en vain, Hincmar resta fidèle; et quand Louis fut rétabli, il ne cessa de faire tout son possible pour être utile à son abbé. Enfin établi sans contradiction gardien des reliques et des corps des saints martyrs de l'église, il vécut paisiblement en son monastère jusqu'au temps où le roi l'appela à son service, et où il prit le gouvernement du monastère de Notre-Dame et de Saint-Germain, du commandement du roi de son évêque et du diacre Louis, son abbé. Il reçut aussi alors de la libéralité du roi quelques propriétés, soit en terres, soit en serfs lesquelles quand il fut évêque, il laissa par testament au monastère de Saint-Denis, où il avait milité sous Jésus-Christ.

CAPUT II.

De reparatione judicii pro Ebonis depositione.

Emenso denique anno post ipsius Hincmari ordinationem, Lotharius imperator pro contentione regni quam erga fratrem suum Karolum habebat, cujus obsequiis idem praesul fideliter adhaerebat, contra eum commotus, epistolas a Sergio papa exegit pro reparando judicio de Ebonis depositione. Unde idem papa litteras Karolo regi mittens, praecepit ut Guntboldum Rothomagensem episcopum cum caeteris episcopis regni sui, quos ipse Guntboldus ad hoc sibi eligeret, legatis ejus obviam Treveris ad hanc discutiendam querelam diligeret, et Hincmarum episcopum ad ipsam synodum venire faceret. Ipse quoque Guntboldo litteris mandavit ut cum post diem sanctae Domini resurrectionis missos suos in servitium imperatoris mitteret, ipse cum episcopis praedictum locum, hanc causam diffiniturus, adiret. Sed et ipsi Hincmaro litteras misit ut ad idem veniret concilium. Legatis itaque Sergii papae juxta condictum non venientibus, Guntboldus, annuente rege Karolo, cum episcopis synodum conduxit, ad quam Ebonem per litteras et legatos ex auctoritate praedicti papae convocavit. Quo tamen Ebo neque venisse, neque vicariam pro se personam, vel litteras canonicas misisse traditur. Guntboldus tamen et caeteri episcopi, qui apud Parisios tunc convenerant, Wenilo scilicet Ecclesiae Senonicae metropolitanus cum dioecesanis suis, Lantrannus Turonensis cum suffraganeis suis, et specialiter Hincmarus cum omnibus Remensis dioeceseos coepiscopis, litteras suas ad eum miserunt, et dioecesim Remensem interdicentes, ut non haberet deinceps licentia ex ea quempiam sollicitare, nec scripto, nec verbo, nec misso aliquo, donec secundum jussionem Sergii papae ipsis occurreret, et juxta canonica et apostolica statuta definitionis sententiam ab ipsis coram generali conventu perciperet. Sed ille ad nullam synodum, vel ad sedem apostolicam, vocem postea reclamationis vel repetitionis de sede Remensi, aut de ordine suo emisit. Qui etiam (postquam res gestas Leoni papae referentibus episcopis, et regalibus insuper epistolis, ordinatio Hincmari, quando fidei quoque suae tenorem Romam misit rata est cum largitione pallii comprobata) per quinque circiter annorum curricula supervixisse fertur in corpore, usque ad annum videlicet incarnationis Dominicae octingentesimum quinquagesimum primum.
 

CHAPITRE II.

De la révision du jugement d'Ebbon.

UN an s'était écoulé depuis l'ordination d'Hincmar, lorsque l'empereur Lothaire, qui ne cessait de disputer le royaume à son frère Charles, auquel cet évêque restait inviolablement fidèle, irrité contre lui, sollicita du pape Serge des lettres de révision sur le procès d'Ebbon. En conséquence, le pape écrivit au roi Charles, et lui manda d'envoyer Gondebaud, évêque de Rouen, avec quelques autres évêques du royaume choisis par Gondebaud lui-même, pour venir à Trèves discuter cette querelle avec les légats qu'il enverrait lui-même il enjoignait au roi de donner l'ordre à Hincmar de se rendre à ce synode. Il écrivit aussi particulièrement à Gondebaud pour le prévenir que comme il envoyait ses légats rendre hommage à l'empereur après le jour de la Résurrection de Notre-Seigneur, il eut à se trouver à Trèves à cette époque, avec les évêques, afin de prononcer définitivement sur cette cause. Enfin il écrivit à Hincmar lui-même de ne pas manquer d'assister à la conférence. Mais les légats du pape ne vinrent point, comme il l'avait promis. Alors Gondebaud, avec le consentement du roi Charles, et de concert avec les autres évêques, convoqua un synode auquel il cita Ebbon par lettres et par envoyés, et le somma d'y comparaître au nom du pape. Mais celui-ci ne comparut ni en personne, ni par procureur, et n'adressa même aucunes lettres ni par procureur, et n’adressa même aucunes lettres canoniques. Néanmoins Gondebaud et les autres évêques qui s'étaient réunis à Paris, entre autres Wénilon métropolitain de l'église de Sens, avec ses évêques diocésains, Lanfranc archevêque de Tours, avec ses suffragants, et particulièrement Hincmar avec tous ses coévêques de la province de Reims, écrivirent à Ebbon, lui interdirent le diocèse de Reims, lui défendirent d'y solliciter désormais personne ni par écrit, ni par parole, ni par messager, avant qu'il se fût présenté devant eux, selon le mandement du pape Serge, pour entendre en pleine assemblée sa sentence définitive, conformément aux constitutions canoniques et apostoliques. Mais depuis Ebbon n'éleva jamais soit devant un synode, soit auprès du Saint-Siège, ni réclamation, ni prétention sur le siège de Reims et sur son ancienne dignité. Enfin, sur un rapport de l'affaire adressé au pape Léon, et sur des lettres du roi, l'ordination d'Hincmar fut ratifiée et approuvée après qu'il eut envoyé à Rome sa profession de foi et il reçut le pallium. Ebbon survécut environ cinq ans, jusqu'en l'an de l'incarnation de Notre-Seigneur huit cent cinquante-un.

CAPUT III.

De visione ejusdem Bernoldi.

De quo postmodum talis ostensa est revelatio cuidam homini Remensis parochiae, nomine Bernoldo, qui depressus infirmitate, pene usque ad mortem pervenit, ita ut per quatuor dies nec cibum nec potum capere, nec loqui valeret. Quarto vero die hora nona, velut exanimis jacuit, adeo ut non posset in eo sentiri halitum remansisse, nisi per vices, dum quis manum misisset ad os ejus, vel super pectus illius, vix sentiebat in eo adhuc spiritum esse. Rubor illi tamen in facie magnus videbatur, et sic jacuit usque ad mediam noctem. Tunc viriliter oculos aperiens, et affatus uxorem suam atque circumstantes, jussit ut quantocius currerent, et presbyterum suum velociter ad se venire rogarent. Accito autem presbytero, antequam intraret ille domum, dixit infirmus ut apponerent sellam, quia presbyter jam domum intraturus esset. Illo vero ingresso postquam orationem pro eo fudit, dixit ei ut sederet juxta eum, et attenderet quae dicturus erat, ut si ipse superstes illi non potuisset annuntiare, saltem presbyter ea nuntiaret. Tunc ergo coepit vehementer flere, et cum singultibus dixit: Ductus de isto saeculo ad aliud veni ad quemdam locum, inveni episcopos quadraginta et unum, inter quos cognovi Ebonem, Pardulum et Aeneam pannosos, et denigratos, squalentesque sicut et alios, ac si ustulati fuissent, et per vices nimio frigore horribiliter cum fletu, ac stridore dentium tremulantes; per vices autem calore nimio aestuantes. Et Ebo episcopus me vocavit ex nomine, dicens: Quia tibi dabitur licentia redeundi ad corpus, precamur te ego et isti confratres nostri, ut adjuves nos. Et ego respondi: Quomodo vos possum adjuvare? Qui ait: Vade ad homines nostros clericos et laicos, quibus benefecimus, et dic illis ut pro nobis faciant eleemosynas, et orationes, et impetrent pro nobis offerri sacras oblationes. Et ego dixi quia nescirem ubi homines illorum essent. Ille vero ait: Nos dabimus tibi ductorem, qui te ad illos ducat. Et dederunt mihi ductorem quemdam, qui me praecessit et duxit ad quoddam palatium magnum, ubi multitudo erat hominum eorumdem episcoporum, qui de ipsis episcopis inter se loquebantur. Quibus suggessi quod mihi fuerat jussum ex parte episcoporum. Inde cum ductore meo reversus, ad locum redii ubi erant ipsi episcopi, et quasi jam facta fuissent pro ipsis ea quae postulaverant, inveni eos facie jocundos, ac si a novo rasos et balneatos, albis vestitos, et stolis amictos atque sandaliis calceatos. Et dixit mihi praefatus Ebo praesul: Vides quantum nos adjuvit tua legatio. Usque modo nimis durum custodem et custodiam gravem habuimus sicut vidisti, modo vero habemus domnum Ambrosium custodem, et levem custodiam: et caetera quae visa atque relata ab eodem Hincmarus episcopus descripsit.
 

CHAPITRE III.

De la vision de Bernold.

QUELQUE temps après un homme du diocèse de Reims nommé Bernold eut au sujet d'Ebbon la vision suivante. Cet homme tomba malade, et fut si près de mourir que pendant quatre jours il ne put ni manger, ni boire ni parler. Le quatrième jour, sur les neuf heures, il demeura comme mort on ne pouvait s'apercevoir qu'il respirait encore, si ce n'est par intervalles; et à peine en passant la main sur sa bouche, ou l'appuyant sur son cœur, y sentait-on un léger mouvement. Cependant il avait une grande rougeur au visage. Il resta dans cet état jusqu'à minuit. Alors ouvrant les yeux avec force, et adressant la parole à sa femme et aux assistants il leur commanda d'aller promptement lui chercher un prêtre. Un instant avant que le prêtre entrât, il ordonna de lui préparer un siège parce qu'il allait arriver; et en effet, le prêtre entra au moment même. Quand il eut fini ses prières pour le malade, celui-ci lui dit de s'asseoir auprès de son lit, et d'écouter attentivement ce qu'il allait lui dire, afin que s'il ne vivait pas assez pour publier ce qu'il avait vu le prêtre pût au moins le faire à sa place. Alors il se mit à pleurer à chaudes larmes, et dit en sanglotant : J'ai été enlevé de ce monde en l'autre, et j'ai été transporté dans un lieu où j'ai trouve quarante-un évêques, parmi lesquels j'ai reconnu Ebbon, Pardule et Ænéas. Ils étaient tous couverts de haillons sales et noircis, comme s'ils avaient été brûlés parfois ils tremblaient horriblement d'un froid glacial en pleurant et grinçant des dents; parfois ils brûlaient d'une chaleur dévorante. Ebbon m'appela par mon nom, et me dit : Comme il te sera permis de retourner dans ton corps, nous te prions mes confrères et moi, de vouloir bien nous soulager. Et comment puis-je vous soulager? lui répondis-je. Va reprit-il, trouver ceux de nos hommes clercs et laïques à qui nous avons fait du bien; dis-leur qu'ils fassent pour nous des aumônes et des prières, et offrent des messes à notre intention. Et comme je lui disais que je ne savais pas où étaient leurs hommes il me dit : Nous te donnerons un conducteur qui te mènera vers eux. Et en effet ils me donnèrent un conducteur qui marcha devant moi, et me mena dans un grand palais, où était une grande multitude d'hommes appartenant à ces évêques, qui même s'entretenaient entre eux de leurs évêques. Je leur racontai ce que j'avais à leur dire de la part des évêques, et ensuite je m'en retournai avec mon conducteur, et je revins au lieu où je les avais laissés. Comme si déjà ce qu'ils avaient demandé eût été fait, je les trouvai le visage riant et frais, comme s'ils venaient de faire leur barbe et de sortir du bain, vêtus de blanc, parés de belles étoles, et chaussés en sandales. Et l'évêque Ebbon me dit : Vois combien ton message nous a soulagés; jusqu'ici nous étions soumis à un gardien trop rigoureux et à une garde trop sévère; maintenant nous avons saint Ambroise pour gardien, et notre garde est douce. Le malade vit encore et entendit beaucoup d'autres choses, lesquelles, d'après son récit, ont été écrites par l'évêque Hincmar.

CAPUT IV

De restitutione rerum ecclesiasticarum a Karolo rege peracta.

Ordinato denique, ceu praemissum est, Hincmaro Ecclesiae Remensis archiepiscopo, rex Karolus res quas ex eodem episcopio suis palatinis usurpare concesserat, ipsi sanctae reddidit ecclesiae. Pro qua restitutione talem praecepti sui dedit auctoritatem:

« In nomine sanctae et individuae Trinitatis, Karolus Dei gratia rex. Si ea, quae a praedecessoribus nostris vel fidelium devotione bene tradita, statuta ac confirmata sunt, nostris oraculis roboramus; si etiam illa quae quacunque necessitate corrupta sunt regia nostra auctoritate corrigimus et in melius commutamus, saluti nostrae consulimus et regium ministerium susceptum a Domino exercemus. Proinde noverit omnium fidelium Dei ac nostrorum solertia quia res ex episcopatu Remensi, quas magna necessitate et per omnia inviti, dum a pastore sedes illa sancta vacaret, fidelibus nostris ad tempus, unde quoddam temporale solatium a nostro haberent servitio, commendavimus, electo et ordinato munere sancti Spiritus, per Dei et nostram dispositionem, in eadem sancta sede Hincmaro archiepiscopo, hoc nostrae auctoritatis praecepto cum integritate quidquid exinde nos fidelibus nostris beneficiavimus, praesentaliter restituimus, tum Sparnacum et Juliacum, vel quidquid ex eodem episcopatu Richuinus habuit, vel quidquid exinde Odo comes habuit: quam et villam Culmiciacum, cum capella quam Rabanus presbyter babuit; seu et illa, quae Pardulus, necnon et Adalgardis abbatissa, sive Rotbertus atque Amalbertus clericus, vel Altmarus, seu Joannes medicus, sive item Rabanus, atque pusillus Pumilio, Ratboldus quoque, Goderamnus, et Herenboldus, vel Donatus, seu Gilbuinus habuerunt; sive etiam illa omnia, quae tam clerici quam laici, qui in nostra dominatione aliquandiu fuerant, quosque jam dicto episcopo commendavimus, habebant. Et ut in calce omnia concludamus, quidquid ex eodem episcopatu, quando de manu Fulconis illum recepimus, alicui praestito beneficio concessimus, per hanc nostrae confirmationis auctoritatem, inspecto coram coetu fidelium nostrorum, tam ecclesiastici quam laicalis ordinis testamento sancti Remigii, praesentialiter casae sanctae Mariae, et sancti Remigii, atque Hincmaro archiepiscopo cum omni integritate reddimus vel restituimus, ut absque ulla refragatione, cassatis quibuscunque aliis conscriptionibus, easdem res per hanc nostram auctoritatem recipiat; ut sicut res ecclesiae disponendae sunt ad utilitatem ipsius Ecclesiae Dei, tam ipse quam successores ipsius disponant. Quam auctoritatem (in qua nos ulterius tale quiddam erga ipsam casam Dei non acturos spondemus, et ut nemo successorum nostrorum agere moliatur, per omnipotentem Dominum ejusdem Virginis filium obsecramus) ut per ventura tempora certior habeatur, et contra aemulos ipsius sanctae ecclesiae sui notitia valeat, manu nostra subterfirmavimus, et annuli nostri impressione roborari decrevimus. Data Kalendis Octotobris anno 6 regnante Karolo gloriosissimo rege, indictione 8. Actum in pago Andegavensi, in villa Avegio. »

De caeteris quoque rebus, quae tunc redditae non fuerunt, hujusmodi postmodum invenitur dedisse praeceptum:

« In nomine sanctae et individuae Trinitatis, Karolus gratia Dei rex: omnibus comitibus, abbatibus, abbatissis, missis, vassallis, et cunctis sanctae Dei Ecclesiae fidelibus ac nostris, praesentibus scilicet et futuris, notum esse volumus, quia Hincmarus sanctae ecclesiae Remorum religiosus, nobisque valde dilectus ac venerabilis pontifex, accedens ad celsitudinis nostrae magnitudinem, innotuit mansuetudini nostrae, quod ex rebus sanctae Dei genitricis Mariae, et sancti ac pretiosi confessoris Christi Remigii, quae per parentum antecessorum videlicet nostrorum regum dationem, sive per rectorum ejusdem ecclesiae imprudentiam, vel concessionem, vel etiam quorumcunque malivolorum machinationem ab eadem sancta ecclesia abstractae esse cernuntur, nonae et decimae, ad eamdem praedictam ecclesiam nimime, sicut rectum est, persolvantur. Unde magnificentiae nostrae petiit dignitatem, ut nostrae auctoritatis praeceptum ob Dei et sanctae ipsius Genitricis, sive pretiosi patroni nostri Remigii amorem ei fieri juberemus. Cujus nobis amabilibus et necessariis petitionibus acquiescentes, et libere placideque obsequentes, hoc nostrae magnae auctoritatis praeceptum ei fieri jussimus. Per quod praecipientes expresse jubemus, ut quisquis fidelium Dei omni potentis, nostrorumque, ex eisdem sanctae Dei genitricis Mariae, vel sancti confessoris Christi Remigii, Remorum ecclesiae rebus, sive episcopatus religiosissimi et dilectissimi nobis Hincmari venerabilis archiepiscopi, aliquid habere dignoscitur, sive per largitionis nostrae concessionem, sive per quorumcunque supramemoratorum affectationem, vel machinationem, seu etiam et deprecationem, aliquid tenore aliquo ex praedictis rebus tenere vel possidere cernitur, nonam et decimam in missorum nostrorum praesentia, misso ecclesiae sanctae Mariae, vel sancti Remigii Remorum, sive Hincmari venerabilis archiepiscopi revadiet, et annis singulis ad eamdem praefatam et memoratam ecclesiam persolvere, absque ullius occasionis contradictione cum omni vigilantia studeat. Quicunque vero contra hanc nostrae auctoritatis praeceptionem de hoc fieri praesumpserit, sciat secundum dignae memoriae avi, et piae recordationis genitoris nostri capitula se emendaturum, et ipsas easdem res absque alicujus intercessionis impetratione amissurum. Et ut haec nostrae praeceptionis auctoritas inviolabilem obtineat firmitatis vigorem, et ab omnibus fidelibus sanctae Dei Ecclesiae et nostris, praesentibus scilicet et futuris, verius, certiusque credatur, eam annulo nostro subter sigillari jussimus. Data IV Nonas Septembris, anno 8, indictione 10, regnante Karolo gloriosissimo rege. Actum in monasterio sancti Quintini. »

Immunitatis etiam secundum antecessorum suorum regum exemplaria eidem sanctae sedi suam contulit auctoritatem. Cessionem quoque genitoris sui Ludovici de exactione regia, vel operariis ac muro civitatis ob restaurationem ipsius sanctae Dei ecclesiae delegata, hujusmodi confirmavit auctoritate:

« In nomine sanctae et individuae Trinitatis, Karolus gratia Dei rex. Si petitionibus fidelium nostrorum, maxime Domini sacerdotum, praecipue in his, quae ecclesiasticis utilitatibus possunt praebere consultum, benignum commodamus assensum, nobis id ad aeternae remunerationis credimus provenire augmentum. Proinde noverit omnium fidelium Dei ac nostrorum, praesentium scilicet et futurorum industria, quia vir venerabilis Hincmarus Remensis urbis archiepiscopus obtulit serenitatis nostrae obtutibus praeceptum piae memoriae domni ac genitoris nostri Ludovici imperatoris, quod in eleemosynae suae augmento ecclesiae S. Mariae atque sancti Remigii fieri decrevit, de opere et operariis, atque omni exactione, quae tempore avi nostri domni Karoli imperatoris ex eadem casa Dei exigebantur ad palatium, quod vocatur Aquisgrani, ut in aedificatione et restauratione ipsius ecclesiae Dei, per futura tempora usque ad finem saeculi, ad utilitatem saepe dictae sanctae ecclesiae in eleemosyna illius proficerent, et nec ad eumdem locum, vel ad alium quemlibet ipsae redhibitiones, vel impensae ullo unquam tempore exigerentur, sed remissa indulgentia illius in eodem loco proficerent. Cujus bene gesta rata judicantes, per hoc nostrae auctoritatis praeceptum decernimus, ut quidquid de exactione, vel operariis praedictae constitutionis supra scriptus domnus et genitor noster, seu et de muro civitatis ipsius, vel viis ad utilitates claustri canonicorum proficientibus in suo praecepto concessit; hoc totum perpetua nostra indulgentia vel concessione, seu auctoritate concessum, vel confirmatum maneat in perpetuum. Et ut haec nostrae confirmationis vel concessionis auctoritas per futura tempora certior cognoscatur, et permaneat inconvulsa, eam manu nostra subterfirmavimus, et de annulo nostro eam sigillari praecepimus. Data VI Kalendas Junias, anno 10 regnante Karolo glorioso rege, indictione 13. Actum Vermeriae in palatio regio, in Dei nomine feliciter. Amen. »
 

CHAPITRE IV.

De la restitution des biens ecclésiastiques faite par le roi Charles.

Quand enfin Hincmar eut été ordonné archevêque de Reims, comme nous l'avons raconté ci-dessus, le roi Charles restitua à cette sainte église tous les biens de l’évêché, qu'il avait concédés ou laissé usurper aux seigneurs de sa cour; et, pour cette restitution, il rendit l'ordonnance suivante :

 Au nom de la sainte et indivisible Trinité Charles, par la grâce de Dieu, roi. Si nous confirmons par nos édits ce qui, par nos prédécesseurs ou par la dévotion des fidèles, a été bien et sagement disposé, ordonné et confirmé; si pareillement nous corrigeons par notre autorité royale, et changeons en mieux ce qui a été corrompu par une nécessité quelconque, ce faisant, nous pourvoyons à notre salut, et nous exerçons le ministère royal que nous tenons du Seigneur. Sachent donc tous fidèles serviteurs de Dieu et nôtres que les biens de l'évêché de Reims, que dans une extrême nécessité et malgré nous, nous avions pendant la vacance de ce saint siège donnes pour un temps en commande à nos fidèles sujets, afin qu'ils trouvassent quelques douceurs temporelles en notre service, nous les rendons et restituons, maintenant que par la grâce du Saint-Esprit, et par la volonté de Dieu et la nôtre, Hincmar a été établi archevêque de ce saint siège et par la présente ordonnance restituons en intégrité tout ce dont avions gratifié nos fidèles, à savoir Épernay et Juliers; tout ce que Richuin tenait de cet évêché, tout ce qu'a possédé le comte Odon ; le village de Chermisy et celui de Chapelle, concédés à Raban, prêtre; enfin tout ce qui était occupé par Pardule, l’abbesse Adalgarde, Rotbert, Amalbert clerc, Altmar Jean, le médecin, Raban et le petit nain, Ratbold et Goderamne, Herenbold, Donat et Gilbuin; enfin tout ce qui a été entre les mains de clercs ou de laïques qui pendant quelque temps ont été soumis à notre domination, et que nous remettons sous l'autorité dudit archevêque Hincmar. Et pour tout dire en un mot, après nous être fait représenter le testament de saint Rémi en assemblée générale, et en présence de tous nos fidèles tant de l'ordre ecclésiastique que de l'ordre laïque, nous rendons et restituons en toute intégrité à l'église de Notre-Dame et de Saint-Rémi, et à l'archevêque Hincmar, l’évêché tel que nous l'avons reçu de Foulques, prêtre ; abrogeons toute concession faite à nos fidèles, et voulons que sans opposition aucune, et nonobstant toute disposition contraire, ledit archevêque en reprenne la propriété, pour en disposer, lui et ses successeurs, comme on doit toujours disposer des biens de l'Église, c'est-à-dire pour l'utilité de l'Église de Dieu. Promettons que désormais nous ne nous permettrons rien de semblable contre la maison de Dieu; et, au nom du Seigneur tout-puissant, fils de la sainte Vierge, conjurons nos successeurs de ne jamais rien entreprendre contre cette sainte église. Et afin que cet acte de notre autorité soit plus certain et stable dans l'avenir, et que son authenticité prévale contre les ennemis de cette sainte église, nous l'avons signé de notre main, et y avons fait apposer le sceau de notre anneau. Donné le premier octobre l'an sixième du règne du très glorieux Charles, indiction huitième. Fait en Anjou, à Avegy.

Quant aux autres biens qui ne furent pas rendus le roi rendit ensuite une ordonnance ainsi conçue :

 Au nom de la sainte et indivisible Trinité, par la grâce de Dieu Charles, roi, à tous comtes, abbés, abbesses commissaires, vassaux, et à tous fidèles de l'Église de Dieu et aux nôtres, présents et à venir, savoir faisons que Hincmar, religieux pontife de la sainte église de Reims, lequel nous est tout à la fois cher et vénérable, s'est jeté aux pieds de Notre Majesté, et a fait connaître à notre mansuétude que l'on ne paie point, comme il est dû les nones et dîmes des biens de Notre-Dame et du saint et pieux confesseur Rémi, dont l'église de Reims a été dépossédée, soit par donation des rois nos prédécesseurs, soit par imprudence ou concession des évêques soit enfin par machinations ou pratiques des malveillants. C'est pourquoi ledit évêque a supplié notre magnificence pour qu'il nous plût donner une ordonnance à ce sujet, pour l'amour de Dieu, de sa sainte Mère, et de saint Rémi, notre précieux patron. Acquiesçant donc, et cédant librement et avec plaisir à ses gracieuses et instantes prières, nous lui avons octroyé le présent mandement de notre grande autorité. Ordonnons donc expressément à tous fidèles du Dieu tout-puissant et nôtres, qui se trouvent posséder quelque partie des biens de la bienheureuse vierge Marie, mère de Dieu, ou du saint confesseur de Jésus-Christ, Rémi, ou de notre très religieux et bien-aimé vénérable archevêque Hincmar, soit par octroi de notre libéralité, soit par brigue ou menée quelconque, soit par prière et concession, enfin à quelque titre que ce soit, qu'ils aient à verser nones et dîmes en présence de nos commissaires, entre les mains de l'officier de la sainte vierge Marie, de saint Rémi de Reims, ou du vénérable archevêque Hincmar, et à payer ainsi chaque année à l'église de Reims en toute diligence et sans contestation et quiconque osera contrevenir à notre présente ordonnance, sache qu'il sera sévi contre lui selon les capitulaires de notre aïeul et de notre père, de pieuse mémoire, et qu'il perdra lesdits biens, sans espérance de pouvoir jamais les recouvrer. Et afin que cet acte de notre autorité obtienne plus ferme et plus pleine vigueur, et que tous sujets de la sainte Église de Dieu et nôtres, présents et à venir, y ajoutent plus de foi nous l'avons fait sceller de notre anneau. Donné le deuxième jour de septembre, du règne du très glorieux Charles, l'an huitième; indiction dixième. Fait au monastère de Saint-Quentin.

Charles accorda en outre à l'église de Reims des lettres d'immunité conformes à celles qui avaient été données par les rois ses prédécesseurs ; il confirma la remise que son père Louis avait faite à ce siège des tributs dus au fisc, ainsi que les ordonnances sur les ouvriers et architectes et la concession des murs de la ville pour la restauration de cette sainte église. L'ordonnance était ainsi conçue :

Au nom de la sainte et indivisible Trinité, Charles, par la grâce de Dieu, roi. Si nous accueillons avec bienveillance les requêtes de nos fidèles et particulièrement des prêtres du Seigneur, surtout en ce qui peut contribuer à la prospérité de l'Église, ce disant, nous croyons avancer notre salut éternel à tous fidèles du Seigneur et nôtres, présents et à venir, savoir faisons que le vénérable Hincmar, archevêque de Reims, a remis sous les yeux de Notre Sérénité une ordonnance rendue par notre père et seigneur Louis, de pieuse mémoire, en augmentation de ses aumônes, et en faveur de l'église de Notre-Dame et de saint Rémi, touchant les ouvriers et architectes, et la remise des tributs que, d'après les décrets de notre seigneur, cette sainte maison de Dieu payait pour notre palais d'Aix.

Laquelle ordonnance consacrant les dites redevances à la construction et restauration de l'église de Dieu dans l'avenir et jusqu'à la fin des siècles, et à l'accroissement de ses aumônes, défend que dorénavant les redevances soient exigées ni pour le palais d'Aix ni pour tout autre lieu, mais au contraire demeurent et profitent à la sainte église nous donc, jugeant bons et équitables les actes de notre seigneur et père, donnons la présente pour les confirmer, et voulons que tout ce qu'il a réglé et arrêté sur les architectes employés à la construction de ladite église et touchant les murs de la cité, les rues et voies publiques servant à l'utilité du cloître des chanoines, soit de nouveau concédé, octroyé et maintenu à perpétuité par notre présente. Et pour que cet acte de confirmation et de concession obtienne une plus certaine authenticité, et soit rendu plus inviolable dans les temps à venir, nous l'avons signé de notre main, et avons ordonné qu'il soit scellé du sceau de notre anneau. Donné le vingt-septième jour de mai, l'an du règne du très glorieux Charles le dixième, indiction treizième. Fait au palais royal de Vermerie, au nom de Dieu et heureusement. Ainsi soit-il!

CAPUT V.

De reparatione Remensis ecclesiae ab ipso Hincmaro patrata.

Hujusmodi regiae benignitatis functus auctoritatibus et in episcopali sede confirmatus, praefatus Hincmarus archiepiscopus, templum beatae Dei genitricis Mariae, quod a fundamentis Ebo renovare coeperat, iste pace gratiaque fruens regia, praeclari consummavit decoris eminentia. Insuper et aram sanctae Dei genitricis auro vestivit, ac lapidibus pretiosis ornavit. His quoque versibus titulavit:

Hanc aram Domini Genitricis honore dicatam
Cultor ubique suus (suis) decoravit episcopus Hincmar.
Muneribus sacris, functus hac sede sacerdos.
Jam bene completis centenis octies annis,
Quadraginta simul quinto volvente sub ipsis.
Cum juvenis Karolus regeret diademata regni,
Hunc sibi pastorem poscentibus urbis alumnis.

Et ad imaginem Dei Genitricis in ipso altari.

Virgo Maria tenet hominem, regemque, Deumque
Visceribus propriis natum de Flamine sancto.

Tecta templi plumbeis cooperuit tabulis, ipsumque templum pictis decoravit cameris, fenestris etiam illustravit vitreis, pavimentis quoque stravit marmorcis. Crucem eminentiorem gemmis, auroque cooperuit. Alias etiam cruces tam auro quam argento paravit. Calicem majorem cum patena, sumptorioque fecit ex auro, lapidumque pretiosorum illustravit nitore. Qui calix postea pro redemptione ac salute patriae Nortmannis datus est; patena adhuc reservatur ibidem. Libellum quoque de ortu sanctae Dei genitricis Mariae, sed et sermonem beati Hieronymi de ipsius Dominae assumptione scribi fecit, et tabulis eburneis, auroque vestitis munivit. Locellum etiam quemdam, hoc est capsam majorem, quae a duobus clericis ferri solet, fieri jussit, argentoque imaginato ac deaurato vestivit; ubi ad urbis hujus totius tutamen, multorum sanctorum pignora recondidit. Insuper et alia altaris vasa, tam aurea quam et argentea praeparavit. Evangelium aureis argenteisque describi fecit litteris, aureisque munivit tabulis, et gemmis distinxit pretiosis. His quoque versibus insignivit:

Sancta Dei genitrix et semper virgo Maria,
Hincmarus praesul defero dona tibi.
Haec pia quae gessit, docuit nos Christus Jesus,
Editus ex utero, casta puella, tuo.

Librum quoque sacramentorum, sed et lectionarium, quos scribi fecit, ebore argentoque decoravit. Candelabra texit argento, et templum variis ornavit lampadibus, et coronis diversisque tam palliorum quam cortinarum atque tapetium operuit ornamentis. Sacras etiam vestes altaris procuravit ministris. Pluribus denique convocatis episcopis, sed et Karolo rege in hanc civitatem adveniente, in honore incomparabilis et perpetuae virginis genitricis Dei Mariae, ut et antiqua fuerat sacrata, basilicam solemniter dedicavit, et cum coepiscoporum cooperatione sub omnipotentis invocatione Trinitatis almificae consecravit.
 

CHAPITRE V.

De la réparation de l'église de Reims par Hincmar.

APRÉS avoir obtenu ces divers témoignages de la libéralité royale, se voyant confirmé sur le siège épiscopal, jouissant d'une paix profonde et de la faveur du roi, Hincmar songea à poursuivre la restauration du temple de Notre-Dame commencée par Ebbon et termina par de grands et magnifiques travaux cet édifice dont son prédécesseur avait jeté les fondements. Il couvrit d'or l'autel de la Sainte-Vierge, l’enrichit de pierres précieuses, et y fit graver l'inscription suivante :

 Cet autel consacré en l'honneur de la mère du Seigneur, l'évêque Hincmar, son constant adorateur, qui a été prêtre dans ce siège et s'est acquitté des offices sacrés, l'a fait élever, huit cents ans déjà écoulé, et la quarante-cinquième année près de s'y ajouter, pendant que le jeune Charles portait le diadème du royaume et les fidèles de la ville ayant demandé Hincmar pour pasteur.

Auprès de l'image de la sainte Vierge placée sur l'autel furent inscrits les deux vers suivants :

La Vierge Marie porte dans ses flancs l'homme, le roi, le Dieu, né du Saint-Esprit.

Il fit couvrir de plomb le toit de l'église orna la voûte de peintures, éclaira le temple par des fenêtres vitrées, et le fit paver en marbre. Il couvrit la grande croix de pierreries et d'or, et garnit toutes les autres d'or et d'argent. Il fit faire un grand calice d'or, avec une patène et une cuillère en même métal, enrichies de pierres précieuses. Le calice a été donné dans la suite aux Normands pour la rançon et le salut de la patrie la patène existe encore aujourd'hui. Il fit écrire le livre sur la nativité de la sainte Vierge, avec le sermon de saint Jérôme sur l'assomption de cette reine céleste, et le couvrit de tablettes d'ivoire revêtues d'or. C'est lui encore qui fit construire, et garnir d'argent doré et ciselé la grande châsse que deux clercs portent ordinairement dans les cérémonies, et dans laquelle il déposa les reliques de plusieurs saints pour placer la ville sous leur protection. Il fit écrire l'Évangile en lettres d'or et d'argent, le fit couvrir de tablettes d'or parsemées de pierreries, avec cette inscription :

Sainte mère de Dieu et toujours vierge Marie, moi Hincmar, évêque, je te présente ces dons quelles ont été tes pieuses vertus, chaste Vierge, c'est ce que nous a enseigné Jésus-Christ, né de ton sein.

Il orna d'or et d'argent le livre des sacrements et le livre des prières qu'il fit écrire, fit garnir les candélabres en argent, para le temple de lampes, de voiles, de rideaux, de tapis de toutes espèces, et fit faire des ornements d'autel pour les ministres ; enfin, en présence de plusieurs évêques convoqués exprès, et du roi Charles venu aussi à Reims, il dédia solennellement l'église en l'honneur de l'incomparable Marie toujours vierge et mère de Dieu, comme autrefois l'avait été l'ancienne église et assisté de ses coévêques, il la consacra sous l'invocation de la toute-puissante Trinité.

CAPUT VI.

 De miraculis in eadem ecclesia postea declaratis.

In hac igitur ecclesia multa diversis temporibus Dei virtute sub ineffabilis Christi genitricis Mariae sunt honore patrata miracula. Quorum plurima, quae ante nostram aetatem sunt gesta, nobis habentur incognita. Nos tamen ea, quae coram positi vidimus, vel personis quae viderant referentibus agnovimus, silentio hic quoque praeterire incongruum rati sumus, licet ea versibus olim exaravimus.

Mulier quaedam civis hujus urbis, nomine Altrudis, unicam parvulam nutriebat filiam, quae adhuc sub ubere matris posita, efficitur caeca. Pro qua cum variis frustra aestuaret mater remediis, nec ulla posset juvari medela, ad summum cogitat se vertere medicum; ejusque probat non aptius per quempiam sanctorum poscere posse misericordiam, quam per ipsius unicam, cujus etiam erat ipsa famula, Genitricem. Praeparansque cande larum munuscula, tam pro se quam pro filia, templum hoc petit, coelitum reginae clementiam rogatura; praefigensque candelabris luminaria, tum pavimentis astrata, cor supplex effundit in vota. Nec se posse praesumens sufficere, ministros suppliciter deposcit altaris, ipsius petitionem suis precibus adjuvare. Et quia devote ac fideliter postulavit, votum obtinere promeruit, lumenque sobolis impetravit. Unde gratias agentem Deo ipsiusque Genitrici piissimae, cum adjutoribus sibi sacris ministris eam vidimus postea, dum sanam, clareque contuentem suam nobis exhiberet filiam.

Quidam clericus nostrae congregationis, carne nobilis, Hugo nomine, ita nimio dentium fatigabatur dolore, ut nec somnum, nec cibum prae nimietate valeret aegritudinis capere. Qui requisitus a quodam seniore, exposita suae vexationis afflictione, hoc ab eo consilii accepit, ut coram altari Dei Genitricis sese prosternens, ejus cordetenus super hac anxietate sua deprecaretur clementiam. Et surgens ab oratione, osculato altari, supra nudum ipsius marmor, in qua vexabatur deponeret maxillam, sicque sanandum se confidens, domum regressus cooperiri se vestibus faceret atque sopori permitteret. Quibus ille per ordinem patratis, somnum iniit. Tempus autem erat solemnitatis natalis Domini, et fratres post celebratum vespertinum officium in coenaculo, ubi calefaciendi causa consueverant colligi residebant. Praefatus vero frater videt in somnis illic se prae gradibus coenaculi astitisse, atque beatam Dei Genitricem in superioribus, ante ipsius ostium domus consistere. A sinistris in gradu infimo sub specie cujusdam chirurgi, malignum conspexit astare spiritum. Non dubitans autem quae esset illa quam aspiciebat domina, pavore tetri hostis abjecto, ad eam usque conscendit, et ante ipsius procidens pedes ejusdem susceptus est manu; ita ut mentum illius tenens, vexatam piissima domina contingeret maxillam. Et erigens eum blande consolata est, asserens ideo se non inventam ab eo in ecclesia, quoniam ibidem ad custodiam fratrum staret. Ille, inquiens, malignus, quem vides hic prope astantem, cogitat huc ascendere, et vult nostros fratres conturbare. Praecepitque eum redire, et de concessa sibi salute confidere. Qui rursus ad ejus se prosternens pedes erectus est ab ea, vestem tantum purpuream, qua ipsa erat induta, deosculans. Sicque mox excitatus, dari sibi praecepit manducare. Quod ut ejusdem domestici audiere, insanire illum putantes, quia tam alacriter sibi cibum dari peteret, anxiari coeperunt. Ille vero confirmabat se a beata Dei Genitrice sanatum, vel nihilque aegritudinis se, vel insaniae pati. Sicque celerrime redditus sospitati, saepe postea fidenter astipulabatur non se ulterius esse passurum talia, quem tanta saluti restituisset domina. Quod et revera illi accidit, ut deinceps hujusmodi aegritudinem nequaquam senserit, dum pluribus postmodum vixerit annis.

Hujus Hugonis clericus et diaconus, Ebrardus nomine, febris anhelae vexabatur aestibus; qui ejus aegritudinis agitatus angoribus, in crypta, quae sub ipsius ecclesiae sede in honore beati Remigii consecrata est, fessus residebat, dum illic missae celebrarentur mysteria. Cui vi febrium fatigato (ut assolet febricitantibus) sopor irruit. Et ecce videt beatam Dei Genitricem sibi astantem, impositaque manu ejus capiti pertransisse, et post altare sese visa est intulisse. Mox ille patefactis oculis surgit, finitisque mysteriis jam sanus amen respondet, et alacer officiorum inseruit expletioni. Cujus caput ad tactum mirabilis dominae ita est delibutum, ac si oleo eadem fuisset hora perunctum. Quod nos quoque mirati sumus, qui eum ipsa die laetum, et comedentem nobiscum vidimus.

Tres denique claudos, et poplitibus contractis, nullo modo gressum figere valentes, in hac ecclesia diversis conspeximus erectos temporibus. Unum quidem sub episcopatu domni Herivei praesulis, qui aliorum manibus illuc delatus, propriis regressus est pedibus. Alium sub praesulatu Seulfi, nomine Maganerum, qui gente Britannus, utroque genu claudus et scabellis inhaerens, inter nos piorum eleemosynis sustentatus, transacto fere jam demorabatur anno. Huic dum nocturnas in omnium sanctorum solemnitate celebraremus laudes. ita subito in medio populi jacenti genuum extensi sunt nervi, ut lora quoque, quibus crura cum coxis erant annexa, rumperentur, rupta etiam pelle ex poplitibus ei sanguis deflueret; surgensque, stupente populo, gressibus deinceps usus est propriis . Tertium vero sub hujus domini praesulis Artoldi pontificatu, eoque missarum sacra celebrante, die solemni ejusdem sacratissimae Virginis, qua Gabriel archangelus ad eam missus ab astris, partum illi mirabilem saeculis nuntiavit. Qui claudus, pauper, et miserabilis, dum per pavimenti sese marmora traheret, repente solutus extenditur, et tellurem corpore mensus, in pedes tandem erigitur, incessuque novo auxit laetanti gaudia populo, quique adhuc inter nos degens stipe sustentatur praesulis.

Quartus quoque quidam ruricola, Gerlaius nomine, ex familia hujus ecclesiae, hanc urbem adiens oraturus, beatae Dei genitricis Mariae ingressus est basilicam. Ubi dum vota profundit, subito marcore diriguit, contractisque nervis, pene cunctis astringitur membris, sicque coarctatus, ibidem se permansurum, et dum videret serviturum, si relaxaretur, promisit. Tandem post mensem his absolutus vinculis, ecclesiasticis addicitur servitiis. Sicque partim in eadem ecclesia, partim in basilica sancti Dionysii extra murum civitatis per quinquennium incolumis deservivit. Post quod temporis spatium, in eadem solemnitate, Hypapanti scilicet Salvatoris, hanc ingressus ecclesiam, dum precibus incumbit, ita rigentibus membris visus est adhaesisse pavimentis, ut nec os, nec aliquod membrum ab his relevare valeret. Erectus autem a circumstantibus, tam cruribus quam ambabus contrahitur manibus. Quinta decima deinde die iterum absolutus, nec multo post humanis exemptus est rebus. Sed quis enarrare praevaleat, quot hic languentes pene quotidie pia dono salutis sumunt? quot febricitantes, quot salvantur energumeni? quis vel edicere pestes hic liberatis hominibus effugatas? Sed de innumerabilibus saltem pauca commemorasse sufficiat.
 

CHAPITRE VI.

Des miracles qui ont été opérés depuis dans cette église.

UN grand nombre de miracles ont été en divers temps opérés dans cette église par la grâce de Dieu, et à l'honneur de l'ineffable Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ; la plupart, ayant eu lieu avant nous, nous sont inconnus; mais nous croyons qu'il ne nous est pas permis de passer sous silence ceux que nous avons vus nous-mêmes, ou que nous avons entendu raconter aux personnes qui les avaient vus, quoique cependant nous les ayons déjà rédigés et mis en vers.

Une femme de la cité, nommée Altrude avait une fille unique toute petite, qu'elle nourrissait et qui devint aveugle pendant qu'elle tétait encore le sein de sa mère. Après avoir vainement essayé de tous les remèdes, et n'en obtenant aucun bien la pauvre mère s'avisa enfin d'avoir recours au souverain médecin, et pour s'adresser à lui elle ne crut pas pouvoir trouver parmi les saints de meilleur intercesseur que la sainte et unique Mère, dont elle était elle-même la servante fidèle. Elle fit donc préparer des cierges pour elle et pour sa fille, et s'en alla à l'église pour invoquer la bonté de la Reine des anges. Là, plaçant d'abord ses cierges sur les candélabres, puis se prosternant contre terre, elle répandit son cœur en oraison et ne présumant pas que ses prières seules suffiraient, elle supplia instamment les ministres de l'autel de l'aider de leurs prières. Comme elle pria avec dévotion et confiance, elle obtint que ses vœux fussent exaucés, et la vue fut rendue a son enfant; et depuis nous l'avons vue avec les saints ministres qui l'avaient aidée en prières, rendant grâces à Dieu et à sa très sainte Mère, et nous montrant sa fille parfaitement guérie et jouissant de la vue.

Un clerc de notre congrégation, nommé Hugues, noble de naissance, était depuis quelque temps tourmente d'un si violent mal de dents qu'il ne pouvait ni dormir ni rien prendre. Un bon vieillard auquel il racontait sa douleur, lui donna le conseil d'aller se prosterner devant l'autel de la sainte Mère de Dieu et d'implorer du fond du cœur son assistance; puis, quand sa prière serait finie, d'embrasser l'autel, et de poser à nu sur le marbre la joue malade; enfin, de s'en retourner plein de confiance en sa guérison, de se mettre au lit en se faisant bien couvrir, et d'essayer de dormir. Hugues, ayant accompli de point en point ce qui lui avait été ordonné, s'endormit. Or c'était le jour de la Nativité de Notre-Seigneur, et après les vêpres dites, les frères étaient au réfectoire où ils étaient, selon leur coutume, rassemblés pour se chauffer. Frère Hugues se vit, en dormant, debout au pied de l'escalier du réfectoire, et au haut de l'escalier, à la porte d'entrée, la bienheureuse mère de Dieu. D'autre part à gauche, sur le dernier degré, il vit l'esprit malin sous la figure d'un chirurgien. Ne doutant point que celle qu'il voyait ne fût la reine des cieux, sans craindre le perfide ennemi, il monta jusqu’à elle, et se jeta à ses pieds. Lors la Vierge le relevant, et lui passant la main sous le menton toucha la joue qui le faisait souffrir et le consola avec honte, lui disant qu'il ne l'avait point trouvée à l'église parce qu'elle était obligée de rester en ce lieu pour veiller à la garde des frères. Ce malin, ajouta-t-elle, que tu vois au bas des degrés, veut monter ici et venir troubler nos frères. Après ces paroles, elle lui commanda de s'en retourner, et d'avoir confiance, qu'il serait guéri. Mais comme il allait de nouveau se prosterner à ses pieds, elle le releva encore, et il ne put embrasser due la robe de pourpre dont elle était vêtue; et à ce moment il s'éveilla, et demanda à manger. Les domestiques étonnés, et croyant qu'il avait le délire, en le voyant si vivement demander à manger, commencèrent à s'inquiéter; mais lui leur assura qu'il venait d'être guéri par la bienheureuse Mère de Dieu, et qu'il n'était ni malade ni fou. Subitement ainsi rendu santé, on l'a souvent entendu affirmer hardiment qu'il ne serait jamais attaqué du mal de dents, puisqu'il avait été guéri par une si puissante reine; et en effet, jamais depuis, quoiqu'il ait vécu longues années après, il n'a senti la moindre atteinte.

Everard, clerc et diacre du même Hugues, était agité d'une fièvre violente. Un jour épuisé de fatigue et de souffrance, il se reposait dans la chapelle de Saint-Rémi, qui est sous l'église de Notre-Dame, pendant qu'on y célébrait le mystère de la messe. Après l'accès, le sommeille prit, comme il arrive à tous ceux qui ont la fièvre; et voilà que tout-à-coup il aperçoit auprès de lui la bienheureuse Mère de Dieu la voit passer en lui mettant la main sur la tête, et se retirer derrière l'autel. Aussitôt il ouvre les yeux, se lève, et comme la messe finissait il se trouve guéri, et répond amen; puis s'acquitte avec diligence de son ministère. Au moment où la vierge miraculeuse le toucha, il sentit sa tête doucement baignée, comme si on venait d'y répandre quelque parfum ce que nous avons aussi admiré nous-même, qui le vîmes ce jour-là même gai et bien portant, et prenant sa réfection avec nous.

Nous avons vu à différentes époques trois boiteux frappés de paralysie aux genoux et qui ne pouvaient faire un pas, recevoir leur guérison dans cette même église l'un sous l'épiscopat de notre seigneur Hérivée, qui avait été apporté à bras, et s'en retourna de son pied; le second, sous l'épiscopat de Séulphe, nommé Maganère et Breton de naissance, boiteux des deux genoux, et ne marchant qu'à l'aide de béquilles, qui vivait parmi nous des aumônes des fidèles, depuis près d'un an. Le jour de la fête de tous les saints nous chantions matines il était à terre au milieu du peuple tout-à-coup les nerfs de ses genoux se détendirent si vivement que les courroies qui lui tenaient les jambes attachées aux cuisses se rompirent, et la peau s'étant déchirée, le sang jaillit en abondance; aussitôt se levant, il se mit à marcher au milieu du peuple étonné, et depuis il a toujours continué. Le troisième, sous l’épiscopat d'Artaud, fut guéri pendant que ce prélat célébrait la sainte messe à la solennité du jour où l'archange Gabriel descendit du ciel pour annoncer à la sainte Vierge son enfantement miraculeux. Ce pauvre et misérable boiteux se tenait avec peine sur le marbre du pavé, quand tout-à-coup il sentit ses nerfs se détendre ; après avoir mesuré la terre de son corps, il se releva, se prit à marcher, et par sa guérison, augmenta l'allégresse du peuple: il existe encore parmi nous, et vit des aumônes de l'évêque.

Enfin, un paysan nommé Gerlay, serf de Notre-Dame, venant un jour en ville, entra dans cette église pour faire sa prière. Pendant qu'il priait, il fut tout-à-coup frappé de langueur, et paralysé de presque tous ses membres. Dans ce triste état, il promit de rester en cette sainte église, et d'y servir tant qu'il vivrait, s'il recouvrait l'usage de ses membres. En effet, un mois après, il se trouva libre et dispos, et fut admis au nombre des serviteurs de l'église pendant cinq ans, il servit plein de force et de santé, soit à Notre-Dame, soit à l'église de Saint-Denis hors de la cité; mais après ce temps, précisément le même jour que celui de son accident, le jour de la Purification étant entré à Notre-Dame, et s'étant mis à prier, ses membres se roidirent de nouveau et il demeura étendu sur le pavé du temple sans pouvoir ouvrir la bouche, ni faire le moindre mouvement. Les assistants le relevèrent, mais il avait perdu l'usage des bras et des jambes. Quinze jours après il fut de nouveau guéri et rendu libre, et mourut quelque temps après. Mais qui pourrait dire combien de malades sont journellement guéris en ce saint lieu? combien de fiévreux, combien de possédés, combien d'affligés de toute espèce de maladies? Qu'il nous suffise, entre tant de miracles, du petit nombre que nous venons de raconter.

CAPUT VII.

De visione cujusdam Gerhardi presbyteri.

Presbyter quidam de pago Porcensi, Gerhardus nomine, in quamdam dudum deciderat valetudinem, ita ut veneno potatus esse crederetur. In qua valetudine sanctorum nonnullis consolatus est visitationibus, beati scilicet Petri apostoli, qui suam ei, quam regebat, praecepit etiam bis, ut restaurare studeret ecclesiam, atque redarguit per visa, cur toties medicos salutis suae requisierit causa. Sanctum quoque Remigium postea sibi videt assistere, suam illi pandendo personam, et aegritudinis hujus remedia pollicentem. Qui mox urbem Remensem adiens, dum perlustratis orationis gratia beatae Dei Genitricis, ac sancti Remigii basilicis, in vico noctu requiesceret, ipsius beati Remigii videt se deductum in templum quoddam splendidissimum, ad quod beatissimam contuetur virginem Mariam properantem, sancto Remigio, sanctoque Martino ab utroque latere stipantibus eam. In ipso vero templo multitudo Levitici ordinis atque sacerdotalis dignitatis eam exspectabat, et diacones induti dalmaticis, quidam cum palmis, quidam sine ipsis astabant. Caeterorum quoque sanctorum plurimus hic ordo videbatur. Idem vero presbyter nullius specialiter cognoscebat vultum, praeter beati Petri, qui sibi jam pridem fuerat revelatus. At postquam beata Dei Genitrix ad praedictum templum pervenit, ubi ejus adventum hic frater se praestolari videbat, requirere coepit, quis ille esset, aut quid quaereret? Cui beatus Remigius: Famulus, inquit, meus est, domina, quaerens a tua pietate salutis remedia. Quid autem ipsa responderit, iste, ut retulit, audire non potuit. Velum vero quoddam appensum ibidem videbatur; post quod ubi ipsa intravit, splendidius hanc sole lumen ab oculis ejus suscepit, ita ut in id, prae splendoris magnitudine, intendere minime potuerit. Post aliquot denique dies apparuit illi beatus Martinus, missumque se a sancto Remigio ad eumdem testatus est, asserens etiam illi donatam vitam, concessamque medicinam. Restitit tamen postea huic dubietas aliqua de beatae Dei Genitricis persona, quoniam nomen ipsius in visione revelatum non audierat. Sed precabatur assidue, ut Dominus sibi monstrare dignaretur utrum ipsa fuisset, quam viderat, Dei genitrix virgo Maria. Contigit autem illi post sex fere menses, ut subito, dum noctu quiesceret, gravi premeretur aegritudine, adeo ut desperaret ulterius se posse vivere. Et dum valde anxiaretur, appensis supra se beatae Mariae pignoribus, hujusmodi coepit effundere preces: O beata Dei Genitrix, cujus hic dependent pignora, si revera, ut credimus, de te nobis hae superappensae habentur reliquiae, et si vere de te visio est quam nuper vidi; si tu es illa domina, quam ad illud mirabile templum sanctus Martinus, et almus Remigius comitabantur euntem, ubi te clarissimus sanctorum coetus exspectans, aspiciente me, laetanter excepit, fer opem mihi indigno famulo tuo, et tam diu impetra mihi vitam atque virtutem, ut missae mysteria Domino celebrem, et munera vitae corporis Christi sumere merear; vosque, beati pontifices Christi, quos cum eadem comitari conspexi, adjuvate me apud ipsam, qui me vestro piissimo consolari dignari fuistis alloquio. Interea inter angores precesque vix levis obrepsit somnus, cum subito sub eodem vultu habituque, quo prius eamdem aspexerat, beatissima se videndam praebuit regina, eisdem columnis innixa, quibus et antea inniti fuerat visa, luce coruscans clarissima. At ille tanto tremefactus splendore, nihilque fari ausus, luminibus in terram demissis videbatur stupefactus haerere. Quem beatus compellans Remigius: Quid, inquit, nos huc advocasti? Nonne vides dominam nostram Dei Genitricem te confortare paratam? quid dubitans tardas accedere ad illam? His dictis tremor abscedit, allevatur animus, elevansque oculos vires recepit, et ante pedes beatissimae Dominae frater ille corruisse se vidit. Quem manu ipsa levare dignata, fronti signum crucis imponit, et talia prosequitur: Ne timeas, neque desperes: confide in Domino quia percipies donum ab ipso salutis, signumque pulsare jube ut sacra mysteria celebres, et gratias Deo referas, eum collaudans qui te post verbera sanat. Hic dictis, ab ejus recessit visibus, suis stipata comitibus. Sicque mox frater idem collata sibi salute laetus exsurgit, et ad explenda jussa festinans, ita sanus et alacer effectus est, ut nunquam alacrior esse potuerit. Haec ut eodem presbytero narrante didicimus, ita describere quoque dignum rati sumus.
 

CHAPITRE VII.

De la vision du prêtre Gerhard.

UN prêtre du district de Portian, nommé Gerhard, était depuis si longtemps malade qu'on le croyait empoisonné. Pendant sa maladie il fut consolé et honoré de la visite de quelques saints. Deux fois l'apôtre saint Pierre lui apparut et lui recommanda de faire réparer l'église qui porte son nom et dont Gerhard était pasteur, et lui reprocha d'avoir si souvent recours aux médecins pour le rétablissement de sa santé. Une autre fois il vit saint Rémi qui se présentait à lui, et lui promettait guérison. Etant donc allé à Reims, après avoir visité les basiliques de Notre-Dame et de Saint-Rémi, il s'arrêta pour passer la nuit au bourg de Saint-Rémi. Advint qu'en dormant, il se vit transporté dans un temple magnifique où la bienheureuse vierge Marie se rendait accompagnée, de saint Rémi et de saint Martin. Dans l'église une multitude de prêtres et de lévites attendaient la Reine des anges, les diacres revêtus de dalmatiques, les uns tenant des palmes en les autres sans palmes. On y voyait aussi une longue file de saints de tous les rangs. Gerhard ne reconnut aucun d'eux, excepte saint Pierre, qui lui était déjà apparu auparavant. Quand la sainte Mère de Dieu entra dans l'église, où Gerhard l'attendait, elle demanda qui il était, et ce qu'il voulait. C'est un de mes serviteurs qui vous demande guérison, reine toute-puissante, dit saint Rémi. Selon ce que raconte Gerhard, il ne put entendre ce qu'elle répondit. Mais il y avait un grand voile tendu derrière lequel la vierge se retira et à peine se fut-elle placée derrière qu'il se répandit a l'entour une lumière plus éclatante que le soleil, et dont l'éclat éblouissant ne permettait pas aux yeux de se fixer sur cet endroit. Quelques jours après saint Martin lui apparut, et lui dit qu'il venait de la part de saint Rémi lui annoncer qu'il conserverait la vie et que sa guérison lui était accordée. Cependant il lui restait quelque doute si c'était bien la vierge Marie qu'il avait vue, parce qu'il n'avait point entendu prononcer son nom. Il priait donc continuellement le Seigneur qu'il daignât lui révéler si celle qu'il avait vue était bien la Mère de Dieu. Six mois après, une nuit, pendant qu'il dormait, il fut saisi d'une attaque si violente qu'il désespéra de sa vie. Dans ces angoisses, il lui prit idée de poser sur lui quelques reliques de la Vierge, et de prononcer cette prière. O bienheureuse Mère de Dieu, dont je porte en ce moment les reliques, si, comme je le crois, ces reliques sont vraiment les vôtres; si la vision que j'ai eue naguère vient de vous; si vous êtes la dame qui allait à ce temple magnifique, accompagnée de saint Martin et de saint Rémi, et que j'ai vu recevoir avec ci tant d'allégresse par ce chœur brillant de saints qui vous attendaient, prêtez secours à votre serviteur r indigne, rendez-moi vie et santé, afin que je puisse célébrer la messe, et recevoir les fruits de vie en recevant le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ; et vous, saints pontifes de Jésus-Christ, que j'ai vu accompagner sa sainte Mère, soyez mes intercesseurs auprès d'elle, vous qui avez daigne me visiter et me consoler. Cependant un léger sommeil l'assoupit au milieu de ses prières et de ses souffrances, et tout-à-coup la bienheureuse Reine lui apparut sous les mêmes traits et avec le même vêtement qu'il avait vus la première fois, environnée du même cortège et toute brillante de lumière. Ébloui et effrayé de tant d'éclat, il n’osait parler, et les yeux baissés vers la terre il semblait frappé de stupeur. Lors saint Rémi lui adressant la parole : Ne vois-tu pas que la vierge Mère de Dieu, Notre-Dame, est disposée à te secourir? pourquoi hésites-tu à t'approcher d'elle? Ces paroles dissipèrent ses craintes levant les yeux, et prenant courage, il se précipita aux pieds de la bienheureuse Mère de Dieu, laquelle le relevant avec bonté, et imprimant sur son front le signe de la croix, ajouta ces paroles: Sois sans crainte, ne désespère pas, confie-toi au Seigneur, car de lui tu recevras santé. Fais sonner la messe, afin que tu célèbres le a saint sacrifice, et que tu rendes grâces a Dieu, qui te guérit après t'avoir châtié. A ces mots, elle disparut avec sa suite; et aussitôt le prêtre se trouva guéri et se leva plein de joie pour accomplir ce qui lui avait été ordonné; et depuis il a joui de la santé la plus parfaite dont un homme puisse jouir. Nous tenons de Gerhard lui-même ce récit, et nous avons cru à propos de l'écrire tel qu'il nous l'a raconté.

CAPUT VIII.

De aliis quibusdam miraculis.

Haec inclyta coeli regina, ut subvenire solet humili se corde petentibus, sic in praesumptores vel contemptores ultionis nonnunquam poenas exerit. Quod pie quoque fieri credimus, ut hic in praesenti delinquentibus digna ingerantur verbera, ne in futuro graviora eos excrucient tormenta. Quod autem modo dicturus sum non ipse vidi, sed multorum relatu Patrum narrari frequenter audivi. Quidam ex clericis nostrae congregationis, Bernardus nomine, custos hujus erat ecclesiae; qui petitus a quibusdam levibus personis (ut ipse post scripto monstravit) quatenus ipsis quaedam sanctorum dedisset pignora, dum quadam die cum quodam puero hic solus esset in templo, correpta quadam pixide, in qua sanctorum continebantur reliquiae, ausu temerario praesumpsit aperire. Quo facto nimio pavore concutitur, et nebula locus totus magna repletur, talique vallatur horrore, ut non putaret se amplius vivere. Sicque perdita voce, tam ipse quam puer qui secum erat, ultra loqui nec ea quae viderant fari potuerunt.

Quidam quoque custos hujus ecclesiae, ut ipse nobis narravit, dum die aliqua post matutinales laudes in ecclesia requiescere vellet, arripiens templi tapetia, lectum sibi ex his stravit, ibique sese somno dedit. Et ecce matrona quaedam sub habitu senili eidem apparuit, quae herbas quasdam secum videbatur deferre. Haec primo quidem blandis eum coepit affari sermonibus. Ubi vero sacra sub eo contemplatur tapetia, taliter infit, eum mutato quoque vultu terrens, aggressa. Et tu dominae sanctae Dei Genitricis ausus es violare ac pedibus sacra superbe conculcare ornamenta, nec tantam timuisti dominam? Modo quidem parcam; nunquam tamen ultra praesumas talia. Exemplumque dedit illi de quodam, qui sic sibi lectum solebat sternere, quem novimus olim aerumnis affectum in pauperrimo quoque stratu obiisse. Ita deterritus surgit propriamque culpam confessus, scamnis tapetia reddit, et Dominum super hac correptione sua ejusque collaudat Genitricem. Hanc autem dominam quae se visitaverat non agnovit; a beata Maria tamen fuisse credimus missam. Novimus etiam quosdam devotos, atque promissos a parentibus in hac ecclesia fore Christo, ejusque Genitrici servituros. Quod votum dum vellent postea mutare parentes, prolis sunt coacti languore suam promissionem adimplere.

Dudum cum agricolae urbi vicini post Pascha, solito de more, hanc petissent urbem hujus admirabilis dominae requirendo suffragia suaque vota ferendo, quaedam villae consueta quaerere neglexere praesidia. Quarum messes cum jam tempus instaret metendi, tanta tempestatis sunt attritae grandine, ut pene omnia eorum perierint sata; vineae quoque, adustis fractisque pampinis, uvarum amiserint fructum.

Eorum vero fines qui se hujus piissimae dominatricis muniere subsidiis, neque tangere nedum intrare grando praesumpsit. Sicque deinceps tam hi, quam caeteri quique contigui, promptius libentiusque annuatim ejusdem dominae nostrae, sancti quoque Remigii, caeterorumque sanctorum hanc Remensem adeuntes urbem, consueverunt expetere patrocinia.
 

CHAPITRE VIII.

De quelques autres miracles.

Si cette glorieuse reine du ciel aime à secourir ceux qui la prient avec humilité, de cœur elle se plaît aussi quelquefois à tirer vengeance des présomptueux et des arrogants; ce que nous croyons encore un acte de sa bonté car si les coupables souffrent en ce monde des peines proportionnées à leurs fautes, c'est pour leur en éviter de plus terribles en l'autre. Je n'ai pas vu moi-même ce que je vais raconter, mais je l'ai souvent entendu dire à plusieurs de nos anciens. Un clerc de notre congrégation, nommé Bernard, était gardien de l'église de Notre-Dame des gens de peu de sens (comme il l'a lui-même écrit) le prièrent de leur donner quelques reliques de saints. Un jour donc qu'il était seul dans le temple avec un enfant il prit une boîte où il y avait des reliques, et porta la témérité jusqu'à l'ouvrir. Mais à peine fut-elle ouverte qu'une obscurité profonde se répandit dans l'église; l'horreur le saisit, et il fut si frappe de terreur qu'il crut qu'il allait mourir. Et en effet, lui et l'enfant qui était avec lui perdirent la parole, et ne purent jamais raconter ce qu'ils avaient vu.

Un autre gardien de la même église nous a raconte à nous-même qu'un jour après matines, voulant se reposer dans l'église, il osa prendre les tapis du temple, s'en fit une espèce de lit, s'y coucha et s'endormit. Pendant son sommeil, une dame lui apparut, ayant l'air déjà vieille, et portant des herbes en sa main. D'abord elle lui paria avec douceur et bonté; mais quand elle aperçut les tapis sous lui, changeant tout-à-coup de visage, elle lui adressa ces paroles sévères Comment! tu as osé fouler superbement aux pieds et souiller les sacrés ornements de la sainte Mère de Dieu, et tu n'as pas craint cette reine puissante! Pour cette fois je te pardonne; mais garde-toi de recommencer jamais. Et elle lui cita l'exemple d'un autre qui avait l'habitude de se faire ainsi un lit avec les tapis sacrés, et que nous avons vu depuis réduit à la plus extrême pauvreté, mourir sur un misérable grabat. Le prêtre se réveilla tout effrayé et confessant sa faute alla remettre les tapis sur les bancs, et remercia Dieu et sa sainte Mère de la réprimande. Il ne reconnut point la dame qui lui avait apparu mais nous croyons qu'elle lui fut envoyée par la sainte Vierge. Nous avons connu des enfants que leurs parents avaient voués au Seigneur, et consacrés à son service en cette église, et quand les parents ont voulu changer leur vœu les enfants sont tombés en telle langueur qu'ils ont été forcés de tenir leur promesse.

Il fut un temps où les paysans des environs de la ville venaient chaque année après Pâques, implorer la protection de Notre-Dame, et apporter leurs vœux et offrandes. Une année, quelques villages négligèrent de remplir ce devoir. Aussi, presque au moment de les recueillir, leurs moissons furent battues de la grêle et de l'orage, et périrent presque en entier; leurs vignes furent brûlées, et perdirent leurs fruits.

Au contraire, la grêle respecta et n'osa franchir les limites de ceux qui s'étaient assure la protection de la sainte et clémente Reine. Et depuis ce temps, ceux-ci, aussi bien que leurs voisins se sont montrés plus dévots et plus prompts à venir chaque année visiter la cité de Reims, et implorer l'assistance de la sainte Vierge de saint Rémi et des autres saints.

CAPUT IX.

De secunda beati Remigii corporis translatione.

Praefatus denique praesul Hincmarus cryptam praeclari operis ad pedes S. Remigii construxit, et corpus ejusdem beatissimi patroni de loco cryptae prioris, una cum sepulcro ipsius in eadem, collectis Remensis dioeceseos episcopis, ut jam superius dictum est, transtulit: et ante ipsius sepulcrum opus egregium auro edidit, gemmisque distinxit, fenestram inibi, unde sancti sepulcrum videretur, fecit, et circa ipsam fenestellam hos versiculos indidit:

Hoc tibi, Remigi, fabricavit magne sepulcrum
Hincmarus praesul ductus amore tuo.
Ut requiem Dominus tribuat mihi, sancte, precatu
Et dignis meritis, mi venerande, tuis.

Evangelium aureis litteris insignivit, ac parietibus aureis, gemmarumque nitore distinctis munivit, versibus etiam auro inlitis praetitulavit. Sed et crucem majorem cooperuit auro, gemmisque decoravit. Librum quoque sacramentorum sub eburneis tabulis, argento praesignitis; sed et lectionarium ad missas librum, pari decore venustatum, ibidem contulit, aliosque libros et ornamenta nonnulla eidem venerabili loco delegavit.

De corpore autem ipsius beatissimi Remigii non est ausus aliquid sumere, sicut ipse quoque testatur in epistola ad Ludovicum regem Transihenensem, qui id sibi ab eo petebat muneris. Sed hic pontifex pro maxima praesumptione meriti se duxisse, corpus ejus, quod Dominus per tanta tempora integrum conservaverat, disrumpere.
 

CHAPITRE IX.

De la seconde translation du corps de saint Rémi.

L'évêque Hincmar fit aussi construire aux pieds de saint Rémi une chapelle d'un riche et beau travail ; et, levant de son premier sépulcre le corps de ce grand saint avec sa châsse il le transféra dans ce nouvel asile, assisté de tous les évêques de la province, exprès convoqués, ainsi que nous l'avons déjà raconté. Il fit faire aussi, pour orner le devant de la chapelle, un ouvrage d'or exquis et enrichi de pierreries, fit ouvrir une fenêtre par laquelle on pût voir la châsse du saint, et à l’entour fit graver les vers suivants

 Grand Rémi, l’évêque Hincmar, plein d'amour pour toi, t'a fait élever ce tombeau, afin que le Seigneur, ô mon vénérable maître, m'accorde le redos en l'honneur de tes mérites et de tes prières.[1]

Il fit présent à l'église d'un Évangile écrit en lettres d'or, parsemé de pierreries, et orné d'une inscription en vers aussi écrite en or; d'une grande croix garnie d'or et de pierres précieuses d'un livre des sacrements à couverture d'ivoire revêtue en argent; d'un lectionnaire pour la messe embelli et paré de la même manière enfin de plusieurs autres livres et ornements.

Mais il n'osa rien prendre des reliques de saint Rémi, comme lui-même le témoigne dans une lettre adressée au roi Louis d'outre-Rhin qui en demandait quelques portions. Le prélat assure qu'il croirait se rendre coupable de la plus grande témérité s'il osait détacher quelque partie du corps que le Seigneur s'était plu à conserver entier et intact.

CAPUT X.

De pallii quotidiani usus a Romanae sedis praesule perceptione, et rebus ecclesiae sub eo concessis.

Hic denique venerabilis praesul Hincmarus, pro suae sanctitatis ac sapientiae reverentia, per interventionem Lotharii imperatoris pallium ad quotidianum suscepit usum a quarto Leone papa, a quo jam aliud perceperat in designatis sibi solemnitatibus debite fruendum. Quem quotidianum pallii usum nulli unquam archiepiscopo se concessisse, vel deinceps concessurum esse, idem papa in epistola tunc ad eum directa testatur. Scripsit autem praefatus pontifex ad eumdem papam Leonem sexies, ut ipse in quadam ad eumdem asserit epistola, vel septies, sua dirigens ad eum scripta. In hac vero epistola de his, quos temeritas chorepiscopalis ordinare, vel quod Spiritum sanctum consignando tradere praesumebat, requisivit. Et quod terrena potestas hac materia saepe offenderet, ut videlicet episcopo quolibet defuncto, per chorepiscopum solis pontificibus debitum ministerium perageretur, et res ac facultates ecclesiae saecularium usibus expenderentur, sicut et in nostra ecclesia jam secundo actum fuisset. Item de his, quos domnus Ebo post depositionem suam ordinaverat. In alia quoque epistola scribit de quodam Fulcrico, imperatoris Lotharii vassallo, de quo etiam pridem ei significaverat, pro quo ecclesiae nonnullae per hoc regnum maximum patiebantur impedimentum, qui uxore sua dimissa, postquam excommunicatus ab eo proinde fuerat, aliam insuper ducere praesumpsit uxorem. Item in eadem de privilegiis hujus Remensis ecclesiae, quae habuit ab initio, quo privilegia sedes habere coeperunt; et quia Remorum episcopus primas inter primates semper, et unus de primis Galliae primatibus exstitit, nec alium se potiorem, praeter apostolicum praesulem, habuit; ut scilicet ea, quae tanto tempore ab antecessoribus ipsius huic sedi sunt concessa et conservata, conservare et augmentare dignetur. Ab imperatore quoque Lothario praeceptionis imperialis auctoritatem super quibusdam rebus conjacentibus in his locis, Meuravallis, Termedo, Roserolis obtinuit, quae tempore Karoli imperatoris, occasione quadam interveniente, a Remensi sunt abstractae ecclesia, et publicis usibus subactae, quas hic Lotharius imperator ad partem sanctae Mariae ac sancti Remigii sua restituit auctoritate. Qui Lotharius imperator nonnullis hunc praesulem Hincmarum apud Leonem papam honorifice commendasse reperitur episcopis atque legatis. Sed et quando Romam petere idem pontifex disposuerat, epistolam suam idem imperator pro eo praemittens, suggessit praefato papae, ut ipsum decenter amabiliterque susciperet, et quidquid ab eo postulasset, libenter ei, liberaliterque tribueret. Item aliam pro synodalibus diffinitionibus, de ordinatis ab Ebone post suam depositionem, a sede apostolica confirmandis, et quibusdam privilegiis eidem Hincmaro, sedique Remensi concedendis; et quia illam volentem Romam proficisci, tam ipse, quam frater suus Karolus rex Franciae, quando valde necessarius eis erat ad sopiendas quae tunc exortae fuerant perturbationes, retinerent. In qua epistola commemorat, quod in hac sede Remensi beati Sixti primi ejusdem episcopi, et apostolorum discipuli, praedecessores ipsius papae, Stephanus Pippino, et Leo Karolo magno, apostolica contulerint munia. Alius quoque Stephanus Ludovicum Augustum in eadem sede imperiali diademate coronaverit. Ad hoc denique obtinendum, quod pro praedicto praesule petebat, idem Lotharius Petrum Spoletinum episcopum, mandatis super hac re per semet instructum, exsecutorem direxerat, et alium Petrum Aretinum episcopum litteris exinde commonuerat, aliosque quosdam tam suos, quam praemissi papae fideles ad id peragendum destinaverat. Eidem Lothario imperatori scribit praefatus praesul Hincmarus de Fulcrico ejus vassallo, quem excommunicaverat, qualiter ad poenitentiam venire debeat; item, aliam epistolam in qua continentur culpae ipsius Fulcrici, et quomodo eum rationabiliter excommunicaverit, quia noluerit ad poenitentiam venire; item, aliam, in qua valde collaudat eum, congaudens ejus humilitati, quod ipsius obaudierit monitis super praefato excommunicato, absolvitque eum id humiliter deprecantem, pro participatione quam habuerat cum ipso. Item postquam convaluerat idem imperator de infirmitate sua. In qua epistola eum satis episcopaliter, licet succincte, de salute admonet animae. Et alia nonnulla eidem scripsit.

A Karolo denique rege suo hic praesul Hincmarus cellam in honore sancti Martini, in municipio Vongo constructam, cum omnibus ad eamdem cellam juste pertinentibus, ad partem Remensis Ecclesiae reimpetravit, ac per auctoritatis ipsius praeceptum recepit. Ad ipsius suggestionem dedit idem Karolus rex ecclesiae sancti Remigii, vel monachis ibidem servientibus, Deo res quasdam; hoc est in pago Pertinse, in villa Baildronis curte mansa duo, et in Dodelini monte mansa duo, atque in Waldonis curte mansa duo cum mancipiis, et omnibus ad easdem res legaliter aspicientibus. Praeceptum quoque ipsius Karoli de via, quae impediebat ad claustrum canonicorum sanctae Remensis ecclesiae amplificandum (quoniam et numerum eorumdem canonicorum augmentaverat) idem domnus Hincmarus obtinuit. Res praeterea quasdam quae ab hoc rege dudum fuerant episcopio subtractae, ecclesiae redintegrari laboravit; id est, villam Noviliacum, quam Karlomannus ad ecclesiam sancti Remigii pro animae suae dedit remedio, tam ipsam villam quam res et mancipia, quae diversi homines dono regis retinebant, ad eamdem pertinentia. Item, res aliquas in Culmiciaco et Bairaco sitas; item, res super fluvium Rotomnam, et in aliis nonnullis locis conjacentes; itemque a rege Ludovico Transrhenensi praeceptum restitutionis accepit super quibusdam rebus sancto Remigio quondam legatis: hoc est in pago Wormacensi Scavenheim cum omnibus ad se pertinentibus, Cossa et Gleni in saltu Vosago. In Thuringia quoque et Austria, in loco qui dicitur Schonerunstat, et in Helisleba, cum omnibus ibidem aspicientibus. Res quoque nonnullas, juraque ecclesiae ac mancipia legibus per advocatos evindicata recepisse reperitur. Res etiam nonnullas episcopii, terras scilicet atque mancipia, cum diversis personis, ad incrementum ecclesiae, pro partium opportunitate commutavit. Sed et praecepta regalia super pluribus earum rerum commutationibus obtinere curavit. Canonicis quoque hujus Remensis ecclesiae hospitale constituit ad susceptionem peregrinorum, vel pauperum congruis ad id rebus deputatis, cum consensu coepiscoporum Remensis dioeceseos, atque subscriptionibus eorumdem, ea conditione, ut nullo unquam tempore quilibet episcopus, vel quaelibet persona easdem res cuiquam in beneficium dare, vel in alios usus quocunque modo abstrahere praesumat, neque aliquem censum vel redhibitionem exinde accipiat, sed totum quidquid ex ipsis rebus juste acquiri potuerit, in usus pauperum atque canonicorum, secundum modum descriptum in privilegio, et a caeteris episcopis confirmato, expendatur. Super hoc quoque constituto regiae auctoritatis praeceptum a Karolo rege fieri atque firmari obtinuit. Res praeterea et villas episcopii pene omnes ordinatis rationabiliter coloniis describi fecit.

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CHAPITRE X.

Hincmar reçoit de l'évêque de Rome l'autorisation de se servir ordinairement du pallium. Concessions faites à l'église sons son épiscopat.

EN récompense de sa sainteté et de sa sagesse, et par l'intervention de l'empereur Lothaire, le vénérable évêque Hincmar reçut du pape Léon IV, un nouveau pallium avec autorisation d'en user ordinairement, comme auparavant le même pontife lui en avait envoyé un dont il ne pouvait user qu'à des jours de fête prescrits et détermines. Dans la lettre qu'il lui adresse à ce sujet, le pontife affirme qu'il n'a accorde à aucun archevêque avant lui l'usage ordinaire et quotidien du pallium et qu'il ne l’accordera à aucun désormais. Hincmar a écrit six ou sept fois au pape Léon, ainsi qu'il le dit dans une de ses lettres au même pontife. Dans cette lettre, il dénonce au souverain pontife la témérité des chorévêques qui se permettent de faire des ordinations et se flattent de transmettre le Saint-Esprit il se plaint des torts que la puissance terrestre fait ainsi souffrir à l'Église, parce que lorsqu'un évêque vient à mourir on fait remplir par les chorévêques le ministère qui n'est permis qu'aux seuls évêques et l'on détourne les biens et les richesses de l'Église à l'usage des mondains, comme cela était déjà arrivé à notre église. Il parle aussi de ceux qu'Ebbon avait ordonnés après sa déposition. Dans une autre lettre, il se plaint d'un certain Fulcric vassal de l'empereur Lothaire qu'il avait déjà signalé au pape comme troublant et persécutant plusieurs églises du royaume; et qui après avoir été excommunié pour avoir renvoyé son épouse, avait osé en prendre une seconde. Il parle des privilèges dont a joui l'église de Reims dès les premiers temps où les églises ont commence à en obtenir; il rappelle que l'évêque de Reims a toujours été au premier rang entre les primats, et l'un des premiers primats des Gaules qu'il n'a jamais reconnu d'autre supérieur que l'évêque de Rome en conséquence il supplie le pontife de maintenir et augmenter les privilèges qui de temps immémorial ont été octroyés et conservés au siège de Reims par les papes ses prédécesseurs. Hincmar obtint aussi de l'empereur Lothaire une ordonnance au sujet de quelques biens situés aux lieux de Mirvaulx, de Termedo, de Roseroles,[2] qui au temps de l'empereur Charles avaient été, je ne sais à quelle occasion, enlevés à l'église de Reims, et donnés au fisc, et que par cette ordonnance l'empereur Lothaire restitua au domaine de Notre-Dame et de Saint-Rémi. Le même empereur recommanda plusieurs fois honorablement au pape Léon l'évêque Hincmar, soit par lettres, soit par messagers; et quand ce prélat se disposa à aller à Rome, l'empereur l'annonça par une lettre au souverain pontife, le priant de le recevoir honorablement et avec bienveillance, et de lui accorder libéralement tout ce qu'il demanderait. Dans une autre lettre au sujet des décisions synodales, Lothaire demande au pape confirmation de ceux qui ont été ordonnés par Ebbon après sa déposition, et concession de quelques privilèges à Hincmar et au siège de Reims; il dit que son frère Charles, roi de France, et lui n'ont pas voulu laisser partir Hincmar pour Rome, parce qu'il leur était trop nécessaire pour étouffer les troubles qui s'étaient élevés en ce temps. Dans cette lettre l'empereur dit que c'est dans cette église de Reims, qui eut pour premier évêque saint Sixte que deux papes, ses prédécesseurs et disciples des apôtres, Étienne et Léon, ont conféré l'onction apostolique à Pépin et à Charlemagne, qu'un autre Étienne a proclamé le roi Louis, Auguste et a placé sur sa tête le diadème impérial. Outre ces recommandations afin d'obtenir ce qu'il demandait pour Hincmar, l'empereur avait envoyé à Rome Pierre, évêque de Spolette, chargé de ses instructions, et avait écrit à un autre Pierre, évêque d'Arezzo, ainsi qu'à quelques autres également attachés au pape Léon et à lui pour leur recommande) le succès de cette affaire. Hincmar écrivit aussi trois lettres à l'empereur Lothaire au sujet de ce Fulcric qu'il avait excommunié dans la première, il expose par quels moyens il doit faire pénitence, dans la seconde, il raconte les fautes de Fulcric, et prouve qu'il a eu raison de l'excommunier puisqu'il a refusé de faire pénitence; dans la troisième, il le félicite de son humilité, le loue beaucoup d'avoir écouté ses conseils, et obéi à ses instructions contre ce vassal excommunié, et lui accorde l'absolution qu'il avait humblement demandée pour les communications qu'il avait eues avec le coupable. Hincmar écrivit a l'empereur Lothaire sur sa convalescence au sortir d'une maladie; et dans cette lettre il lui parle de son salut avec l'autorité d'un évêque, quoiqu'en peu de mots et avec réserve. Enfin il lui a écrit encore en différentes occasions.

Hincmar obtint du roi Charles la restitution à l'église de Reims d'une chapelle dédiée à saint Martin, au bourg de Vouzy avec toutes ses dépendances, et la fit confirmer par une ordonnancé royale. A sa sollicitation, Charles donna quelques biens à l'abbaye de Saint-Rémi et aux moines qui y servaient le Seigneur, savoir au pays de Portian, au village de Baudricourt, deux manses; à Mont-Dodelin deux manses; à Vaudoncourt, deux manses avec leurs serfs et toutes leurs dépendances. Il obtint encore du même roi une ordonnance touchant la voie publique qui empêchait de faire les agrandissements nécessaires au cloître des chanoines de Saint-Rémi, dont il avait augmenté le nombre. Il fit rendre à l'évêché des biens qui depuis longtemps lui avaient été enlevés, entre autres le village de Neuilly, que Carloman avait donné à l'église de Saint-Rémi pour le salut de son âme, et dont divers personnages s'étaient partagé, avec l'autorisation du roi, les habitations et les serfs quelques biens situés à Chermisy et Baisiu; d'autres sur la rivière de Retourne et autres lieux voisins. Le roi Louis d'outre-Rhin lui accorda pareillement restitution de quelques propriétés qui avaient été autrefois données à Saint-Rémi, savoir: au pays de Worms Stadtenheim et ses dépendances Cosle et Gleni dans la forêt des Vosges en Thuringe et en Austrasie, le lieu nommé Schonerunstadt, et celui d'Eisleben avec toutes ses dépendances. Il se fit aussi rendre par justice des biens, des droits et des serfs dont l'évêché avait été dépouillé il fit avec diverses personnes des échanges utiles aux deux parties et eut soin de les faire confirmer par des lettres du roi. Il fit bâtir pour les chanoines de l'église de Reims un hôpital pour recevoir les étrangers et les pauvres, et assura tout ce qui était nécessaire à son entretien avec le consentement des évêques de la province, et leur déclaration signée, à condition que jamais nul évêque ou autre personne ne pourrait donner à qui que ce fût les biens de l'hôpital à titre de bénéfice, ou les détourner à un autre usage; qu'il ne fût prélevé sur ces biens aucune charge ou redevance et que tout ce qui en pourrait justement revenir fût consacré aux besoins des chanoines et des pauvres, selon le mode prescrit dans le privilège accordé et confirmé par lui et les autres évêques. Il eut soin de faire confirmer cette fondation par le roi Charles. Enfin il soumit a une nouvelle circonscription presque tous les biens et villages de l'évêché et en distribua les colons d'une manière raisonnable.

 

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[1] Hoc tibi, Remigi, fabricavit magne sepulcrum

Hincmarus praesul ductus amore tuo.

Ut requiem Dominus tribuat mihi, sancte, precatu

Et dignis meritis, mi venerande, tuis.