Cicéron, de lege agraria=

 

CICÉRON

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD PROFESSEUR D'ÉLOQUENCE LATINE AU COLLÈGE DE FRANCE.  - TOME DEUXIÈME - PARIS, J. J. DUBOCHET, LE CHEVALIER ET COMP., ÉDITEURS, RUE RICHELIEU, N° . .

TOME II.

NOTES SUR LES CATILINAIRES.

     Catilinaires IV - pro Murena    

 

ŒUVRES

COMPLÈTES



DE CICÉRON,


AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,

PUBLIÉES

SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD,

PROFESSEUR D'ÉLOQUENCE LATINE AU COLLÈGE DE FRANCE.
 

TOME DEUXIEME






PARIS,


J. J. DUBOCHET, LE CHEVALIER ET COMP., ÉDITEURS,
RUE RICHELIEU, N° .60

1848

 

 

NOTES SUR LES DISCOURS CONTRE L. CATILINA. LIVRE PREMIER.

I. Quid proxima, quid superiore nocte. Le mot proxima désigne évidemment la nuit qui précède immédiatement la séance du sénat. Le mot superiore désigne donc celle d'auparavant. Or c'est dans celle-ci que se tint chez Léca l'assemblée où fut résolue la mort de Cicéron; témoin ces expressions du chap. 4. Recognosce tandem noctem illam superiorem.... Dico te priori nocte venisse in M. Lœcœ domum. Mais on voit au chap. 18 du plaidoyer pour Sylla que cette réunion des conjurés eut lieu la nuit du 6 au 7 novembre. C'est donc le 8 que le sénat fut assemblé au temple de Jupiter Stator. C'est ainsi que l'a entendu le président de Brosses, et c'est le seul moyen de concilier les différents passages de Cicéron. On peut supposer que la journée du 7 fut nécessaire au consul pour avertir les sénateurs, et peut-être pour se procurer de nouveaux renseignements sur la conjuration.

P. Scipio, pontifex maximus. Scipion Nasica était petit-fils de celui qui fut déclaré le plus bonnète homme de la république, et chargé de recevoir la Mère des dieux arrivant de Pessinonte, au temps de la seconde guerre Punique. Il est appelé ici privatus, parce que la dignité de grand pontife n'était point une magistrature. Pour ce qui concerne les Gracques, voyez leur vie par Plutarque. Voyez aussi Salluste, Jugurlh., chap. 42; Velléius Paterc., ii, 16; FIorus, iii, 14 et 15; Saint-Réal, Conjurat, des Gracques, etc. Mediocriter labefactantem statum reipubltcœ. Cicéron atténue à dessein la faute de Tibérius Gracchus, afin que la rigueur avec laquelle il fut puni contraste plus fortement avec l'impunité de Catilina. Cette observation s'applique à tous les exemples qui suivent.

Sp. Melium. Spurius Mélius était un chevalier romain qui, dans un temps de disette, forma des magasins de grains et les distribua aux citoyens. Il devint leur idole. Le sénat l'accusa d'aspirer à la tyrannie; et pour opposer à la faveur populaire une autorité redoutable au peuple, on nomma dictateur le célèbre Cincinnatus. Il cita Spurius à son tribunal, et envoya Servilius Ahala, qu'il avait choisi pour général de la cavalerie, sommer l'accusé d'y comparaître. Mélius refusa d'obéir; Servilius le tua, et le dictateur approuva sa conduite.

II. Clarissimo patre, avo, majoribus. Les Gracques avaient pour père Sempronius Gracchus, censeur, deux fois consul, deux fois honoré du triomphe. Leur aïeul maternel était le premier Scipion l'Africain. — M. Fulvius Flaccus, ami et partisan de C. Gracchus, mais d'un esprit beaucoup plus turbulent et d'un caractère moins estimable, fut tué avec lui par le parti de la noblesse qui avait à sa tête le consul Opimius. Cet événement eut lieu l'an de Rome 633, douze ans après la mort du premier des Gracques.

593 C. Servilium prœtorem. Voir l'argument du discours pro Rabirio, et le discours lui-même.

III. Ante diem xii kalendas novemb. Le douzième jour avant les calendes de novembre, c'est-à-dire, le 21 octobre, la veille du jour où Silanus et Muréna furent élus consuls. Sur toutes les dates, voyez l'Introduction.

IV. Inter falcarios. Quelques uns veulent que ces mots signifient entouré de satellites armés: ce qui n'est pas probable; car falcarius n'est pas synonyme de sicarius. Suivant Priscien, ils désignent le lieu où habitaient les marchands ou fabricants de faux. Comme en français le nom d'une rue ou d'un quartier n'a rien d'oratoire, nous avons omis dans la traduction ce détail indifférent pour nous. Cicéron l'ajoutait pour faire voir à Catilina qu'il était bien instruit

V. Proximis comitiis consularibus Voyez. Cicéron, plaidoyer pour Muréna, chap. 24, 25 et 26.

VI. Proximis idibus. Les ides étaient le quinzième jour des mois de mars, mai, juillet et octobre, et le treizième des autres mois. C'est le jour des ides que les débiteurs payaient à leurs créanciers l'intérêt des sommes empruntées.

Sed fortunam reipublicœ; obstitisse. Salluste, chap. 18, raconte en peu de mots cette première conjuration. Suétone (Jules César, chap. 9) rapporte, sur la foi d'auteurs contemporains, que César et Crassus y prirent part, et qu'elle manqua le dernier jour de décembre 687, parce que César, ne voyant point paraître Crassus au moment convenu, ne donna pas le signal. Suivant Salluste, elle manqua une seconde fois le 5 février, parce que Catilina se pressa trop de le donner.

In corpore defigere. Allusion à cette coupe pleine de sang humain que burent, dit-on, les conjurés. Salluste, chap. 22, rapporte le fait sans l'affirmer. Plutarque et Florus le donnent comme positif. L'allusion qu'y fait Cicéron prouve au moins que, dans ce temps, le bruit de cette atrocité s'était répandu. Ainsi se trouve réfuté ce que Salluste insinue, que ce meurtre d'un homme, dont les conjurés burent le sang, pourrait bien être une fiction imaginée après coup par les amis de Cicéron, pour diminuer l'odieux de sa sévérité.

VIII. Vitandœ suspicionis causa. Catilina, publiquement accusé par Cicéron des plus odieux complots, cité même devant les tribunaux par L. Paullus, voulut pousser la dissimulation jusqu'au bout. Il feignit de s'offrir volontairement à la justice et de se constituer prisonnier. Les accusés de quelque distinction n'étaient point enfermés dans une prison publique. Ils étaient confiés à la garde de quelque magistrat, qui les retenait dans sa maison sous sa responsabilité. C'est ce qu'on appelle in custodiam dare (Voyez Salluste, chap. 47; Tacite, Ann. vi, 3i; Suétone, Vitellius, chap. 2; Tite Live, xxxix, 14).— Virum optimum. Quintilien, ix, 2, cite cette expression comme exemple d'ironie. Catilina, sans doute, avait bien prévu qu'aucun honnête homme ne voudrait le recevoir. En se mettant sous la garde de son ami Marcellus, il ne s'ôtait pas la liberté, et il se donnait les avantages de l'hypocrisie.

M. Marcello dixissem. Ce Marcellus, est celui dont le rappel inspira, dix-sept ans après, à Ci céron le beau discours intitulé pro Marcello. Il ne faut pas le confondre avec le Marcellus dont il est question dans la précédente note.

Usque ad portas prosequantur. Ironie tirée de l'usage où l'on était d'accompagner par honneur, jusqu'à une certaine distance, un grand ou un magistrat qui allait en voyage.

IX. Ad forum Aurelium. On appelait forum une ville, bourg ou village où se tenaient les marchés et où l'on rendait la justice. Chacun de ces lieux portait le nom de celui qui y avait établi le marché. Le forum d'Aurélius était sur la voie Aurélia, conduisant de Rome en Ëtrurie.

Aquilam illam argenteam. Salluste, chap. 59, dit que cette aigle, à coté de laquelle Catilina se fît tuer à la bataille de Pistoie, avait servi à Marius dans la guerre contre les Cimbres.

XI. An leges quœ de civium deorum supplicio rogatœ sunt. Les lois Porcia et Sempronia.

 

593 LIVRE SECOND.

I. Vel ipsum egredientem. Aux yeux des uns le consul avait chassé Catilina (ejecimus.) Aux yeux des autres il l'avait invité à partir en lui ouvrant les portes (emisimus.) L'orateur ne dispute point sur les mots: quelque nom qu'on donne au départ de Catilina, il se félicite que ce monstre ne soit plus dans Rome. Il ajoute même une troisième supposition, et l'on voit que pour lui ce n'en est pas une: «Catilina partait de son propre mouvement, et nous lui avons fait nos adieux. »

II. Tongilium mihi eduxit. Ici le pronom mihi a exactement le même sens que moi dans le vers de Boileau:

Prends-moi le bon parti; laisse là tous les livres.

On sent qu'il ne serait ni oratoire, ni harmonieux de dire; il m'a emmené un Tongilivs. — Ou le mot calumnia, qui se trouve dans cette même phrase, fait allusion à quelque fait connu alors, ou le texte est altéré. Nous n'avons pas essayé de le rendre. — Prœtexta signifie la robe de l'enfance, que l'on quittait ordinairement à dix-sept ans.

III. In agro Piceno. Salluste, chap. 30, dit queMétellus Céler fut envoyé dans le Picénum (aujourd'hui la Marche d'Ancône), avec pouvoir de lever une armée. La Gaule dont il est question ici est la Gaule cisalpine, comprise entre les Alpes et le Rubicon.

Vadimonia deserere. Sur la signification de ces mots, voyez le plaidoyer pour Quintius, chap. 5, et les notes. — Si edictum prœtoris ostendero. Un traducteur pense que Cicéron fait allusion à cette année d'esclaves rebelles que les Scythes mirent eu fuite en se présentant au combat avec des fouets, instrument qui sert à châtier les esclaves. Sur ce fait, vrai ou faux, voyez Justin, ii, 5.

IV. Superioris noctis. Il est évident que par les mots superioris noctis il faut entendre ici, non cette nuit, ni la nuit d'hier, mais la nuit d'avant-hier, celle du 6 au 7 novembre, date dont la certitude est démontrée dans la première note du discours précédent. Là, superior indique la seconde nuit en remontant; ici, il désigne la troisième.

VIII. Tabulas novas. On appelle ainsi l'abolition totale ou partielle des dettes, parce qu'elle nécessitait un renouvellement de tous les registres qui servaient à constater les droits des créanciers. Sous le consulat de Valérius Flaccus, qui fut substitué à Marius, l'an de Rome 667, une loi autorisa une banqueroute de cette espèce. Les débiteurs furent libérés en payant vingt-cinq pour cent. Argentum œre solutum est, dit Salluste, chap. 30; on paya un as, qui était de cuivre, pour un sesterce, qui était d'argent, et valait quatre as. — Tabulœ auctionariœ. Ce sont les affiches par lesquelles on annonce les biens à vendre à l'encan. On voit que Cicéron joue sur le mot tabulœ.

X. Imberbes. Des jeunes gens qui n'ont pas encore de barbe, ou des hommes efféminés qui se la font arracher. Sénèque fait souvent allusion à cet étrange raffinement de la mollesse, et on lit dans Aulu-Gelle, vii, 12, que Scipion Émilien le reprochait déjà de son temps à Sulpitius Gallus. — Bene barbatos. Pline, vii, 59, rapporte 594 que vers l'an 454 de Rome, un certain Ticinius Ména fit venir des barbiers de Sicile, et introduisit le premier à Rome l'usage de se raser. On faisait ordinairement sa barbe à vingt et un ans. Auguste ne commença qu'à vingt-cinq ans. (Dion, xlviii, 34.) On voit dans Cicéron, pro Cœlio, chap. 14, que certains jeunes gens qui avaient déjà de la barbe, et ne se faisaient pas encore raser, la peignaient et l'arrangeaient avec un soin recherché: « Aliquis mihi ab inferis excitandus est ex barbatis illis, non hac barbula, qua isti delectantur, sed illa horrida, quam in statuis antiquis et imaginibus videmus. » Et dans une lettre à Atticus, i, 14: «Concursabant barbatuli juvenes, totus ille grex Catilinœ.» Ces mots, bene barbatos, ne signifient donc pas, comme l'a pensé Clément, rasés avec soin. Manicatis et talaribus tunicis. La tunique était un vêtement de laine qui se mettait sous la toge. Aulu-Gelle, l. c. dit qu'il était honteux pour un bomme de porter une tunique à manches, et qui descendit jusqu'aux pieds. — Velis amictos, non togis. L'orateur veut dire que les tissus dont sont faites leurs toges conviendraient mieux par leur finesse à faire des voiles pour les femmes.

X. Antelucanis cœnis. Il y a dans ces mots une intention ironique. Antelucana industria signifie l'activité d'un homme qui, avant le jour, est déjà au travail. Et eux aussi, avant le lever de la lumière, ils veillent déjà; mais c'est parce que leurs festins, ou plutôt leurs débauches, se sont prolongés toute la nuit.

 

594 LIVRE TROISIÈME.

Pontem Mulvium. «Le pont Milvius, aujourd'hui Ponte-Mole, fut bâti sur le Tibre, à un mille de Rome, du côté par où on y arrive de Toscane, par les soins de M. Emilius Scaurus. J'observai sur place que ce lieu était fort propre à dresser une embuscade, à cause des chemins creux par où on y aborde. C'est au passage de ce pont que Constantin défit le tyran Maxence.» (Le président de Brosses, Histoire de la Républ. rom.) — L. Flaccus est celui pour qui Cicéron, quatre ans après, fil un plaidoyer que nous avons, et dans lequel il parle des services que Flaccus avait rendus en cette occasion. A l'égard de Pomtinius, que d'autres nomment Pontinius ou Pomtinus, c'est le même qui, dans la suite fut un des lieutenants de Cicéron en Cilicie. (D'Olivet.)

II. Ex prœfectura Reatina. Réate, maintenant Riéti, à 15 lieues N. E. de Rome, sur les confins de l'Abruzze. On appelait préfectures les villes qui, chaque année, recevaient de Rome des préfets pour administrer la justice. Moins favorisées que les colonies et les villes municipales, leur état politique dépendait du sénat romain, et leurs droits civils des édits des préfets.

IV. Cinnam ante se, et Sullam. Lentulus, ainsi que Cinna et Sylla, était de l'illustre maison Cornélia. Or, le prétendu livre sibyllin portait que CCC. régneraient successivement à Rome, et ces lettres initiales s'appliquaient fort naturellement à trois Cornélius.

Post virginum absolutionem. La vestale Fabia fut accusée d'avoir violé son vœu de chasteté. Le séducteur, disait-on, était Catilina. Elle fut absoute, parce qu'elle était sœur de Térentia, femme de Cicéron., (Asconius.) C'est le fameux Clodius qui l'avait appelée en justice. Il avait même impliqué plusieurs autres vestales dans son accusation. Pison fit pour elles un plaidoyer admirable. (Cic. Brut., 68 ) Caton lui-même, soit qu'il crût la vestale innocente, soit qu'il entrevit quelque mauvais dessein dans la conduite de l'accusateur, fit à Clodius si grande honte de son procédé, qu'il le contraignit à sortir de la ville Puis, lorsque Cicéron vint l'en remercier, il lui repartit, que c'était à la république qu'il en fallait rendre grâce, puisqu'il n'avait qu'elle en vue dans toutes ses actions. (Le président de Brosses.)

IX. Capitolii autem incensionem. L'an de Rome 670, sous les consuls Scipion et Norbanus, le Capitole, bâti quatre cents ans auparavant par les rois, lut consumé par un incendie dont il fut impossible de découvrir la cause. (Appien, Guerres civ., I, 83.)

Linum incidimus. Quand la lettre était pliée, on passait de part en part un fil dont on arrêtait les deux bouts avec de la cire sur laquelle on imprimait son cachet. Il n'y a pas soixante ans, dit l'abbé d'Olivet, que c'était encore l'usage en France, surtout pour les personnes de la cour.

V. Imago avi tui. P. Lentulus, consulaire, prince du sénat, et qui, dans le mouvement où périt C. Gracchus, avait été blessé en combattant pour le parti de la noblesse.

VI. Qui hujus conjurationis participes fuissent. Il ne faut pas oublier que le consul C. Antonius était ami de Catilina, et que peut-être il serait entré dans la conjuration, si son collègue ne l'eût acheté à la bonne cause en lui cédant ses droits au gouvernement de la Macédoine: Collegam suum Antoniium pactione provinciœ perpulerat, ne contra rempublicam sentiret. (Salluste, chap. 26.) Le président de Brosses compare les remerciments que le sénat lui adresse en cette occasion à ceux qu'il fit au consul Térentius Varron après la défaite de Cannes. C'est par un trait de la même sagesse qu'il remit des conjurés à la garde de César et de Crassus, soupçonnés l'un et l'autre de n'être pas étrangers, au moins par leurs vœux, à la conjuration.

VIII. Quum aruspices ex tota Etruria, etc. «On racontait qu'on avait vu des apparitions de spectres, des vols d'oiseaux inconnus ou de mauvais augure jqu'on avait senti en divers lieux des tremblements de terre; qu'il avait paru dans le ciel des feux épouvantables du côté de l'occident (des aurores boréales); que M. Hérennius, magistrat d'une ville de Campanie, avait été tué d'un coup de foudre sans qu'il y eût alors aucun nuage dans l'air. Il est certain que peu auparavant le tonnerre était tombé sur le Capitole, où il avait abattu une partie du bâtiment, renversé la statue de Jupiter, brisé celle de Pinarius Natta, fondu les tables d'airain, où les lois étaient gravées, et frappé un groupe de bronze représentant la louve qui allaite Rémus et Romulus. Ce groupe est encore au Capitole, où il fut placé, il y a vingt et un siècles, par les deux Ogulnias, édiles curules, l'an de Rome 457. Ils employèrent l'argent des amendes à faire jeter en bronze ce monument. On le voit aujourd'hui dans le même étal où la foudre le mit alors. J'y ai remarqué, avec curiosité et satisfaction, le coup de tonnerre qui glisse le long des côtes, et a fondu une partie de la cuisse.» (Le président de Brosses.) Quelques antiquaires pensent que ce groupe n'est qu'une copie de l'ancien.

X. P. Sulplcium. Sulpicius, après avoir contribué à faire nommer Sylla consul en 665, se déclara contre lui, et voulut lui ôter le commandement de la guerre contre Mithridate. Sylla marche aussitôt contre Rome avec son armée, prend la ville, chasse Marius, le fait déclarer ennemi public, ainsi que Marius le fils, Sulpicius, et neuf autres sénateurs.

Ex urbe collegam suum expulit. Pendant que Sylla remportait des victoires sur Mithridate, la guerre s'était renouvelée entre son parti et celui de Marius qui avait pour chef Cinna, l'un des consuls de 666. Octavius, l'autre consul, chassa celui-ci de Rome dans une sédition, 595 où, suivant Plutarque, Vie de Sertorius, il périt dix mille hommes, seulement du côté de Cinna.

X. M. Lepidus. Lépidus, père de celui qui fut triumvir avec Marc-Antoine et Octave, voulut, après la mort de Sylla, faire revivre le parti de Marius et abolir les lois du dictateur. Le sénat lui opposa Catulus, son collègue au consulat en 675. Après quelques légers combats, où Lépidus ne montra ni résolution ni talent militaire, cet homme, plus fait pour troubler l'Étal que pour être chef de parti, se retira en Sardaigne et y mourut. Voyez les Fragments de Salluste, liv. i, et Florus, iii, 23.

 

595 LIVRE QUATRIÈME.

V. Qui se populares haberi volunt. Cicéron fait ici allusion à un ou plusieurs sénateurs qui, pour ne pas prendre sur eux la responsabilité d'un tel jugement, n'étaient pas venus à la séance. Il les punit de leur lâche faiblesse, en déclarant qu'ils ont participé aux décrets des deux jours précédents, et que par conséquent eux-mêmes ont déjà condamné les coupables. Il leur ôte ainsi jusqu'au honteux mérite qu'ils voulaient se faire de leur absence.

Rei publicœ pœnas dependisse. L'orateur parle de C. Gracchus, et pour l'intérêt de sa cause il dit que ce tribun fut tué par l'ordre du peuple. Il est vrai que le peuple ne s'opposa pas à sa mort. Caïus poursuivi par ses ennemis fuyait avec un seul esclave, et la multitude l'encourageait, lui criait de se hâter; mais personne ne fit un mouvement pour le secourir. Il demandait avec instance un cheval; personne ne lui en prêta. Près d'être atteint, il se fit donner la mort par son esclave, qui se tua ensuite sur le corps de son maître. Voyez Plutarque, Vie des Gracques.

VI. In carcere necatum esse dixit. L'aïeul maternel de Lucius César était Fulrius Flaccus, compagnon de C. Gracchus. Après le massacre de ses partisans, Fulvius fut trouvé dans une étuve abandonnée, avec le plus âgé de ses fils. Ils y furent tous deux mis à mort. Quant au jeune enfant dont il est ici question, envoyé avant le combat, un caducée à la main, pour implorer la paix, il fut arrêté par ordre du consul Opimius, et tué sans pitié après la victoire. (Plutarque, Vie des Gracques.) Ces sanglantes exécutions n'avaient point été désapprouvées par le sénat. Le peuple même avait absous Opimius, accusé, au sortir du consulat, d'avoir tué sans jugement des citoyens romains. Cependant L. César n'a rappelé ces faits, et Cicéron n'en parle ici, que pour en conclure qu'on doit, à bien puis forte raison, sévir contre Lentulus et ses complices.

VII. Atque hœc causa conjungit. Caïus Gracchus avait attribué aux seuls chevaliers le droit de siéger dans les tribunaux. Sylla, vainqueur du parti populaire, l'avait rendu aux seuls sénateurs. De là une mésintelligence et des dissensions continuelles entre ces deux ordres. « Les guerres de Marius et de Sylla (dit Montesquieu, Gr. et Déc., chap. 15) ne se faisaient que pour savoir qui aurait le droit de rendre la justice, des sénateurs ou des chevaliers. » Aurélius Cotta, en 683, partagea ce droit entre les trois ordres, et cette transaction rétablit la concorde. Cicéron, né chevalier, s'attacha soigneusement à cultiver cette union, et à rapprocher de plus en plus les chevaliers du sénat.

VII. Scribas. Scribes, secrétaires, ou greffiers, qui transcrivaient les actes publics, les lois, les décisions des magistrats. Cette classe, quoique en général composée d'affranchis, jouissait cependant a Rome de quelque considération, puisque Cicéron, seconde Action contre Verres, iii, 79, dit de ces greffiers, ordo est honestus. (Voyez ce chapitre et le précédent.) Il paraît qu'ils étaient réunis ce jour-là au trésor public pour recevoir leurs honoraires (débitœ pecunice), et pour tirer au sort à quel magistrat chacun serait attaché l'année suivante (exspectatione sortis.)

VIII. Cursum hunc otiosum vitœ suœ. Appien raconte que, pendant la séance même du sénat, les esclaves et les affranchis de Lentulus et de Céthégus, avec quelques artisans, s'attroupèrent autour des maisons où ces coupables étaient détenus, dans le dessein de les enlever. Cicéron, instruit du danger, y courut avec des troupes, pourvut à la sûreté de ses prisonniers, et retourna au sénat pour presser leur jugement.

X. Quo victores revertantur. Pompée lui-même, vainqueur de Mithridate et conquérant de l'Asie, rendit à Cicéron ce glorieux témoignage. Il dit publiquement qu'il aurait en vain mérité un troisième triomphe, si le consul, en sauvant la république, ne lui eût conservé une patrie où il pût triompher. Voir Cic., de 0/fic., i, 22.

XI. Pro provincia..... repudiata. La province de Macédoine, pays riche et commerçant, était échue à Cicéron; il la céda à son collègue Antonius, qui saisit avec empressement cette occasion de rétablir sa fortune délabrée. Certes, Cicéron n'aurait pas, comme Antonius, pillé la province; mais il aurait eu une armée à commander, des barbares à combattre, et il aurait pu mériter le triomphe. Il eût formé en outre ces liaisons de clientèle et d'hospitalité, qui donnaient à un citoyen tant de lustre dans sa patrie, et tant de crédit chez les nations étrangères. Le gouvernement de la Gaule cisalpine lui appartenait en échange de la Macédoine. Il y renonça aussi, et le fit donner au préteur Métellus Céler.