Cicéron, de finibus

CICÉRON

 

ŒUVRES COMPLÈTES DE CICÉRON AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE; INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - TOME QUATRIÈME - PARIS - CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET Cie. LIBRAIRES - IMPRIMERIE DE L'INSTITUT DE FRANCE - RUE JACOB,  - M DCCC LXIX

TOME IV.

TRAITÉ DES LOIS : NOTES.

 

Oeuvre numérisée et mise en page par Patrick Hoffman

des lois III - de officiis I 

 

 

ŒUVRES

COMPLÈTES



DE CICÉRON,


AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,

PUBLIÉES

SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD,

DE L'ACADÉMIE

INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
 

TOME QUATRIEME






PARIS,


CHEZ FIRMIN DIDOT FRERES, FILS ET Cie, LIBRAIRES,
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE

RUE JACOB,  .

M DCCC LXIV

 

TRAITÉ DES LOIS

 

409 NOTES SUR LE TRAITÉ DES LOIS.

LIVRE PREMIER.

I. Arpinatum quercus. Arpinum, ville municipale de la terre des Volsques, fut la patrie de Cicéron, qui toujours y conserva une maison de campagne; c'est là que se (passe la scène (livre ii, chap. 1). C. Marius était du même pays. Cette circonstance fut apparemment une des causes de l'admiration que Cicéron professa constamment pour un homme dont les crimes surpassèrent les exploits, et qui, pendant toute sa vie, conduisit le parti politique que Cicéron combattit toute sa vie. Très-jeune encore, il avait pris des engagements envers la gloire de Marius, en le choisissant pour le héros d'un poème. Dans le petit nombre de vers qui nous en restent, se trouve le passage auquel. Atticus l'ait allusion. Marius banni, avant de gagner la mer, veut revoir Arpinnus; là, à l'aspect d'un aigle qui, prenant son essor d'un arbre voisin, enlève un serpent dans ses serres, le déchire à coups de bec, le rejette tout sanglant sur la terre, et s'envole vers l'orient au bruit d'un coup de tonnerre à gauche, l'illustre exilé sent ses espérances renaître et son cœur se raffermir (de Div., i, 47). Ce passage contient les plus beaux vers qui nous soient restés de Cicéron; ils ont été souvent imités par Voltaire, Delille, Ducis, etc.

II. Suffragari tibi. La métaphore est empruntée du langage employé dans les élections. Atticus reproche à Quintus de se donner son suffrage, c'est-à-dire de se louer lui même en louant les poètes. Quintus faisait en effet des vers, et avait composé plusieurs tragédies. (Ep. ad Q. frat., ii, 16; ii,1 et 6.)

III. Ut ait Scœvola. On ne sait si Quintus veut parler de Scévola l'augure, qui {ut consul l'an de Rome 636, et mourut l'an 665, ou de Scévola le pontife, consul en l'année 658 avec L. Crassus, et massacré treize ans plus tard devant la statue de Vesta. Cicéron avait beaucoup fréquenté l'un et l'autre (de Amicit., c. i), et il sera encore parlé de tous deux dans le cours de l'ouvrage (i, 4, 5; ii, 20). Cependant, comme Cicéron a coutume d'ajouter quelque désignation au nom du dernier, M. Wagner croit qu'il s'agit ici de l'augure. En tous cas, celui dont il est question avait apparemment composé en l'honneur du poème de Marius quelque pièce d'où ce vers est extrait. Sa prédiction ne s'est point accomplie.

Sempiternam in arce oleam. On conservait religieusement dans la citadelle d'Athènes l'olivier que Minerve elle-même avait donné à l'Attique. Cet arbre était sacré, et Pline dit que de son temps on assurait qu'il durait encore. (Hist. nat. xvi, 89.)

V. Quod Homericus Ulysses. Voy. les paroles d'Ulysse à Nausicaa (Odyss. vi, 161). Ce palmier était celui de Latone (Homer., Hymn. in Apoll. v. 117; Callimaque, in Del.). Pline dit, xvi, 89, qu'on voyait encore à Pélos cet arbre, aussi vieux qu'Apollon.

VI. Non longe tuis œdibus. Atticus habitait la maison Tamphilienne, dont il avait hérité de son oncle; elle était 410 située dans le sixième quartier de Rome, sur le mont Quirinal (Corn. Nép., Att. 13). Cette colline avait, selon toute apparence, pris son nom de l'apparition de Romulus, et du temple qui y fut bâti en l'honneur du fondateur de Rome. (Tite-Live, i, 16; Ovid. Fast. iv, 375).

VII. Orithyam Aquilo sustulerit. La maison d'Atticus, à Athènes, était probablement située près de l'Ilissus ou de l'Aréopage. C'est de là en effet que Borée enleva Orithye, fille d'Érechthée, roi d'Athènes, du moins comme le rapporte Platon, sur la foi de la tradition, au commencement du Phédrus.

In isto periculo, dans ce coup d'essai. Les commentateurs, dans le doute sur le véritable sens de ce mot, ont prétendu le changer. Quelques-uns, entre autres Morabin, lisent opusculo; Ernesti propose libello; d'autres, pariculo, mot de la basse latinité; Wagner, parergo, etc. Nous n'avons pas hésité à conserver le mot des manuscrits.

Apicem impositum putant. Voyez pour ces deux faits Plutarque, Numa, et Tite Live, i, 19, 34.

II. Annales pontificum maximorum. Entre autres fonctions, le grand pontife était chargé de tenir note de ce qui se passait dans l'année; il en dressait une sorte de tableau qu'il gardait chez lui, exposé dans un lieu ouvert, afin qu'il fût loisible au public d'en prendre connaissance; c'est là ce qu'on appelait les grandes Annales (Annales maximi), et quelquefois aussi les Commentaires (Commentarii, Tite Live, vi); cet usage dura jusqu'au temps de Mucius Scévola le pontife. Depuis, quelques écrivains, parmi lesquels il faut compter presque tous ceux qui sont nommés ici, composèrent des chroniques qui, par leur concision, ressemblaient assez aux Annales des pontifes, et auxquelles ils donnèrent aussi le nom d'Annales, relevé depuis si haut par Tacite. On conçoit que le travail des pontifes ne devait avoir d'autre mérite que l'exactitude; et lorsque Cicéron en parle comme d'un ouvrage agréable, il est évident que c'est une ironie qu'il met dans la bouche d'Atticus, généralement railleur, et peu respectueux pour tout ce qui venait des pontifes. Il ne faut donc point, comme les interprètes, s'épuiser en conjectures pour concilier ce jucundius avec le bon goût de Cicéron, et le témoignage d'Horace (Ep., II, 1, 26) et de Quintilien (viii, 2; x, 2), qui parlent assez légèrement des grandes Annales.

Si aut ad Fabium. La plupart des historiens ici nommés sont peu connus: à peine avons-nous quelques citations de quelques-uns d'entre eux. Je ne dirai qu'un mot de chacun. - Fabius Pictor, le plus ancien de tous, est loué par Tite Live, qui le fait contemporain de la seconde guerre Punique (i, 44; xxii, 7). Caton le censeur, ou l'ancien, plus célèbre comme personnage politique, est l'objet de la continuelle admiration de Cicéron; nous avons sous son nom le livre de Re rustica, et quelques fragments. L. Calpurnius Pison Frugi fut consul avec P. Mucius, l'an de Rome 620. Il écrivit des Annales que Cicéron trouve mesquines, exiliter scriptos. (Brut., 27). C. Fannius, gendre de Lélius le sage, fut historien et orateur (Brut. 26; de Amicit. I, et passim). Vennonius est inconnu: Cicéron seul nous a conservé son nom (ad Att., xii,3). L. Célius Antipater avait écrit l'histoire de la seconde guerre Punique (Orat. 69). Cicéron porte ailleurs de lui le jugement qu'il met ici dans la bouche d'Atticus, de Orat. ii, 12 et 13. Sext. et Cn. Gellius, comme historiens, avaient peu de réputation (de Divinat. I, 26; Den. d'Halicarn. i, 7). Clodius Licinius, dont Tite Live fait l'éloge (xxix, 22), fut à peu près contemporain d'Asellion, qui, selon Aulu-Gelle, N. A., ii, 13, fut tribun des soldats sous P. Scipion l'Africain au siège de Numance, et composa l'histoire des événements auxquels il avait pris part. C. Licinius Macer est peu connu, quoique souvent cité par Tite Live: il vivait du temps de Sisenna. Lucius Sisenna fut préteur, et mourut dans l'Ile de Crète, où il commandait une armée. Il avait écrit particulièrement l'histoire de la guerre Sociale et de celle de Sylla. (Vell. Pat., ii, 9). Il fut au barreau le contemporain et le rival d'Hortensias et de Sulpicius; mais jamais, au témoignage de Cicéron, il ne put surpasser ni l'un ni l'autre (Brut. 64). Clitarque, fils de Dinon, accompagna Alexandre le Grand en Asie, et écrivit le récit de cette expédition (Plin., vi, 31). Comme historien, il passait pour plus ingénieux que fidèle (Quintil., x, i). Longin dit que c'est un auteur «qui n'a que du vent et de l'écorce», et le compare à «un homme qui ouvre une grande bouche pour souffler dans une petite flûte.» (Du Subl., 2.)

III. Ullum tribueretur vacuum tempus. C'est une question parmi les érudits que de savoir si jamais Cicéron a réalisé ce projet: ce n'est pas ici le lieu de la traiter.

Ætatis potius vacationi. Le citoyen romain était dispensé du service militaire à l'âge de cinquante ans, c'est-à-dire que l'appel cessait d'être obligatoire pour lui; et s'il se dispensait d'y répondre, on disait qu'il usait du privilège de vétérance, de l'exemption pour raison d'âge (œtatis vacatione utebatur). De même, les sénateurs âgés de plus de soixante ans n'étaient plus obligés, sous peine d'amende ou de saisie, de se rendre à l'assemblée lorsqu'ils y étaient appelés. Ils usaient, comme les soldats, du privilège de vétérance. (Senec., de Brev. vit., 20; Nép, Att., 7; Plin. j., Ep., iv, 23; Tite Live, iii, 38; Cic., Philipp., i, 5.)

Senectutisque non inertis grato... munere. Il est remarquable de voir un homme comme Cicéron, qui avait exercé le consulat, sauvé Rome, gouverné une province, commandé une armée, se regarder toujours comme un avocat aux ordres du public, et destiner sa vieillesse au métier sans gloire de consultant. Il dit quelque part que la science du droit préserve seule de l'abandon le vieux citoyen (de Orat., i, 45). Cette opinion explique l'importance que, par la suite de ce traité, il donne à des points de droit qui semblent d'abord aussi frivoles pour l'homme d'État que pour le philosophe. Au reste, cela ne peut paraître singulier que dans les idées du monde et suivant nos anciennes mœurs. Des exemples analogues se présenteraient sans doute dans tous les pays libres: et je ne crois pas que l'on fût surpris en Angleterre de voir le chancelier, au sortir du ministère, reprendre la robe d'avocat, et, comme Cicéron, éclairer le public sur des questions de loi, sans abandonner la polilique pour la jurisprudence, ni la tribune du législateur (rostra) pour le fauteuil du consultant (solium).

IV. Quemadmodum Roscius. Q. Roscius, comédien célèbre, dont il est souvent question dans Cicéron, et pour lequel il plaida. Sur ce trait de la vie de Roscius et sur le changement que Cicéron apporta dans sa manière de dire, voyez le Traité sur l'Orateur, i, 60, et le Brutus, 91.

Quantum jus civitatis. On a pris beaucoup de peine et on a tourmenté le texte pour éclaircir le raisonnement de Cicéron. Tel qu'il est, et sans innovation, il me semble très-simple. — «Rien n'est plus grand, dit-il, que le droit en général, que le droit d'un État; c'est à-dire le droit considéré dans toutes ses parties (ce mot comprend ici le droit naturel, le droit politique ou public, le droit civil), et cependant c'est un mince métier que celui d'avocat consultant. C'est que ceux qui l'ont exercé, ne voulant que rendre service au public, se sont bornés à cette partie du droit 411 qu'ils appellent le droit civil, parce que celui-ci est d'une utilité journalière et immédiate. Le droit, considéré dans son universalité, est moins connu, il passe pour moins utile; il est immense. Que demandez-vous donc? Voulez-vous que je me renferme dans la science minutieuse du droit civil?» — Cette question est purement une forme oratoire; Cicéron est déjà décidé à considérer ce vaste sujet dans toute son étendue; mais en forçant ses interlocuteur à expliquer leur pensée, il leur en fait voir toute la portée, et trouve une occasion d'indiquer les divisions de la matière qu'ils l'appellent à traiter.

IV. Stillicidiorum jure. Le droit des gouttières (stillicidii servitus) est une servitude réelle, par laquelle l'héritage voisin est tenu de recevoir l'égout de notre toit. (L. ii, §. de Servit, urb. prœd.) — Le droit des murailles est encore, si l'on entend le mot droit, jus, dans le même sens, une servitude réelle; c'est ou le droit d'appuyer sa poutre dans le mur de son voisin (tigni immittendi jus, ibid., 20), ou la servitude de ne pas élever son mur au-dessus d'une certaine hauteur (ibid., 2); ce pourrait être aussi la partie du droit qui traite des murs mitoyens. Enfin on peut entendre que le droit des murailles, jus parietum, embrasse le tout ensemble. — On déduit la stipulation un contrat unilatéral, par lequel une personne, en répondant sur-le-champ et d'une manière conforme à l'interrogation d'une autre, est obligée à donner ou à faire une chose qui est dans l'intérêt du stipulant. Comme la force obligatoire de la stipulation résulte de l'interrogation et de la réponse conforme, rogatio et congrua responsio, et de la solennité des paroles, solemnia verba, on conçoit que la composition des formules de stipulation fût une des principales occupations des jurisconsultes (Instit., Liv. iii, tit. 16 et tit. 20; Heinecc., ibid. §. 827; Dig., L. xlv, tit. i, leg. 5.)

V. Ab uno summa auctoritate. Cicéron veut probablement désigner ici Servius Sulpicius Rufus, qui fut consul en l'an de Rome 702, jurisconsulte célèbre et profond, dont il vante souvent la science et l'autorité (Brut., 41, 42; Philip., ix, i, etc.}, et dont il se moque aussi quelquefois, pro Mur., 9.

Natura enim. Il importe de fixer le sens du mot nature, que Cicéron emploie diversement et répète sans cesse. Dans son sens générale et ordinaire, la nature est la réunion des faits dont se compose l'univers, considérés indépendamment de leurs relations, c'est-à-dire de leur ordre, et par conséquent de leur cause. C'est ainsi qu'au premier abord on peut l'expliquer dans cette expression, le droit de la nature; c'est le droit universel, tel qu'il existe en général, indépendamment de tout fait privé et de tout accident social. (Voyez encore Insita in natura, naturœ vis, 6; naturam omnem, 7; de natura omni, 8.) En particulier, la nature est la constitution de chaque être réel ou abstrait, considéré comme un simple fait, bon ou mauvais. C'est ainsi que Cicéron dit quelquefois la nature du droit, la nature de l'homme: Deorum natura, animantium naturis, 7; dissolutio naturœ, interitus, 11: nature est ici à peu près synonyme d'existence. Dans tous ces cas le mot a un sens neutre très-commun dans les auteurs; mais Cicéron l'emploie aussi dans un sens propre et singulier, qui n'est déterminé qu'implicitement et par la connaissance de sa doctrine. La nature d'un être est ce qui le constitue ce qu'il est, ou sa loi. En conséquence elle est bonne, elle est sa perfection; témoin ces phrases: Ad summum perducta natura, 8; ducem naturam 10, etc. Par suite, la nature en général est la loi générale des êtres. Ainsi l'expression du droit naturel n'est pas indifférente; car elle emporte que le droit existe par lui-même, qu'il fait partie de la loi générale des êtres. (Voyez Natura constitutum, 10; quod dicam naturam esse, quo modo est natura, utilitatem a natura, 12.) C'est par une dérivation vague de cette acception que l'on se représente aussi la nature comme une puissance distincte et agissante qui produit et conserve le monde. Cette figure, d'un usage vulgaire, et sujette à beaucoup d'équivoques, n'est pas étrangère au style de notre auteur: Natura largita est, docente natura, 8; eadem natura, 9; natura factos, natura dati, a natura data, 12. Ce sont surtout les deux sens que j'ai indiqués auparavant qui méritent attention. L'idée et l'expression sont empruntées à la philosophie stoïcienne, qui ne peut être comprise de qui ne les sait pas. Un métaphysicien moderne les a reproduites, peut-être imprudemment, du moins dans l'intérêt de ses doctrines (Législation primitive, sur le mot Nature, tome 2).

VII. Causa ordienda est potissimum. Quintus était stoïcien, et dans cette circonstance il s'accordait tout à fait avec son frère (de Divinat., i.). Il n'en était pas de même d'Atticus, attaché de préférence à la secte d'Épicure, qui niait l'existence ou plutôt l'intervention des dieux dans les choses humaines (Ep.fam., xiii, i). Cependant, incrédule par négligence plus que par système, nous le voyons accorder légèrement ce qu'on lui demande lorsque ses confrères ne sont pas présents, et se fier, pour n'être pas entendu par eux, au bruit du Liris et du Fibrène, aux bords desquels se passe l'entretien.

Libri optimi. L'excellent livre est un ouvrage d'Épicure, intitulé Principes fondamentaux. Il paraît que c'était un recueil d'aphorismes dont celui-ci est à coup sûr le plus célèbre. Notre auteur n'en donne que le sens; Diogène Laërce en a conservé le texte, que Cicëron ailleurs a traduit ainsi pour le réfuter: «Ce qui est heureux et immortel n'a et ne témoigne d'intérêt pour rien.» Nat. des Dieux, i, 30; Diog. Laërce, x, 139.

Civitas communis deorum atque hominum. Cette déduction, qui paraîtra peut-être singulière, n'est cependant qu'un développement des principes que l'auteur a posés plus haut. Nous avons vu que la raison était en Dieu, que la raison était dans l'homme; immuable dans l'un, perfectible dans l'autre, elle est la loi du tous deux; or, deux êtres qui ont une loi commune sont en société (Nat. D., ii, 31, 62). Telle est l'idée que Cicéron développe, en profitant d'un rapport qui existe plutôt dans les mots que dans les choses: ce n'est en effet que par extension qu'on peut dire que la divinité obéit à la loi céleste. C'est dire qu'elle s'obéit à elle-même; c'est le mot souvent cité de Sénèque: Semper paret, semel jussit (De Provid., 25). Dans le fait, elle ne s'obéit ni ne se commande; elle est. Quant à la céleste ordonnance, Cicéron la confond ici avec l'esprit divin, selon le dogme des Stoïciens que le monde était vivant, animé, raisonnable; qu'il était Dieu, et que Dieu était le monde. (Nat. D., ii, 11, 22; Diog. Laërce, vii, 135, 149.)

Agnatione et gente teneantur. Ce rapprochement semble puéril, et siérait au rhéteur plus qu'au philosophe. La population romaine était divisée en races, gentes, et chaque race en plusieurs familles, familiœ vel stirpes. Ainsi l'on pouvait être de la même race, gentiles, sans être de la même famille, agnati. Depuis que les plébéiens eurent obtenu la liberté de s'allier aux patriciens, il se trouva qu'il y eut des races mélangées de familles patriciennes et de familles plébéiennes; Cicéron veut parler de ces distinctions. (Topic., 6; de Orat., i, 39; Tit. Liv., x, 8; Suet., Tib., i, etc.)

VIII. Cœlestibus, vel genus. Cette démonstration, très-peu nette et très-peu rigoureuse par sa forme, appartient cependant à une doctrine qui ne manque pas de force; elle est sommairement exposée dans la Préface, où l'un trou- 412 vera l'explication de ces expressions de communauté, de ressemblance, de parenté de l'homme avec Dieu.

IX. Fundamenta scientiœ. J'ai traduit littéralement et d'après le texte le plus simple, car le passage est obscur et a subi bien des corrections. Ce qui est certain, comme le prouveront plusieurs autres passages qui se rapportent à celui-ci (ch. 10, 16, 22), c'est qu'il s'agit de ces notions élémentaires sans lesquelles toute science, toute connaissance, toute conception même est interdite à notre esprit, ou plutôt qui lui sont inhérentes, et qui en constituent les lois. Ce sont ces faits primitifs de l'entendement qui ont remplacé la notion équivoque des idées innées, appelées aujourd'hui plus proprement idées nécessaires; dénomination que Cicéron avait employée il y a longtemps. Je l'aurais de même admise dans la traduction, si le mot idée n'était aussi étranger à la langue qu'à la philosophie latine. Celui d'intelligence (intelligentiœ), que j'ai préféré, se trouve avec le même sens dans les écrits des Cartésiens. Les Stoïciens, au reste, et particulièrement Chrysippe, avaient très-bien compris la nécessité de ces notions fondamentales, sans lesquelles il n'y a même point de perception raisonnée des phénomènes. (Diog. Laërce, vii, i, 54.)

XII. Quod dicam naturam esse. Il importe d'insister sur ce passage. C'est ici cette opinion tant reprochée aux Stoïciens, que la nature est bonne par elle-même; opinion qui ne va à rien moins qu'à la négation du mal. «Remarquant quelques traces de la première grandeur de l'homme, dit Pascal, et ignorant sa corruption, ils ont traité la nature comme saine et sans besoin de réparateur; ce qui les mène au comble de l'orgueil.» (Pensées, xi, 3.) Ce n'est pas le lieu de discuter cette opinion; mais il est nécessaire de l'admettre, ou au moins de la comprendre pleinement, pour bien saisir toute l'argumentation de Cicéron. La voici: La société existe; elle existe sur le fondement d'un échange de secours communs. Le fait de la société prouve qu'elle est dans les vues de la nature (ch. 15). D'ailleurs les facultés de l'homme nécessitent la société comme leur but, et la société nécessite ces facultés comme ses moyens. Or, d'une part, la communauté de droit ou la justice est la base de la société; de l'autre, la justice est dans l'homme. La justice est donc dans la nature comme la société. La justice ou le juste, ou, selon l'expression de Cicéron, le droit, est donc dans la nature, ou plutôt c'est la nature même. On peut voir comment ces deux principes du stoïcisme, «la nature nous a créés pour la société par la justice,» et «le juste n'est pas distinct de la nature,» sont exposés l'un au traité de Finibus, iii, 17 et suiv.; l'autre, de Offic., iii, 1 et 3. Il est évident qu'il faut, dans tout ceci, considérer la nature comme étant bonne par elle-même; au point qu'Épictète va jusqu'à dire que la nature du mal n'existe pas dans l'univers (ch. 27): mais comme la vertu n'est que la nature développée, les hommes peuvent, au lieu de la développer, la contrarier, l'étouffer; et les préjugés et les mauvais exemples la corrompent en effet trop souvent. C'est ce dont Cicéron convient en passant, et ce qu'il expose ailleurs plus en détail (Tusc., iii, i, et suiv.). Resterait à savoir comment la nature, étant bonne, est corruptible; il y a là une contradiction que les Stoïciens ont bien aperçue, quoi qu'on en ait dit; mais l'examen de la solution qu'ils en ont donnée mènerait trop loin. Au reste, ce qui jette quelque obscurité dans la traduction, c'est le retour fréquent du mot droit, employé dans des acceptions diverses, et que l'on a quelque peine à distinguer. Jus est en latin le radical de justus; et quand Cicéron dit que la nature nous a faits justes (justos, capables de droit), on comprend aisément que c'est presque la même chose que s'il disait que le droit (jus) est la nature (naturam esse).

Καὶ φίλιαν. «La société, l'amitié, n'existent que par les devoirs que les citoyens, que les amis se reconnaissent entre eux. Donc la justice, le droit en est le fondement; et comme la société et l'amitié sont naturelles, le droit l'est aussi.» C'est ainsi que Wagner explique à quel titre cette digression sur l'amitié vient s'introduire dans une dissertation sur les fondements de la justice; mais c'est une de ces preuves incidentes qui troublent le raisonnement, au lieu de le fortifier. Cicéron ne savait pas résister à la tentation d'exprimer ces idées accessoires; sa déduction est semée d'épisodes. «La société est dans la nature; par conséquent les vertus sociales, par conséquent l'humanité générale, par conséquent l'amitié particulière.» Ces idées sont liées et présentées dans le même ordre (de Fin., iii, 21). Ce premier Livre des Lois offre de fréquentes traces des opinions et des liaisons d'idées que Cicéron a reproduites avec développement dans le traité de Finibus; et, dans le fond, le sujet est presque le même Le mot de Pythagore est cité dans la Vie de Pythagore, par Diogène Laërce, viii, 10; c'est même de là qu'il a été emprunté, car il manque dans les manuscrits. Cicéron a consacré à le développer deux chapitres des Devoirs, I, 17 et 18, et tout le Traité de l'Amitié.

XIV. Sine illius suffimentis. Il serait difficile de deviner le sens précis de cette phrase, et téméraire de prétendre, ainsi que l'ont tenté plusieurs commentateurs, combler le vide qui se trouve ici dans le texte; seulement il est probable que le mot illius se rapporte à Épicure ou à quelqu'un de ses disciples. Ce qui est certain, c'est que nous nous trouvons transportés en pleine réfutation de leur doctrine. Comment Cicéron y a-t-il été conduit, après les avoir renvoyés dans leurs jardins avec un mépris qui semblait annoncer qu'il ne les honorerait pas d'une réponse? Je l'ignore; mais j'incline à penser qu'immédiatement après l'exposé qu'il vient de terminer, il se faisait faire, dans le sens de l'épicurisme, une objection ou plutôt une question par Atticus, disciple indifférent de leur secte facile, et qu'il était amené de la sorte à établir contradictoirement la réalité des distinctions morales. En effet, malgré le dédain qu'il affecte pour Épicure, sa doctrine, celle de l'utilité, est assurément, et de nos jours encore, l'adversaire naturelle de la doctrine du droit; et ce n'est point une oiseuse digression que la réfutation qui suit. Le fond s'en trouve souvent dans notre auteur. (De Finib., i, 16; de Offic., iii, 9, 19; ad Att., vii, 2.)

Qui nihil timet, nisi timet. Cet argument était si commun dans cette question, qu'il était devenu proverbe; et il l'est encore. (De Finib., ii, 16.)

XV. Hœ leges justœ haberentur. Les trente tyrans d'Athènes lui furent imposés par les Spartiates, après la victoire de Lysandre, près du fleuve Ægos. Ils furent chassés par Thrasybule. (Xenoph., Hist. gr., ii, 3.) Cicéron ne croit pas que tout ce qui est légal soit juste, ni que la volonté du peuple légitime tout ce qu'elle prescrit; l'opinion est remarquable chez un homme qui, en droit positif, a reconnu la souveraineté du peuple.

Impune posset occidere. Valérius Flaccus, nommé interroi par le sénat pour tenir les comices, après la seconde entrée de Sylla dans Rome et la mort des deux consuls, fit nommer Sylla dictateur, et passer une loi qui ratifiait tout ce que le dictateur pourrait avoir fait. Cicéron appelle ailleurs la loi Valéria la plus injuste de toutes les lois, la moins semblable à une loi (de Leg. Agrar., iii, 2; pro S. Rosc., 43.)

Ut iidem dicunt. Comme les mêmes gens le soutiennent. Ce sont toujours les sectateurs d'Aristippe et d'Épicure qui fondent la religion sur la crainte, la loi sur l'utilité, la justice sur la coutume. (Diog. Laërce, ii, 16, 93; x, 139; Lucrèce, passim.)

413 XV. Nam hœc nascuntur ex eo. Wagner observe tres-bien qu'il y a lacune, et par suite confusion dans le raisonnement. Il faut distinguer en effet les vertus qui ne sont pas d'obligation étroite, comme la libéralité ou le dévouement, de la justice, laquelle est forcée. Cicéron ne le fait pas, et après les avoir fondées sans distinction sur la nature, il dit: «Si la justice ne repose pas sur la nature, les autres vertus tombent comme elle.» La conséquence n'est point évidente; il se pourrait en effet que la libéralité, le dévouement, la pitié fussent dans la nature, et que la justice n'y fût pas. C'est même une opinion qui a été soutenue; car il est remarquable que la plupart des philosophies qui ont ébranlé les fondements des vertus de devoir n'ont point nié les vertus de sentiment. Il faut donc avouer que Cicéron n'a pas convenablement établi que le droit est fondé sur la nature; il avance que diverses vertus le sont, puisqu'elles existent, et conclut par analogie qu'apparemment la justice l'est aussi bien qu'elles, puisqu'elle est comme elles une vertu. Rien de moins pressant que ce raisonnement: il y avait mieux à dire.

XVI. Nisi naturœ norma. Ce chapitre contient la grande objection contre l'infaillibilité du consentement général; c'est celle dont l'auteur de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion n'a tenu aucun compte. M. de Bonald, au contraire, s'est appuyé plusieurs fois des idées de Cicéron, et il a même donné cette phrase, Nos legem bonam a mala, etc., pour épigraphe au chapitre iv de son Essai analytique sur les lois naturelles. On doit seulement s'étonner qu'il en ait déduit la doctrine du pouvoir absolu.

XX. Phædro meo. Phédrus, philosophe athénien de la secte d'Épicure, fut un des premiers maîtres de Cicéron, son ami et celui d'Atticus, qui resta son disciple. (De Fin., i, 5; v, 1; Ep. fam., xiii, 1; Philipp., v, 5.) L. Gellius Poplicola avait été consul l'année de Rome 681, et censeur deux ans après avec Cn. Cornélius Lentulus. (Brut., 27, 47; in Pison., 3; A.-Gell. v, 6.)

XXI. Controversia nata est de finibus. La discussion sur les limites, ou sur les fins, est celle de la distinction des biens et des maux traitée dans le de Finibus. Pour bien comprendre l'allusion qui suit, il faut savoir plusieurs choses. Ce terrain imprescriptible était un espace de cinq pieds, environ quatre pieds et demi de France, que les douze Tables ordonnaient de laisser en friche entre chaque propriété, et sur lequel les deux propriétaires voisins pouvaient aller, venir, tourner la charrue pour reprendre un nouveau sillon; mais qui n'appartenait à aucun des deux, et que l'un ne pouvait prescrire (usu capere) sur l'autre; toute contestation à ce sujet était, d'après les douze Tables, jugée par trois arbitres. L'an de Rome 642, pendant la guerre de Jugurtha, le tribun C. Mamilius fît passer une loi de limitibus, sive de regundis finibus, laquelle lui fît donner le surnom de Limitanus. Cette loi fixait entre cinq et six pieds la largeur du terrain qui devait rester libre et neutre entre les propriétés, et remettait à deux arbitres choisis par chacune des parties la décision de toute contestation sur les limites; c'est à cette double législation que Cicéron fait allusion. Profitant du double emploi du mot fines, il veut, dans la question des limites ou des fins, maintenir entre le champ des Académiciens et celui du stoïcisme un espace libre, qui échappe à la prescription, et qu'Antiochus ne puisse s'approprier pour venir ensuite envahir la propriété de l'Académie. Quant à la contestation des deux propriétaires voisins, c'est-à-dire des deux sectes limitrophes, il prétend la faire vider par trois arbitres, conformément à la loi des douze Tables. En effet, dans le Traité de Finibus, où il tient cette promesse, il introduit trois personnages, du moins dans le premier Livre, savoir: lui-même, L. Torquatus, et C. Triarius.

lisque parere. Cette décision paraît laisser la question en suspens, ou plutôt éviter delà résoudre; car Socrate n'ayant rien écrit, et sa doctrine ne nous étant parvenue que par ses élèves, qui l'ont modifiée chacun selon son génie, la décision arbitrale revient donc à ceci: Chercher entre les opinions des Stoïciens et des Académiciens, quelle est la plus exacte tradition socratique. Il est vrai que les seconds étant à peu près reconnus pour les dépositaires les plus filiales des idées de leur maître, Cicéron veut dire au fond que la vérité se trouve dans les ouvrages comparés de Platon et d'Aristote; et c'est aussi l'objet du Traité de Finibus.

XXI. Tanquam lege vivere. Quintus pose ici la question entre les Académiciens et les Péripatéticiens d'une part, et les Stoïciens de l'autre: on voit que la différence des deux doctrines est bien fugitive, et ne porte que sur quelques mots; il est même difficile de ne pas la prendre pour une puérile subtilité, dans les termes auxquels la réduit Quintus: aussi suis-je très-tenté de croire que le texte est corrompu. On pourrait lire, par exemple, virtus au lieu de virtute, et supprimer les trois mots suivants: quoi qu'il en soit, plusieurs fois Cicéron a mieux exprimé le point litigieux. (Voyez le Traité de Fin., ii, 2; iv, 6; v, 9; et les Devoirs, iii, 3.) Ses autres ouvrages, et particulièrement les Académiques, offrent une foule de passages (i, 5;  ii,42), où il fait voir ce qu'il a entendu lorsqu'il a réduit la discussion à une dispute de mots.

XXII. Adhuc dicta sunt. Lambin supplée, comme il suit, ce qui manque dans le texte: «Ce que j'ai dit jusqu'ici est purement philosophique; et vous, ce sont peut-être les lois d'une cité que vous demandez? — QUINTUS. Non, je ne demande ni les lois de Lycurgue, etc.;» mais il est probable que la portion de texte qui manque était plus longue, et contenait une transition moins gauche que celle que l'on propose. Elle est d'autant plus mal choisie, que l'explication de Quintus n'a point pour but de ramener Cicéron à la jurisprudence; et la preuve en est que celui-ci lui répond par la philosophie, et en donnant d'une manière animée la conclusion générale des principes établis dans tout le Livre. Gôrenz croit qu'il faut rapporter ici le fragment cité par Lactance (Div. Inst., v, 8): sa conjecture est peut-être plus heureuse.

Vivendi doctrina. Cicéron, en établissant l'existence d'une loi, a posé le fondement de toutes les sciences morales et de la philosophie, qui les domine et les contient toutes; et il montre dans cette éloquente péroraison toute la portée du principe. De ce principe en effet, et de ce principe seulement, il résulte que la sagesse existe. La sagesse n'est pas ici une simple qualité morale, mais une science tout entière, ainsi que les Grecs l'entendaient quand ils formèrent le mot de philosophie. Or, toute science suppose une vérité qui lui sert de fondement; et toute vérité, étant immuable, est une loi. La sagesse n'est donc une science que parce qu'elle porte sur un fait immuable, c'est-à-dire sur une loi. Cette science est celle de l'application de la loi à l'humanité. L'étude de cette science comprend, selon Cicéron, la connaissance de soi-même, celle de la nature, l'art du raisonnement et l'éloquence.

Delphico deo tribueretur. On sait que cette parole de Chilon de Lacédémone était, ainsi que plusieurs autres maximes attribuées aux sept sages, gravée en lettres d'or sur un des murs du vestibule du fameux temple d'Apollon Pythien, à Delphes, dans la Phocide. Cette circonstance, ou la beauté du précepte, lui avait fait attribuer une origine céleste.

XXIII. Perpetua oratione. On sera peut-être surpris de voir placer l'éloquence à la suite et presque au rang de la connaissance de soi-même, de la nalure et de la divinité. Et sans doute Cicéron, comme il le confesse, a 414 cédé à un penchant personnel pour l'art auquel il devait tout; mais cependant il aurait pu alléguer une raison plus philosophique: l'art de raisonner, de discuter, d'argumenter, la logique, la dialectique, ont été placées très-haut par des philosophes qu'on ne peut, comme Cicéron, accuser d'éloquence. Les Stoïciens, par exemple, ont dit, ainsi que lui, que la logique était le rempart de la philosophie.

414 LIVRE SECOND.

I. In Fibreno. Le Fibrène est une petite rivière qui se jette dans le Liris; sur leurs bords était Arpinum. Atticus parle de ces deux rivières, i, 7; et Quintus, ii, 3.

Hic sacra. On verra plus bas, chap. 18 à 19, comment les sacrifices se perpétuaient dans les familles et faisaient partie de l'héritage.

Curiana in Sabinis. Manius Curius Dentalus, trois fois consul, avait triomphé des Samnites, des Sabins et de Pyrrhus. On connaît sa gloire et sa frugalité. La maison ou plutôt la chaumière où il refusa les présents des Samnites n'était pas éloignée de la maison de Caton l'ancien. (De Senect., 16; Columell., i, 3.)

Immortalitatem repudiasse. Voyez l'Odyssée, i, 56; vii, 254. Cicéron avait été touché de cette tendresse d'Ulysse pour sa patrie, De Orat., i, 44 .Il dit plus d'une fois qu'Arpinum est son Ithaque, et il ajoute ces mots d'Ulysse, Odyss., ix, 28: «Je ne puis rien voir qui me soit plus doux que cette terre.» Ad Att., ii, 11.

II. Eos demigrare ex agris. «Sous Cécrops et les premiers rois l'Attique fut toujours habitée par bourgades, qui avaient leurs prytanées et leurs archontes. Dans le temps où ils vivaient sans crainte, ils n'allaient pas s'assembler en conseil pour délibérer avec le roi; les habitants de chaque bourgade délibéraient et prenaient conseil entre eux... Mais, sous le règne de Thésée, entre diverses institutions tendantes à l'avantage d'Athènes, ce prince, qui joignait la sagesse à la puissance, abolit les conseils et les premières magistratures des bourgades, rassembla tous les citoyens dans ce qui est à présent la ville, et y institua un seul conseil et un seul prytanée; les Athéniens continuèrent d'habiter et de cultiver leurs champs; mais il les força de n'avoir qu'une ville.» (Thucydide, ii, 15. trad. de M. Gail.) — Astu est un mot grec qui signifie ville, et, pris isolément, la ville par excellence ou Athènes, comme en latin Urbs veut dire Rome. — On sait que Sunium était un bourg placé sur un promontoire du même nom qui s'avance dans la mer Egée, à l'extrémité sud-est de l'Attique. Du reste, on n'est d'accord ni sur le texte ni sur le sens précis de cette phrase.

III. Balbo. Pompée défendit Balbus avec Cicéron, pro Balb. I: c'est pour cela qu'on a substitué le nom de Balbus à ceux d'Avidius ou d'Ambius que portent les premières éditions, et qui sont également inconnus. Il est certain d'ailleurs que Pompée plaida plusieurs fois conjointement avec Cicéron. C'est Marius qui partage ici avec le dernier l'honneur d'être appelé le sauveur de Rome.

Quasi in familiam patriciam venerit. Ceux qui entraient par adoption dans les familles en prenaient le nom, surtout s'ils passaient d'une famille obscure dans une maison noble. Atticus, qui peut-être parle ici, était dans ce cas, puisque, ayant été adopté par son oncle Cécilius, il allongea son nom de cet autre, et se lit appeler Titus Cécilius Pomponinus Atticus; mais comme Cécilius n'était pas d'une qualité à relever celle d'Atticus, on revint à son nom ordinaire, même du vivant de Q. Cécilius. (Morabin.)

In Phœdro, édit. de Deux-Ponts, tom, x, pag. 286.

In Aratœo carmine. On trouvera dans ce volume les fragments qui nous restent de la traduction que Cicéron avait faite des Phénomènes d'Aratus.

IV. Le même mot, sermonis, est répété deux fois à très-peu de distance, et la seconde fois avec un sens peu naturel. Il faudrait probablement le supprimer, et lire vim ejus ou hujus, quo jura nobis deflnienda sunt; ou bien, avec M. Wagner, vim qua, ce qui ne change rien au fond des idées. Quoi qu'il en soit, le danger que Cicéron veut éviter est celui d'une équivoque sur le mot de loi, quoiqu'il ait déjà pris ses précautions, i, 6. En effet, le sens philosophique et général qu'il donne ou restitue à ce mot, pris ordinairement dans une acception particulière et positive, est trop peu ordinaire pour ne pas donner lieu à beaucoup de méprises et de sophismes. Les modernes s'y sont trompés, et l'erreur féconde sur laquelle repose le système de Hobbes et de ses nombreux imitateurs vient peut-être de n'avoir pas compris la vraie notion de la loi. — II faut remarquer aussi que dans ce passage le mot jura, droits, est pris avec une signification qu'il gardera presque constamment dans le reste de l'ouvrage. Il signifie l'application de la loi, de la justice, ou du droit universel, à un ordre particulier d'objets, comme dans ces expressions reçues, le droit des gens, le droit public. Chacun de ces droits, en effet, a la loi pour fondement, et en suppose l'idée, et c'est pour cela que si celle idée n'est pas bien comprise, aucun droit ne peut être établi ni défini.

Ejusmodi alias leges. Le texte ici adopté paraît obscur; mais c'est celui qui se rapproche le plus des manuscrits, et on l'appuie d'un passage de la Rhétorique à Hérennius, où l'auteur, pour donner l'idée de la loi, cite le même exemple, et dans des termes analogues, ii, 13. On peut ajouter que, pour la netteté du sens, il convient que la disposition légale citée soit impérative; or, elle ne l'est point expressément si, comme le font la plupart des éditions, on la réduit à ces mots: Si in jus vocat. Sur le sens du mot atque, signifiant slatim, voyez Aulu-Gelle, x, 29.

VI. Titias et Apuleias. Les lois du tribun Sext. Titius sont peu connues; mais l'histoire parle beaucoup de L. Apuléius Saturninus, célèbre tribun du peuple, ami de Marius qui l'abandonna, imitateur des Gracques dont il éprouva le destin, l'an de Rome 653. Toutes ses lois étaient factieusement populaires, et par conséquent très-odieuses au sénat et à Cicéron. Il porta, entre autres, une loi de majesté, de Orat., ii, 25, 49; une loi agraire et sur les colonies, pro Balb., 21; une loi sur les subsistances, ad Herenn., i, 12; enfin, une loi sur le serment des sénateurs, celle qui contribua le plus à sa perte, pro Sext., 10; pro Dom.,31; pro Cluent., 35. Sext. Titius, tribun, ami de Saturninus, après avoir participé à toutes ses mesures, renouvela, l'année qui suivit sa mort, la fameuse loi agraire des Gracques. Le consul Marcus Antonius l'orateur lui résista, et le fit peu après condamner au bannissement. (De Orat., ii, 11; pro C. Rabirio, 9, etc.)

Livias quidem. M. Livius Drusus était aussi un jeune tribun dont les propositions sur les jugements, sur le partage des blés et des champs, inquiétèrent le sénat. Il fut tué l'an de Rome 662; et le consul L. Marcius Philippus fit révoquer par un décret du sénat toutes ses lois, comme portées contre les auspices. Le témoignage de l'histoire est favorable à ce jeune tribun, dont les intentions étaient pures: Cicéron ne l'eût pas mis de lui-même au rang de Saturninus; aussi emprunte-t-il pour le condamner la voix de son frère Quintus, partisan plus sévère et plus ardent des intérêts des patriciens. Brut., 28, 49, 62; pro Rab., 7; Cluent., 56; Planc., 14; Dom., 16, et passim; Tite Live, Épit. 71; Flor., iii, 17, etc.

415 Non omnia vi ac minis cogere. Cicéron touche ici des questions qui intéressent hautement la législation et la philosophie. Est-il utile que les lois aient un préambule? Il y a plusieurs raisons d'en douter. Que Platon ait fait précéder d'une espèce d'exhortation générale ses Lois, composition purement philosophique, conception toute spéculative, cela est naturel et convenable; mais Zaleucus et Charondas, législateurs réels, l'un des Locriens, l'autre des Thuriens, sont dans une position différente. On peut douter, par des exemples modernes, qu'il soit bon d'ajouter à des législations, à des constitutions politiques, ces déclarations de principes généraux qui appartiennent plutôt à la philosophie. Les lois s'exposent ainsi à décréter formellement de pures théories, à leur communiquer un caractère obligatoire. Or, c'est encore une grande question: Les Lois peuvent-elles valider des théories sans usurpation? ou bien, lorsqu'elles en décrètent, peuvent-elles, sans perdre leur caractère, contenir des dispositions de deux sortes, dont les unes soient de purs conseils, et les autres des commandements?

VII. Utiles esse has opiniones. Il faut observer qu'ici les préjugés de l'homme d'État ont altéré la raison du philosophe. Celui qui, dans le premier livre, s'est indigné que l'on ait pu fonder la probité sur l'intérêt, n'aurait pas du peut-être parler de l'utililé de la religion, lui qui nous dit, i, 15, que le culte devait être conservé, surtout parce qu'il est un signe de la relation de l'homme avec Dieu.

In veteribus xii sacratis. On appela principalement lois sacrées celles qui avaient été rendues sur le mont Sacré, l'an 260, et qui créaient le tribunat, parce que le transgresseur en était dévoué aux dieux, sacer diis; ce qui était une espèce de malédiction (obtestatione et consecratione legis. Pro Balb., 14). Depuis, d'autres lois qui étaient armées de la même menace furent aussi décorées du même nom. Telles étaient la loi sur l'appel au peuple, De provocatione, Tite Live, ii, 8, et la loi sacrée militaire, qui défendait de rayer du tableau le nom d'un soldat sans son consentement. Id., vii, 41.

VIII. Certasque fruges. Cette précaution regarde de certains sacrifices particuliers. Ainsi, aux Terminalia, sacrifices au dieu Terme, on immolait une jeune brebis, Ovid., Fast., ii, v. 655; aux Vinalia, sacrifices pour les vendanges, on faisait des libations de vin nouveau, ibid., iv, v. 863. Aux sacrifices ordinaires, et pour ainsi dire généraux, le lait, le froment, étaient les offrandes habituelles, et le choix des victimes était plus indifférent.

Singulis flamines. On pourrait disputer sur cette phrase. Le plus sûr est de suivre le texte sans l'altérer par aucune conjecture. Il y avait en effet des prêtres particuliers pour chaque divinité, tels que les Luperci pour le dieu Pan, les Galli pour Cybèle, les Potitii pour Hercule, etc. Les pontifes formaient un collège qui avait juridiction sur tout ce qui concernait la religion et ses ministres, et dont les membres ne rendaient compte de leur conduite ni au sénat ni au peuple. Quant aux flamines, c'est d'eux que vient toute la difficulté du passage. On prouve en effet que tous les prêtres des divinités particulières ont souvent été appelés flamines. Mais il n'en est pas moins vrai que ce nom s'appliquait plus particulièrement à ceux de certains dieux, savoir: Jupiter, Mars et Romulus; Flamen Dialis, Martialis, Quirinalis. Ces trois prêtres, longtemps pris parmi les patriciens, étaient à part, et jamais on n'eût confondu le Flamen Martialis avec les Salii, qui étaient aussi des prêtres de Mars.

Unum quod prœsit cœremoniis. Ainsi, parmi les ministres de la religion, les uns étaient chargés de la célébration du culte, les autres de la divination; ceux-ci interprétaient les paroles des devins, de ceux qui devinent ce qui est, et des prophètes, de ceux qui devinent ce qui sera. Au premier rang de ces prêtres sont les augures dont la science était très-étendue et très-compliquée.

Interpretes autem Jovis. Le sens propre de cette phrase, un peu équivoque, est qu'avant de demander aux dieux la prospérité de l'agriculture et la conservation du peuple, les prêtres doivent consulter les augures pour savoir si la prière sera agréable aux dieux. Caton, R. R., c. 141.

Capital esto. Tout ceci a rapport aux fonctions et à la science augurales. L'augure se plaçait sur un lieu élevé appelé arx ou templum, d'où la vue s'étendait de tous cotés; et pour ôter tous les obstacles on abattait quelquefois des édifices. Il offrait des sacrifices, prononçait une prière solennelle, effata, dont il paraît que le langage était détourné, et désignait sous des expressions mystérieuses les objets qu'il se proposait d'observer; puis il s'asseyait, et la tête couverte, le visage tourné à l'orient, il déterminait avec son lituus, bâton recourbé, les régions célestes de l'est à l'ouest, et remarquait dans le fond du ciel un astre qui lui servait de point fixe, auquel il rapportait toutes ses observations. On sait qu'il fallait prendre les auspices préalablement à toute délibération ou entreprise importante (Adam, Antiq. rom., tom. ii, page 40).

IX. Fœderum pacis... fetiales. Les féciaux n'étaient point des prêtres, mais leur personne était sacrée; leur fonction était de déclarer la guerre et de faire la paix; c'étaient de simples hérauts. Leur juridiction ne s'appliquait probablement qu'aux choses de forme; ils ne décidaient pas si une guerre était juste, pas même si elle était utile, mais si elle était déclarée dans les règles.

Aruspices. Les aruspices étaient moins considérés que les augures. Leur science ou leur métier, aruspicina, était la risée des gens de bon sens; ils examinaient les entrailles des victimes, et jugeaient des singularités qu'elles présentaient quelquefois (Epist. fam., vi, 18; Nat.D., i, 26; Divin., ii, 24).

Cereri. Les sacrifices pour le peuple étaient ceux de la Bonne déesse, célébrés par les femmes (ad Att., i, 13). La fête grecque était imitée de celle d'Eleusis, et se célébrait en l'honneur de Cérès (pro Balb., 24; in Verr, iv, 51).

Parriclda esto. Le mot parricide, dans la langue des lois romaines, s'applique au simple homicide, et par extension à tout crime capital, comme dans cette expression consacrée, questeur du parricide; c'est le questeur criminel. L'inceste désigne surtout l'outrage fait aux vestales, et entraîne toujours une idée de profanation.

X. Utei tu Rogas. Les expressions du texte sont celles qui étaient employées dans les délibérations des comices par centuries. Atticus prie Cicéron de développer sa loi, suadere legem; c'est la proposer explicitement; c'est ce qu'on appellerait chez nous en exposer les motifs: alors, dit-il, il donnera son uti rogas; c'était la boule blanche de ce temps-là. Plus anciennement, le suffrage était vocal; ensuite on l'écrivit sur un bulletin: U. R. (Voyez Tit. Liv., xxxi, 8, etc.)

Prœsentis pœnœ. D'une peine présente. Présent est souvent pris dans un sens particulier, tant dans les langues anciennes que dans la nôtre, lorsqu'il s'applique aux dieux et à tout ce qui vient du ciel; une peine présente, c'est une peine menaçante, assurée, inévitable. La réflexion de Cicéron sur la sanction pénale qu'il attache à l'observation du premier article de sa loi pourrait donner lieu à des objections. En effet, ou il croit ce qu'il dit, et que Dieu se vengera de celui qui manquerait à l'un des commandements, de celui, par exemple, qui l'adorera avec trop de magnificence, ou, ce qui est plus vraisemblable, il n'invoque ici la vengeance divine que par prudence et pour 416 assurer l'exécution de sa loi. Dans le premier cas, il usurpe; est-il dans le secret des arrêts de Dieu? Dans le second, il se sert d'un indigne artifice; le nom de Dieu ne doit jamais être employé comme un supplément des peines terrestres; les législateurs n'ont pas le droit de le faire servir à leur utilité.

Suosque deos. Ici commence le développement ou commentaire du second article de la loi. Cicéron n'en avertit point, et, en général, outre l'aridité de la matière, le défaut de transition entre les diverses parties, les divers paragraphes, presque les diverses phrases de ce Livre, en rend la lecture difficile. J'ai tâché d'y mettre au moins quelque clarté, en séparant par des tirets les parties du commentaire qui regardent des articles de lois différents.

Templum esset et domus. C'était en effet une opinion des mages, prêtres, philosophes et magistrats chez les Perses; ils n'élevaient ni temples ni autels, mais ils célébraient des sacrifices sur le sommet des montagnes. Toutefois, dans l'expédition contre la Grèce, la guerre que fit Xerxès, selon l'expression de Cicéron, aux dieux comme aux hommes, fut plutôt dirigée par la vengeance que par la religion.

XI. Dictum est a Pythagora. Pythagore disait que les hommes deviennent meilleurs lorsqu'ils s'approchent des dieux (Plut., de Superst., et de Orac. defect.); ou, selon la version de Sénèque, qu'ils changent d'esprit en entrant dans un temple, en voyant de près l'image des dieux, en écoutant un oracle (Epist. 94). Suivant Thalès, le monde était animé et plein des dieux (Diog. Laert., i, 27). L'interprétation que Cicéron donne de leur pensée n'est pas incontestable; elle est entachée d'idolâtrie. (Wagner.)

Eamdemque rationem luci habent in agris. On comprend peu comment la même raison fait placer les temples dans les villes, et les bois sacrés dans les campagnes: c'est sans doute pour que les habitants des campagnes comme ceux des villes aient à leur portée un lieu d'oraison et de recueillement. Ces bois étaient de simples bocages: aussi, malgré Cicéron, il y en eut toujours dans les villes; c'étaient comme les jardins des temples.

Fortium bonorumque divinos. Ceci est plus poétique que philosophique. cette distinction des âmes immortelles et des âmes divines n'est point réelle, ou n'est pas assez certaine pour être affirmée. Il y a dans cet ouvrage même des principes qui la combattent. Cicéron revient souvent à cette idée, qui ressemble à la doctrine du petit nombre des élus, mais qui n'a point l'appui des mêmes arguments; et il est permis de n'y voir qu'une concession aux croyances de son temps, et une illusion du vainqueur de Catilina, qui espérait que les sauveurs de la patrie seraient admis parmi les dieux indigètes. (Nat. des dieux, ii, 24; Devoirs, iii, 5; Républ., vi, 7; Lactance, i, 15, etc.)

XI. Deos ipsos in animis. Les temples de toutes ces vertus existaient en effet à Rome (Nat. des Dieux, ii, 23). Lactance blâme l'approbation donnée par Cicéron à ce culte allégorique, qui lui paraît propre à substituer l'adoration des vertus déesses à l'amour des vertus pratiques. «C'est la vertu, dit-il, qu'il faut honorer, et non son image» (i, 20). Turnèbe veut placer ici une phrase que Lactance rapporte, et que l'on trouvera parmi les Fragments; il y est question des statues de l'Amour que l'on voyait dans les gymnases grecs: c'est évidemment à celle idée qu'elle se rapporte; mais placée au lieu indiqué par Turnèbe, elle se lierait difficilement à ce qui précède, et donnerait lieu de supposer une lacune plus étendue.

Cylonio. Cylon, Athénien, vainqueur aux jeux olympiques, s'était emparé, par l'ordre d'un oracle, de la citadelle. Assiégé par les Athéniens, et réduit à la famine, il parvint à s'évader avec son frère, et ses compagnons se réfugièrent en suppliants au pied de l'autel qui était dans l'Acropole; ceux à qui la garde en fut confiée les séduisirent par de fausses assurances, et les immolèrent, ainsi que quelques autres qui s'étaient retirés près de l'autel des Euménides (Thucydide, i, 126). Pour expier ce crime, on fit venir de Crète Epiménide, dix ans avant la guerre Persique (Platon, Lois, i; Diog. L., i, 110), et des autels furent élevés à l'Affront et à l'Impudence. Il paraît qu'Epiménide consacra ces autels dans la même intention que le roi Tullus avait élevé des temples à la Pâleur et à la Peur, non pour les adorer, mais pour les apaiser et détourner leurs coups (liv. i, 27). La même observation doit s'appliquer aux autels de la Fièvre et de la mauvaise Fortune (Nat. Des D., iii, 25).

XI. Vicepotœ. On trouve Vicepota ou Vicapota, dans Tite Live, ii, 7, et la déesse Stata, dans Festus. L'origine du titre Stator est connue (Tite Live, i, 12; Ovid., Fast., vi, v. 793). Il y parle aussi de celui d'Invictus (Ibid., v. 650).

Salutis. Il y avait à Rome des temples érigés au Salut, sur le Quirinal (ad Att., iv, i; Plin., H. N.. xxxv, 4); à l'Honneur (Tite Live, xxvii, 25); au Secours (Varr., de Ling. lat., iv, 10; Macr., Sat. i, 10); à la Victoire. à l'Espérance (Nat. des D., ii, 23), etc.

Fortunaque sit vel hujusce diei. Le temple de la Fortune de ce jour avait été dédié par Q. Catulus, à l'époque de la guerre des Cimbres, en 651; celui de la Fortune Respiciens était auprès du temple de Jupiter vainqueur (Plut., Quest. Rom.). Servius Tullius invoqua le premier, la Fortune du hasard, dont le temple, situé près du Tibre, fut réparé par Carvilius, pendant la guerre de Toscane (Tite Live, x, 46; Ovid., Fast., vi, v. 773). Le temple de la Fortune primigénie, déesse de la naissance, fut aussi voué par le même roi, et plus tard par P. Sempronius, pendant la deuxième guerre Punique (Tiv., xxxiv, 53; xliii, 13). L'épithète de Comes, compagne, était aussi un surnom divin de la Fortune; mais en cet endroit le texte est interrompu et peut-être altéré.

XII. Quumque Vesta... Quoique rien ne soit plus connu que le nom de Vesta et de ses prêtresses, on sait mal quelle était la nature et le culte de cette divinité: selon le plus grand nombre, elle était la déesse du feu, et Cicéron fait dériver son nom du mot grec éorîa, qui signifie foyer (Nat. des D., ii, 27); son autel était enfermé dans un sanctuaire impénétrable aux hommes, et un feu éternel y brûlait, religieusement entretenu par les six vestales dont les anciens nous ont appris les devoirs et les privilèges (Tit. Liv., i, 20).

Ad interpretanda alïi prœdicta vatum. Les ministres de la religion que Cicéron désigne ici sont probablement les quindécemvirs, ou gardiens des livres des prophètes, c'est-à-dire des célèbres livres Sibyllins, que dans les circonstances critiques, et pour les mesures importantes, ils étaient, sur l'ordre du sénat, chargés de consulter et d'interpréter, et qui passaient pour renfermer les destinées de l'empire romain. C'est ce qui explique les précautions que Cicéron conseille ici. C'est dans le même but qu'Auguste, étant pontife, fit brûler environ deux mille volumes de prédictions suspectes, et ne réserva que ces deux livres sacrés (Suét., Octav., 31).

Alio Die. Cette prérogative des augures n'était absolue que dans les comices par centuries, quoique Cicéron l'étende ici tant aux comices qu'aux conseils, consilia, réunions d'une partie du peuple. Celui qui devait les présider, accompagné d'un augure, prenait les auspices; si 417 l'augure les déclarait valides, rien n'empêchait la tenue des comices. Alio die exprimait une décision contraire; et l'effet de cette déclaration, appelée obnuntiatio, était, en vertu des lois Élia et Fulia, la dissolution de l'assemblée. Tout magistrat d'un rang supérieur ou égal à celui du citoyen qui tenait les comices pouvait, même après qu'ils avaient été commencés, les faire dissoudre par une déclaration semblable. Les patriciens se servirent souvent de ce privilège pour prévenir ou annuler des décisions contraires à leur politique (De Div., a, 34; Tit. Liv., ix, 38).

XIII. Neque enim Polyidi. Polyide de Corinthe prédit à son fils Euchénor, un des Grecs venus au siège de Troie, qu'il y périrait (Iliad., xiii, 666). Mélampe, Mopsus, Amphiaraüs, sont autant de devins fameux des temps héroïques de la Grèce. Calchas et Hélénus sont très-connus par Homère (Iliad., i, 69; vi, 76; vii, 44). L'art des devins était en grand honneur chez les peuples ici nommés, tous habitants de l'Asie. (De Div.,i, 15 et 41.)

Itaque neque illi assentior.... C. Marcellus et Appius Claudius, collègues de Cicéron dans le collège des augures, avaient écrit tous deux sur la divination, comme lui-même l'a fait depuis (Tuscul., i, 16). Il paraît que l'opinion du premier était assez répandue parmi ses collègues; car ils se moquaient des superstitions du second en le nommant un Pisidien (Divin., i, 47). Cicéron, qui expose en détail, dans son Traité, tous les arguments qu'il rappelle ici en faveur de la réalité de la science augurale (i, 38, 51, et passim), n'élude point comme ici la question, et s'y montre plus indépendant que dans ce livre, où il s'attache étroitement aux croyances ainsi qu'aux coutumes anciennes. Il ne nie point la science augurale, il nie la divination; il déclare qu'il penche plutôt pour l'avis de Marcellus; il croit que si la science de la divination a été dans le principe établie de bonne foi, reçue par le préjugé, elle a été conservée par la politique; et il ajoute ce qu'il n'eût point osé dire dans le Traité des Lois: Errabat enim in multis antiquitas (ii, 33 et 35).

XIV. lacchus. lacchus est le nom que l'on donnait à Bacchus dans les hymnes des mystères qui se célébraient en son nom, et les Eumolpides étaient les prêtres de Cérès Éleusine, du poète Eumolpus, fils de Musée et disciple d'Orphée, qui avait été pontife de cette déesse, et dans la famille duquel ce ministère s'était perpétué: aussi désignait-on les mystères de Cérès sous le nom de Sacrifices des Eumolpides (Nat. des D., ii, 24; Verr, iv, 60; v, 72).

Quibus ipsi initiati sumus. Il s'agit probablement des mystères d'Eleusis, auxquels les Athéniens admettaient les étrangers (Nat. des D., i, 43; Tvsc., i, 13). C'est une opinion assez probable, que la fondation des mystères de Bacchus et de Cérès avait eu pour but de réunir les hommes, encore peu sociables, dans la joie commune d'une fête, et là de leur enseigner, sous des formes mystérieuses et sacrées, qui piquaient la curiosité, inspiraient l'effroi, captivaient la croyance, les éléments des premiers arts, de la morale et de la religion naturelle. Une vie aisée et tranquille, une douce fin, un autre avenir, tels sont les biens que promettait l'initiation: de là les éloges que Cicéron donne à ces cérémonies. Mais, en s'éloignant de leur institution primitive, elles étaient devenues beaucoup moins utiles (Anachars., ch. 68). Il paraît même que l'obscurité qui les enveloppait n'avait pas toujours été favorable aux bonnes mœurs, et dans les poètes dramatiques on voit que plus d'une intrigue avait pris naissance pendant la célébration des saints mystères; ils étaient devenus presque un moyen de comédie (Voyez Plaut., Aulul., prol., 36; et Ménandre cité par Aulu-Gelle, ii, 23).

XV. Bacchanalibus. Sous le prétexte du culte de Bacchus, une secte s'était formée, qui dans l'obscurité des forêts et de la nuit célébrait d'horribles mystères, où l'humanité et la pudeur étaient également outragées. Le sénat, instruit de ces désordres, ordonna aux consuls Sp. Postumus et Q. Marcius Philippus de faire une information, quœstio, et de punir les coupables, animadversio. On en découvrit près de sept mille, tant dans les campagnes de l'Italie qu'à Rome même: ils furent poursuivis et punis de mort, ou forcés à la fuite, l'an de Rome 567 (Tite Live, xxxix, 14).

Diagondas. On ne sait de quel fait historique veut parler Cicéron, et Diagondas lui même n'est point connu; d'autres lisent Pagondas.

Sabazius. Sabazius était un des noms sous lesquels on adorait Bacchus: σαβάζειν, bacchari, de aaëoï, cri des Ménades dans les bacchanales (Nat. des D., iii, 23). Les fêtes de Sabazius étaient aussi déréglées que les bacchanales de Rome, et méritaient le courroux satirique d'Aristophane: la pièce où il les condamnait est perdue. Quelques-uns confondaiant ce nom avec celui de Sébasius donné à Jupiter; mais n'est-ce point une erreur? et Sebazius n'est-il pas plutôt synonyme de σεβαστός, auguste; de σεβάζω, révérer?

Atque impiam judicet. Il s'agit uniquement de l'imprudence dans ce qui concerne les formalités religieuses; tout manquement en ce genre était rémissible, s'il était irréfléchi; s'il était volontaire, il y avait audace et non imprudence; c'était une impiété, c'est-à-dire un crime inexpiable (Macrob., Sat., i, 16).

Nec plane contemnendum puto. Platon est plus sévère que Cicéron; c'est que la musique avait plus de danger chez les Grecs, si dociles à la puissance des arts, que chez les Romains. (Plat., Lois, iv; Montesquieu, Esp. des Lois, iv, 8.)

XVI. Qui sacrum abslulerit, sed etiam ei qui sacro commendatum. C'était un point controversé entre les jurisconsultes que celui de savoir si l'argent d'un particulier devenait sacré par le fait du dépôt dans un temple, et conséquemment si le larcin de cet argent devait être réputé vol ou sacrilège (Quint., iv, 2). Les exemples rapportés sont peu connus. Clisthène est probablement celui qui se signala lors de l'expulsion des Pisistratides, et qui inventa l'ostracisme (Brut., 7; Hérodote, v, 62 et 66).

Quum vir nemo bonus ab improbo se donari velit. (Platon, Lois, Liv. iv, chap. 8, éd. de M. Ast, 1814): «L'homme juste, en s'approchant des autels, en communiquant avec les dieux par les prières, les offrandes et toute la pompe du culte religieux, fait une action noble, sage, utile à son bonheur et conforme en tout à si nature; mais il n'en est pas ainsi de celui qui ne ressemble qu'aux méchants, car il y a autant d'impureté dans son âme que de pureté dans l'âme du juste. Or, il ne convient pas à un sage, encore moins à un dieu, de recevoir les dons que des mains impures lui présentent. A quoi servent donc toutes les peines des sacrilèges pour gagner les dieux? les dieux n'entendent que la vertu.» PENSEES DE PLATON, traduites par Victor Le Clerc, seconde édition, page 174; voyez aussi, pag. 112 et suiv. du même ouvrage, la même pensée, plus développée dans le dixième Livre des Lois.

XVII. Quid accidere potuit homini prœclarius? Tout ce morceau est oratoire; il faut donc passer à Cicéron quelques inexactitudes, quelques exagérations dont sa rhétorique est plus coupable que sa vanité même. Tous les faits relatifs à son exil sont rappelés en trop d'endroits de ses ouvrages pour qu'il soit utile de les raconter; voyez surtout ses Discours post Deditum, pro Domo sua, in Pison., etc.

418 XVII. Sepultura... caruerunt. Ce que l'auteur dit ici du sort de ses ennemis est un peu amplifié. Ceux dont il parle d'abord sont apparemment les partisans de Gabinius et de Clodius, frappés la plupart de condamnations et dispersés par l'exil; ce qu'il dit des plus impies ne paraît convenir qu'à Clodius, dont la mort fut sanglante et les funérailles tumultueuses (Pro Mil., 32). Elles ne furent point justes, c'est-à-dire régulières, dans les formes prescrites: c'est ainsi que le rnot justa seul a fini par signifier obsèques.

Et ea fama mortuorum. Cette conclusion ne ressort pas naturellement de tout le morceau, car l'auteur n'y a point parlé des menaces de l'autre vie. Il est vrai qu'elles ne sont point énoncées bien clairement dans le texte de la phrase, et qu'on peut le regarder comme altéré; mais ce ne serait pas la première fois que nous aurions vu Cicéron raisonner plutôt d'après ses opinions intimes et sous-entendues, que, d'après ses idées exprimées, surtout lorsqu'il cède à un mouvement d'éloquence et d'amour-propre. Les irrégularités de style, les lacunes de raisonnement, l'amplification des faits, enfin le peu de convenance de cet éloge de lui-même et de cette invective contre ses ennemis, ne sont peut-être pas des raisons suffisantes pour croire, avec Wagner, que depuis ces mots, Quid ego hic sceleratorum, etc., tout le passage soit apocryphe.

XVIII. Platoni prorsus assentior. (Platon, Lois, Liv. xii, cliap. 7, édit. de M. Ast, page 472.) Ce passage est cité encore par Clément d'Alexandrie, Strom., v, II; Eusèbe, Prépar. ev., iii, 8; Théodoret, Thérapeut., iii, etc.

Ad pontificium jus et ad civile. L'obligation de célébrer les sacrifices établis dans une famille étant une des charges de la succession, les questions qui y étaient relatives regardaient les jurisconsultes; d'un autre côté, comme il s'agissait de sacrifices, par conséquent d'engagements religieux, les pontifes possédaient ou s'étaient arrogé le droit d'en connaître. Le droit pontifical se composait de simples questions de droit, qui, par la nature des objets auxquels elles s'appliquaient, paraissaient intéresser la religion.

XIX. Publii filius. C'est Quintus Scévola, le pontife par excellence, fils de Publius Scévola.

XX. Si major pars pecuniœ legata est. Pour entendre toutes ces distinctions qui paraissent d'abord difficiles, il suffit de se rappeler ce que tout le monde sait, la différence d'un héritier à un légataire. L'hérédité est la succession légale ou testamentaire à tous les droits qu'avait le défunt. Le legs est une libéralité ou donation laissée par le défunt à un tiers, en termes directs, laquelle doit être fournie par l'héritier. Il s'ensuit que la valeur de l'hérédité est en raison inverse de celle des legs, et qu'il peut se trouver des circonstances où la part d'un ou de plusieurs légataires soit égale et même supérieure à l'hérédité proprement dite, auquel cas il semble équitable que le légataire soit tenu des charges de la succession préférablement à l'héritier (Inst., Liv. ii, lit. x, xiv et xx).

Id si is non probat, rectum non est. Il est nécessaire de commenter ici et le texte et la traduction. Voici comme procède l'objection contre les pontifes. Ils avaient posé en principe que les sacrifices suivaient l'argent; mais aussitôt ils ont inventé des fictions, des artifices légaux, au moyen desquels on se soustrait au principe. Le premier est la déduction dite de cent sesterces, centum nummorum. Le testateur, en insérant dans le testament qu'une certaine somme serait déduite préalablement sur l'hérédité au profit du légataire, pouvait, au moyen de ce changement de termes, lui assurer le bénéfice sans les charges: sous le nom de déduction, ce dernier obtenait la réalité du legs sans être légataire. Secondement, lorsque le testateur n'avait point pris cette précaution, le légataire le mieux partagé pouvait volontairement prendre dans la succession une somme moindre que celle qui lui avait été léguée, et inférieure au taux auquel il eût été tenu des charges, et par conséquent des sacrifices, et de cette manière il en était exempté: légataire de nom, il n'en remplissait pas les fonctions, parce qu'il ne touchait pas un legs réel. Ainsi, dans le premier cas, le droit prévalait contre le fait, et dans le second, le fait prévalait contre le droit: c'est déjà une contradiction. Ajoutez que, par le second moyen, la volonté du testateur était éludée; celui qu'il avait voulu faire légataire ne l'était pas. C'est par là que cette fiction de droit était contraire à la jurisprudence de Scévola sur les donations; car en cette matière, selon eux, la personne en pouvoir d'autrui, non sui juris, n'était donataire qu'autant et pour tant que le père de famille l'avait permis; et dans l'autre cas, au contraire, celui que le testateur ou père de famille avait choisi pour légataire pouvait se dispenser de l'être.

XX. Quasi ea pecunia legata non esset. Turnèbe explique la première décision par cet exemple: Que le père de famille ait laissé cinq onces à ses héritiers, et sept à un légataire (on sait que l'hérédité était représentée par l'as, et se divisait en conséquence par onces ou douzièmes), le légataire, pour être dispensé des sacrifices, ne prend que quatre onces; il meurt en laissant deux héritiers; l'un réclame au prorata de sa portion ce que le défunt a négligé, c'est-à-dire une once et demie; cette somme ajoutée, non pas à la part du dernier héritier, laquelle est de deux onces, mais à celle que le défunt a touchée, et qui est de quatre onces, donne cinq onces et demie, somme supérieure à la totalité de la part des héritiers, laquelle est de cinq onces; c'est donc l'héritier du légataire qui seul est tenu des sacrifices. Le second moyen de droit est plus étrange: une des formes du testament, chez les Romains, était le testament par l'airain et la balance, per as et libram; le testateur, en présence de sept témoins, parmi lesquels, du temps que l'argent ne se comptait pas, mais se pesait, étaient deux officiers, l'assistant, antestatus, et le porte-balance, libripens, disposait, par une vente simulée ou fiduciaire, de sa famille et de sa fortune en faveur de celui qu'il voulait pour héritier, et qu'on appelait pour cette raison familiae emtor. De cette manière, ce dernier, dont les droits duraient jusqu'au décès, succédait alors en qualité d'acquéreur plutôt qu'en qualité d'héritier. Or, on suivait la même formalité lors de l'exécution du testament, et le légataire, au lieu de recevoir son legs des mains de l'héritier, l'acquittait de sa part légale, et prenait la sienne en vertu du testament, qu'il représentait comme une stipulation; il perdait aux yeux de la loi le caractère de légataire. C'est ainsi qu'une fiction de droit, en changeant le caractère extérieur de la transaction, pouvait intervertir les droits des intéressés (Instit., Lib. ii, t. x, § 2).

XXI. Coruncanio. Cicéron fait plusieurs fois l'éloge de Coruncanius. Il y eut plusieurs pontifes de ce nom, entre autres le premier plébéien, élu grand pontife (Brut., 14; Tit. Liv., Epit. xviii).

Depuis les mots sitque ea... jusqu'à ceux-ci, doctum hominem, le texte a été réparé et suppléé par Lambin, tant d'après un ancien manuscrit que d'après un passage de Plutarque sur le même sujet dans les Questions romaines. MM. Görenz et Schütz n'adoptent pas cette restitution.

Mortuis parentari voluerunt. Les fêtes des morts, feralia, se célébraient tous les ans, selon Festus, le 2l, et selon Ovide, le 17 de février (Fast., ii, 567).

419 XXI. D. Brutus. Décimus Brutus, consul l'année 616 de la fondation de Rome, triompha des Galléciens et des Lusitaniens, et reçut le nom de Gallécus; il fut le protecteur et l'ami de L. Attius, poêle et historien, dont il fit graver les vers sur les murs des temples et sur les monuments dont il fut le fondateur. (Brut., 18, 22 et 28; pro Arch., ii).

XXII. In gente Popilia. Exemple inconnu; noms célèbres.

Denicales. Après les funérailles, on accomplissait certaines cérémonies pour la purification de la famille, et on les appelait fêtes ou fériés dénicalcs, feriœ denicales; celui qui les célébrait ne devait le faire ni un jour qui fût une fête pour lui, comme son jour de naissance, ni un jour de fête publique.

Funestœ familiœ. Une famille dans laquelle il y avait eu une mort et des funérailles était réputée funeste, a funere (Virg., Æn., vi, 149); pendant neuf jours elle était soumise à de certaines observances, et ne pouvait être citée en justice; au bout de ce temps, elle offrait un sacrifice qui la purifiait, et levait cette espèce d'interdit (Justinien, Novell., 115). On ne sait si le mot os veut dire ici le visage ou un os; dans le premier cas, il faudrait traduire, ainsi: «Comment on recouvre de terre la tête déposée sur le sol,» et peut-être le texte grammatical se prête-t-il mieux à cette version; dans le second cas, la phrase se rapporterait à un usage qui consistait à séparer du corps, avant de le mettre sur le bûcher, un membre quelconque ou seulement un os, que l'on enterrait ensuite avec grande cérémonie: cet usage avait pour but de concilier la méthode de brûler les corps et celle de les inhumer. On verra plus bas pourquoi nous avons préféré cette explication, pour laquelle il vaudrait peut-être mieux lire resectum terrœ. D'après Festus, le sacrifice d'une truie était ordonné à ceux qui avaient commis quelque manquement dans la célébration des funérailles.

Ad fontis aras. Quels étaient ces autels de la fontaine? Il pouvait y en avoir en plusieurs endroits, car généralement les fontaines étaient consacrées; les uns croient qu'il s'agit de la fontaine d'Égérie, auprès de la porte Capène (Ovid., Fast., iii, 295); les autres, d'un temple de la fontaine dédié par Mason (Nat, des D., ni, 20); on propose aussi avec assez de vraisemblance de lire Fonti aras, les autels de Fontus, fils de Janus, le dieu du Janicule, auprès duquel on croit que Numa fut enseveli. (Wagner.)

Igni voluit cremari. Les grandes familles avaient quelquefois des coutumes particulières, et auxquelles elles étaient fort attachées. Tel était cet usage de la famille Cornélia, une des plus illustres de Rome. Pline l'atteste comme Cicéron, ainsi que le fait attribué à Sylla (H. N., vii, 54).

Ennius de Africano. Voici probablement les vers d'Ennius, d'après Sénèque, Epist. 108:

Hic est ille situs, quoi nemo civi, neque hostis
Quivit pro factis reddere operæ pretium.

L'exemple de Scipion est cité parce qu'il était de la famille des Cornéliens; mais quelques mots d'un poëte comme Ennius ne seraient pas une bien forte preuve, et il est même difficile de comprendre quel parti l'auteur en veut tirer. Le texte est fort incertain dans ce qui suit.

Nam priusquam in os. Voilà la phrase pour laquelle il paraît nécessaire de traduire os par ossement. En effet, si os signifiait le visage, et par extension la tête, comme on le prétend, il faudrait qu'il eût été d'usage, lorsque l'on brûlait un corps, d'en séparer la tête et de l'enterrer à part, autrement la phrase serait absurde: or, il n'y a point de trace d'un usage semblable; au lieu que dans l'hypothèse de l'autre coutume, dont Festus et Varron rendent témoignage, on conçoit fort bien qu'après avoir consumé le corps, on enterrât, et souvent au même lieu, l'os réservé, et que cette cérémonie opérât seule la consécration du lieu, et le convertit en sépulture.

XXIII. Publicola. P. Valérius Publicola, on Poplicola, le second collègue du premier Brutus dans le consulat, l'an de Rome 245, abaissa le premier les faisceaux devant le peuple. P. Postumius Tubertus fut consul trois ans après. C. Fabricius est le célèbre et généreux ennemi de Pyrrhus (Epit. de Tite Live, xiii; Flor., i, 18).

Porlam Collinam. La porte Colline était près des monts Viminal et Quirinal, dont elle tirait son nom (a collibus). L'anecdote que rapporte Cicéron n'est connue que par lui; dans les temps modernes et dans les idées chevaleresques, ces mots de maitresse de l'honneur, écrits sur une lame d'épée, se comprendraient facilement; mais dans l'antiquité, il faut convenir qu'ils n'offrent aucun sens. On propose diverses conjectures.

Tribus riciniis. Ces robes de deuil, ricinia, étaient ornées de liens ou de nœuds de pourpre d'une forme particulière; les femmes les jetaient avec leurs ornements sur le bûcher de leurs parents (Virg., Æn., vi, v. 221). Il paraît qu'on se rendait aux funérailles avec plusieurs de ces robes, afin d'en jeter un plus grand nombre (Tac., Ann., iii, 2; Suét., Jul., 84), et la loi défendait d'en porter plus de trois; tel paraît être du moins le sens de celle de Solon (Plut., in Solon.); peut-être aussi la loi réduit-elle tout simplement à trois en tout le nombre de celles que l'on peut brûler sur le bûcher. Cette cérémonie, ainsi que toutes celles des funérailles, se faisait au son de la flûte (Ovid., Fast., vi, v. 660).

Lex Solonis. Telle est en effet la loi de Solon dans Plutarque. Le mot lessus ne se trouve que cette fois dans Cicéron, car c'est par conjecture qu'on l'a introduit dans un passage des Tusculanes qui se rapporte évidemment à celui-ci (ii, 23). Sext. Élius, L. Acilius et L. Élius étaient des jurisconsultes, dont le premier seul, S. Élius Pétus, consul en 554, a laissé quelque réputation (de Or., i, 46).

XXIV. Ne ossa legito. Cette défense offre différents sens: la loi interdit ou de recueillir les os d'un homme mort et enseveli, pour les transporter ailleurs et célébrer de nouvelles funérailles (Morabin), ou de séparer des os pour les ensevelir après que le corps a été consumé; coutume que, selon nous, Cicéron a approuvée plus haut (Wagner}; ou enfin de recueillir parmi les cendres du bûcher les os non consumés pour leur rendre de nouveaux devoirs (Tibulle, iii, 2, 9; Suét., Aug., 101), et ce dernier sens nous paraît le plus naturel.

Servilis unctura. Le corps, avant d'être enseveli, était lavé avec de l'eau chaude, et oint de parfums et d'essences par des esclaves appelés pollinctores (Virg., Æn., vi, v. 219; Plin. j., Epist., v, 16; Plaut., Asin., v, 2, 8, 60). C'est apparemment ce luxe que Cicéron interdit; la défense est rigoureuse, et moins motivée que celle qui proscrit le banquet funèbre, qu'il ne faut pas, je crois, confondre avec le silicernium.

Ne longœ coronœ. On arrosait de vin le bûcher, on y répandait différents parfums, de l'encens, de la myrrhe, de la casse (Pline, H. N., xii, 18; xiv, i2). Quant aux grandes couronnes, ce sont ou ces couronnes ornées de bandelettes que l'on consacrait aux dieux et aux héros, ou ces couronnes extrêmement grandes, que Festus appelle couronnes donatiques, et que l'on plaçait dans les tombeaux, ou qu'on y suspendait (Ovid., Fast., iv, V. 738; Plin., xx, 1,3; Prop., iii, 14, 23). Acerra pouvait être un autel que l'on plaçait devant le mort, et sur lequel on brûlait des parfums (Festus).

420 XXIV. Sine fraude. La loi précédente interdisait les couronnes; c'est pourquoi celle-ci porte comme exception que les couronnes obtenues comme récompenses pourront paraître aux funérailles. Il paraît que ces expressions, sine fraude, sont celles mêmes de la loi; car Pline les emploie dans la même occasion (ibid.). On dit qu'à la pompe funèbre de Sylla il y avait plus de deux mille couronnes, qu'il avait reçues de différentes villes après ses victoires (App., Bell. civ., i, 417).

Ut uni plura fierent. Il est arrivé qu'on a célébré pour la même personne des funérailles en plusieurs lieux à la fois (Senec., Consol. a Marc., 3). Quant aux lits, dont on ne sait pas bien l'usage, il y en avait un plus ou moins grand nombre, suivant la richesse et la distinction du mort: aux obsèques de Sylla, il y en avait six mille (Wagner).

Rogum bustumque novum. Bustum est proprement le lieu où le corps a été successivement brûlé et enterré (Festus.) Ainsi la loi voulait épargner au propriétaire, non-seulement le voisinage du bûcher à cause du feu, mais encore celui d'un sépulcre neuf, d'abord pour la salubrité de l'air, et ensuite parce que le tombeau et son forum, c'est-à-dire, je crois, la portion de terrain par où l'on y entrait, étant imprescriptibles, un tel voisinage était un changement désavantageux, dans la condition de la propriété limitrophe.

Funus ut indicatur. On distinguait funus indictivum,et funus tacitum. Les premières funérailles étaient annoncées par un héraut qui y invitait le peuple, et lui annonçait les principales cérémonies, comme les jeux, etc.; cet honneur n'appartenait qu'aux grands personnages (Suét., Jul., 84; Ter., Phorm., v, 7, 38). Celui qui donnait des jeux exerçait en cela une sorte d'autorité publique (in Pison., 4); c'est apparemment pour cela qu'on lui donnait des licteurs.

Cantus lugubres. L'usage des éloges funèbres remonte à Valérius Publicola, qui prononça celui de son collègue J. Brutus. Les hymnes funèbres et les louanges du mort étaient chantés par des personnes que l'on payait à cet effet (Tusc., i, 2; Quint., viii, 2); du reste, on ne connaît point de mot grec qui corresponde pour le son au nenia des Latins; seulement on trouve celle expression νηνίατον μέλος, pour signifier le mode phrygien employé particulièrement aux funérailles, et νηνυρίζειν, qu'Hésychius donne pour synonyme de θρηνεῖν, pleurer. Il est donc possible que dans le grec vulgaire il existât quelque mot du genre de νηνία (Wagner). C'est probablement cette difficulté qui a suggéré à quelques-uns Graccchis, au lieu de Grœcis, mais sans fondement.

XXVI. τύμβον. Le mot grec τύμβος signifie proprement tumulus, tombeau, et il est même la racine du mot français. Le Céramique, les tuileries, était un lieu où l'on ensevelissait les citoyens morts à la guerre, et où l'on prononçait leurs éloges funèbres.

420 LIVRE TROISIÈME.

I. Supremæ legis. Ce peu de lignes, qui ne sont qu'une nouvelle traduction des principes exposés dans le premier Livre, portent plus loin peut être que ne l'entrevoyait Cicéron. «La nature est une loi: c'est ainsi qu'il faut l'entendre, Livre i, chap. 6 et 12. Le pouvoir est dans la nature; il repose sur la loi; il est essentiel à la société.» Cette application de la doctrine est nouvelle et importante; les modernes l'ont développée, ainsi que la comparaison du gouvernement du monde et de celui de la société. «La Divinité a ses lois, le monde matériel a ses lois.» (Montesquieu, Esprit des Lois, Liv. i, chap. 1, et M. de Bonald, Essai analytique, chap. iii, page 110, et iv, page 115.)

IL Qui nunc regnant. Cette histoire abrégée de la royauté n'est pas très exacte. On peut accorder que toutes les sociétés historiques ont commencé par la monarchie; mais il n'est pas vrai, par exemple, que, dans les premiers temps de Rome, la couronne se déférât au plus juste. Les seuls exemples à citer sont Numa, Tullus et Ancus.

Titanum e genere. Τὴν λεγομένην παλαιὰν Τιτανικὴν φύσιν, κ. τ. λ.. Platon, Lois, Livre iii, éd. d'Henri Estienne, page 701; de M. Ast, chap. 16, page 123, et dans les notes, tome ii, page 193.

III. Verberibusve. L'établissement de la peine des verges est un retour à l'ancien régime de la république. Cette peine portée par les douze Tables avait été abolie en 556, par une loi du tribun M. Porcins Lecca. (Pro Rab., 4; Verr., v, 63; Tite Live, x, 9.)

Provocatio. Ce droit d'appel, qui s'exerçait de magistrature à magistrature dans l'ordre hiérarchique, pour remonter en dernier ressort jusqu'au peuple, selon les lois Valéria, constituait le premier droit du citoyen romain.

III. Ædiles. L'édilité curule jouissait seule du privilège d'ouvrir le chemin des hautes magistratures; ce qui fait voir que Cicéron veut réunir aux attributions des édiles curules celles des édiles plébéiens, quoique l'institution de ces derniers fut la plus ancienne.: elle datait de l'an 260. Les premiers ne furent créés en 387 par les patriciens, que pour la célébration des jeux. Les attributions des édiles peuvent se rendre par un seul mot en français; ils étaient chargés de la police.

Eaque potestas semper esto. Toutes ces attributions appartenaient en effet aux censeurs, et n'étaient pas les seules. (Tile Live, iv, 8, 24 et passim.) La précaution que prend Cicéron pour les maintenir à perpétuité vient de ce que, depuis l'an 667 jusqu'en 683, il n'y eut point de censeurs à Rome.

Prætor esto. La préture fut établie, en 389, pour dispenser du soin de rendre la justice les consuls, presque toujours occupés à la guerre. Il n'y eut d'abord qu'un préteur; un peu plus d'un siècle après, il y en eut deux; par la suite, on eu régla le nombre sur le besoin des affaires.
Prœtores, judices. Tous ces titres pouvaient convenir aux consuls, appelés d'abord prœtores, Tite Live, iii, 55; imperatores, Sall., Cat., 5; ou judices, Varr., L. L., v, 7, et Tite Live, ibid. La dénomination de consules prévalut, soit parce qu'ils consultaient, c'est-à-dire provoquaient et dirigeaient la délibération du sénat ou du peuple, soit, comme le veut Florus, i, 9, a consulendo reipublicœ.

Annali lege. De ces deux lois la première était fort ancienne (Tite Live, vii, 42), mais peu observée: aussi fut-elle renouvelée par Sylla (Appien, Bell. Ctv, i, 100). Quant à la loi annale, on la violait sans cesse, ou du moins les dispenses étaient très-communes.

Reliqui magistratus ne sunto. C'est le sens le plus naturel à donner à cette phrase, dont le texte est douteux. C'est un fait que lorsqu'on nommait un maître du peuple ou dictateur, il choisissait un maître de la cavalerie; et les autres magistrats cessaient leurs fonctions de plein droit. (Polybe. iii, 87.)

Creare consules rite. Il s'agit évidemment du cas où les consuls étant absents, le sénat nommait un interroi pour présider aux nouvelles élections; c'était un privi- 421 lège du sénat, ainsi que le droit de prendre les auspices, comme nous l'ayons vu (Tite Live, iv, 6; vi, 41).

III. Duella justa. Cicéron définit ce qu'il entend par une guerre juste, au Livre i des Devoirs, chap. 11. C'est là qu'il donne les principes les plus beaux du monde, tout en approuvant certaines guerres des Romains très-peu conformes à ces principes. Voyez aussi l'Épître à Quintus, 1,1. C'est le vrai commentaire de ce passage.

Senatus esto. On n'est pas d'accord sur la manière dont le sénat se composait. Il n'y avait pas vraisemblablement de règle constante. Ce qui est sûr, c'est que certaines magistratures, dont la questure était la moindre, ont presque en tout temps donné de droit l'entrée au sénat. Voilà pourquoi il est dit souvent que les sénateurs étaient élus par le peuple (Tite Live, iv, 4; pro Sext., 65; pro Cluent., 56). Sylla rendit dans ce sens un décret que Cicéron paraît ici vouloir ériger en loi; mais il y avait encore d'autres manières d'être admis au nombre des pères conscrits.

Senatusconsulta perscripta. On a traduit fidèlement le texte adopté. Cependant il n'offre pas un sens aussi satisfaisant que la leçon proposée par M. Wagner. Il propose si au lieu de ni, et place la virgule avant perscripta. Il faut alors traduire: «Mais si un magistrat égal ou supérieur s'oppose aux sénatus-consultes, que du moins les décrets soient conservés par écrit.» Ils étaient alors, en effet, enregistrés comme autorités; il y en a deux exemples dans les décrets du sénat qu'une lettre de Célius nous a conservés, Epist.fam., viii, 8. La correction est simple et heureuse; il n'est pas même nécessaire de substituer senatus consultum à senatus consulta.

IV. Jus cœrandi. Il ne s'agit point ici de la dictature, mais des nouvelles magistratures que des besoins nouveaux ou des affaires extraordinaires obligeaient de créer.

On a déjà parlé de cette expression technique, agere cum populo aut senatu, qui signifie soumettre une proposition ou rapporter une affaire à l'un ou à l'autre, et provoquer une délibération.

In œrario cognita. On convoquait les comices par un édit qui indiquait la question mise en délibération, et qui devait paraître dix-sept jours au moins avant la réunion. C'est ce qu'on appelait promulgatio per trinundinum, la promulgation par trois jours de marché, c'est-à-dire de neuf jours en neuf jours (Tite Live, iii, 35). On ne voit nulle part que cette espèce d'ordre du jour fût affichée dans le trésor; mais ce peut être une disposition nouvelle. Le trésor servait aussi d'archives au sénat: c'est ce qui a fait proposer sur ce passage plusieurs corrections toutes conjecturales.

Privilegia. Qu'on ne rende point de priviléges. Il faut entendre par là: Qu'on ne rende point de lois spéciales sur un individu. Pro Dom., 10.

V. Discedite. C'est le mot par lequel le magistrat qui présidait les comices invitait les citoyens à se retirer chacun dans leur tribu ou centurie pour aller aux voix (Tite Live, xxxi, 7). Là, ou plutôt en s'y rendant, ils recevaient individuellement une petite tablette sur laquelle chacun écrivait son vote. Il n'y a point de doute sur cette allusion; mais discedite est une correction heureuse de Davies; les manuscrits portent dicere ou discere. La leçon vulgaire disce rem ne peut se soutenir.

VI. Ab hac familia. Les philosophes de la famille de Socrate ou de la famille académique, si l'on admet l'ingénieuse correction de Scheffer, ab academica familia, furent appelés les politiques (De Orat., iii, 28). Héraclide, d'Héraclée, ville de Pont, vint à Athènes, où il entendit Platon, Speusippe et Aristote (Diog. Laert, v, 5). Dicéarque, péripatélicien, fit un Tripolitique sur les gouvernements des Corinthiens, des Athéniens et des Pelléniens (Ad Att., xiii, 32).

VII. A Theopompo. Suivant la constitution de Lycurgue, c'est le sénat qui maintenait l'équilibre entre les rois et le peuple; mais peu à peu le sénat s'étant ligué avec la royauté, le roi Théopompe, environ cent trente ans après Lycurgue, fit passer une partie de leurs attributions dans les mains des cinq éphores ou inspecteurs, qui formèrent un corps intermédiaire exerçant sa surveillance jusque sur les actes de l'autorité royale.

VIII. Tetrior et fœdior. L'an de Rome 260, les plébéiens, révoltés contre le sénat et la noblesse, se retirèrent, conduits par Sicinius, sur le mont Sacré. Le sénat, pour faire cesser la révolte, accorda un adoucissement des lois sur les dettes, et l'établissement des tribuns du peuple (Tite Live, ii, 23, 32, 33). Quarante ans après, les dlécemvirs, chargés de refaire la législation, ne recréèrent point le tribunat. Mais une nouvelle sédition et une nouvelle retraite sur le mont Sacré, l'an 304 de Rome, en amenèrent le rétablissement (Ibid., m, 49 et suiv.) De là cette comparaison que fait Quintus de la naissance du tribunat avec celle de ces enfants faibles et monstrueux que la barbarie des douze Tables ordonnait de noyer (Denys d'Halic., ii; Sénèque, de Ira, i, 13). Montesquieu n'est pas de l'avis de Quintus sur l'origine du tribun at. (Esprit des Lois, L. xii, ch. 21; Grandeur et décadence, ch. 8.)

IX. Nunquam tamen conquievit. Dès la première année, une loi ordonna que les décrets des assemblées par tribus, les plébiscites, obligeraient les patriciens, tandis qu'auparavant ils n'obligeaient que les plébéiens. L'an 305, une loi de L. Trébonius ôta aux premiers les moyens et l'espoir d'obtenir le tribunal; l'an 307, le peuple se mit en possession d'élire les questeurs, jusqu'alors nommés par les consuls; l'an 308, Canuléius demande l'admission au consulat pour les plébéiens; il obtient l'abolition de la loi qui interdisait le mariage entre les familles plébéiennes et les patriciennes, et la création des tribuns militaires qui furent choisis par moitié dans les deux ordres. La loi du consulat ne passa que l'an 386, grâce aux efforts du tribun L. Sextius (Ttle Live, passim).

Flaminium. C. Flaminius, celui qui, étant consul, perdit la bataille de Trasimène, avait, durant son tribunal, porté la quatrième loi agraire au sujet du Picenum, abandonné par les Gaulois (Brut., 14; de Senect. 4). L'an de Rome 615, les tribuns voulurent s'arroger le droit d'exempter du servira militaire dix citoyens, chacun à leur choix. L'un d'eux, C. Curialius, fit emprisonner les deux consuls P. Corn. Scipion Nasica et D. Junius Brutus. qui s'opposaient à leur prétention (Tite Live, Epit. lib. lV). L'histoire des Gracques et celle de Saturninus sont connues.

Neminem... tribunum. Quintus veut parler de P. Clodius, qui, ne pouvant être tribun en sa qualité de patricien, se fit adopter par le plébéien Fontéius, grâce à la protection de César. On sait qu'il fut l'auteur de l'exil de Cicéron.

Sullam probo. Sylla, dictateur, ne laissa aux tribuns que le droit d'intercession, et leur ôta la proposition des lois, ainsi que plusieurs autres privilèges que Pompée leur rendit plus tard. Une des fonctions des tribuns était en effet de porter secours; ceux qui les imploraient disaient: A vobis, tribuni, postulo, vt mihi auxilio sitis. Les tribuns répondaient: Auxilio erimus, vel non erimus (Tite Live, iv, 26; xxviii, 45).

X. Populi impetus. Montesquieu cite et commente ces paroles de Cicéron; il est du même avis que lui, et par de meilleures raisons (Esprit des Lois, Liv. v, ch. 8 et ch. 11.

422 Intercessor fregerat. Le tribun Octavius s'étant opposé à la loi agraire de Tib. Gracchus, celui-ci, sans tenir compte de son intercession, le fit déposer par le peuple. Ce trait d'audace poussa les patriciens à l'extrême, et quelques jeunes nobles, sous la conduite de Nasica, mirent à mort Tibérius. Ce fait explique la phrase de notre auteur, dont le sens n'est pas douteux, quoique les termes en soient défigurés. Le texte qu'on a suivi se rapproche d'une correction de Bentley.

XI. Gracchus in Lœnatem. P. Popillius Lénas, consul l'année qui suivit la mort de Tibérius, avait fait bannir tous ses amis. Pour se venger, Caïus fit passer, dix ans après, une loi qui traduisait devant le peuple tout magistrat qui aurait banni un citoyen sans jugement; et Lénas fut exilé (Brut., 34; pro Cluent., 35; Post red. ad Quirit., 3; in Sénat., 15). La loi agraire de Saturninus, en 644, portait que tous les sénateurs en jureraient l'observation, sous peine d'exil. Q. Métellus Numidicus refusa seul, et fut forcé de quitter Rome (Pro Sext.,16).

XII. Ejus decreta rata sunto. Cicéron veut populariser, d'une part, la composition du sénat, en ôtant aux censeurs le droit de le former à peu près arbitrairement; et de l'autre, augmenter son autorité, en donnant force de loi à ses décrets. C'est une application de ce système qui séduit tous les caractères doux et tous les esprits timides, de ce système de la fusion des contraires et du rapprochement des extrêmes. Cicéron, dans sa conduite comme dans ses doctrines politiques, prétendit toujours à maintenir cette balance si vainement cherchée entre l'élément démocratique et l'élément aristocratique, dont se composait à ses yeux le gouvernement de Rome: car, de son temps, on croyait aussi à la balance des pouvoirs. (Voyez les huit derniers chap. du Liv. xi de l'Esprit des Lois.)

Censorem quœrat interpretem. Quintus, encore plus attaché que son frère aux vieilles institutions, surtout lorsqu'elles sont conformes aux intérêts patriciens, réclame l'intégrité des privilèges de la censure, et son droit d'épuration sur le sénat. Atticus réplique par un sarcasme très-vif contre le sénat, qui, à la vérité, était plus corrompu que jamais, depuis que Sylla avait introduit dans cette assemblée la foule de ses créatures.

XIII. L. Lucullus. L'opulence presque fabuleuse de L. Lucullus est encore plus célèbre que ses exploits. Ses deux plus belles maisons de campagne étaient celles de Tusculum et de Misène. Ses richesses étaient la dépouille de l'Orient: il avait pillé Tigranocerte et d'autres villes d'Asie.

XV. Quamobrem suffragandi. Les raisonnements de Quintus ne sont pas sans valeur, et Morabin pense que Cicéron s'y rendait en secret. Avant la première loi tabellaria, le vote était public; les grands pouvaient surveiller les suffrages; et d'ailleurs ils les dirigeaient, parce qu'alors ils avaient de l'influence, ou ce que Quintus appelle de l'autorité. Plus tard, lorsque le progrès social leur eut ôté une partie de cette influence, ils prétendirent y suppléer par la menace et la violence; ils firent servir la complaisance du peuple à leurs intérêts et à leurs passions: le peuple alors fut moins libre. Que fallait-il faire, selon Quintus? Réprimer l'ambition des grands, fortifier les lois contre la brigue et les menées: c'est ce qui n'était guère possible. Le peuple, à qui les nobles inspiraient plus de crainte que de confiance, ne demandait plus qu'à se soustraire à leur pouvoir, à leur inspection, et une loi rendit le vote secret. Nouvel inconvénient: les suffrages échappèrent au contrôle des gens de bien, et surtout à celui de la publicité; la multitude ne suivit plus que des tribuns factieux ou ses propres caprices; la liberté du peuple périt, cette liberté qui consistait, selon Quintus, dans l'autorité des grands, c'est-à-dire dans l'influence morale, libre et paisible, sur le peuple. L'opinion de Montesquieu confirme celle de Quintus (Esprit des Lois, Liv. ii, ch. 2).

XVI. C. Popillium. Il y a peu à ajouter aux détails que donne l'auteur. Q. Gabinius, tribun, fit rendre sa loi Tabellaria l'an de Rome 614 (de Amic., 12; Pline, Ep.,iii, 20). L. Cassius, tribun, deux années après, fit passer la sienne, grâce à la protection de Scipion l'Africain, qui s'attira par là beaucoup de reproches, et malgré la résistance de son collègue. M. Antius Brison et du consul M' Lépidus (Brut., 25 et 27). En l'année 622, Carbon porta la loi Papiria: il était l'ami, le successeur de Tib. Gracchus. Onze ans après, il revint au parti de la noblesse, et la défendit; mais il en fut abandonné lorsque L. Crassus le mit en accusation, et il se donna la mort (Pro Mil., 3; Epist. fam., ix, 21; Brut., ibid.). Dans une guerre contre une tribu helvétique, dans le pays des Allobroges, C. Popillius, lieutenant de Cassius, en 645, n'avait sauvé son armée qu'en livrant ses bagages. C. Célius Caldus l'accusa du crime de haute trahison, perduellionis; et, comme l'accusation était hasardée, pour la faire réussir, il fit introduire dans ces jugements le scrutin secret.

M. Cicero. Ce Marcus Cicéron, aïeul des deux frères, ne quitta point Arpinum. Cicéron le cite ailleurs (de Or., ii, 66). Il dit ici que Gratidius soulevait les flots dans un vase (in simpulo, petit vase qui servait aux libations), c'est-à-dire qu'il excitait des troubles dans un petit endroit comme Arpinum; tandis que son fils devait exciter des tempêtes dans la mer Egée ou dans Rome. Ce fils est apparemment M. Marius Gralidianus, fils adoptif de Marius, citoyen turbulent. Il prit part aux troubles de la république, et fut tué par ordre de Sylla (de Off., iii, 20; Brut., 62; de Petit. cons., 3; Flor., iii, 21). Quelques-uns croient qu'il s'agit du grand Marius lui-même, qui proposa aussi une loi sur les suffrages. M. Émilius Scaurus fut deux fois consul, années 638 et 646.

XVII. Lex Maria. Toutes les lois que Cicéron abroge. étaient autant de précautions contre la publicité. La loi que Marius proposa pendant son tribunal, en 634, et pour laquelle il lutta si opiniâtrement contre les consuls Cotta et Métellus, en contenait plusieurs de ce genre. Chaque centurie, pour voler, allait se renfermer dans un enclos, septum ou ovile, auquel conduisait un étroit passage, élevé au-dessus du sol, et nommé pons ou ponticulus. C'était probablement sur ces ponts que les candidats ou leurs agents attendaient les citoyens pour leur demander leurs voix, et c'est pourquoi Marius les fit rétrécir.

Quamobrem lege nostra. Cicéron, en voulant concilier la publicité et le secret, invente une loi qu'Atticus a raison de trouver inintelligible. Il semble que l'auteur n'ait pas compris les objections qu'il met lui-même dans la bouche de son frère, et l'on dirait qu'il fait exprès de prendre à faux les expressions qu'il lui a prêtées.

XVIII. Tolli diem utile est. On employait souvent cet expédient lorsque la délibération prenait un mauvais tour, et qu'aucun magistrat ne s'entremettait pour l'ajourner. Alors par de longs discours on gagnait du temps, et l'on empêchait qu'elle eût un résultat. C'est ce que Caton fit une fois avec beaucoup de succès en 693, au rapport de Plutarque, pour éluder une proposition de César.

Conditione, fœdere. Le peuple romain prenait à sa solde par une loi, contractait amitié, c'est-à-dire faisait la paix a de certaines conditions, formait une alliance par un traité (Wagner).

XIX. De C. Carbonis seditione. Ce passage a des difficultés. Cicéron parle plusieurs fois de l'orateur L. Licinius Crassus, qui, très-jeune encore, intenta une accusation célèbre contre C. Papirius Carbon (de Orat., ii, 39 et 40). 423 Il avait vingt-un ans alors (ibid., iii, 20). C'était l'an de Rome 634, et en effet il était né l'an 613 (Brut., 42). Mais est-ce de ce Crassus et de cet événement qu'il s'agit? Morabin n'en doute pas, et il ajoute que le fait se passa sous le consulat de C. Claudius Pulcher et de M. Perpenna, et que Carbon était un tribun séditieux qui voulait tendre les tribuns indéfiniment rééligibles. Or, il faut savoir que le consulat de Claudius et de Perpenna, dont parle Morabin, est de l'an 661 de la fondation de Rome; qu'à cette époque Crassus avait quarante-huit ans, et même qu'il était censeur; enfin que Carbon fit la proposition sur la réélection des tribuns environ trente-deux ans auparavant. M. Wagner, qui n'a point commis cette méprise, trouve un autre consul du nom de Claudius Pulcher en 623. C'est l'année qui suivit le tribunal de Carbon et sa loi sur la réélection; mais il est prouvé qu'alors Crassus n'avait que dix ans. M. Wagner conclut que l'accusation, commencée apparemment dès cette année par son père, ne fut renouvelée par lui que dix ans après, et que c'est du père qu'il s'agit. Mais ne peut-on pas supposer aussi que lorsque, en 634, Carbon, qui sortait du consulat, se vit accuser par le jeune Crassus, il y eut sur cette affaire un rapport de Claudius, que Cicéron appelle consul, soit par inadvertance, soit parce qu'il n'était rapporteur de l'affaire au sénat qu'en qualité de consul de l'année qui avait suivi le tribunat de Carbon, et dans laquelle l'affaire avait été commencée?

XIX. In auspicio esse. Ceux qu'il charge d'observer les auspices. Apparemment les augures distingués faisaient prendre les auspices par un subalterne, et ne s'occupaient que d'en donner l'explication. Suivant une correction de M. Wagner, qui... jusserint, il faudrait traduire ceux qu'ils chargent d'observer les auspices.

Privilegium. Il y a évidemment ici deux dispositions: la première abolit les privilèges; c'était un privilège de la loi par laquelle Clodius fit prononcer l'exil de Cicéron. Ce dernier avait éprouvé et compris le vice de ces jugements rendus en forme de loi, qui tout à la fois créent le délit et la peine, et condamnent l'accusé. C'est là proprement le privilège, toujours odieux, même lorsqu'il est favorable (pro Dom., 17; pro Sext., 30). La seconde disposition défend de prononcer un jugement capital, si ce n'est dans les grands comices. Montesquieu trouve cette disposition admirable (Esprit des Lois, Livre xi, chap. 18). Les comices par tribus étaient beaucoup plus démocratiques. Le crime de haute trahison, celui de royauté, crimen regni, ne devaient être jugés que dans les comices par centuries (Tite Liv, vi, 20). Ceux-ci ne procédaient pas alors comme pouvoir législatif, mais comme pouvoir judiciaire. Ainsi les deux dispositions, l'une contre les priviléges, l'autre pour la compétence des grands comices, n'ont rien de contradictoire. D'ailleurs cette confusion de fonctions avait de grands inconvénients politiques.

XX. Ignominia sanciatur. Il faudrait peut-être généraliser cette disposition pénale, et, au lieu de l'appliquer exclusivement à la brigue et à la corruption, la regarder comme la sanction de toute la législation; alors elle devrait former dans la loi un article séparé.

Ad legesque revocabant. Voyez sur les gardiens des lois, Platon, Lois, passim; Aristote, Polit., vi, 8; Fénelon, Télémaque, Livre v; Rousseau, Gouvernement de Pologne, c. 13, etc. A Rome, les décrets du sénat, anciennement conservés dans le temple de Cérès par les soins des édiles, furent plus tard déposés au trésor, ainsi que les autres lois (Tite Live, iii, 9 et 55). Mail il paraît que ce mode de dépôt et de conservation n'offrait pas des garanties suffisantes. — II y avait aux environs de la place publique des boutiques occupées par des libraires, c'est-à-dire des copistes, qui tenaient recueil et délivraient copie des lois à ceux qui en avaient besoin. Les appariteurs ou huissiers dont il est ici question, étaient des officiers aux ordres des magistrats.

Constitutis accusatoribus. Les Athéniens constituaient en effet des accusateurs publics; mais je crois que ce n'était point une institution permanente. Il y avait à Athènes des magistrats devant lesquels on rendait ses comptes, et qui pouvaient infliger des amendes. «Les Romains étaient admirables; on pouvait faire rendre à tous les magistrats raison de leur conduite, excepté aux censeurs.» Montesquieu, Esprit des lois, Livre v, chap. 8.

M. Junius. Marcus Junius est sans doute un juris-consulte que citent Pline, xxxiii, 2; Varron, de L. L., v, 9, et Ulpien, Dig., i, tit. 13. Wagner croit que Sodalis est un surnom, et ne signifie point ici l'ami du père d'Atticus.